CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 octobre 2014, n° 13-00374
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sodisal (SARL), Provaldis (SARL)
Défendeur :
Saint Louis Sucre (SA), Euler Hermès Crédit France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touzery-Champion
Conseillers :
Mme Prigent, M. Richard
Avocats :
Mes Monta, Nese, Boccon Gibod, Davy, de Maria, Contant Valance
Vu le jugement rendu le 3 décembre 2012 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :
- débouté les SARL Sodisal et Provaldis de toutes leurs demandes à l'encontre de la SA Saint Louis Sucre et Euler Hermès Sfac Crédit,
- débouté la sté Saint Louis Sucre de sa demande en condamnation des sociétés Sodisal et Provaldis pour procédure abusive,
- débouté les parties de toute leurs autres demandes,
- condamné les sociétés Sodisal et Provaldis solidairement à payer à la société Saint Louis Sucre la somme de 15 000 et à la société Euler Hermès Crédit France anciennement dénommée Euler Hermès Sfac Crédit la somme de 10 000 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les conclusions signifiées le 1er septembre 2014 par les sociétés Sodisal et Provaldis, appelantes, qui ont sollicité :
- l'infirmation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris,
- la constatation des manquements contractuels de la société Saint Louis Sucre, des manquements quasi délictuels et fautes de la société Saint Louis Sucre et Euler Hermès Sfac Crédit,
- la constatation que la société Saint Louis Sucre a procédé partiellement puis totalement à une rupture brutale et fautive des relations commerciales avec la société Sodisal, ce qui a eu une incidence sur l'activité de la société Provaldis,
- la constatation que la société Euler Hermès Sfac Crédit a retiré intempestivement et abusivement ses garanties et qu'elle a tardé ensuite à revoir sa décision, qu'elle n'a jamais rétabli les garanties de la société Sodisal à leur niveau antérieur et n'a jamais rétabli aucune garantie pour la société Provaldis,
- la condamnation in solidum des sociétés Saint Louis Sucre et Euler Hermès Sfac Crédit à payer :
1) à la société Sodisal les sommes de 56 784 pour son préjudice financier de 29 303 en réparation de son préjudice économique résultant de la brusque rupture partielle des relations commerciales, de 104 564 pour le préjudice économique résultant de la rupture totale des relations commerciales, 168 556 au titre de la perte de son fonds de commerce, de 30 000 pour l'atteinte à son image commerciale, de 50 000 en réparation de son préjudice moral et pour résistance abusive et injustifiée,
2) à la société Provaldis les sommes de 18 900 au titre de son préjudice financier, de 22 396 pour son préjudice économique résultant de la brusque rupture partielle des relations commerciales, de 31 022 pour la perte de son fonds de commerce, de 20 000 en réparation de l'atteinte à son image commerciale, de 50 000 au titre de son préjudice moral et pour résistance abusive et injustifiée,
- la condamnation in solidum de la société Saint Louis Sucre et Euler Hermès Sfac à verser à chacune des sociétés Sodisal et Provaldis la somme de 50 000 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le rejet des demandes des sociétés Saint Louis Sucre et Euler Hermès Sfac.
