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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 septembre 2014, n° 12-08855

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

High Tech Ceramic (Sté), Cera Plast SRO (Sté)

Défendeur :

Vitry Frères (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Vallet-Pamart, Jardel, Marcilhac, Olivier, Jozon-Briend

T. com. Paris, 15e ch., du 20 janv. 2012

20 janvier 2012

Le 14 janvier 1999, la SA Vitry Frères a déposé à l'INPI un modèle de râpe pédicure, dont elle a confié la fabrication à la société de droit allemand High Tech Ceramic.

La société High Tech Ceramic a facturé à la société Vitry Frères les frais de trois moules et a sous-traité la production des râpes pédicure à la société de droit tchèque Cera Plast SRO.

Courant 2008, la société Vitry Frères a changé de fournisseur et a importé de Corée le manche et la pierre de la râpe qu'elle assemble dans son usine. La pierre est fabriquée par la société japonaise Showa Denko.

Par courriel du 23 avril 2008 la société High Tech Ceramic indiquait à la société Vitry Frères qu'elle avait connaissance de ce qu'elle se fournissait auprès d'une société coréenne en râpe pédicure.

Par courriel du 5 juin 2008, la société High Tech Ceramic a donné à la société Vitry Frères un délai jusqu'au 15 juin 2008 pour lui régler les factures non payées.

Par courrier du 10 septembre 2008, le conseil de la société High Tech Ceramic a demandé à la société Vitry Frères de régler la somme de 68 218,15 euro.

Entre le 10 octobre et le 19 décembre 2008, la société Vitry Frères a versé à la société High Tech Ceramic la somme de 40 379 euro.

Le 12 mai 2009, les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast ont assigné la société Vitry Frères devant le Tribunal de commerce de Paris, au visa des articles 1382 du Code civil et L. 120-1 du Code de la consommation, en lui reprochant des actes de concurrence déloyale résultant de l'utilisation de la dénomination mensongère de râpe céramique.

Par jugement avant dire droit du 5 mars 2010, le tribunal de commerce a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. Claude Lion.

L'expert judiciaire a déposé un rapport le 17 septembre 2010.

Lors de l'audience des plaidoiries du 18 novembre 2011, l'expert judiciaire a été entendu.

Par jugement du 20 janvier 2012 le tribunal de commerce a :

- dit les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast recevables mais mal fondées ;

- débouté les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast toutes leurs demandes ;

- dit la société Vitry Frères recevable dans ses demandes reconventionnelles ;

- ordonné et condamné en tant que de besoin, aux sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast de restituer à la société Vitry Frères en état d'usage les trois moules lui appartenant et ce sous astreinte de 300 euro par jour de retard, passé le délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, l'astreinte étant limitée à une période de trois mois à l'issue de laquelle il pourra à nouveau être fait droit ;

- débouté la société Vitry Frères de ses autres demandes ;

- condamné in solidum la société High Tech Ceramic et la société Cera Plast à payer à la société Vitry Frères la somme de 12 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société High Tech Ceramic et la société Cera Plast à supporter les frais d'expertise de M. Claude Lion ;

- condamné in solidum la société High Tech Ceramic et la société Cera Plast aux dépens de l'instance.

Le 14 mai 2012 les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 12 février 2013 le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise formée par les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast.

Vu les dernières conclusions, déposées le 9 mai 2014, par lesquelles les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast demandent à la cour de :

Aux visas des articles 1382 et 1383 du Code civil, L. 120-1 et L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, 132, 143 et suivants, 153, 232, 263 et suivants du Code de procédure civile, L. 441-6 du Code de commerce dans sa version issue de la loi du 1er juillet 1996 :

Avant dire droit :

- nommer un nouvel expert spécialisé en chimie minérale avec les missions suivantes :

* Convoquer les parties dans le respect du principe du contradictoire,

* Entendre tout sachant qu'il estimera utile ;

* Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles et nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

* Se rendre en tout lieu qui lui paraîtra nécessaire ;

* Dire si la qualification de "céramique'' pour le corindon constituant la matière abrasive des râpes incriminées de la société Vitry est légitime ou impropre ;

