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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 10 septembre 2014, n° 12-22749

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pilotage Construction Rénovation (EURL)

Défendeur :

IGC (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thévenot

Conseillers :

Mmes Beaussier, Lesault

Avocats :

Mes Souhair, Gautier-Olaya, Mallet, Rumeau

TGI Bordeaux, du 16 déc. 2010

16 décembre 2010

Par convention de collaboration du 2 novembre 2000, la SAS IGC ayant une activité de promotion immobilière a passé un contrat de partenariat avec Pilotage Construction Rénovation (PCR) exerçant une activité de maître d'œuvre, en vue d'assurer l'organisation, la coordination et l'exécution de chantiers de construction de maisons individuelles.

La relation s'est poursuivie normalement jusqu'à l'année 2008, à partir de laquelle la SAS IGC a considéré que la qualité du travail fourni par PCR s'était dégradée.

Par courrier du 8 décembre 2008, IGC a fait savoir à PCR qu'en raison de nouvelles plaintes de clients, elle mettait un terme à la collaboration qui prendrait effet à l'achèvement des chantiers dont PCR était en charge.

Par jugement du 16 décembre 2010 le Tribunal de grande instance de Bordeaux, saisi d'une demande d'indemnisation de ses préjudices consécutifs à la rupture des relations commerciales, a débouté PCR de toutes ses demandes, a débouté IGC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et a condamné PCR à payer à IGC 1 500 euro au titre de ses frais irrépétibles.

PCR a relevé appel devant la Cour d'appel de Bordeaux le 17 janvier 2011 ; par ordonnance du 1er mars 2013, le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel irrecevable en application de l'article D. 442-3 du Code de commerce.

PCR a saisi la Cour d'appel de Paris le 14 décembre 2012 et par conclusions du 13 mars 2013 elle demande à la cour d'infirmer la décision et de condamner la société IGC à lui payer les sommes de 100 000 euro à titre de réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat sans délai de préavis d'un an minimum, 3 190,76 euro avec intérêts de droit au titre des factures numéro 2009743 et 2009745, 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 20 juin 2013, IGC demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société PCR. de l'intégralité de ses demandes, et condamner celle-ci à lui verser 7 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre une indemnité de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

SUR CE

Sur la rupture abusive du contrat PCR fonde sa demande indemnitaire sur l'article L. 442-6 5° du Code de commerce lequel dispose que le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans respecter la durée minimale de préavis tenant compte de la durée de cette relation engage la responsabilité de son auteur, cette disposition ne faisant toutefois pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations contractuelles.

En l'espèce, IGC et PCR étaient liées depuis le 2 novembre 2000 par une convention de collaboration, IGC ayant confié à PCR représenté par Monsieur Botella son gérant un rôle de coordinateur indépendant dans le cadre de certains de ses chantiers de construction de maisons individuelles ; PCR devait notamment, par des visites régulières, s'assurer que les travaux étaient réalisés dans les règles de l'art, ce jusqu'au terme de la construction y compris la "reprise des malfaçons éventuelles constatées durant la période légale et contractuelle" ; la convention prévoyait qu'IGC proposerait deux dossiers par mois, ce volume pouvant être modifié et que PCR n'était tenue à aucune exclusivité ; il était prévu une rémunération forfaitaire par dossier, réglable en deux versements, l'une à l'ouverture du chantier et l'autre à la régularisation d'une réception sans réserve.

Il est acquis que la relation commerciale s'est déroulée de façon normale jusqu'à l'année 2008 à partir de laquelle les relations entre les deux sociétés se sont détériorées, IGC reprochant à Monsieur Botella un manque de rigueur dans le choix des entreprises et dans le contrôle sur chantier.

Par courrier du 8 décembre 2008 IGC a indiqué mettre un terme à cette collaboration à l'achèvement des chantiers dont PCR était en charge.

PCR soutient que IGC a rompu brutalement leur relation commerciale dès le mois de septembre 2008 à partir duquel elle ne l'a plus informée des nouveaux dossiers et qu'elle ne l'a plus chargée régulièrement de nouveaux chantiers, que ses facturations en 2009 ne concernent que des chantiers précédemment ouverts, que les reproches quant à l'exécution de sa mission sont injustifiées, celles-ci concernant pour la plupart le suivi de la garantie de parfait achèvement dont elle n'était pas chargée, sa mission s'arrêtant à la réception sans réserve, que contrairement au courrier du 8 décembre 2008, IGC ne l'a pas laissée terminer les chantiers.

IGC oppose que c'est en raison du comportement fautif de PCR qu'elle a décidé le 8 décembre 2008 d'interrompre la relation commerciale, toutefois progressivement en laissant PCR terminer les chantiers en cours, que toutefois elle a dû intervenir à partir de juillet 2009 dans certains dossiers en raison du mécontentement des clients.

PCR ne démontre pas qu'IGC aurait rompu la relation commerciale avant son courrier du 8 décembre 2008.