Vu les écritures signifiées le 3 septembre 2014 par la société Saint Louis Sucre par lesquelles elle a :
- estimé n'avoir aucunement engagé sa responsabilité contractuelle,
- demandé la confirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Sodisal de sa demande tendant à obtenir sa condamnation in solidum avec la société Sfac à lui payer la somme de 56 784 ,
- considéré n'avoir commis aucun manquement contractuel ni aucune pratique restrictive prohibée,
- demandé la confirmation dudit jugement en ce qu'il a débouté la société Sodisal à ce titre,
- souhaité la constatation que la société Sodisal n'a subi aucune baisse d'activité en 2006, qu'elle-même n'a jamais refusé d'honorer les commandes de cette dernière, que l'indemnisation sollicitée par la société Sodisal au titre d'une rupture partielle des relations commerciales n'est ni démontrée ni fondée,
- réclamé la confirmation dudit jugement en ce qu'il a débouté la société Sodisal de sa demande tendant à la voir condamnée in solidum avec la société Sfac à lui payer la somme de 29 303 ,
- rappelé que par jugement du 1er octobre 2010, confirmé en appel, la société Sodisal a été condamnée à verser une somme de 53 072,22 au titre de ses factures impayées,
- fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle dans la fin des relations contractuelles,
- réclamé la confirmation dudit jugement en ce qu'il a débouté la société Sodisal de sa demande tendant à obtenir sa condamnation in solidum avec la Sfac à lui payer les sommes de 104 564 , 168 556 et 30 000 au titre d'une prétendue rupture des relations commerciales,
- à titre subsidiaire considéré que les préjudices liés à une perte de fonds de commerce et à une atteinte à l'image ne sont en tout état de cause pas indemnisables sur le fondement de l'article L. 442-6,I, 5° du Code de commerce et sollicité le rejet des demandes de la société Sodisal à ce titre,
- réclamé le rejet de la demande de la société Sodisal visant à obtenir sa condamnation à lui verser une somme de 137 , la confirmation dudit jugement en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Sodisal et Provaldis à lui payer une somme de 15 000 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- en tout état de cause souhaité le débouté des demandes des sociétés SodisalProvaldis, l'infirmation du jugement pour le surplus et lacondamnation solidaire des sociétés Sodisal et Provaldis et à tout le moins in solidum à lui verser une somme de 50 000 pour procédure abusive et une somme de 50 000 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions signifiées le 28 août 2014 par la SAS Euler Hermès Crédit France
- anciennement dénommée Euler Hermès Sfac Crédit aux termes desquelles elle a :
- estimé n'avoir commis aucun abus en retirant ses garanties de juillet à octobre 2006 et n'avoir pas engagé sa responsabilité sur quelque fondement que ce soit,
- fait valoir que les sociétés Sodisal et Provaldis ne démontrent l'existence d'aucun préjudice qui serait directement lié à ce retrait,
- soutenu être demeurée étrangère à la cessation des relations commerciales avec leur fournisseur Saint Louis Sucre,
- souhaité la confirmation du jugement,
- dont appel en toutes ses dispositions,le débouté des demandes des sociétés Sodisal et Provaldis, et la condamnation de ces dernières à lui verser une somme de 3 000 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que la société Saint Louis Sucre, qui a pour activité la fabrication du sucre, est le fournisseur de la société Sodisal, société de distribution ayant pour activité la vente de sucre en gros pour collectivités; qu'à compter de 2006 la société Sodisal s'est chargée de ses propres achats en sucre et de ceux de la société Provaldis avec laquelle elle entretient des liens capitalistiques, ces deux sociétés ayant également le même dirigeant ; que pour garantir le paiement des sommes dues par la société Sodisal, la société Saint Louis Sucre a souscrit auprès de la société Euler Hermès Sfac un contrat d'assurance-crédit ;
Que se plaignant d'irrégularités de facturation dues à des dysfonctionnements informatiques de la société Saint Louis Sucre, qui ont provoqué des avances en trésorerie injustifiées de la part de la société Sodisal et une perte de la garantie concédée par la société Euler Hermès Sfac, puis d'une rupture brutale des relations commerciales, les sociétés Sodisal et Provaldis ont fait assigner ces deux sociétés Saint Louis Sucre et Euler Hermès Crédit France devant le Tribunal de commerce de Paris, qui les a déboutées de leurs demandes, de sorte qu'elles ont porté ce litige devant la cour d'appel ;
