Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-19.572
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Régional Intérim (SAS), Régional Intérim Saint-Brieuc (SARL), Régional Intérim du Penthièvre (SAS), Régional Intérim du Léhon (SAS)
Défendeur :
Gerinter Tertiaire (SARL), Gerinter Saint-Brieuc (SARL), Gerinter Vannes (SARL), Gerinter Lamballe (SARL), Gerinter Vitré (SARL), Gerinter Pontivy (SARL), Potion Magique (SARL), Gerinter (SAS), Gerinter Quimper (SARL), Gerinter Rennes Généraliste (SARL), Gerinter Rennes Industrie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. ESPEL
Avocat général :
M. Debacq
Conseillers :
Mmes Darbois (Raporteur), Riffault-Silk
Avocats :
SCP Boré - Salve de Bruneton, SCP Hémery - Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 mars 2013), que la société Régional intérim, créée en juillet 2003 et spécialisée dans le recrutement et la mise à disposition de personnel intérimaire, utilise, à titre de nom commercial, la même appellation avec un logo en couleurs ; qu'elle est titulaire de la marque semi-figurative "régional intérim", déposée le 14 avril 2004 à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI), enregistrée sous le numéro 3286937 pour désigner des produits et services dans les classes 35, 37 et 41, notamment, conseils en organisation et direction des affaires, bureaux de placement ; que les autres sociétés appartenant au même groupe exercent leur activité sous une dénomination sociale identique à la marque susvisée ; que la société Gerinter, créée en 1978, et les sociétés qui lui sont affiliées, qui interviennent dans le même domaine d'activité, utilisaient, à titre d'enseigne et de nom commercial, l'expression " Gerinter-Intérim votre partenaire régional " inscrite dans un rectangle en couleurs ; qu'invoquant le risque de confusion résultant du changement, en 2005, de leur nom commercial devenu " Gerinter, l'intérim régional " dans une configuration inchangée, avec leurs dénominations sociales et leur nom commercial, risque aggravé par la proximité géographique des agences, les sociétés Régional intérim, Régional intérim Saint-Brieuc, Régional intérim du Penthièvre et Régional intérim du Léhon (les sociétés Régional intérim) ont fait assigner les sociétés Gerinter, Gerinter tertiaire, Gerinter Saint-Brieuc, Gerinter Vannes, Gerinter Lamballe, Gerinter Vitré, Gerinter Pontivy, Gerinter Quimper, Gerinter Quimperlé, Gerinter Rennes généraliste et Gerinter Rennes industrie (les sociétés Gerinter) pour concurrence déloyale ; que les sociétés Gerinter les ont fait assigner en nullité de leur marque et ont appelé en garantie la société Potion magique, concepteur du logo litigieux ;
Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Régional intérim font grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation de la marque semi-figurative "régional intérim" enregistrée à l'INPI le 14 avril 2004 sous le numéro 3286937, ordonné l'inscription de la nullité de la marque au registre national des marques et rejeté l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés Gerinter, alors, selon le moyen : 1°) que l'appréciation du caractère distinctif ou non d'une marque doit se faire au regard de la marque prise dans son ensemble ; qu'en ne se fondant, en l'espèce, que sur les éléments verbaux de la marque semi-figurative contestée sans rechercher si la marque semi-figurative prise dans son ensemble n'était pas distinctive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ; 2°) qu'en toute hypothèse, une marque peut acquérir un caractère distinctif par l'usage qui en est fait par son titulaire ; qu'en prononçant l'annulation de la marque semi-figurative contestée au motif qu'elle serait dépourvue de caractère distinctif sans rechercher si elle n'avait pas acquis un caractère distinctif suffisant par l'usage qui en avait été fait par son titulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ; Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des écritures d'appel que les sociétés Régional intérim aient prétendu, d'un côté, que la marque "régional intérim" no 3286937 comportait des composantes figuratives qui devaient être prises en compte dans l'appréciation de son caractère distinctif, de l'autre, que cette marque avait acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable, ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Régional intérim font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes pour concurrence déloyale formées à l'encontre des sociétés Gerinter et Potion magique, alors, selon le moyen : 1°) que l'action en concurrence déloyale suppose seulement l'existence d'une faute, sans requérir un élément intentionnel ; qu'en se fondant, en l'espèce, sur la circonstance qu'" aucun élément ne démontre que le but recherché par les sociétés Gerinter, en utilisant dans leur enseigne commerciale et leurs messages publicitaires l'expression l'Intérim régional [....] a été autre qu'une modernisation d'un slogan ancien et qu'elles aient cherché, ce faisant, à provoquer un risque de confusion dans l'esprit du public avec la dénomination des sociétés concurrentes ", et donc sur l'absence d'élément intentionnel pour débouter les sociétés Régional intérim de leur action en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Gerinter, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ; 2°) qu'elles avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel que la différence de taille entre les caractères utilisés pour écrire Gerinter et Intérim régional n'était pas de nature à empêcher la confusion avec les sociétés Régional intérim sur internet ; qu'en déboutant celles-ci de leur demande au motif que " la taille des caractères utilisés pour rédiger [l'adjonction Intérim régional] est plus réduite que celle du nom proprement dit des sociétés [Gerinter] " en s'abstenant de répondre à ce moyen essentiel des conclusions des sociétés Régional intérim, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le nouveau logo des sociétés Gerinter n'était que la contraction du terme "intérim" associé à l'expression "votre partenaire régional" qu'elles utilisaient, adjoint à leur nom, de façon habituelle depuis 1978, sans changement du code couleur bleu, blanc et noir, de la police des caractères ni du format rectangulaire, l'arrêt retient qu'au-delà de l'antériorité de l'utilisation combinée des vocables usuels "intérim" et "régional", la formule sous laquelle ces sociétés communiquent désormais n'est pas de nature à entraîner la confusion avec le nom des sociétés Régional intérim dans la mesure où elle conserve en accroche et de manière distinctive le nom Gerinter, élément identifiant par sa position et la taille plus importante de ses caractères, et où l'adjonction incriminée ne constitue que l'adaptation du slogan déjà existant, cependant que les termes "Régional intérim" sont utilisés seuls avec un code couleur bleu, jaune et blanc, dans une présentation carrée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines dont elle a déduit que l'adjonction des termes "intérim" et "régional" au nom et à la dénomination sociale Gerinter n'était pas fautive, de sorte qu'aucune atteinte à la dénomination sociale de la société Régional intérim et au nom commercial des sociétés du même groupe constitutive de concurrence déloyale ne pouvait être imputée aux sociétés Gerinter, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.