CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 9 octobre 2014, n° 14-03155
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Terrena (Sté)
Défendeur :
Transports Coureau (SA), Coureau Transports Affrètements (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charlon
Conseillers :
Mmes Graff-Daudret, Bouvier
Avocats :
Mes Dubreil, Lebreton
FAITS ET PROCÉDURE :
Des prestations de transport sont fournies à la société coopérative agricole Terrena par la SA Transports Coureau (Coureau) et la SARL Coureau Transports Affrètements (CTA).
En 2009, la société Terrena a réduit le volume d'activité confié aux sociétés Coureau et CTA.
Ces dernières ont dénoncé la rupture brutale de relations commerciales.
Par acte du 1er mars 2013, les sociétés Coureau et CTA ont saisi le Tribunal de commerce de Rennes afin de voir condamner la société Terrena à payer à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales la somme de 1 882 320 euros à la société Coureau et celle de 1 145 860 euros à la société CTA.
Par conclusions signifiées le 7 août 2013, la société Terrena a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Rennes au profit du Tribunal de grande instance de Nantes.
Par jugement contradictoire du 23 janvier 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a :
- rejeté l'exception d'incompétence,
- invité les parties à conclure sur le fond,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Terrena aux dépens.
La société Terrena a formé contredit le 4 février 2014.
MOTIFS DU CONTREDIT :
Dans son contredit, la société Terrena demande à la cour de :
- dire que le Tribunal de commerce de Rennes n'est pas compétent pour se prononcer sur la demande formée à son encontre,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes,
- déclarer qu'elle est recevable et bien fondée en son contredit de compétence,
- dire que seul le Tribunal de grande instance de Nantes est compétent pour connaître de la demande formée par les sociétés Transports Coureau et Coureau Transports Affrètements,
- dire que seul le Tribunal de grande instance de Nantes est compétent,
- à titre subsidiaire, dire que le Tribunal de grande instance de Rennes est compétent,
- renvoyer en conséquence l'affaire à cette juridiction pour qu'elle statue sur la demande, conformément à la loi,
- condamner solidairement les sociétés Coureau et CTA à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les sociétés Coureau et CTA au remboursement à son profit des frais du contredit.
Elle fait valoir que le Tribunal de commerce de Rennes est incompétent car les relations entre elle et les sociétés Coureau et CTA ne sauraient être qualifiées de commerciales ; qu'en effet, elle est une société coopérative agricole, ne poursuivant aucun but lucratif ; qu'elle relève d'un statut juridique spécifique, et des juridictions civiles en application de l'article L. 521-5 du Code rural et de la pêche maritime.
MOYENS EN DÉFENSE :
Dans leurs écritures du 4 septembre 2014, reprises oralement à l'audience, les sociétés Coureau et CTA demandent à la cour de:
- rejeter l'exception d'incompétence du Tribunal de commerce de Rennes soulevée par la société Terrena,
- renvoyer les parties devant le Tribunal de commerce de Rennes afin qu'il soit statué sur le fond sur les demandes présentées par les sociétés CTA et Coureau selon assignation du 1er mars 2013,
- condamner la société Terrena à payer aux sociétés Coureau et CTA la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Terrena aux entiers dépens.
Elles répliquent que la Cour de cassation a jugé que l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, sur le fondement duquel elles ont introduit leur action, était applicable à des personnes morales non commerçantes dès lors qu'elles exercent une activité dans la sphère concurrentielle ; que tel est le cas d'espèce puisque la société Terrena entretient des relations d'affaires avec ses co-contractants et exerce une activité économique relevant du domaine concurrentiel.
Sur ce, LA COUR,
Sur la recevabilité :
Considérant que le contredit, élevé dans les conditions de forme et de délais prévues par l'article 82 du Code de procédure civile, est recevable ;
Sur la compétence :
Considérant que l'assignation introductive d'instance devant le Tribunal de commerce de Rennes du 1er mars 2013 est fondée sur les articles L. 442-6-I 5° et D. 442-3 du Code de commerce ;
Que si la défenderesse est une société coopérative agricole et que les articles L. 521-1 et L. 521-5 du Code rural et de la pêche maritime disposent respectivement que "les sociétés coopératives agricoles et leurs unions forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales" et que "les sociétés coopératives et leurs unions relevant de la compétence des juridictions civiles", le régime juridique des sociétés coopératives agricoles, comme le caractère non lucratif de leur activité, ne sont pas de nature à les exclure du champ d'application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu'elles procèdent à une activité de production, de distribution ou de services dans le domaine concurrentiel ; que tel est le cas en l'espèce,
La société coopérative Terrena entretenant depuis plusieurs années un courant d'affaires sous la forme de prestations de transport avec les sociétés Coureau et CTA, sociétés qui sont des tiers à la coopérative ;
Que le contredit est mal fondé et sera rejeté ;
Par ces motifs : Déclare le contredit recevable, le Rejette, Condamne la société coopérative agricole Terrena à payer à la SA Transports Coureau et à la SARL Coureau Transports Affrètements la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société coopérative agricole Terrena aux frais du contredit sur le fondement de l'article 88 du Code de procédure civile.