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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 14 octobre 2014, n° 14-12478

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Mount Gay Distilleries Ltd (Sté), Remy Cointreau (SA)

Défendeur :

Somaf (SAS), Sodimar (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Acquaviva

Conseillers :

Mmes Guihal, Dallery

Avocats :

Mes Esquier, Carpentier

T. com. Paris, du 19 mai 2014

19 mai 2014

La société de droit français Somaf-Sodimar, ultérieurement scindée en deux sociétés, a conclu avec Mount Gay Distilleries Ltd (MGD), société immatriculée à La Barbade, appartenant au groupe Remy Cointreau, un contrat de distribution de boissons alcoolisées dans les Antilles françaises. Par des actes des 10 et 17 octobre 2012, Somaf et Sodimar ont assigné MGD et la SA Remy Cointreau devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'allocation de dommages-intérêts sur le fondement, notamment, de la rupture des relations commerciales établies.

Par un jugement du 19 mai 2014, le tribunal a joint les deux instances, déclaré recevables mais mal fondées les exceptions d'incompétence de MGD au profit de l'arbitrage, et de Remy Cointreau au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux dans le ressort duquel se trouve son siège social. Les premiers juges ont considéré, d'une part, que la clause invoquée par MGD était manifestement nulle pour renvoyer simultanément à l'arbitrage et à la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris la connaissance des litiges nés du contrat, d'autre part, qu'ils étaient compétents à l'exclusion du Tribunal de commerce de Bordeaux dès lors qu'étaient invoquées les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

MGD et Remy Cointreau ont formé contredit le 30 mai 2014.

Par des écritures signifiées le 5 septembre 2014, ils demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les exceptions d'incompétence, de le réformer pour le surplus, de dire que le Tribunal de commerce de Paris est incompétent en considération de la clause compromissoire, dans le litige opposant les sociétés Somaf et Sodimar à MGD, et qu'il est incompétent au profit du Tribunal de commerce de Borbeaux dans le litige opposant ces mêmes sociétés à Remy Cointreau, subsidiairement de dire le Tribunal de commerce de Paris incompétent au profit des tribunaux de la Barbade en considération du siège social de MGD. Ils évaluent à 10 000 euros leurs frais irrépétibles de procédure.

Par des écritures signifiées le 15 septembre 2014, reprises à l'audience, Somaf et Sodimar demandent à la cour de déclarer irrecevable les exceptions d'incompétence soulevées par Rémy Cointreau et MGD en ce qu'elles ont été présentées après une défense au fond, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit ces exceptions recevables, de rejeter les exceptions d'incompétence, de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la compétence du Tribunal de commerce de Paris, de condamner solidairement les contredisants à payer 20 000 euros de dommages-intérêts et 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent les sociétés Somaf et Sodimar, la seule circonstance que MGD et Remy Cointreau aient, dans des écritures déposées devant le tribunal de commerce, exposé les faits de la cause avant de présenter leurs exceptions d'incompétence ne s'analyse pas comme l'articulation d'une défense au fond et ne leur fait pas encourir l'irrecevabilité qui résulte de l'article 74 du Code de procédure civile ;

Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que prétendent les sociétés Somaf et Sodimar, l'obligation faite par l'article 75 du même Code à une partie qui soulève une exception d'incompétence de désigner la juridiction qu'elle estime compétente ne s'applique pas lorsque cette partie revendique l'application d'une convention d'arbitrage ;

Sur le bien-fondé du contredit :

Considérant qu'aux termes de l'article 1448 du Code de procédure civile : "Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable" ;

Considérant qu'en l'espèce, le contrat de distribution conclu le 30 septembre 2003 entre MGD et Somaf-Sodimar stipule :

"ARTICLE 13 - LITIGES - CONTESTATIONS

En cas de litiges, les parties se concerteront au préalable en vue de résoudre au mieux de leurs intérêts respectifs, tout différend pouvant survenir entre elles.

En cas d'impossibilité de résoudre un litige à l'amiable, les tribunaux pourront être saisis par la partie la plus diligente.

Pour toute contestation relative à l'interprétation ou à l'exécution de la présente convention, les parties attribuent compétence exclusive au Tribunal de commerce de Paris.

Le droit applicable sera exclusivement le droit français et ce également en cas de réalisation même partielle.

Le présent contrat est réputé avoir été signé à Jarry par chacune des parties.

13.1 Les deux exemplaires rédigés en langue française sont réputés être les seuls authentiques.

13.2 La législation applicable pour l'application du présent contrat est la loi française.

13.3 Tous différends découlant du présent contrat seront tranchés définitivement par l'arbitrage suivant le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, par un ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce règlement. Le lieu d'arbitrage est fixé à Paris" ;

Considérant qu'aucun accord de volonté ne peut être déduit d'une clause qui prévoit simultanément la compétence du Tribunal de commerce de Paris et le recours à l'arbitrage pour les mêmes litiges ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la nullité ou l'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage ;

Considérant que la stipulation litigieuse ne pouvant davantage être considérée comme valide en tant que clause d'élection de for, il convient conformément au droit commun de l'article 42 du Code de procédure civile, de retenir la compétence de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé le domicile du défendeur; que Remy Cointreau étant enregistrée à Angoulême, la juridiction compétente, s'agissant d'une action fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, est, en vertu des articles D. 442-3 et D. 442-4 du même Code, le Tribunal de commerce de Bordeaux; qu'eu égard à la connexité des actions dirigées contre Remy Cointreau et contre MGD, c'est à ce tribunal qu'appartient la connaissance de l'ensemble du litige ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de ces dispositions à l'une quelconque des parties ;

Par ces motifs : Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence tirée d'une convention d'arbitrage. L'infirme pour le surplus. Statuant à nouveau : Déclare le Tribunal de commerce de Bordeaux compétent à l'égard de l'ensemble du litige. Condamne solidairement les sociétés Somaf et Sodimar aux dépens. Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du Code de procédure civile.