CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 septembre 2014, n° 11-08255
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Marc Dorcel (Sté), JMD Nantes (Sté)
Défendeur :
Consol Games (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Bremond, Vaisse, Vignes, Nedelec
Le 12 août 2006, la société Marc Dorcel, qui a pour activité l'édition et la distribution de programmes, produits et services érotiques et pornographiques, a ouvert, dans la zone commerciale de Lanester près de Lorient, en partenariat avec la société Jezedor, un magasin de vente au détail de produits dits "sexy" d'environ 300 m2 s'adressant à un large public, dénommé "Dorcel Store".
Par courriel du 8 novembre 2007, M. Ferrier, gérant de la société Consol Games, a pris contact avec la société Marc Dorcel en vue d'ouvrir un magasin "Dorcel Store" en franchise à Nantes. La société Marc Dorcel n'a pas donné suite à cette demande.
En avril 2008, la société Consol Games a ouvert, dans la zone commerciale de Nantes, un magasin exploitant, sous l'enseigne "Sexity", le même concept que celui du magasin "Dorcel Store".
Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 juin 2008, la société Marc Dorcel a mis en demeure M. Ferrier de cesser de plagier son concept.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 juillet 2008, l'avocat de la société Consol Games a contesté l'originalité du concept ainsi que l'imitation de la boutique "Dorcel Store".
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet 2008, la société Marc Dorcel a accusé la société Consol Games de parasitisme et l'a informée de son intention d'agir en justice.
Au mois de septembre 2008, la société Marc Dorcel a ouvert en partenariat avec la société JMD Nantes, qui a le même gérant que la société Jezedor, un magasin Dorcel Store dans la zone commerciale de Nantes.
Par acte du 19 mars 2009, les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes ont assigné la société Consol Games devant le Tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 27 novembre 2009, le tribunal de commerce a dit recevable, mais mal fondée, la société Consol Games en sa demande d'exception de compétence, s'est déclaré compétent et a enjoint les parties de conclure au fond.
Par jugement du 8 avril 2011, le tribunal de commerce a :
- dit que la société Consol Games s'est rendue coupable de concurrence déloyale par parasitisme au préjudice de la société Marc Dorcel,
- condamné la société Consol Games à verser à la société Marc Dorcel la somme de 10 000 de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues,
- débouté la société JMD Nantes de sa demande au titre du préjudice d'exploitation
- débouté la société Consol Games de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Consol Games à verser à la société Marc Dorcel la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société Consol Games à supporter les dépens.
Le 2 mai 2011, les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes ont interjeté appel du jugement rendu le 8 avril 2011 par le tribunal de commerce.
Le 19 mai 2011, la société Consol Games a interjeté appel de ce même jugement.
Par ordonnance du 6 décembre 2011, les deux procédures ont été jointes.
