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Décisions

Commission, 5 juin 2014, n° M.7009

COMMISSION EUROPÉENNE

Résumé de la décision

Holcim/Cemex West

Commission n° M.7009

5 juin 2014

Le 5 juin 2014, la Commission a adopté une décision dans une affaire de concentration en application du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (1), et notamment de son article 8, paragraphe 1. Une version non confidentielle du texte intégral de la décision dans la langue faisant foi se trouve sur le site web de la direction générale de la concurrence, à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/comm/competition/index_en.html

I. LES PARTIES

(1) Holcim Beteiligungs GmbH (Deutschland) est la société holding de Holcim (Deutschland) AG. Holcim Beteiligungs GmbH (Deutschland) est contrôlée à 100 % par Holcim Ltd, une société anonyme de droit suisse, qui est la société mère ultime du groupe Holcim ("Holcim"), un fournisseur mondial de ciment, de granulats, de béton prêt à l'emploi, d'asphalte et de matériaux de cimenterie, présent dans plus de 70 pays.

(2) Cemex West compte plusieurs entités opérationnelles détenues entièrement ou en partie par trois sociétés (Cemex Deutschland AG, Cemex Kies & Split GmbH et Cemex Logistik GmbH). Les trois sociétés sont des filiales de Cemex Central Europe GmbH, qui est membre du groupe Cemex. Le groupe Cemex (ou "Cemex"), qui a son siège au Mexique et dont Cemex S.A.B. de C.V. est la société mère ultime, est une entreprise mondiale de matériaux de construction active dans les secteurs du ciment, du béton prêt à l'emploi, des granulats et des matériaux de construction connexes en Amérique, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.

II. L'OPÉRATION

(3) Le 3 septembre 2013, la Commission européenne a reçu notification d'un projet de concentration par lequel Holcim Beteiligungs GmbH (Deutschland) a l'intention d'acquérir une partie des activités du groupe Cemex dans les domaines du ciment, du béton prêt à l'emploi, des granulats et des matériaux de cimenterie dans l'ouest de l'Allemagne, ainsi qu'un petit nombre d'usines et de sites en France et aux Pays-Bas (conjointement "Cemex West").

III. DIMENSION EUROPÉENNE

(4) Les entreprises concernées ont réalisé ensemble, au niveau mondial, un chiffre d'affaires total de plus de 5 milliards d'EUR en 2012. Chacune d'elles présentait un chiffre d'affaires pour l'Union européenne de plus de 250 millions d'EUR en 2012. Si Cemex West réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires pour l'Union européenne dans un seul État membre (l'Allemagne), ce n'est pas le cas d'Holcim. Par conséquent, l'opération notifiée revêt une dimension européenne au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) no 139/2004.

IV. PROCÉDURE

(5) L'opération a été notifiée à la Commission le 3 septembre 2013. Le 22 octobre 2013, la Commission a estimé que l'opération soulevait de sérieux doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et elle a décidé d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

(6) Le 26 septembre 2013, la Commission a reçu une demande de l'Allemagne visant à renvoyer l'ensemble de l'affaire devant l'autorité allemande de la concurrence en application de l'article 9, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations. Après ouverture d'une procédure par une décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), l'Allemagne a envoyé un rappel de sa demande de renvoi le 20 novembre 2013. Le 3 janvier 2014, la Commission a adopté, en vertu de l'article 9, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, une décision rejetant la demande. Le refus était fondé sur le fait que le critère visé à l'article 9, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations n'était pas rempli étant donné qu'en l'espèce, aucun marché du ciment gris en cause ne présente toutes les caractéristiques de marchés distincts en Allemagne.

(7) Le projet de décision a été examiné avec les États membres lors de la réunion du comité consultatif en matière de concentrations du 21 mai 2014, qui a rendu un avis favorable. Le conseiller-auditeur a rendu son avis favorable sur la procédure le 21 mai 2014.

V. APPRÉCIATION

Introduction

(8) L'opération porte sur le secteur des matériaux de construction et en particulier sur le ciment, les matériaux de cimenterie, les granulats et le béton prêt à l'emploi.

(9) Dans la décision d'ouverture de la procédure, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le marché intérieur et avec l'accord EEE en ce qui concerne: i) le ciment gris; et ii) les matériaux de cimenterie. Les chevauchements potentiels entre les activités des parties dans d'autres produits n'affectent aucun marché.