* Mener contradictoirement ses opérations d'expertise et, dans la mesure où il l'estimerait nécessaire, faire connaître aux parties son avis, oralement ou par écrit au moyen d'une note de synthèse en vue de recueillir leurs dernières observations, avant le dépôt de son rapport ;

* Dresser son rapport du tout afin qu'il soit éventuellement et ultérieurement statué par toute voie de droit ;

- fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,

- fixer le délai dans lequel l'expert désigné devra déposer son rapport,

- débouter la société Vitry Frères de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,

A titre subsidiaire et en tout état de cause, de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que la société Vitry Frères commercialise une râpe pédicure sous l'appellation "céramique'' alors qu'aucun de ses composants n'est de la céramique ;

- dire que la société Vitry Freres s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale ;

En conséquence :

- débouter la société Vitry Frères de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

- condamner la société Vitry Freres à verser aux appelantes la somme de 672 916,65 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de concurrence déloyale ;

- condamner la société Vitry Frères à verser la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts à chacune des appelantes en réparations de leur préjudice de notoriété et d'image ;

- condamner la société Vitry Frères à verser la somme totale de 24 340 euro due à la société High Tech Ceramic au titre des intérêts de retard ;

- interdire la poursuite de la commercialisation déloyale des râpes pédicures avec la mention de "céramique'' sur ses emballages par la société Vitry Frères, sur quelque territoire que ce soit et en quelque lieu que ce soit, sous astreinte de 4 000 euro par infraction constatée ;

- ordonner la destruction, aux frais de la société Vitry de l'intégralité des stocks des produits jugés déloyaux dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard ;

- ordonner la publication en français et en anglais du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site internet : www.vitry.com dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard ;

- ordonner la publication en français de la décision à intervenir dans cinq revues ou journaux au choix de la société High Tech Ceramic et aux frais de la société Vitry, limitant chaque insertion à la somme 8 000 euro ;

- autoriser la société High Tech Ceramic à diffuser, en toutes langues de son choix, la décision à intervenir sur son site Internet ;

En tout état de cause :

- condamner la société Vitry Frères au versement des frais d'expertise ;

- condamner la société Vitry Frères à régler à la société High Tech Ceramic la somme de 20 000 euro et à la société Cera Plast à la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Vitry Frères aux entiers dépens de la présente procédure, en ce compris les frais d'expertise, qui seront recouvrés, en ce qui la concerne, par Maître Joëlle Vallet-Pamart conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, notifiées le 19 mai 2014, par lesquelles la société Vitry Frères demande à la cour de :

Aux visas des articles 1382 du Code civil, 564, 283 et 245 du Code de procédure civile

Sur la demande de nouvelle expertise :

- déclarer irrecevable comme nouvelle, au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, la demande de nouvelle expertise présentée pour la première fois en cause d'appel par les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast ;

- subsidiairement, dire et juger que la demande de nouvelle expertise, formulée par les appelantes avant tout débat de fond sur l'action en concurrence déloyale, est nécessairement prématurée et sans fondement ;

- en tout état de cause, dire et juger que la question de la qualification céramique ou non du corindon, que les appelantes souhaitent voir posée au nouvel expert, a été clairement tranchée par l'expert Claude Lion qui, en présence des parties, a confirmé le caractère céramique du corindon, lors de l'audience de réouverture des débats devant le tribunal du 18 novembre 2011 ;

- en conséquence, débouter les appelantes de leur demande de nouvelle expertise qui s'apparente à une demande de contre-expertise et qui s'avère inopportune ;

Au fond

- déclarer les appelantes mal fondées en leur appel ;

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté tout acte de concurrence déloyale de la part de Vitry Frères et a débouté purement et simplement les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast de toutes leurs demandes y afférentes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté purement et simplement la société High Tech Ceramic de sa demande relative aux intérêts de retard ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Vitry Frères recevable en ses demandes reconventionnelles ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné aux sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast de restituer sous astreinte à la société Vitry Frères en état d'usage les trois moules lui appartenant, celui du manche et ceux des deux pierres ;