Qu'en premier lieu, les sociétés Sodisal et Provaldis reprochent à la société Saint Louis Sucre des défaillances contractuelles au cours des années 2006 et 2007 consistant en des erreurs répétitives de livraison et de facturation à l'origine d'un grave préjudice sur leur rentabilité et leur développement commercial, estimé respectivement par elles aux sommes de 56 784 et 18 900 ;
Que si la société Saint Louis Sucre reconnaît l'existence de légères irrégularités pendant une courte période dans la gestion des commandes et facturation dues à la mise en place en avril 2006 d'un nouveau système informatique, elle soutient que la plupart des erreurs ont été corrigées, avant même que la facture ne soit échue et que la traite correspondante ne soit présentée au paiement ;
Qu'il ressort de la liste des factures litigieuses, établie par les appelantes elles-mêmes, que la plupart de ces factures se rapportent à la période courte du 30 mars au 27 septembre 2006, les autres factures : deux en 2005 et 7 en 2007 ne sont pas relatives à des écarts de facturation; que les factures de 2005 sont antérieures au changement par la société Saint Louis Sucre de son système informatique et ne peuvent donc être retenues; que les factures de 2007 supportaient un tarif exact dans la mesure où la quantité de marchandise était inférieure à 23 tonnes, les appelantes ne démontrant pas que leur commande dépassait ce tonnage mais que leur fournisseur ne pouvait le leur livrer, alors que la charge de la preuve leur incombe ; que les appelantes ne sont pas fondées à se prévaloir du montant des avoirs dans leur globalité, dès lors qu'ils ont donné lieu à des avoirs rectificatifs, qu'elles admettent elles-mêmes dans leurs écritures d'une part qu'il n'y a jamais eu de double paiement ayant pesé sur elles (page 28 de leurs écritures) mais seulement un risque de double paiement, d'autre part, que l'avance de trésorerie résultant desdites erreurs n'aurait porté que sur une somme de 8 797,52 ; qu'à supposer même ce chiffre exact, il est dérisoire au regard du montant global des factures et du chiffre d'affaires des sociétés (1 218 682 en 2006 pour la société Sodisal) ; qu'il doit également être relevé que l'écart de facturation allégué par les appelantes n'a pu avoir aucun effet sur leur trésorerie tant que la facture n'était pas payée ; que l'examen des relevés des lettres de change versés aux débats démontre que certaines ont fait l'objet d'une contestation de la part de la société Sodisal au moment de leur présentation au paiement, si bien que seul le montant non contesté a été débité ; que cette dernière, sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne fournit aucun relevé de compte justifiant d'un débit de la facture dans son intégralité, hormis pour trois factures reconnues par la société Saint Louis Sucre ; que pas davantage elle ne démontre que le retard de paiement des remises par la société Saint Louis Sucre aurait généré pour elle une avance de trésorerie de 22 792,46 ; qu'enfin il ressort des extraits de compte que le chiffre d'affaires de l'exercice 2006 n'a pas sensiblement évolué pour la société Sodisal par rapport à l'année précédente (1 218 682 en 2006 et 1 241 584 en 2005) et que le résultat d'exploitation a augmenté ;
Que dans ces conditions, la preuve n'est pas apportée d'un lien de causalité entre les erreurs commises par la société Saint Louis Sucre, qui si elles ont pu entraîner une désorganisation et un travail supplémentaire pour la société Sodisal, n'ont pu provoquer le préjudice de trésorerie allégué; que le jugement du Tribunal de commerce de Paris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande ;
Considérant en second lieu que les sociétés Sodisal et Provaldis font grief à la société Saint Louis Sucre d'avoir brutalement, pendant l'été 2006, refusé d'honorer une partie de leurs commandes en exigeant un paiement au comptant au lieu du délai de paiement habituel à 30 jours ; qu'elles font valoir que cette pratique discriminatoire les a lourdement désavantagées par rapport à leurs concurrents alors même qu'elles ne pouvaient prendre attache avec un autre fournisseur en l'absence de garantie de la société Euler Hermès Sfac; qu'elles reprochent à la société Saint Louis Sucre un abus de dépendance économique par application des dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce ;
Mais considérant qu'au soutien de leur argumentation les appelantes produisent 4 commandes sur lesquelles a été apposée la mention manuscrite "commande non livrée" ou "commande bloquée" en date des 28 septembre, 8 et 9 novembre, 1er décembre 2006, les 6 autres se rapportant à l'année 2007 ;