Dans ce courrier, IGC donne pour motif à cette rupture que la réception de nouveaux courriers de clients, Monsieur Richet et Monsieur Pauzie, lui démontre que PCR n'avait pas tenu ses engagement de changement de comportement malgré l'entrevue du 20 octobre 2008.

IGC produit les courriers de Monsieur Pauzie du 27 novembre 2008 et de Monsieur Richet du 4 décembre 2008 qui se plaignent du comportement de Monsieur Botella (PCR).

Si ces deux courriers ne pourraient à eux seuls justifier la rupture d'une relation de 8 ans, force est de relever qu'ils font suite à des avertissements antérieurs par des notes internes de la part d'IGC (15 septembre et 7 octobre 2008) dont Madame Frapier assistante direction travaux atteste la communication à PCR.

De même, il est constant qu'il s'est tenu un entretien contradictoire le 20 octobre 2008, au cours duquel IGC a fait part à PCR de ses remarques ; c'est ainsi que dans son courrier du 21 octobre 2008 qui n'a pas amené de réponse de la part de PCR, IGC indique que dans le cadre de cet entretien destiné à faire le point sur les reproches récurrents, elle avait fait part à PCR de son intention, en raison de l'accumulation des plaintes, de mettre fin à leur partenariat, mais qu'elle y avait renoncé en raison des engagements de PCR de modifier son comportement.

Enfin, IGC verse divers courriers de clients exprimant leur mécontentement, qui même s'ils sont postérieurs au courrier de rupture du 8 décembre 2008, relatent des faits antérieurs à celle-ci et corroborent les griefs reprochés à PCR ; c'est ainsi que sont notamment produits les courriers des époux Lanuscou-Lassale du 22 janvier 2009, de Monsieur Dubrulle du 28 janvier 2009, de Monsieur Coste des 23 février et 29 mars 2009, ces courriers sont en contradiction avec l'attestation de satisfecit établie le 11 décembre 2008 à la demande de Monsieur Botella.

Il est versé par ailleurs des courriers de clients se plaignant de PCR dans le cadre du suivi en 2009 de chantiers en cours ou de désordres après réception.

PCR ne saurait opposer qu'elle n'était pas en charge des reprises après réception dès lors que la garantie de parfait achèvement entre dans la définition de sa mission de "reprise des malfaçons éventuelles constatées durant la période légale et contractuelle" laquelle s'entend des obligations de l'article 1792-6 du Code civil et subsiste à la charge de l'entreprise pendant 1 ans après la réception avec ou sans réserve.

Il sera à cet égard relevé que PCR n'a pas contesté avoir à intervenir pour des désordres apparus dans l'année, après réception sans réserve ; il en est ainsi notamment des reprises Pauzier qu'elle indique avoir assurées, des reprises Coste où elle serait intervenue sans résultat à plusieurs reprises après la réception, de la reprise Lanuscou.

L'ensemble de ces éléments établit la réalité d'un comportement fautif de PCR justifiant une rupture de la convention de collaboration, exclusive d'un délai de préavis en application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, étant relevé au surplus d'une part que PCR a été en mesure de terminer certains chantiers en 2009 et les a facturés, d'autre part que IGC ne bénéficiait d'aucune exclusivité ce qui a permis à PCR de faire en 2009 un chiffre d'affaires à peine inférieur à celui de 2008.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande relative au préjudice résultant de la rupture de la convention sera rejetée.

Sur les factures d'honoraires

PCR demande la condamnation de IGC à lui régler les factures n° 2009745 du 7 juillet 2009 relatif au dossier HELIS et n° 2009743 du 7 juillet 2009 dossier Gauthier d'un montant respectif chacune de 1 595,38 euro TTC.

IGC lui oppose que ces factures ne sont pas dues dans la mesure où PCR n'a pas mené à bout sa mission en ne levant pas les réserves à réception pour ces deux chantiers et qu'elle a du intervenir elle-même pour le faire.

S'il résulte du mail Richet du 4 décembre 2008 que le mécontentement du client à l'encontre de Monsieur Botella était tel que toute intervention de reprise par celui-ci était impossible sur ce chantier, il n'en est pas de même pour le chantier Gauthier que PCR aurait dû être en mesure de terminer et qui y a été empêchée par l'intervention d'IGC ; il sera donc fait droit à la demande relative à cette deuxième facture, avec intérêts à compter de l'assignation du 10 février 2010 valant mise en demeure.

Sur les autres demandes

Il n'est pas démontré que PCR aurait abusé de son droit à recours ; la demande de dommages et intérêts d'IGC pour procédure abusive sera rejetée.

L'équité commande d'allouer à IGC une somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Pilotage Construction Renovation relative à la facture n° 2009743 du 7 juillet 2009 dossier Gauthier, L'infirmant sur ce point, Condamne IGC à payer à la société Pilotage Construction Renovation la somme de 1 595,38 euro avec intérêts à compter du 10 février 2010, Y ajoutant, Condamne la société Pilotage Construction Renovation aux dépens et à payer à IGC la somme de 2 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel, Dit que les dépens seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.