Vu les dernières conclusions, notifiées le 26 avril 2014, par lesquelles les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes demandent à la cour de :
Aux visas des articles 1382 du Code civil et L. 121 - 1 du Code de la consommation,
- dire la société Consol Games infondée en son appel,
- dire les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes recevables et bien fondées en leur appel,
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société Consol Games s 'est rendue coupable de concurrence déloyale par parasitisme, mais l'infirmer en ce qu'il a débouté de ce chef la société JMD Nantes des demandes au titre de son préjudice d'exploitation et en ce qu'il a limité à 10 000 l'indemnisation du préjudice causé à la société Marc Dorcel,
- infirmer le jugement en ce qu'il a, d'une part, exclu tout risque de confusion entre les deux concepts de boutiques, et d'autre part, décidé que le préjudice résultant des pratiques commerciales trompeuses et déloyales de la société Consol Games était purement éventuel et ne justifiait pas l'allocation de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau,
- constater que la société Consol Games s'est rendue coupable d'agissements de concurrence déloyale en imitant, dans son magasin "Sexity" de Nantes, le concept et la décoration du magasin "Dorcel Store" de Lanester/Lorient,
- constater de plus :
- d'une part que la publicité intitulée "Devenir Franchisé", diffusée sur le site www.sexity.fr de la société Consol Games, ainsi que les mailing qui sont actuellement diffusés par celle-ci, sont constitutifs d'agissements de concurrence déloyale et de pratiques commerciales trompeuses,
- d'autre part, que la communication réalisée sur ledit site concernant la prétendue existence d'un réseau de "boutiques Sexity (qui) envahissent la France" illustrée par des photographies du magasin "pilote" et du prétendu magasin franchisé de Troyes, est également fautive et trompeuse, en particulier pendant la période de mars 2012 à mars 2014 où la société Consol Games ne disposait plus que d'une seule boutique Sexity,
- constater enfin les agissements de concurrence parasitaire, dûment caractérisée par le jugement,
commis par la société Consol Games, au préjudice des sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes,
en conséquence,
- condamner la société Consol Games à verser à la société Marc Dorcel une indemnité de 100 000 à raison de la banalisation et dilution de son concept de boutique "Dorcel Store" consécutive aux agissements déloyaux d'imitation commis par la société Consol Games, et d'autre part, une indemnité complémentaire de 100 000 à raison du parasitisme de son travail et de ses investissements,
- condamner la société Consol Games à verser à la société JMD Nantes, d'abord une indemnité de 100 000 au titre du trouble commercial causé à celle-ci par lesdits agissements déloyaux d'imitation, ensuite une indemnité complémentaire de 100 000 au titre de l'avantage concurrentiel illicite que la société Consol Games a tiré de sa publicité trompeuse sur Internet, et enfin une somme provisionnelle de 500 000 , sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d'exploitation,
en conséquence,
- ordonner à la société Consol Games de procéder, sous astreinte de 500 par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, aux travaux d'aménagement suivants :
au plan des couleurs, d'abord :
supprimer la combinaison de couleurs fushia/rouge/violet qui caractérise le concept "Dorcel' Store" de la société Marc Dorcel,
supprimer l'emploi pour l'enseigne et la marque "Sexity" de la couleur rose fuchsia qui caractérise l'enseigne "Dorcel Store",
modifier la couleur du sol, actuellement blanc laqué, de la boutique "Sexity", au plan des agencements ensuite :
supprimer les présentoirs centraux de forme circulaire spécifiquement conçus pour le concept "Dorcel Store",
remplacer les panneaux muraux découpés et caractérisés par l'emploi d'une couleur distincte pour chaque zone par des panneaux muraux linéaires et de couleur uniforme,
modifier la forme, en arc de cercle, et l'emplacement, au centre du magasin, de la caisse qui caractérise le concept "'Dorcel Store",
supprimer le recours au système de séparation de zones du magasin au moyen de rideaux,