que par conséquent elles ne justifient nullement d'un tel refus de commandes pendant l'été 2006 ; que par ailleurs, à juste titre, la société Saint Louis Sucre oppose l'absence de pratique discriminatoire à l'égard des appelantes, dès lors que tous ses clients sont soumis aux mêmes conditions générales de vente, qui figurent au dos des factures et qui peuvent lui permettre, en son article 4, de réduire les délais de paiement en fonction des risques portant sur la solvabilité des acheteurs; qu'elle fait également valoir, à bon droit, qu'aucun abus ne saurait lui être reproché dans la mesure où après le retrait en juillet 2006 de la garantie de la Sfac, elle a elle-même accordé à sa cliente Sodisal un encours de 60 000 afin de lui permettre de s'approvisionner ; qu'elle démontre la réalité de cet encours, contrairement aux affirmations des appelantes, par la production des 5 commandes (notamment CF 830, 828, 837, 833) payables à 30 jours pour un montant global de 63 620,40 HT et par la production de son courrier adressé à la société Sodisal le 12 octobre 2006 ; qu'en effet il ressort de cette correspondance qu'au moment où la société Sfac va à nouveau accorder en octobre 2006 sa garantie pour un montant limité à 29 000 , la société Saint Louis Sucre portera l'encours crédit à 60 000 , supportant donc elle-même la différence et elle précisera que "les modalités de règlement par TNA à 30 jours nets restent inchangées" ; que s'il n'est pas établi que la société Saint Louis Sucre a imposé à son distributeur d'être son fournisseur exclusif, une dépendance de fait existait néanmoins, dont elle n'a pas profité puisqu'elle a accordé cet encours ; qu'en outre pendant l'été 2006 la société Euler Hermès Sfac a continué de garantir pendant 3 mois le paiement des commandes fermes conclues avant le retrait de sa garantie le 5 juillet 2006 ;
Que cet argument est donc inopérant, dès lors qu'aucune rupture d'approvisionnement des sociétés Sodisal et Provaldis au cours de l'été 2006, résultant de pratiques discriminatoires qui les auraient désavantagées par rapport à leurs concurrents n'est établie ; que les premiers juges seront confirmés de ce chef ;
Considérant en réalité qu'au cours de l'été 2006 seul le retrait par la Sfac de sa garantie était susceptible d'avoir un effet néfaste sur le négoce des sociétés Sodisal et Provaldis ; qu'il convient d'examiner si ce retrait de garantie entre juillet et octobre 2006 et la reprise de garantie ont été ou non constitutifs d'une faute ;
Que l'assureur garantit le risque de non-paiement dans les transactions commerciales conclues entre des fournisseurs souscripteurs des polices et leurs clients et doit analyser la situation des entreprises sur lesquelles leurs assurés demandent des garanties ;
Que la société Sfac soutient avoir retiré sa garantie le 5 juillet 2006 dans la mesure où elle n'avait pas reçu comme les autres années les bilans des sociétés Sodisal et Provaldis de l'exercice clos au 31 octobre 2005, où ces comptes n'avaient pas fait l'objet d'une publication au greffe du tribunal de commerce, où le dialogue avec le dirigeant de ces sociétés était rompu et où depuis avril 2006 les Institutions nationales de retraite et de prévoyance des salariés des industries et des commerces alimentaires avaient fait inscrire un privilège sur les fonds de ces sociétés ; qu'elle n'invoque nullement des incidents bancaires à l'origine de son retrait, contrairement aux simples allégations des appelantes ;
Qu'il apparaît des conclusions de la société Euler Hermès Crédit France (page 14) qu'elle a reçu le 10 juillet 2006 les bilans arrêtés au 31 octobre 2005 pour la société Sodisal et au 31 décembre 2004 pour la société Provaldis qui présentaient une rentabilité d'exploitation divisée par 2, un résultat courant avant impôts légèrement déficitaire, de sorte qu'elle a invité le gérant des deux sociétés à lui transmettre des éléments chiffrés sur l'exercice 2006 ; qu'il ressort du mail du 27 septembre 2006, que c'est seulement à cette date et non en juin 2006, que les appelantes lui ont communiqué leurs comptes pour l'exercice clos au 31 octobre 2005, un état intermédiaire de leur situation financière de 2006 et leurs analyses ; que ce n'est que le 24 juillet 2006 que les appelantes ont sollicité la levée des privilèges - pris au demeurant pour des montants dérisoires - et que leur radiation a eu lieu 11 août 2006 ;