Ciment gris

Marché de produits en cause

(10) L'enquête sur le marché réalisée dans la présente affaire a confirmé les premières conclusions de la Commission et l'opinion d'Holcim selon lesquelles les deux grands types de ciment (blanc et gris) constituent des marchés de produits distincts.

(11) L'enquête de marché réalisée dans la présente affaire a également confirmé les conclusions de la Commission dans des affaires antérieures selon lesquelles le ciment gris peut faire l'objet d'une distinction supplémentaire selon qu'il est vendu en vrac ou en sac. Toutefois, étant donné qu'il n'existe aucun chevauchement pour le ciment en sac, il n'est pas nécessaire de trancher cette question.

(12) La Commission a également examiné si le ciment gris devait également être segmenté selon des qualités ou des catégories. L'enquête de marché n'a toutefois pas confirmé qu'une telle segmentation supplémentaire serait appropriée.

(13) La Commission considère par conséquent que le marché de produits en cause aux fins de l'appréciation des effets de l'opération est le marché global du ciment gris. Puisque l'appréciation sous l'angle de la concurrence ne serait pas modifiée, même en prenant en considération un marché plus étroit du ciment en vrac, la définition exacte du marché de produits peut être laissée en suspens à cet égard.

Marché géographique en cause

(14) La Commission considère, dans les circonstances de l'espèce, que les marchés géographiques en cause devraient être définis comme des zones circulaires autour des cimenteries concernées, conformément à la pratique antérieure de la Commission. Cette approche permet à la Commission de recenser les clients susceptibles d'être affectés par l'opération.

(15) La Commission conclut, à la lumière des modèles existants et potentiels d'offre et de demande et des opinions des acteurs du marché, qu'en l'espèce, il convient surtout d'apprécier les effets concurrentiels de l'opération sur différents marchés géographiques sur la base de rayons de 150 et 250 km autour de Cemex West.

Appréciation sous l'angle de la concurrence

(16) Les deux parties sont actives dans la production et la fourniture de ciment gris. Les installations de production de ciment gris de Cemex West sont situées en Rhénanie-du-Nord - Westphalie. Les installations de production de ciment gris d'Holcim les plus proches de celles de Cemex West sont situées dans le nord de l'Allemagne et en Belgique. Holcim exploite deux cimenteries intégrées en Basse-Saxe (Lägerdorf et Höver) et une en Belgique (Obourg). En outre, elle exploite un centre de broyage à Brême et un centre de mélange en Belgique (Anvers).

(17) La Commission note qu'en Rhénanie-du-Nord - Westphalie, où sont situées les cimenteries de Cemex West, les concurrents possèdent au total 10 cimenteries intégrées. Tant les concurrents que les clients ont confirmé lors de l'enquête de marché qu'un grand nombre d'entreprises concurrentes opèrent depuis la Rhénanie-du-Nord - Westphalie.

(18) Les parties ont une part de marché cumulée dans la zone de 150 km autour des usines de Cemex West de [10-20] % et sont suivies par Heidelberg ([10-20] %) et Miebach ([10-20] %). Plusieurs autres concurrents sont actifs dans cette zone, chacun avec une part de marché supérieure à 5 %: Spenner, Dyckerhoff, Seibel & Söhne, Gebrüder Seibel et Phoenix.

(19) Les parties ont une part de marché cumulée dans la zone de 250 km autour des usines de Cemex West de [20-30] % et sont suivies par Heidelberg ([10-20] %) et Dyckerhoff ([5-10] %). Plusieurs autres concurrents (Miebach, Spenner, Schwenk, Seibel & Söhne, Gebrüder Seibel et Phoenix) sont présents dans cette zone et disposent de parts de marché appréciables.

(20) La Commission examine si Cemex West exerce une pression concurrentielle sur les usines d'Holcim du nord de l'Allemagne (Brême, Höver et Lägerdorf), d'une part, et sur l'usine belge d'Obourg, d'autre part. À cet égard, la Commission conclut, sur la base des résultats de l'enquête de marché, qu'il est peu probable que l'opération entraîne la disparition d'un concurrent réel ou potentiel important dans les zones autour de ces usines d'Holcim.

(21) La Commission analyse également les effets coordonnés potentiels sur les différents marchés géographiques définis par des rayons de 150 ou 250 km tracés autour des cimenteries des parties en Allemagne, en Belgique et dans le nord-est de la France.