- ordonner également à la société Consol Games l'arrêt de la diffusion de photographies du magasin "Sexity", en particulier sur son site www.sexity.fr, sous astreinte de 500 par infraction constatée à l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner enfin la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir, aux frais de la société Consol Games, d'une part, sur le site www.sexity.fr, et d'autre part, dans trois revues et/ou journaux périodiques au choix de la société Marc Dorcel, à concurrence de 2 500 par publication,
- condamner la société Consol Games à verser, d'une part, à la société JMD Nantes et d'autre part, à la société Marc Dorcel la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christian Bremond, avocat, aux offres de droit dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions, notifiées le 5 mai 2014, par laquelle la société JMD Nantes,
demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ses dispositions faisant grief à la société Consol Games,
statuant à nouveau,
- débouter les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes de toutes leurs demandes,
- condamner in solidum pour dénigrement, en application de l'article 1382 du Code civil, les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes à payer à la société Consol Games la somme de 80 000 de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à son image commerciale et à sa réputation professionnelle,
- condamner in solidum les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes à payer à la société Consol Games la somme de 15 000 de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi que celle de 20 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- confirmer le jugement pour le surplus à savoir le débouté des sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale,
en tout état de cause,
- condamner les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes aux entiers dépens de première instance et d'appel, la SCP Baufume-Galland-Vignes étant autorisée à recouvrer ceux qui la concernent en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur la concurrence déloyale :
Considérant que les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes reprochent à la société Consol Games des agissements de concurrence déloyale par imitation, afin de bénéficier d'économies et d'un avantage concurrentiel injustifié dans le but de capter leur clientèle ;
Considérant que les appelantes soutiennent que, à partir de 2004, la société Marc Dorcel a conçu un concept nouveau de magasins ludiques et sophistiqués, destinés aux couples et ouverts à tous publics, implantés en zone commerciale, le concept de magasin "Dorcel Store" qui révolutionne le design de l'aménagement, l'ambiance, l'emplacement, la sélection des produits, et ce afin de déculpabiliser les clients potentiels de ce type de produits en leur consacrant un espace spacieux, aéré et gai, loin de l'univers et de l'atmosphère habituels des sex-shops ;
Considérant que les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes exposent que, bien que s'étant vu refuser à la fin de l'année 2007 une franchise Dorcel Store à Nantes, compte tenu de ce que l'ouverture d'une telle boutique était déjà programmée pour 2008, la société Consol Games s'est empressée d'implanter une boutique identique dans son agencement, son décor, sa sélection de produits, au concept "Dorcel Store", qui ne s'en différencie que par sa seule enseigne "Sexity", mais avec des couleurs roses et blanches semblables, et cela à seulement 200 m de la boutique Dorcel Store ouverte au mois de septembre 2008 ;
Considérant que les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes soutiennent également que la société Consol Games a imité, non seulement l'agencement et la décoration du magasin Dorcel Store ouverte en 2006 près de Lorient, mais également son concept innovant clairement identifié et individualisé, porteur d'une valeur économique ;
Considérant que les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes font valoir que cette concurrence déloyale par imitation s'est accompagnée d'autres pratiques déloyales ; qu'ainsi la société Consol Games a diffusé divers mensonges sur son site Sexity, d'une part, elle s'est attribuée une ancienneté remontant à 1996, alors que son magasin exploité à Nantes, de juin 1996 à mars 2008, était spécialisé dans les jeux vidéo et non dans le commerce spécifique des produits "sexy", d'autre part, la société Consol Games a laissé sur son site, de mars 2012 à mars 2014, une présentation fausse de son prétendu réseau de franchise, son unique franchisé ayant résilié le contrat de franchise au mois de mars 2012 ; qu'enfin, la société Consol Games a dénigré la boutique Dorcel Store sur de nombreux forums Internet ;