Qu'ainsi, il est établi que la Sfac a retiré son agrément pour un motif légitime du fait de l'attitude fautive des appelantes qui ne lui ont pas remis en temps utile les éléments comptables dont elle avait besoin pour évaluer leur solvabilité et par là-même son risque; qu'en revanche ayant reçu tous les éléments et toutes assurances fin septembre 2006, elle se devait de rétablir à l'identique les garanties antérieures; qu'elle ne conteste pas n'avoir rétabli pour la société Sodisal sa garantie qu'à hauteur de la somme de 29 000 , alors que la garantie initiale était de 140 000 et n'avoir pas rétabli sa garantie pour la société Provaldis ; que n'ayant aucun motif pour réduire la garantie de la société Sodisal et supprimer celle de la société Provaldis et ne se prévalant dans la présente instance d'aucune raison particulière, elle a commis une faute qui a été à l'origine de la diminution de l'encours des appelantes, et donc du volume des commandes éventuelles et d'une perte possible de clientèle ;
Que force est néanmoins de constater qu'en dépit de l'absence et la baisse de garantie de la société Euler Hermès Crédit France les appelantes ont maintenu leur chiffre d'affaires en 2006 et leur résultat d'exploitation a augmenté par rapport à l'année 2005 ; que par conséquent elles ne justifient pas que la faute de la société Euler, ci-dessus mentionnée, soit en lien de causalité avec le préjudice invoqué ; que les premiers juges seront donc confirmés sur ce point ;
Considérant en troisième lieu que les appelantes se prévalent d'une rupture brutale et fautive, d'abord partielle puis totale des relations commerciales par la société Saint Louis Sucre en application des dispositions de l'article L. 442-6, I du Code de commerce et réclamer à ce titre les sommes de 29 303 pour le préjudice économique, 104 564 au titre de la perte de marge, 168 556 pour la perte totale du fonds de commerce pour la société Sodisal et de 22 396 pour la société Provaldis ; qu'elles font grief à cette dernière société de ne pas lui avoir notifié par écrit un préavis en vue de la rupture de leurs relations, d'avoir refusé progressivement d'honorer des commandes sans l'en avertir, la mettant en difficulté face à sa propre clientèle, ce qui a entraîné un ralentissement de son activité et une perte de clientèle et à compter de fin 2007 d'avoir cessé définitivement d'honorer les commandes, alors qu'elles entretenaient des relations commerciales depuis 34 ans avec le groupe Saint Louis Sucre pour la société Sodisal et depuis 14 ans pour la société Provaldis et qu'elles se trouvaient dans un état de dépendance économique à l'égard de leur fournisseur ; qu'elles estiment en définitive que la société Saint Louis Sucre aurait dû, dès le retrait de l'agrément de la Sfac, maintenir son encours dans des conditions identiques, quitte à lui notifier un préavis de rupture des relations ; qu'elles considèrent que le non-paiement en 2008 de quelques factures ne présentait pas un degré suffisant de gravité permettant de justifier une rupture ;
Que par application de l'article L. 442-6, I du Code de commerce "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (..)
5) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure" ;
Que le caractère établi de la relation commerciale entre les parties n'est pas contestable en raison de l'ancienneté des commandes versées aux débats, du flux régulier de commandes depuis plusieurs années, du volume d'affaires ainsi qu'il ressort du rapport du commissaire aux comptes ;
Qu'à juste titre la société Saint Louis Sucre fait valoir que le maintien du chiffre d'affaires des appelantes en 2006 et 2007 démontre l'absence de rupture partielle des relations en 2006 ; qu'au cours de l'année 2007, elle justifie avoir honoré les commandes dans la limite de l'encours consenti par son assureur crédit et par elle-même à concurrence de la somme globale de 60 000 , ce qu'elle était en droit de faire au regard des conditions générales de vente, qui lui permettaient de "subordonner la livraison, sans préavis, soit au paiement préalable des produits, soit à la constitution en sa faveur d'une garantie de bonne exécution de paiement obtenue auprès d'un organisme bancaire de premier ordre" ; qu'ayant choisi d'accorder un encours - fût-il réduit - à son distributeur plutôt que d'exiger un paiement au comptant, aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où ce choix pouvait permettre aux appelantes de redresser leur situation financière qui aurait été irrémédiablement et immédiatement compromise dans le cas inverse; qu'il ressort de la pièce 72 des appelantes en date du 9 novembre 2006 qu'elles étaient parfaitement informées du montant de leur encours (63 000 HT ) et qu'elles avaient même envisagé à ce moment-là de fournir une caution bancaire à leur fournisseur, conformément aux conditions générales de vente, mesure qui aurait seule permis d'augmenter le montant de l'encours ; qu'il résulte des annotations portées sur la commande n° CF 937 du 24 mai 2007 que pour pouvoir passer une nouvelle commande, la société Sodisal devait justifier de virements précédents démontrant que le montant de l'encours autorisé n'était pas dépassé, de sorte qu'elle connaissait parfaitement les limites de son approvisionnement et ne pouvait croire à la solidité de leurs relations ; que par ailleurs, la circonstance que la société Sfac a supprimé puis réduit son encours ne saurait être imputé à faute à la société Saint Louis Sucre ;
