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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 6 décembre 2013, n° 12-18960

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Van Cleef & Arpels (SA), Cartier (SAS), Van Cleef & Arpels France (SARL)

Défendeur :

Actuelle (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Jaffuel

Avocats :

SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gobod, Mes Bouhenic, Fauchoux, Flauraud, Greffe

TGI Paris, ch. 3, du 21 sept. 2012

21 septembre 2012

La société de droit suisse Van Cleef & Arpels SA crée et fabrique des articles de joaillerie.

Suite à un apport partiel d'actifs du 1er juin 2010, la société SOCIETE Cartier assure la commercialisation en France des articles de bijouterie vendus sous la marque Van Cleef & Arpels, la société Van Cleef & Arpels France assurant la promotion et la communication relative à ces derniers sur ce même territoire.

La société Van Cleef & Arpels SA revendique des droits d'auteurs sur trois motifs de trèfles quadrilobés, présents dans huit de ses bijoux, à savoir sur le motif Vintage Alhambra, le motif Moderne Alhambra et le motif Byzantine Alhambra.

En outre, elle revendique pour huit de ses bijoux la protection des dessins et modèles DM 067922 n°4, n°8 et n°10 du 14 juin 2006 et DM 056564 n° 10 et 13 du 7 mai 2001.

La société Van Cleef & Arpels SA indique avoir appris en novembre 2009, notamment par une retenue en douanes de 11 modèles d'apprêts (pour un total de 1.173 articles), que la société Actuelle, spécialisée dans la commercialisation d'articles de bijouterie, fournissait à différentes sociétés des apprêts quadrilobés prêts à être assemblés, qu'elle estime contrefaisants de ses propres motifs.

A la suite d'une saisie-contrefaçon diligentée le 30 novembre 2010 au siège social de la société Actuelle en vertu d'une ordonnance du 22 novembre 2010 , les sociétés Van Cleef & Arpels SA et Société Cartier ont fait assigner, par acte d'huissier de justice du 27 décembre 2010, la société Actuelle devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et de modèles déposés, ainsi qu'en concurrence parasitaire, aux fins d'obtenir, outre des mesures d'interdiction, de destruction sous astreinte et de publication, réparation de leurs préjudices et paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

La société Van Cleef & Arpels France est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement contradictoire du 21 septembre 2012, non assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal a débouté les sociétés Van Cleef & Arpels SA, Van Cleef & Arpels France et Cartier de leurs demandes, débouté la société Actuelle de sa demande de dommages-intérêts, et a condamné in solidum les sociétés Van Cleef & Arpels SA, Van Cleef & Arpels France et Cartier aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Par dernières écritures signifiées par voie électronique le 27 août 2013, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Van Cleef & Arpels SA, la société Cartier et la société Van Cleef & Arpels France demandent à la Cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants, L. 335-2 à L. 335-10 et suivants, et L. 521-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ainsi que 1382 du Code civil, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- juger que les 3 motifs de trèfles quadrilobés et les 8 bijoux Vintage Alhambra, Moderne Alhambra et Byzantine Alhambra sont originaux et appropriables par le droit d'auteur et que la société Van Cleef & Arpels SA est recevable à agir sur le fondement des Livres I et III du Code de la Propriété intellectuelle,

- juger que la société Actuelle s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droit d'auteur en commercialisant en France les apprêts litigieux reproduisant les caractéristiques originales des motifs et des bijoux Vintage Alhambra, Moderne Alhambra et Byzantine Alhambra de la société Van Cleef & Arpels SA,

- juger que la société Actuelle s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de modèles en commercialisant en France les apprêts litigieux qui produisent une impression d'ensemble identique aux modèles enregistrés DM 067922 du 14 juin 2006 n°4, 8 et 10 et DM 056564 du 7 mai 2001 n° 10 et 13, dont la société Van Cleef & Arpels SA est propriétaire,