- fixer le montant de l'astreinte à 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement de première instance et sans restriction de durée ;

- infirmant le jugement entrepris, condamner in solidum les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast à payer à la société Vitry Frères la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast à payer à la société Vitry Frères la somme de 12 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal ;

Y ajoutant, condamner in solidum les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast à payer à la société Vitry Frères la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast à supporter les frais d'expertise de M. Claude Lion ainsi que les dépens de première instance ;

Y ajoutant, condamner in solidum les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast aux entiers dépens de l'instance d'appel qui pourront être directement recouvrés par la SCP Lagourgue et Olivier sur le fondement des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé, LA COUR :

Sur la demande d'expertise :

Considérant que les appelantes sollicitent une expertise complémentaire aux motifs que le rapport d'expertise judiciaire déposé le 17 septembre 2010 est imprécis, l'expert ne tranchant pas la question de savoir si le corindon est ou non de la céramique ; que la cour n'a pas accès aux déclarations orales faites par l'expert devant le tribunal ; que l'interprétation du tribunal, qui a considéré que le corindon était constitué de céramique, est scientifiquement erronée ; qu'elles ont produit aux débats les avis de deux experts judiciaires près les cours d'appel de Paris et de Versailles, spécialisés en chimie minérale, qui constituent des éléments nouveaux justifiant la demande d'expertise complémentaire, laquelle ne constitue pas une demande nouvelle, ni même une contre-expertise ;

Considérant que la société Vitry Frères soutient que la demande d'expertise est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel et subsidiairement qu'elle est dépourvue de tout fondement ; que les appelantes veulent focaliser l'attention de la cour sur la question de la qualification céramique ou non du corindon, afin de masquer à la cour l'absence de fondement de leur action en concurrence déloyale ;

Considérant que la cour dispose du rapport d'expertise judiciaire contradictoire déposé le 17 septembre 2010 par M. Lion, ainsi que de deux avis versés aux débats par les appelantes, la note relative à la notion de céramique et de corindon établie par M. Legendre et l'avis de M. Cécile sur le point de savoir si le corindon et une céramique ou non ; que la cour dispose également de deux avis produits par la société Vitry Frères, la lettre du 3 novembre 2011 de la société ICAR, spécialisée dans le domaine des matériaux céramiques et réfractaires, rattachée à la Société Française de Céramique, et la lettre du 4 novembre 2011 du CRITT (centre régional d'innovation et de transfert de technologie), ainsi que d'un courrier en date du 28 octobre 2011 de la Société Française de Céramique ;

Considérant qu'en l'état des documents et avis scientifiques régulièrement versés aux débats en complément du rapport d'expertise judiciaire, sur lesquels les parties ont pu s'expliquer, la cour s'estime suffisamment informée ; que la demande d'expertise formulée par les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast doit être rejetée ;

Sur la concurrence déloyale :

Considérant que les appelantes soutiennent que la société Vitry Frères commercialise des râpes comportant la dénomination "râpe plantaire céramique" sur leurs emballages alors que ces râpes ne contiennent aucune céramique ; que les râpes commercialisées par la société Vitry Frères sont constituées de polymères époxydes pour la partie support que la râpe, de résine et de corindon pour la partie abrasive ; que ni le polymère, ni la résine, ni le corindon ne sont de la céramique ; que seule la râpe distribuée par la société High Tech Ceramic est de la vraie céramique ; que le consommateur est trompé, au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation, par la mention erronée portée sur l'emballage des râpes de la société Vitry Frères, qui est susceptible de créer une confusion entraînant une situation de concurrence déloyale ;

Considérant que la société Vitry Frères expose qu'aucun des éléments constitutifs d'une concurrence déloyale n'est établi ; que le caractère céramique de la râpe qu'elle commercialise est démontré par les pièces produites aux débats ; que le corindon, qui est fixé sur le support des râpes commercialisées par chacune des parties, est un minéral obtenu par fusion de l'alumine à très haute température ; que seul importe la nature du corindon qui donne à la râpe son caractère abrasif et donc efficace et non la partie support de la pierre ;