Que les appelantes en page 39 de leurs conclusions expliquent que faute pour elles de disposer d'une trésorerie suffisante, elles ont renoncé à s'engager à fournir de nombreux clients pour la nouvelle campagne 2007 ou ont allongé les délais de livraison, ce qui s'est traduit par un désengagement de la clientèle qui a recherché d'autres distributeurs plus réactifs; que par conséquent elles ont elles-mêmes renoncé à servir des clients et d'autres se sont détournés d'elle ;
Qu'il s'ensuit que la preuve d'une rupture brutale partielle des relations commerciales en 2006 et 2007 imputable à la société Saint Louis Sucre n'est pas rapportée ;
Considérant que les appelantes excipent également d'une rupture brutale totale des relations commerciales en février 2008 ;
Que le 25 février 2008, la société Saint Louis Sucre a demandé à la société Sodisal de régulariser sous 8 jours les factures échues afin qu'elle puisse honorer les prochaines commandes et a rappelé que l'encours ne pouvait dépasser 60 000 ;
Que la société Sodisal reconnaît qu'elle avait omis de payer les 5 factures suivantes :
- de 8 337,72 venant à échéance au 27 décembre 2007,
- de 8 337,72 venant à échéance le 16 janvier 2008,
- de 18 797,04 venant à échéance le 21 décembre 2007, partiellement réglée pour 1 999,80 le 16 janvier 2008,
- de 20 253,83 venant à échéance le 3 février 2008,
- de 17 421,20 réglée à hauteur de la somme de 17 257,01 venant à échéance du 28 mai 2006, soit une somme globale de 51 072 , factures qui ont d'ailleurs fait l'objet d'un jugement de condamnation du Tribunal de commerce de Paris en date du 1er octobre 2010 confirmé en appel le 4 avril 2012 ;
Que l'argumentation développée par les appelantes selon laquelle le bien fondé des factures n'est pas démontré, une seule facture était exigible en janvier 2008 se heurte à l'autorité de chose jugée des décisions susmentionnées rendues après examen des contestations des sociétés Sodisal et Provaldis ;
Qu'en tout état de cause l'encours ne vise que les factures non échues et ne dispense pas la société acheteuse de payer les factures échues ; que l'inexécution par les appelantes de leur obligation essentielle en paiement autorisait la société Saint Louis Sucre à exiger leur paiement immédiat et à ne plus honorer les commandes ;
Que la décision du Tribunal de commerce de Paris sera sur ce point confirmée ;
Que la demande des appelantes tendant à se voir indemniser de leurs préjudices sur le fondement de l'article L. 442-6, I du Code de commerce, comprenant celles au titre de la perte totale du fonds de commerce, de l'atteinte à son image commerciale et du préjudice moral seront en conséquence rejetées et la décision des premiers juges de ces chefs confirmée ;
Considérant que la société Saint Louis Sucre sollicite la condamnation des sociétés Sodisal et Provaldis à lui payer la somme de 50 000 pour procédure abusive ;
Mais considérant qu'elle ne démontre pas le caractère abusif de la procédure ; que ses multiples erreurs de facturation sont à l'origine du présent litige et ont permis aux appelantes de se méprendre sur l'étendue de leurs droits ; que la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef ;
Que l'équité commande d'allouer à la société Saint Louis Sucre et à la société Euler Hermès Crédit France, la première une indemnité de 30 000 , la seconde une indemnité de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel.
Par ces motifs Statuant contradictoirement, Confirme le jugement rendu 3 décembre 2012 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, sauf celles visant l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, Statuant à nouveau de ces seuls chefs, Condamne in solidum les sociétés Sodisal et Provaldis à payer à la société Saint Louis Sucre et à la société Euler Hermès Crédit France, la première une indemnité de 30 000 , la seconde une indemnité de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel, Ajoutant, Déboute les sociétés Sodisal et Provaldis de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral, Condamne in solidum les sociétés Sodisal et Provaldis aux dépens d'appel et de première instance.