- juger que la société Actuelle s'est rendue coupable d'actes de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés Van Cleef & Arpels France et SOCIETE Cartier, qui commercialisent les bijoux Alhambra,

- ordonner l'arrêt immédiat de toute fabrication, reproduction, exposition ou vente des apprêts contrefaisants ou imitant les motifs et bijoux Vintage Alhambra, Moderne Alhambra et Byzantine Alhambra appartenant à la société Van Cleef Arpels SA, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la destruction aux frais de la société Actuelle des exemplaires de bijoux en stock qui seraient en sa possession, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans les quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Actuelle à payer à la société Van Cleef & Arpels SA la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la contrefaçon de droit d'auteur et de dessins et modèles.

- condamner la société Actuelle à payer aux sociétés Van Cleef & Arpels France et Cartier la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la concurrence parasitaire, selon la répartition suivante, 50 000 euros pour la société Van Cleef & Arpels France et 30 000 euros pour la société Cartier,

- ordonner la publication du communiqué suivant dans 3 journaux ou magazines au choix de la société Van Cleef & Arpels SA et aux frais de la société Actuelle sans que le coût de chacune de ces publications n'excède la somme de 5 000 euros hors taxes :

" Par arrêt du XXX la Cour d'appel de Paris a jugé que certains apprêts vendus par la société Actuelle, portaient atteinte aux droits de propriété intellectuelle que la société Van Cleef & Arpels détenait sur les motifs quadrilobés et les bijoux de la Collection Alhambra.

Les sociétés ayant fait l'acquisition d'apprêts litigieux quadrilobés sont invités à se rapprocher de la société Actuelle afin d'obtenir plus de renseignements. "

- condamner la société Actuelle à payer à chacune des sociétés Van Cleef & Arpels SA, Van Cleef & Arpels France et Cartier la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens y compris les frais et honoraires d'huissier relatifs aux opérations de saisie contrefaçon exposés,

- débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes formées à titre reconventionnel.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 17 septembre 2013, auxquelles il est également expressément renvoyé, la société Actuelle, intimée, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelantes de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnées à verser à la société Actuelle la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens,

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et statuant à nouveau, de :

- condamner in sodium les appelantes à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par dernière, et la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de son conseil.

- ordonner, à titre de supplément de dommages et intérêts, qu'un texte reproduit dans les écritures soit publié dans deux journaux ou revues de son choix et aux frais des sociétés Van Cleef & Arpels et Cartier sans que le coût de chacune de ces insertions ne soit inférieur à la somme de 5 000 euros HT.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2013.

Sur ce,

Considérant que la société Actuelle conclut dans les motifs de ses dernières écritures à l'irrecevabilité de demandes nouvelles de la société Van Cleef & Arpels SA, au demeurant sans les identifier autrement que par l'affirmation qu'étaient revendiqués devant le Tribunal cinq bijoux des collections Vintage Alhambra, Moderne Alhambra et Byzantine Alhambra alors que la Cour est saisie de demandes concernant trois motifs Alhambra et huit modèles de bijoux Alhambra ;

Que toutefois le dispositif des dernières écritures de la société Actuelle ne comporte pas de demandes à ce titre et la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes énoncées au dispositif par application des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef ;

Sur la recevabilité à agir de la société Van Cleef & Arpels SA

Considérant que la recevabilité à agir de la société Van Cleef & Arpels SA n'étant pas contestée, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point ;

Sur les demandes formées par la société Van Cleef & Arpels SA au titre des droits d'auteur

Considérant que les sociétés appelantes poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que la société Van Cleef & Arpels SA, tout en invoquant plusieurs modèles de bijoux, revendiquait uniquement la protection d'une forme, en l'espèce un quadrilobe, et non une combinaison d'éléments spécifiques, alors que cette dernière n'aurait jamais recherché la protection d'un genre, mais celle de trois motifs de trèfles quatrilobés formant la collection Alhambra et désignés sous les appellations Vintage Alhambra, Moderne Alhambra et Byzantine Alhambra ainsi que de huit bijoux comportant ces motifs, également désignés sous l'appellation Alhambra ;