Considérant que la société Consol Games conteste le caractère novateur du concept des boutiques Dorcel Store en faisant valoir qu'il s'agit d'un mouvement général connu tendant à l'accroissement des surfaces de ce type de magasin et à leur implantation en zone périurbaine ; que le concept revendiqué par la société Marc Dorcel existe en France et à l'étranger depuis 1993 ; que cette implantation s'inscrit dans un mouvement de déghettoïsation des magasins érotiques, dont l'aménagement est marqué par une tendance de vente assistée en libre-service, avec exposition en rayonnages, la tendance décorative étant au design et à l'esprit bande dessinée ; que les appelantes ne peuvent s'approprier un style, une tendance décorative, la couleur rose ;
Considérant que la société Consol Games conteste l'existence de pratiques commerciales déloyales en soutenant que les magasins Dorcel Store et Sexity sont totalement différents, qu'il s'agisse de l'enseigne, de la façade, de la présentation et de l'agencement des produits, du mobilier, des couleurs ; qu'il ne peut lui être reproché d'utiliser les mêmes supports de communication que la société Marc Dorcel, d'autant que la communication des deux sociétés est très différente ;
Considérant que la société Consol Games conteste l'existence de pratiques commerciales trompeuses en exposant que la résolution judiciaire du contrat de franchise la liant à la société Trois C n'a été prononcée que par jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 27 février 2014 et que depuis elle a supprimé de son site Internet toute référence à son ancien franchisé ; qu'elle conteste également le grief de dénigrement fautif ;
Considérant que le fait de reproduire ou copier un produit ou une prestation, qui ne bénéficie d'aucune protection au titre du droit de propriété intellectuelle, n'est pas constitutif d'un comportement déloyal, dès lors qu'il n'en résulte aucun risque de confusion entre les produits, la prestation et les sociétés concurrentes ;
Considérant qu'il résulte de la documentation et des photographies versées aux débats, qui montrent l'intérieur et l'extérieur notamment des magasins "Love store Sexy Center" de Toulouse, "Love store Concorde de Paris, " Pulse & Cocktails" en Grande Bretagne ..., que le concept de vente au détail en libre-service de produits érotiques et pornographiques à destination d'un large public et notamment des femmes et des couples, dans des magasins design situés en ville ou en périphérie, existait en France et à l'étranger avant l'année 2000 ; que la société Marc Dorcel n'est pas la créatrice de ce concept de magasin, mais elle s'est inspirée de cette tendance pour créer son magasin "Dorcel Store" de Lanester près de Lorient, avec l'intention, en cas de succès, d'ouvrir d'autres magasins en France ;
Considérant que les appelantes soutiennent, sans le démontrer, avoir été les premières à implanter un magasin dans une zone commerciale en périphérie d'une ville de province ; que même si cela était exact, le fait pour des concurrents de faire le même choix d'implantation n'est pas fautif ;
Considérant qu'il résulte des photographies produites aux débats que l'aménagement des magasins Dorcel Store est calqué sur celui des magasins en libre-service, notamment ceux commercialisant le type de produits vendu par les appelantes, la société Marc Dorcel ayant toutefois cherché à personnaliser ses magasins dans le choix des meubles, de la décoration et de l'emplacement des produits ; que l'imitation du concept des magasins Dorcel Store par une société concurrente n'est pas fautif en l'absence de risque de confusion pour le public entre les magasins ;