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que "la partie 'active' qui assure la fonctionnalité de la râpe plantaire et son efficacité côté recto (râpe) est la même" sur les produits examinés Cera Plast ou Vitry Frères, "il s'agit d'un dépôt de corindon (oxyde d'aluminium)" ; qu'en revanche, "le support de cette partie 'active' (verso) est totalement différent dans les deux produits", il s'agit d'une céramique pour le produit Cera Plast et d'un polymère pour le produit Vitry Frères ;

Considérant que seule importe la partie active de la râpe plantaire qui assure son efficacité ; que tant sur le produit Cera Plast que sur celui de Vitry Frères la partie active est constituée d'un dépôt de corindon ; que sur le produit commercialisé par les appelantes le corindon est soudé sur un support céramique, alors que sur le produit commercialisé par la société Vitry Frères, le corindon est collé sur de la résine ;

Considérant qu'il résulte du courrier du 28 octobre 2011 de la société française de céramique que "le corindon est une espèce minérale cristallisée de formule Al2O3. Il entre dans la composition des produits céramiques tels que les réfractaires, céramiques techniques ou céramiques traditionnelles" ; que dans son courrier du 4 novembre 2011 le CRITT indique que "les céramiques sont des matériaux inorganiques qui résultent de la combinaison d'un certain nombre d'éléments métalliques (Mg, Al, Fe...) avec des éléments non métalliques dont le plus courant est l'oxygène. Le terme céramique est réservé aux oxydes tels que la silice SiO2, l'alumine Al2O3, la Zircone ZrO2...."; que dans son courrier du 3 novembre 2011, la société ICAR, spécialisée dans le domaine des matériaux céramiques et réfractaires, donne la définition suivante du terme corindon "on appelle corindon, l'alumine Al2O3 issue d'une fusion à haute température dans un four à arc. A ce titre, le corindon est une forme d'alumine et donc une céramique" ;

Considérant qu'il résulte de ces avis que l'alumine ou oxyde d'aluminium, dont le corindon est une variété, est une céramique oxyde monolithique classée dans les céramiques industrielles ; que ces courriers corroborent l'avis donné oralement et contradictoirement par l'expert judiciaire lors de l'audience du 18 novembre 2011 devant le tribunal de commerce ;

Considérant que cette définition du corindon est reprise dans l'avis technique donné par M. Cécile, qui mentionne "le corindon, c'est un minéral constitué essentiellement d'oxyde d'aluminium, Al2O3, c'est donc un aluminoxyde, donc une alumine... La nature la plus commune et connue du corindon est l'émeri... Le corindon et l'émeri sont produits industriellement par la cuisson à plus de 1 000° C de l'hydroxyde d'aluminium (Al(OH)3)" et "les céramiques techniques entrent dans trois catégories différentes : - les oxydes : oxyde d'aluminium, oxyde de zirconium";

Considérant que dans sa note du 5 octobre 2012, le professeur Legendre écrit "le corindon est un minéral naturel de la famille des hématites, c'est une variété d'alumine (Al2O3)..." et "le terme céramique ne s'applique que pour les matériaux constitués par plusieurs composés minéraux, comme les oxydes, ... Et qui ont subi un traitement thermique ayant pour but de modifier les phases cristallographiques des composés constitutifs" ; que bien que Messieurs Cécile et Legendre concluent que le corindon n'est pas une céramique, il apparaît que le corindon, minéral naturel, obtenu par fusion de l'alumine à très haute température est une céramique industrielle, comme l'a retenu l'expert judiciaire ;

Considérant qu'en conséquence, l'indication "râpe plantaire céramique" figurant sur les produits commercialisés par la société Vitry Frères n'est pas erronée et ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse ; qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvant être reproché à la société Vitry Frères, les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast doivent être déboutées de leurs demandes à ce titre ;

Sur la demande en paiement au titre des intérêts de retard :