Considérant que pour conclure à l'absence de contrefaçon, la société Actuelle soutient que les différentes demandes de l'appelante fondées sur de multiples motifs et bijoux démontrent qu'elles cherchent in fine à revendiquer des droits sur la forme d'un trèfle quadrilobé, seul point commun entre tous les éléments invoqués ; qu'elle fait valoir que les combinaisons revendiquées ne sont pas de nature à conférer une quelconque originalité à la forme quadrilobée 'qui est connue depuis la nuit des temps' et est utilisée depuis toujours dans le domaine des arts appliqués ; que, par motifs adoptés du Tribunal, elle soutient que cette forme ne présente aucune originalité dans le monde de la bijouterie, y compris selon les caractères revendiqués par les appelantes, et produit à cet égard plusieurs utilisations de ce motif en matière d'orfèvrerie, d'architecture, d'objets d'art, de mobilier et de numismatique ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les 'œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;

Que selon l'article L. 112-2 10° du même Code, sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit les œuvres des arts appliqués ;

Qu'en l'espèce la société Van Cleef & Arpels SA caractérise ainsi les motifs de bijoux qu'elle revendique :

- motif Vintage Alhambra :

- Quatre lobes semi-circulaires parfaitement symétriques, réunis ensemble constituant une forme globale stylisée de trèfle,

- Un rebord légèrement surélevé en métal souligne les lignes pures du contour de la forme, délimite et " encercle " la pierre fine (ou le matériau) utilisé au centre du bijou,

- Le rebord en métal précieux est perlé, ce qui crée un contraste avec le caractère lisse et poli de la pierre ou avec le matériau utilisé pour le centre du bijou' ;

- motif Moderne Alhambra :

- Quatre lobes semi-circulaires parfaitement symétriques, réunis ensemble constituant une forme globale stylisée de trèfle,

- Un rebord en métal lisse qui souligne les lignes pures du contour de la forme, délimite et "encercle " la pierre fine (ou le matériau) utilisé au centre du bijou. Ce rebord recouvre partiellement la partie centrale,

- La pierre fine est légèrement bombée en son centre,

- Le rebord en métal précieux est exactement au même niveau que la pierre centrale dure qui compose le motif quadrilobe, renforçant l'aspect lisse du motif,

- Le contraste est accentué par la différence de couleurs entre ce rebord en métal précieux et le matériau utilisé pour le centre du bijou' ;

- motif Byzantine Alhambra :

- Quatre lobes semi-circulaires parfaitement symétriques, réunis ensemble constituant une forme globale stylisée de trèfle,

- Le motif est constitué d'une seule pièce, pleine ou présentant un ajournement en forme de quadrilobe,

- Le motif est exclusivement en or jaune et n'utilise pas de pierre ;

- Le motif est plat et parfaitement lisse, mais présente une certaine épaisseur ;

- bijoux :

Chaque gamme de bijoux Alhambra-Vintage, Moderne, Byzantine, Magic et Lucky- est composée de très nombreux modèles tels que des bagues, des colliers, des sautoirs, des motifs d'oreille, des bracelets, etc...

A titre d'exemple, les bijoux Vintage Alhambra présentent des motifs de la même taille, séparés par des espaces réguliers, alors qu'ils sont de taille différente et séparés par des espaces irréguliers pour les bijoux de la collection Magic Alhambra' ;

Considérant, ceci exposé, que si les appelantes relèvent à juste titre qu'aucun des éléments antérieurs des domaines du mobilier, de l'architecture, de la bijouterie ou de l'orfèvrerie ne reproduit, dans une même combinaison, l'ensemble des caractéristiques des motifs revendiqués et qu'aucun d'entre eux ne constitue donc une antériorité de toutes pièces, il convient néanmoins de rappeler que la notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur, seule la preuve du caractère original étant exigée comme condition de l'octroi de la protection au titre du livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Qu'il appartient dès lors à la société Van Cleef & Arpels SA de justifier de ce que les œuvres revendiquées présentent une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique et reflète l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;

