CA Bordeaux, premier président, 16 septembre 2014, n° 14-01519
BORDEAUX
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Sade CGTH (Sté)
Défendeur :
Direction Régionale des Entreprises, Concurrence Consommation, Travail et Emploi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bougon
La société Sade CGTH relève appel de l'ordonnance du 21 juin 2013 par laquelle le juge de la liberté et de la détention du Tribunal de grande instance de Bordeaux autorise la DIRECCTE à procéder, ou faire procéder, dans ses locaux <adresse>, à des visites et saisies visant à rechercher la preuve d'agissements, qui entreraient dans les pratiques prohibées par les dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce, relevés dans le secteur des travaux de canalisation. L'ordonnance du juge de la liberté vise des marchés de travaux passés par la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) en février 2011, juillet 2011, et par la communauté urbaine du grand Toulouse (CUGT) en octobre 2012. La société Sade CGTH précise qu'elle n'a répondu qu'aux appels d'offres de la CUB.
La société Sade CGTH poursuit l'annulation de l'ordonnance déférée et, en conséquence, demande la restitution des documents saisis. Elle voudrait également qu'il soit fait interdiction à la DIRECCTE, et à toute autorité publique, de faire utilisation des documents irrégulièrement saisis. A l'appui de son recours elle fait valoir que le juge des libertés ne disposait pas d'éléments suffisants pour fonder une autorisation de visite dans ses locaux et notamment il n'avait aucun indice laissant présumer la participation de la société Sade CGTH à une pratique illicite à l'occasion des trois appels d'offres visés par son ordonnance.
Elle explique que les éléments retenus par le juge des libertés et de la détention ne constituaient que de simples constatations de faits ou des suppositions mais qu'ils ne sont pas de nature à faire présumer sa participation à des pratiques anticoncurrentielles.
Pour conclure au débouté du recours et à la régularité de l'ordonnance déférée, l'Administration fait valoir que le juge des libertés, pour autoriser les visites et saisies litigieuses, s'est appuyé sur un faisceau d'indices graves, précis et concordants permettant de suspecter des pratiques anticoncurrentielles prohibées. Ces indices résultent de l'examen des marchés à bons de commande passés par la CUB en février et juillet 2011 et par la CUTB dans le secteur des travaux d'assainissement qui révèle :
- une répartition parfaite de lots qualitativement et quantitativement identiques entre tous les groupements candidats techniquement bien notés, dont la Sade,
- une analogie de comportements à l'occasion de ces deux marchés passés par la CUB,
- une absence de toute justification économique manifeste et/ou raisonnable à ces comportements,
- une faible probabilité de l'occurrence de tels événements en dehors de tout échange d'information stratégique entre les membres des groupements candidats à ces appels d'offres.
- une confirmation des soupçons d'entente dans le secteur considéré par l'examen du marché toulousain qui révèle une répartition parfaite des trois lots entre les candidats techniquement bien notés, toujours sans justification économique.
Le Ministère public a visé le dossier de procédure.
SUR CE :
Le juge de la liberté et de la détention de Bordeaux, au titre des indices permettant de présumer l'existence de pratiques anticoncurrentielles dont la preuve est recherchée dans le domaine des travaux de canalisation d'assainissement, a examiné les éléments qui lui étaient soumis par l'Administration, à savoir trois marchés par appels d'offres, deux organisés par la CUB et le troisième par la CUTB.
Avec l'Administration, pour l'essentiel, il a constaté que ces appels d'offres étaient jugés sur les mêmes critères (capacité technique et prix), que le critère prix était identiquement prépondérant pour chacun des marchés examinés (70 %), qu'à ces différents appels d'offres ont répondu, au moins pour partie, les mêmes entreprises rassemblées en groupements à géométries variables et que les résultats des attributions font ressortir, dans les trois cas, que chacun des groupements techniquement bien notés a emporté un lot. Il a également constaté que l'analyse des prix du marché CUB de juillet 2011 révèle que la répartition entre les trois groupements bien notés a pour cause les écarts constatés sur les postes "installation de chantier", écarts qui n'ont apparemment aucune justification économique et que dans le marché CUTB les meilleures offres de chacun des attributaires ont pu se concentrer sur un lot différent de ceux visés par les concurrents.
Au terme de son analyse, qui révèle une répartition trop parfaite des marchés pour être due à de simples coïncidences, il était fondé à autoriser l'Administration à rechercher la preuve des pratiques anticoncurrentielles qu'elle soupçonne.
Dès lors qu'elle a participé à deux de ces marchés (les marchés CUB), soit à l'intérieur d'un groupement d'entreprises (marché de février 2011), soit comme mandataire d'un groupement d'entreprise (marché de juillet 2011), les indices ci-dessus relevés sont suffisants pour retenir son implication éventuelle. En effet, l'efficacité des pratiques soupçonnées suppose une participation active de tous ceux qui se sont vu attribuer un lot à chaque marché.
Par ces motifs, Vu le visa du ministère public, Disons le recours recevable en la forme, Confirmons l'ordonnance déférée, Condamnons la société Sade CGTH aux entiers dépens.