Considérant que la société High Tech Ceramic expose que la société Vitry Frères était débitrice, fin septembre 2008, de la somme de 47 963,14 euro en principal au titre du solde de factures impayées du 21 janvier 2005 au 29 août 2008 ; que, si par plusieurs versements réalisés entre octobre et décembre 2008, la société Vitry Frères a réglé sa dette en principal, elle n'a pas réglé les intérêts de retard ;

Considérant que la société High Tech Ceramic sollicite la condamnation de la société Vitry Frères à lui verser la somme de 24 340 euro au titre des intérêts de retard, en faisant valoir qu'étant une société de droit allemand les factures qu'elle émet sont soumises à la réglementation issue du BGB qui prévoit, en ses articles 286 et 288, qu'entre professionnels le retard de paiement du principal entraîne de plein droit le versement d'un intérêt moratoire au taux de 8 %, sauf si les parties conviennent d'un taux supérieur ; qu'il était convenu entre les parties que le taux des intérêts de retard serait de 9,75 % par jour de retard à compter de la date de paiement de la facture, soit la somme de 17 494,70 euro au 29 août 2008 ; qu'à cette somme s'ajoute les intérêts de retard déjà facturés et non réglés par la société Vitry Frères, pour un montant de 6 845,30 euro ;

Considérant que la société Vitry Frères expose qu'elle n'a jamais accepté l'application d'un taux d'intérêt de 9,75 % l'an ; que ce taux ne figure sur aucune facture ; que la demande de la société High Tech Ceramic, dont le fondement et le montant n'ont cessé de changer, n'est fondée sur aucun justificatif ;

Considérant que la société High Tech Ceramic verse aux débats un tableau récapitulant les sommes dues par la société Vitry Frères et les intérêts de retard au taux de 9,75 % ; que ce document sans en-tête, qui a été établi par ou à la demande de la société High Tech Ceramic, n'a aucune force probante ; que l'appelant verse également un courriel du 5 juin 2008 de M. Rieser mentionnant "pour les intérêts nous t'enverrons une facture" ;

Considérant que l'appelante produit un courrier du 10 septembre 2008 par lequel son avocat réclame à la société Vitry Frères le paiement de la somme de 68 218,15 euro au titre du solde, des intérêts légaux et des honoraires, le courrier indique "le relevé de solde au 22 septembre 2008 majorés par les intérêts légaux" ; que le relevé de solde joint à ce courrier mentionne, outre une créance principale de 65 786,85 euro et des intérêts à hauteur de 790,14 euro, une somme de 47 963,14 euro à titre d' intérêts de retard en application de l'article 247 du BGB ;

Considérant que pour justifier sa demande en paiement d'intérêts de retard, la Société High Tech Ceramic produit des documents qu'elle a elle-même établi ; que l'appelante ne rapporte pas la preuve que les parties ont convenues d'appliquer des intérêts de retard de 9,75 %, ni de faire application du droit allemand ; que la société High Tech Ceramic doit être déboutée de sa demande au titre des intérêts de retard ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Vitry Frères :

Considérant que la société Vitry Frères n'étant plus débitrice de la société High Tech Ceramic depuis le mois de décembre 2008, cette société n'est pas en droit de conserver des moules qui sont la propriété de la société Vitry Frères et qui sont nécessaires à son activité ; que le jugement sera confirmé de ce chef et l'astreinte portée à 500 euro par jour ;

Considérant que la société Vitry Frères soutient que les appelantes ont abusé de leur droit d'ester en justice dans le but d'obtenir une indemnisation et la reprise du stock de râpes à la suite de sa décision de changer de fournisseur ;

Considérant que l'intention de nuire des appelantes, qui ont exercé une action qui leur était légalement ouverte, n'est pas démontrée ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Vitry Frères de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement sauf en sa disposition ayant fixé à 300 euro le montant de l'astreinte prononcée, Et statuant de nouveau, Fixe le montant de l'astreinte à 500 euro par jour de retard, Et y ajoutant, Déboute les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast de leur demande d'expertise, Condamne in solidum les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast à payer à la société, Vitry Frères la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne in solidum les sociétés High Tech Ceramic et Cera Plast aux dépens d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du Code de procédure civile.