Or en l'espèce, il n'est versé aux débats aucune pièce probante à l'appui des affirmations de l'intimée s'agissant des motifs Vintage Alhambra et Moderne Alhambra, le prétendu caractère 'connu' de motifs tels que ci-dessus décrits n'étant ainsi nullement démontré ;

Qu'au contraire, et étant précisé que la société Van Cleef & Arpels ne saurait revendiquer des droits d'auteur sur quatre arcs de cercle égaux disposés autour d'un centre de symétrie composant le quadrilobe, qui est effectivement un élément connu, banal et usuel dans le domaine des arts appliqués en général et des bijoux en particulier, l'originalité des motifs Vintage Alhambra et Moderne Alhambra réside dans la combinaison des éléments qui les caractérisent selon des agencements particuliers, et seulement dans celle-ci, et qui confèrent à l'ensemble sa physionomie propre et traduit un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;

Considérant que les motifs Vintage Alhambra et Moderne Alhambra doivent donc bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du Code de la Propriété Intellectuelle et le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef ;

Considérant en revanche, que la société Van Cleef & Arpels SA, qui affirme dans ses écritures que le motif Byzantine Alhambra comporte 'quatre lobes semi-circulaires parfaitement symétriques, réunis ensemble constituant une forme globale stylisée de trèfle, qu'il est constitué d'une seule pièce, pleine ou présentant un ajournement en forme de quadrilobe, exclusivement en or jaune et n'utilise pas de pierre et qu'il est plat et parfaitement lisse, mais présente une certaine épaisseur' de sorte qu'il est 'en totale rupture' avec les objets de l'art antérieur pour conclure à l'originalité de ce motif, ne fait ainsi nullement la démonstration de ce que ledit motif porterait la marque de l'apport intellectuel de l'auteur et révélerait son effort créatif ;

Qu'il s'ensuit que le motif Byzantine Alhambra qui reprend des éléments connus dans une combinaison dont l'originalité n'est pas établie, ne peut bénéficier de la protection instaurée par le livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Que c'est donc à bon droit que le Tribunal a débouté la société Van Cleef & Arpels SA de sa demande de contrefaçon de ce chef de demande ;

Considérant par ailleurs, s'agissant des huit modèles de bijoux revendiqués, que les appelantes se contentent de reproduire dans leurs écritures des photographies de différents bijoux, soit une paire de boucles d'oreilles pavées, deux pendentifs et une bague Alhambra, un pendentif et un bracelet Moderne Alhambra, en or blanc et en pierre noire ou grise, un pendentif et une paire de motifs d'oreille Byzantine Alhambra en or jaune, et de brèves explications sur l'agencement des motifs en bijoux et leur matière, et sur leurs formes 'harmonieuses qui résultent d'un travail impliquant des choix esthétiques et arbitraires, tant sur les formes et matières, et sur leur disposition et leur agencement ;

Qu'ainsi, étant précisé qu'il n'appartient pas à la Cour d'examiner elle-même lesdits bijoux en dehors de toute description par la société Van Cleef & Arpels de chacune des 'œuvres revendiquées dans ses écritures, la demande formée de ce chef doit être rejetée ;

Sur les demandes formées par la société Van Cleef & Arpels SA au titre des dessins et modèles

Considérant que la société Van Cleef & Arpels SA revendique également la protection au titre de deux dessins et modèles internationaux n° 056564 du 7 mai 2001et n° 067922 du 14 juin 2006 (reproductions n° 10 et 13 d'une part et n° 4, 8 et 10 ;

Que si aucune description ne figure dans les écritures, il y a lieu de constater que la validité de ces dessins et modèles n'est pas contestée ;

