Livv
Décisions

Cass. com., 23 septembre 2014, n° 12-29.945

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Crystal Finance (SA)

Défendeur :

Grenon Andrieu, Equance (Sté), Bujon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Delaporte Briard, Trichet, SCP Piwnica, Molinié

Montpellier, du 23 oct. 2012

23 octobre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. Grenon Andrieu, Narchal et Martin, principaux actionnaires de la société Crystal finance, ont signé en 2004 un document intitulé "protocole transactionnel" prévoyant qu'à compter du 1er avril 2005 ils exerceraient leurs activités de façon autonome et indépendante, MM. Narchal et Martin poursuivant leur activité en commun au sein de la société Crystal finance, et M. Grenon Andrieu séparément la sienne, en créant à cette fin la société Equance ; que par un arrêt du 8 décembre 2009, devenu irrévocable, il a été jugé que ce protocole était devenu caduc le 2 avril 2005 et que M. Grenon Andrieu avait manqué à son obligation de négocier loyalement les conditions de la scission envisagée au protocole ; que la société Crystal finance, reprochant à M. Grenon Andrieu et à M. Bujon, secrétaire général de cette société, d'avoir mis en place une stratégie de dénigrement et de désorganisation par la société Equance, les a tous trois fait assigner en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale invoquée ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que le moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Crystal finance à l'encontre de M. Grenon Andrieu et de la société Equance, et ordonner par voie de conséquence la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société Crystal finance au préjudice de M. Grenon Andrieu, l'arrêt retient qu'il ne peut être fait grief à celui-ci, qui n'était tenu envers la société Crystal finance par aucune clause de non-concurrence, d'avoir, antérieurement au 8 décembre 2009, date à laquelle a été constatée la caducité du protocole d'accord, sollicité des salariés de la société Crystal finance pour rejoindre la société Equance, ni d'avoir indiqué aux agents commerciaux des zones géographiques desservies par sa société aux termes de l'accord du 30 novembre 2004 que, dorénavant, ils relevaient de la société Equance, ce qui les a conduits à rompre leur contrat d'agent commercial avec la société Crystal finance, ni enfin d'avoir avisé la clientèle de ces mêmes zones que la société Crystal finance était remplacée par une nouvelle entité, M. Grenon Andrieu ayant pu légitiment estimer que cet accord, bien que remis en question par deux de ses signataires, devait s'appliquer, comme l'y confortait le jugement de première instance et l'absence d'annulation du protocole ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si en produisant l'avenant frauduleux, signé par M. Grenon Andrieu, en sa faveur, dans le cadre d'une instance prud'homale l'opposant à son ancien employeur, en vue d'obtenir d'importantes indemnités complémentaires de rupture et de préavis, M. Bujon ne s'était pas rendu complice d'agissements tendant à la désorganisation interne de la société Crystal finance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Crystal finance à l'encontre de M. Bujon, l'arrêt retient que ce dernier n'était pas tenu d'une obligation de non-concurrence envers la société Crystal finance qui l'employait, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir choisi de suivre M. Grenon Andrieu lors de la décision de scission de cette entreprise, ni d'avoir déposé le nom de domaine et la marque "Equance" alors qu'il était encore salarié de la société Crystal finance, ni même d'avoir ultérieurement cédé cette marque à la société Equance, qui l'a embauché après son licenciement, tous ces faits s'inscrivant dans l'accord du 30 novembre 2004 et dans la décision de scinder la société Crystal finance en deux entités ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si en produisant l'avenant frauduleux, signé par M. Grenon Andrieu, en sa faveur, dans le cadre d'une instance prud'homale l'opposant à son ancien employeur, en vue d'obtenir d'importantes indemnités complémentaires de rupture et de préavis, M. Bujon ne s'était pas rendu complice d'agissements tendant à la désorganisation interne de la société Crystal finance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 624 du Code de procédure civile ; - Attendu que la cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif portant condamnation au paiement de dommages-intérêts prononcée en faveur de M. Bujon au titre du caractère abusif de la procédure ;

Par ces motifs : et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et Annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Montpellier, autrement composée.