(22) La Commission considère que le mécanisme de coordination le plus probable sur les marchés du ciment gris faisant l'objet de l'enquête est la répartition des clients, qui empêche les concurrents de proposer des prix bas aux clients de leurs rivaux. La Commission a donc examiné si les producteurs de ciment concurrents pourraient se voir peu enclins à pénétrer de manière notable dans les bastions géographiques de leurs concurrents ou, plus généralement, à adopter une politique agressive vis-à-vis des nouveaux clients. Dans ce cas particulier, Holcim pourrait être considérée comme occupant un bastion géographique dans le nord de l'Allemagne et une position significative dans certaines parties de la Belgique.

(23) La Commission estime que plusieurs aspects des marchés du ciment gris faisant l'objet de l'enquête révèlent l'existence d'une coordination à l'heure actuelle. La Commission en conclut donc que même si les marchés du ciment en cause autour des usines de Cemex West ne sont pas fortement concentrés, ce qui en soi pourrait plaider contre l'existence d'un comportement coordonné, d'autres caractéristiques du marché vont dans le sens d'une coordination. Par ailleurs, divers éléments tels que les marges brutes relativement élevées et les attentes, de la part des concurrents, de réactions ciblées face à une concurrence agressive laissent à penser qu'il s'agit davantage d'une coordination que d'une maximisation des bénéfices à court terme.

(24) Dans le même temps, d'autres facteurs démentent toutefois une telle coordination sur les marchés faisant l'objet de l'enquête, notamment le nombre relativement élevé de fournisseurs de ciment ou la viabilité limitée d'un mécanisme de coordination potentiel fondé sur la répartition des clients. En tant que telle, bien qu'il ne puisse être exclu qu'il existe un certain degré de coordination sur les marchés du ciment gris faisant l'objet de l'enquête, la décision n'a pas à trancher cette question en raison de l'absence d'effets propres à la concentration.

(25) En ce qui concerne ces effets propres à la concentration, la décision résume les résultats de l'enquête de la Commission visant à savoir si le rachat de Ce mex West par Holcim rendrait toute coordination actuelle éventuelle sur les marchés du ciment faisant l'objet de l'enquête plus facile, plus stable ou plus efficace en favorisant: i) l'adoption d'une position commune sur les conditions de la coordination; ii) le contrôle des écarts par rapport à la coordination; iii) les mesures décourageant tout écart par rapport à la coordination; et iv) l'affaiblissement des réactions des entreprises étrangères à la coordination ou des concurrents potentiels. En particulier, la Commission examine en profondeur la plausibilité d'un renforcement potentiel des mesures de rétorsion du fait du rachat de Cemex West par Holcim ainsi que l'ampleur potentielle de ces effets de coordination.

(26) Globalement, la Commission estime qu'il n'existe pas d'éléments de preuve suffisants pour conclure que l'acquisition de Cemex West pourrait sensiblement augmenter le potentiel de rétorsion d'Holcim contre les fournisseurs de Rhénanie-du-Nord - Westphalie en rendant toute coordination éventuelle plus facile, plus stable et plus efficace. Par conséquent, elle conclut également qu'il est peu probable que l'opération rende la coordination plus facile, plus stable ou plus efficace à un degré tel qu'elle pourrait être considérée comme constituant une entrave significative à une concurrence effective.

(27) Pour les mêmes raisons, la Commission en déduit aussi qu'il est peu probable que des concurrents qui ne participaient précédemment à aucune coordination soient bien davantage susceptibles d'y adhérer du fait de l'opération.

(28) Il est donc considéré que l'opération est peu susceptible d'entraver de manière significative une concurrence effective sur les marchés du ciment gris dans les zones de 150 et 250 km autour des usines des parties, et ce du fait d'effets coordonnés.

Matériaux de cimenterie

Marché de produits en cause

(29) On entend par "matériaux de cimenterie" les substances qui présentent des caractéristiques cimentaires ou pouzzolaniques et qui sont utilisées dans la fabrication de ciment. Le matériau de cimenterie de base est le clinker. Toutefois, des matériaux de remplacement ou complémentaires tels que le laitier de haut fourneau et les cendres volantes peuvent être utilisés dans la production de ciment et de béton.