Sur la contrefaçon

au titre des droits d'auteur

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle , toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque;

Qu'en l'espèce les sociétés appelantes font valoir que la vente des 1.173 apprêts litigieux par la société Actuelle constitue un acte de contrefaçon, ce que cette dernière a reconnu expressément dans le cadre de la procédure douanière ayant abouti à une transaction ;

Que l'intimée oppose à ce dernier argument la compétence exclusive du juge et non des services des douanes afin d'apprécier la réalité de la contrefaçon et, reprenant son argumentation sur le caractère non protégeable du quadrilobe, fait valoir qu'elle s'est contentée d'offrir à la vente des apprêts ayant une forme banale et qui ne reproduisent pas 'les modèles' de la société Van Cleef & Arpels SA et qu'elle n'a donc jamais commercialisé de bijoux finalisés couverts par les droits allégués de l'appelante ; qu'elle ajoute qu'en de telles circonstances, la condamner reviendrait à accorder aux appelantes un monopole sur la seule forme d'un trèfle quadrilobé ;

Considérant, ceci exposé, qu'il a été dit que l'originalité des motifs Vintage Alhambra et Moderne Alhambra ne réside que dans la combinaison des éléments et agencements particuliers qui les caractérisent, et dès lors l'action en contrefaçon ne peut prospérer que dans cette limite ;

Or considérant en effet qu'un règlement transactionnel a été régularisé début janvier 2010 selon la télécopie de la Direction Générale des Douanes du 21 juin 2010 entre ce service et la société Actuelle moyennant l'abandon des objets retenus, détruits par la suite, et le règlement de pénalités, de sorte que la matérialité des faits a ainsi été reconnue par l'intimée qui n'est donc pas fondée à la contester devant la Cour, ce d'autant qu'il résulte en tout état de cause de la comparaison des motifs litigieux que les apprêts AC9 et AC2 ainsi que les apprêts AC10, AC1 et AC3 de la société Actuelle reproduisent respectivement les caractéristiques des motifs Vintage Alhambra et Moderne Alhambra, les quelques différences relevées tenant essentiellement aux systèmes d'attache n'étant pas de nature à affecter l'impression visuelle d'ensemble qui s'en dégagent ;

Que la contrefaçon de ces motifs est donc caractérisée et le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant par ailleurs que la contrefaçon des bijoux ne peut prospérer, ces derniers, tel que revendiqués, n'étant pas protégeables par le droit d'auteur ;

au titre des dessins et modèles

Considérant qu'en application de l'article L. 513-4 du Code de la Propriété Intellectuelle , " sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle " ;

Que selon l'article L. 513-5 du même Code, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente;

Qu'en l'espèce, la société Van Cleef & Arpels SA fait valoir que parmi les apprêts retenus en douanes, les apprêts AC9 et AC2 reproduisent le modèle enregistré DM 067922 n°4, les apprêts AC1, AC3 et AC10 reproduisent le modèle enregistré DM 056564 n°10 et 13, et les apprêts AC4, AC5, AC6, AC7, AC8 et AC15 reproduisent le modèle DM 067922 n°8 et 10 ;

Que l'intimée ayant répondu de manière générale aux prétentions au titre de la contrefaçon des appelantes, est réputée présenter les mêmes arguments à l'encontre de cette demande qu'au titre du droit d'auteur ;

Considérant, ceci exposé, qu'il y a lieu de relever, bien que l'appelante ne décrive pas les modèles déposés dans ses écritures que :

- la représentation n° 4 de l'enregistrement n° 067922 du 14 juin 2006 donne à voir une boucle d'oreille composée de trois quadrilobes de différentes tailles, nacrés, blanc et noirs, et reliés entre eux par une chaînette dorée,

- les représentations n° 10 et 13 du modèle enregistré le 7 mai 2001 sous le n° 056564 montrent une bague coiffée d'un quadrilobe blanc nacré et un collier composé de neuf quadrilobes également blancs nacrés et espacés par une chaînette,