Considérant que les nombreuses photographies et les plans produits montrent que, malgré l'utilisation du blanc et du rose, couleurs fréquemment utilisées dans ce secteur d'activité, les façades des magasins Dorcel Store et Sexity, qui utilisent chacun un élément figuratif très différent, ne se ressemblent pas et ne peuvent être confondues par les clients ; que si le plan du magasin, les couleurs et l'aménagement sont proches dans les deux magasins, néanmoins, et bien que les produits exposés à la vente soient les mêmes, les différences qui existent entre les magasins des deux enseignes dans les couleurs ( blanc, rouge, parme, bleu clair pour Dorcel Store et blanc, rose fuchsia, violet foncé, beige doré pour Sexity), la décoration, les meubles et la présentation des produits suffisent à les différencier ; qu'il n'existe aucun risque que les clients potentiels confondent les magasins Dorcel Store et Sexity, ni à l'extérieur, ni à l'intérieur ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites aux débats que la communication commerciale utilisée par la société Consol Games, qui emprunte les mêmes supports que les sociétés appelantes sans que cela puisse lui être reproché, repose sur un style différent, plus humoristique que celui de la société Marc Dorcel ; que les auteurs des commentaires critiquant sur des sites Internet le magasin Dorcel Store au bénéfice du magasin Sexity n'étant pas identifiés, aucun acte de dénigrement n'est démontré à l'encontre de la société Consol Games ;
Considérant qu'il est établi, d'une part, que la société Consol Games, qui jusqu'à l'ouverture de son magasin Sexity en avril 2008 n'avait aucune expérience dans le domaine des produits "sexy", a laissé entendre sur son site Internet qu'elle bénéficiait d'une expérience depuis 1996 ; que, d'autre part, la société Consol Games a laissé jusqu'au mois de mars 2014 la mention de l'existence d'un franchisé Sexity à Troyes alors que le contrat de franchise a été résilié au mois de mars 2012 ; que, même si la société Sexity n'a pas réussi à développer sa franchise, ces affirmations mensongères sont déloyales et ont causé un trouble commercial à la société Marc Dorcel qui intervient dans le même secteur d'activité et développe son propre réseau de franchise ;
Considérant que le jugement sera réformé en ses dispositions ayant débouté les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale résultant de la diffusion d'informations commerciales mensongères ;
Sur le parasitisme :
Considérant que les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes reprochent à la société Consol Games des agissements parasitaires, en exposant que cette dernière, dénuée d'expérience dans le
domaine des produits érotiques, a profité de la créativité et de la notoriété de la société Marc Dorcel pour se placer dans son sillage et devancer de quelques mois son magasin de Nantes ;
Considérant que la société Consol Games conteste le grief de concurrence parasitaire et fait valoir, d'une part, qu'elle a investi des sommes très importantes, 146 000 HT, entre janvier 2008 et mars 2009 lors du lancement de son magasin, alors que les investissements de la société Marc Dorcel se sont limités à la somme de 5 000 , et qu'il lui a fallu deux années d'études, de réflexion et de préparation pour réaliser son projet ; d'autre part, qu'elle conteste la véracité de l'attestation de Mme Pellerin ; qu'enfin, le local dans lequel est installé son magasin Sexity lui a été proposé fin juillet 2007 et elle en a fait l'acquisition par acte du 12 novembre 2007 ;
Considérant que la société Consol Games établit que fin 2007 elle a cédé le droit au bail des locaux dans lequel elle exploitait son activité de vente de jeux vidéo et qu'elle a signé le 12 novembre 2007 une offre d'achat du droit au bail de ses nouveaux locaux, puis le 28 décembre 2007 le bail desdits locaux, situés à Orvault, dans lesquels elle a installé son magasin Sexity ;
Considérant, cependant, que ces éléments n'établissent pas que, fin 2007, la société Consol Games avait pris la décision d'ouvrir un magasin Sexity ; qu'en effet, l'assemblée générale extraordinaire de cette société, qui s'est tenue le 2 janvier 2008, a modifié l'adresse du siège social de la société pour le fixer à Orvault, mais n'a pas modifié son objet social, qui était toujours à cette date "l'achat, la vente de jeux vidéo neufs et d'occasion, le dépôt vente, la vente de tous articles et accessoires s'y rattachant ainsi que les travaux et prestations informatiques" ; que des documents produits par la société Consol Games il apparaît qu'au mois de janvier 2008 cette société avait l'intention de poursuivre son activité de vente de jeux vidéo dans son nouveau local loué à Orvault ;