(30) L'opération affecte des marchés en ce qui concerne les matériaux de cimenterie fabriqués à partir de laitiers de haut fourneau. Le laitier de haut fourneau est un sous-produit de la métallurgie. Lorsque le laitier liquide qui est obtenu dans le haut fourneau est refroidi rapidement en le trempant dans l'eau ou la vapeur, il génère une structure granulaire vitreuse ou amorphe et est appelé "laitier granulé de haut fourneau" ("LGH"). Pour produire du ciment, le LGH doit être broyé. Ce broyage s'effectue souvent avec d'autres constituants du ciment ("cobroyage"), mais il peut également être fait séparément. Si le LGH est broyé séparément, le produit obtenu est appelé "laitier granulé broyé de haut fourneau" ("LGBH").

(31) Même si les personnes qui ont répondu à l'enquête sur le marché ont également souligné un certain degré de substituabilité du côté de la demande entre les produits dérivés du laitier de haut fourneau et d'autres matériaux de cimenterie, l'enquête sur le marché a indiqué, de manière générale, que ces produits dérivés du laitier de haut fourneau sont susceptibles de constituer un marché de produits en cause distinct, qui diffère d'autres matériaux de cimenterie comme les cendres volantes. Toutefois, en raison de l'absence de tout problème, les définitions précises du marché de produits sont laissées ouvertes dans la décision.

Marché géographique en cause

(32) L'enquête de marché réalisée dans la présente affaire a indiqué qu'un rayon de 250 km autour des sites d'approvisionnement en LGH de Cemex West et les sites d'approvisionnement en LGH d'Holcim compris dans cette zone constituent le marché géographique en cause qui risque d'être le plus affecté par l'opération. Toutefois, la définition exacte du marché géographique peut être laissée en suspens.

Appréciation sous l'angle de la concurrence

(33) L'approvisionnement des parties en LGH et en laitiers liquides repose sur des accords contractuels à long terme passés avec les entreprises sidérurgiques. Ces accords à long terme, d'une part, garantissent aux parties un approvisionnement constant en LGH mais, d'autre part, les obligent à accepter des livraisons indépendamment de leur capacité à absorber les volumes dans leur production interne de ciment ou à les vendre sur le marché libre. En conséquence, les parties ont dû stocker d'importantes quantités de LGH. Cela rejoint les conclusions de l'enquête sur le marché indiquant des offres excédentaires de LGH en Allemagne.

(34) L'approvisionnement en LGH par les parties a représenté en 2012 environ 40-50 % de l'ensemble des LGH produits dans un rayon de 250 km. Toutefois, l'entité issue de la concentration restera confrontée à la concurrence d'autres fournisseurs de LGH, à savoir les entreprises sidérurgiques elles-mêmes, et elle ne serait pas en mesure de limiter l'accès de ses concurrents en aval aux LGH: premièrement, les parties utilisent des volumes importants de LGH au niveau interne et la part de leurs ventes sur le marché libre était plus modeste en 2012 (environ 20-30 %); deuxièmement, les accords d'approvisionnement de Cemex West ont fait l'objet d'un accord volontaire avec l'autorité allemande de la concurrence, ce qui a fortement réduit les volumes d'approvisionnement de Cemex West par rapport aux volumes fixés avant l'accord en 2007; troisièmement, les parties ont pris des mesures supplémentaires en 2012 et 2013 pour réduire leurs approvisionnements en LGH et elles ont renégocié certains accords avec les producteurs d'acier, ce qui signifie que ces entreprises peuvent à présent commercialiser des volumes qui ne sont plus fournis par les parties (en plus des volumes qu'elles ont déjà vendus sur le marché libre); quatrièmement, un grand nombre d'accords passés entre les parties et les entreprises sidérurgiques expireront dans un proche avenir.

(35) En ce qui concerne le marché distinct potentiel des LGBH, la Commission note que l'accès aux LGH en tant que matière première sera suffisant, comme indiqué ci-dessus. L'entité issue de la concentration continuera à faire face à la concurrence d'autres fournisseurs de LGBH.

(36) La Commission estime dès lors que l'opération est peu susceptible d'entraver de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés en cause des matériaux de cimenterie.

VI. CONCLUSION

(37) En conclusion, il est peu probable que l'opération notifiée entrave de manière significative la concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

(38) L'opération notifiée est donc déclarée compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations, ainsi qu'à l'article 57 de l'accord EEE.