- les représentations n°8 et 10 du modèle n° 067922 du 14 juin 2006 donnent à voir un bracelet composé d'un quadrilobe Moderne Alhambra et de deux quadrilobes Byzantine Alhambra non protégés, le tout relié par une chaîne ainsi que par un porte-clés composé de deux quadrilobes dont un de la collection Byzantine Alhambra,

alors que :

- les apprêts AC9 et AC2 incriminés sont composés de quadrilobes uniques, à strass, et sont équipés d'attaches,

- les apprêts AC1, AC3 et AC10 incriminés sont composés de quadrilobes uniques, de couleur noire ou turquoise, et sont équipés d'attaches,

- et les apprêts AC4, AC5, AC6, AC7, AC8 et AC15 incriminés sont constitués, du moins pour les quatre derniers, de quadrilobes évoquant le seul motif Byzantine Alhambra non protégé, des modèles de bijoux déposés ;

Que la contrefaçon de dessins et modèles déposés ne peut donc prospérer et le jugement sera confirmé de chef ;

Sur la concurrence parasitaire

Considérant que les sociétés Van Cleef & Arpels France et Sosiété Cartier invoquent au soutien de leurs prétentions, les actes de contrefaçon commis par la société Actuelle, qui constituent en effet pour elles des actes de concurrence parasitaire ; que c'est dès lors en vain que la société Actuelle conclut de ce chef à l'absence de démonstration d'actes distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon ;

Qu'elles ajoutent que la société Actuelle a ainsi pu profiter de la notoriété attachée aux bijoux qu'elles commercialisent et entretenue par d'importants investissements financiers en matière de communication attestés par les pièces qu'elles versent aux débats ; qu'elles invoquent également l'effet de gamme créé par la commercialisation simultanée de différents motifs, ainsi que la vente à prix dérisoire des apprêts litigieux ;

Considérant que l'intimée réplique que les appelantes procèdent par voie d'affirmation sans apporter de preuves des fautes alléguées ; qu'en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, l'exploitation d'un motif appartenant au fonds commun ainsi que précédemment démontré ne constitue pas une faute ;

Considérant néanmoins que la société Van Cleef & Arpels France justifie de l'importance de ses investissements publicitaires relatifs aux modèles de la collection Alhambra, dont certains figurent parmi les fleurons de sa collection, par la production d'articles et de presse et d'attestations comptables ; Que l'intimée qui ne justifie quant à elle d'aucun élément de nature à établir son propre effort de création et de promotion des modèles incriminés, a ainsi manifesté sa volonté délibérée de se placer dans le sillage de la société Van Cleef & Arpels France pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par ses motifs de bijoux ;

Qu'il s'ensuit que la société Van Cleef & Arpels France est bien fondée à invoquer des actes de parasitisme commis à son encontre par la société Actuelle, la société Cartier qui n'a versé au débat aucun des éléments la concernant devant quant à elle être déboutée de ses demandes formées au même titre ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux mesures d'interdiction et de destruction sollicitées dans les termes définis au dispositif du présent arrêt ;

Considérant qu'il ressort des opérations de saisies-contrefaçon que la société Actuelle a acheté un total de 2 426 pendentifs contrefaisants ;

Que les appelantes expliquent que ce nombre ne représente cependant qu'une fraction de la masse contrefaisante, puisque les factures correspondantes ne mentionnent qu'une seule des références qui avaient été retenues par les services douaniers en novembre 2009 et ne portent que sur deux livraisons effectuées les 29 avril et 25 août 2009, et que les autres éléments comptables versés par l'intimée aux débats ne portent pas non plus sur l'ensemble des apprêts litigieux révélé par les opérations de saisie-contrefaçon ;

Que l'intimée estime au contraire au regard des faibles quantités de produits concernés que le préjudice prétendument subi par les appelantes ne peut être que symbolique ;