Considérant que dans son attestation, l'expert-comptable de la société Consol Games certifie que cette société a exposé différentes dépenses (site Internet, matériel et outillage, agencement, enseigne, matériel de bureau, mobilier, annonce de lancement de la campagne publicitaire, frais de publicité) pour un montant total de 146 374,74 HT "au moment de son installation, de janvier 2008 à mars 2009" ; que cette attestation démontre que la société Consol Games a exposé des frais pour le magasin Sexity à compter du mois de janvier 2008 ; qu'en revanche, la société Consol Games ne produit aucune pièce établissant qu'elle a exposé des frais avant le mois de janvier 2008 et qu'il lui a fallu deux années d'études, de réflexion et de préparation afin de réaliser son projet d'ouverture au mois d'avril 2008 d'un magasin Sexity ;
Considérant que par courriel du 8 novembre 2007 M. Ferrier s'est adressé en ces termes à la société Marc Dorcel "j'aimerais avoir des renseignements sur la franchise "Dorcel Store", dans l'idée d'en ouvrir une à Nantes" ; que ce courriel démontre qu'au mois de novembre 2007 la société Consol Games n'avait encore pris aucune décision concernant la reconversion de son activité, mais cherchait à obtenir des renseignements pour entrer dans le réseau Dorcel Store ;
qu'il n'est pas contesté que la société Marc Dorcel n'a pas donné suite à cette demande car son intention était d'ouvrir avec la société JMD Nantes un magasin Dorcel Store en périphérie de Nantes ;
Considérant que Mme Pellerin, négociatrice en immobilier commercial, atteste que "Le 21 novembre 2007 M. Ferrier est venu à notre agence AJP ENTREPRISES afin de nous faire part de sa recherche de locaux en périphérie pour un nouveau concept sous la franchise Dorcel et sur le modèle de celui de Lanester. Nous lui avons répondu que nous étions déjà en contact avec la société Marc Dorcel et que nous connaissions cette recherche. Quand nous avons trouvé un local ad
hoc, l'antériorité de la recherche de la société Marc Dorcel a justifié que nous leur proposions en premier, d'autant que la société Marc Dorcel ne nous avait pas confirmé l'acceptation de la candidature en franchise de M. Ferrier." ;
Considérant que l'attestation de Mme Pellerin, dont la société Consol Games conteste inutilement le caractère probant au seul motif que Mme Pellerin figure sur une photographie prise lors du cocktail d'ouverture d'un magasin Dorcel Store, démontre qu'au mois de novembre 2007 la société Consol Games, qui envisageait de devenir franchisé Dorcel afin d'ouvrir un magasin sur le modèle "Dorcel Store", a été informée du projet de la société Marc Dorcel d'ouvrir un magasin en périphérie de Nantes ;
Considérant qu'il est ainsi établi que le projet d'ouverture, par la société Consol Games, d'un magasin Dorcel Store ne date que de la fin de l'année 2007 ; que sachant qu'elle ne pouvait devenir franchisée et informée de l'ouverture par la société Marc Dorcel d'un magasin dans la zone commerciale de Nantes, la société Consol Games a pris alors la décision d'ouvrir son propre magasin et qu'elle est parvenue entre les mois de janvier et d'avril 2014 à créer et ouvrir son magasin Sexity ;
Considérant qu'il est ainsi démontré que la société Consol Games s'est précipitée pour ouvrir son magasin Sexity avant que les sociétés Marc Dorcel et JMD Nantes ouvrent leur magasin Dorcel Store ; que le court délai dont la société Consol Games a disposé pour mener à bien son projet, alors qu'elle n'avait aucune expérience dans la commercialisation de ce type de produits, et la similitude existant avec le magasin Dorcel Store ouvert en 2006 à Lanester, montrent que la société Consol Games s'est contentée de reproduire, en le modifiant suffisamment pour ne pas encourir le grief de confusion, le concept de magasin que la société Marc Dorcel a créé et réalisé à Lanester ;
Considérant que l'utilisation sans droit et sans contrepartie financière par la société Consol Games du modèle de magasin créé par la société Marc Dorcel en 2006, qui projetait de développer un réseau de franchise, est constitutif d'un acte de parasitisme puisqu'il a permis à la société Consol Games de s'approprier gratuitement le résultat du travail de la société Marc Dorcel et de se placer ainsi dans son sillage afin de tirer profit, sans rien dépenser, des investissements et du savoir-faire de la société Marc Dorcel ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur le préjudice :