Considérant ceci exposé que les appelantes ne versent aux débats aucun élément de nature à contredire ceux révélés par les opérations douanières et de saisies-contrefaçon, soit l'achat par cette dernière de 2 426 pendentifs, étant relevé que si ces pendentifs sont distingués dans les écritures en fonction de leurs couleurs, aucune distinction n'est faite en fonction du motif concerné ;

Que la société Van Cleef & Arpels SA soutient en revanche à juste titre que la vente à bas prix a nécessairement entraîné pour elle une vulgarisation et un avilissement des bijoux et de leurs images auprès du consommateur, aggravant ainsi son préjudice, sans toutefois caractériser de préjudice moral distinct à son encontre ;

Qu'enfin la société Van Cleef & Arpels France peut valablement soutenir que les actes de concurrence déloyale et de parasitisme commis à son encontre ont porté atteinte à ses efforts de valorisation et de promotion réalisés pour les motifs de bijoux considérés ;

Considérant que la Cour trouve ainsi en la cause, les éléments suffisants pour allouer à la société Van Cleef & Arpels SA la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon de droits d'auteur commis à son encontre et à la société Van Cleef & Arpels France la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ;

Considérant enfin qu'à titre d'indemnisation supplémentaire, il sera fait droit à la demande de publication dans les termes ci-après indiqués ;

Sur les demandes reconventionnelles formées par la société Actuelle

Considérant que l'intimée qui succombe en partie sera déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société Actuelle, partie perdante, aux dépens ainsi qu'au remboursement des frais de saisies-contrefaçon;

Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser aux sociétés Van Cleef & Arpels SA et Van Cleef & Arpels France, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme totale de 10 000 euros ;

Par ces motifs, Infirme le jugement du 21 septembre 2012 en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, Dit que les 2 motifs de trèfles quadrilobés dénommés Vintage Alhambra et Moderne Alhambra dont la société Van Cleef & Arpels SA est l'auteur sont originaux et peuvent bénéficier de la protection du droit d'auteur. Dit qu'en détenant, proposant à la vente et commercialisant les apprêts objets du procès-verbal de saisie-contrefaçon et reconnus contrefaisants, la société Actuelle s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droit d'auteur de la société Van Cleef & Arpels SA sur les motifs de trèfles quadrilobés dénommés Vintage Alhambra et Moderne Alhambra. Dit que la société Actuelle s'est en outre rendue coupable d'actes de concurrence parasitaire au préjudice de la société Van Cleef & Arpels France. Interdit à la société Actuelle la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt. Ordonne la destruction, aux frais de la société Actuelle, des exemplaires de bijoux en stock qui seraient en sa possession et qui ont été reconnus contrefaisants, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt. Condamne la société Actuelle à payer à la société Van Cleef & Arpels SA la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de droit d'auteur commis à son encontre. Condamne la société Actuelle à payer à la société Van Cleef & Arpels France et Cartier la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence parasitaire commis à son encontre. Autorise la publication du communiqué suivant dans 3 journaux ou magazines au choix de la société Van Cleef & Arpels SA et aux frais de la société Actuelle sans que le coût de chacune de ces publications n'excède la somme de 5 000 euros hors taxes : Par arrêt du 6 décembre 2013 la Cour d'appel de Paris a jugé que certains apprêts vendus par la société Actuelle, portaient atteinte aux droits d'auteur que la société Van Cleef & Arpels détient sur les motifs de bijoux quadrilobés dénommés Vintage Alhambra et Moderne Alhambra. Condamne la société Actuelle à payer aux sociétés Van Cleef & Arpels SA et Van Cleef & Arpels France, ensemble, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Rejette toutes demandes plus amples ou contraires. Déboute la société Actuelle de l'ensemble de ses demandes reconventionnelle. Condamne la société Actuelle aux entiers dépens, en ceux compris les frais relatifs aux opérations de saisie contrefaçon exposés.