Considérant que la société Marc Dorcel soutient que les agissements de la société Consol Games, qui ont permis à cette société d'économiser le coût substantiel des investissements préalables, de proposer à ses clients une sélection de produits majoritairement identiques à ceux du Dorcel Store à des prix de vente publics inférieurs et de tirer profit de la mise en place d'une franchise, lui ont causé un préjudice dont elle demande réparation par l'attribution d'une somme de 100 000 à raison de la banalisation et de la dilution de son concept de boutique Dorcel Store, consécutives aux agissements déloyaux d'imitation de la société Consol Games, et par l'attribution d'une indemnité complémentaire de 100 000 à raison du parasitisme de son travail et de ses investissements ;
Considérant que la société JMD Nantes soutient que les agissements de la société Consol Games ont eu un impact sur les résultats de la boutique Dorcel Store de Nantes ; que bien que la ville de Nantes compte trois fois plus d'habitants que celle de Lorient et moins de commerce concurrent, le chiffre d'affaires du magasin Dorcel Store de Nantes est nettement inférieur à celui du magasin de Lorient ; que la société Consol Games dégage un chiffre d'affaires similaire et même légèrement supérieur au sien, alors qu'elle n'a effectué aucun investissement et ne bénéficie d'aucune expérience dans ce domaine ;
Considérant que la société JMD Nantes, qui estime qu'elle réalise un chiffre d'affaires d'environ un tiers seulement de celui qu'elle pouvait normalement escompter, soit une perte d'exploitation d'environ 1 million d'euros sur la période de juillet 2008 à décembre 2010, sollicite une indemnité additionnelle de 500 000 ;
Considérant que la société JMD Nantes demande également que la société Consol Games soit condamnée à effectuer des travaux dans le magasin Sexity, qu'il soit ordonné, sous astreinte, à cette société d'arrêter toute diffusion de photographies du magasin Sexity ainsi que toute publicité en faveur de la franchise du "concept Sexity", que l'arrêt à intervenir soit publié ;
Considérant que s'il n'existe pas de risque de confusion entre les magasins Sexity et Dorcel Store, il est établi que la société Consol Games s'est inspirée du magasin Dorcel Store de Lanester pour ouvrir en toute hâte le magasin Sexity de Nantes ;
Considérant que la société Marc Dorcel, qui soutient qu'il a fallu 2 ans et demi à ses équipes et aux différents prestataires pour élaborer le concept Dorcel Store produit le contrat de concepteur-adaptateur, coordinateur-conducteur signé le 4 février 2004 avec Messieurs Poivilliers et Eeckman, architectes d'intérieur, prévoyant une rémunération forfaitaire de 5 000 pour la création du concept, plus une somme de 2 500 en cas d'ouverture d'une seconde boutique, ainsi qu'une somme de 4 500 pour l'adaptation du concept et enfin une somme de 5 % des travaux hors taxes et hors coût d'acquisition des mobiliers, pour la coordination et la conduite des travaux ;
Considérant qu'il apparaît au vu du dossier "concept design poivilliers-eeckman" versé aux débats que le concept, l'agencement et la décoration du magasin Dorcel Store de Lanester a été entièrement créé par Messieurs Poivilliers et Eeckman ; qu'aucune facture émanant de ces architectes n'est cependant produite aux débats ;
Considérant que la société Marc Dorcel produit 7 factures de la société Monsieur Agency concernant la boutique de Lanester, s'échelonnant du 8 décembre 2005 au 15 février 2007, d'où il résulte que le coût d'installation du magasin Dorcel Store ouvert près de Lorient s'est élevé à 21 133,24 ;
Considérant que si l'imitation par la société Consol Games du concept de magasin Dorcel Store a causé un préjudice commercial à la société Marc Dorcel le préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ne s'identifie pas à l'économie réalisée par l'auteur des actes ; que la société Consol Games a échoué dans sa tentative de développer un réseau de franchise ; que le trouble commercial résultant pour la société Marc Dorcel des agissements fautifs de la société Consol Games sera réparé par l'attribution d'une somme de 25 000 ;
Considérant que la société JMD Nantes produit un récapitulatif, établi par elle-même, des dépenses exposées (mobilier, agencements, décoration, enseigne, accessoires, prestation, sonorisation) pour ouvrir ses magasins de Lorient, Nantes et Rennes, soit respectivement par magasin 159 250 , 223 724 et 241 989 ; que l'indemnisation du trouble commercial résultant des actes de concurrence déloyale commis par la société Consol Games, qui ont entraîné une diminution de la capacité de concurrence de la société JMD Nantes, ne peut être fixée ni en référence au chiffre d'affaires escompté de l'activité, ni en référence au coût d'ouverture du magasin de la société JMD Nantes ;
Considérant que la perte d'exploitation est établie par le résultat négatif de la société JMD Nantes sur l'année 2008 et les faibles résultats sur les années 2009 et 2010 (90 et 10 138 ), alors que le magasin Dorcel Store de Lanester obtenait des résultats positifs dès 2007 (40 000 ), puis 7 000 en 2008 et 38 810 en 2009 ; que l'exercice d'une activité concurrente n'ouvre pas en elle-même droit à réparation, seul est indemnisable le trouble commercial résultant des actes de concurrence déloyale ; que la cour dispose des éléments lui permettant de fixer le trouble commercial subi par la société JMD Nantes du fait des agissements déloyaux de la société Consol Games à la somme de 20 000 ;
Considérant qu'en l'absence de risque de confusion, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, entre les magasins Dorcel Store et Sexity il n'y a pas lieu d'ordonner à la société Consol Games de procéder aux travaux d'aménagement demandés par les appelantes, ni d'interdire la diffusion de photographies du magasin Sexity ; que la demande de publication judiciaire, qui n'apparaît pas nécessaire, la réparation étant suffisamment assurée par l'octroi de dommages et intérêts, sera également rejetée ;
Sur la demande indemnitaire de la société Consol Games :
Considérant que la société Consol Games sollicite la condamnation in solidum des appelantes à lui verser la somme de 80 000 à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à son image commerciale et à sa réputation professionnelle, en exposant que la société Marc Dorcel n'a cessé de se répandre dans la presse en l'accusant de façon agressive notamment de "contrefaçon" et de "plagiat", alors qu'aucune décision de justice n'était rendue, ce comportement étant constitutif d'un dénigrement ;
Considérant que les coupures produites par la société Consol Games montrent que la presse locale s'est faite l'écho du conflit existant entre les sociétés Marc Dorcel et Consol Games du fait de l'ouverture successive des magasins Sexity et Dorcel Store à Nantes ; que les articles en cause font état des propos des deux parties chacune accusant l'autre d'avoir copié un modèle préexistant de magasin ; que ces propos et l'indication de l'existence d'un litige entre les parties ne sont pas constitutifs d'un dénigrement et restent dans les limites de la liberté d'expression ;
que la preuve de l'existence de pression et de menaces de la société Marc Dorcel auprès des fournisseurs de la société Consol Games n'est pas rapportée ;
Considérant que la procédure intentée par les appelantes n'est pas abusive ; que la société Consol Games doit être déboutée de ses demandes reconventionnelles ;
Par ces motifs : Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé à 10 000 les dommages-intérêts dus par la société Consol Games à la société Marc Dorcel et débouté la société JMD Nantes de sa demande de dommages et intérêts ; Et statuant à nouveau dans cette limite : Dit que la société Consol Games a commis des actes de concurrence déloyale en diffusant des informations commerciales mensongères ; Condamne la société Consol Games à verser à la société Marc Dorcel une indemnité de 25 000 en réparation du trouble commercial résultant pour cette société des agissements fautifs de la société Consol Games ; Condamne la société Consol Games à verser à la société JMD Nantes une indemnité de 20 000 au titre du trouble commercial causé à cette société par les agissements fautifs de la société Consol Games ; Condamne la Société Consol Games à verser à la société JMD Nantes et à la société Marc Dorcel la somme de 5 000 chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.