Livv
Décisions

Cass. soc., 21 octobre 2014, n° 13-11.150

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Société Industrielle et Commerciale de l'Ouest (SAS), Margottin (ès qual.), Bidan (ès qual.)

Défendeur :

Grosbois, CGEA AGS de Rennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Rapporteur :

M. Alt

Avocat général :

Mme Courcol-Bouchard

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Delvolvé

Bourges, ch. soc., du 30 nov. 2012.

30 novembre 2012

LA COUR : - Donne acte à M. Eric Margottin, ès qualités, de ce qu'il reprend l'instance ; - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 30 novembre 2012), que Mme Grosbois a été engagée le 11 mars 2004 par la Société industrielle et commerciale de l'Ouest en qualité de VRP ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude le 8 janvier 2010 ; que contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail de Mme Grosbois était un contrat de travail de droit commun à temps complet, et de renvoyer les parties au calcul des rappels de salaires et autres avantages spécifiques, alors, selon le moyen : 1°) que les dispositions d'ordre public du statut des voyageurs représentants placiers ne s'opposent pas à ce que l'employeur et le salarié conviennent d'une application conventionnelle de ce statut, dès lors que cette application s'avère globalement plus favorable que le droit commun ; que, dès l'instant où elle postule une entière liberté du travailleur dans l'organisation de son travail et la possibilité pour celui-ci de déployer son activité pour d'autres employeurs, l'application conventionnelle du statut des voyageurs représentants placiers exclut l'application des règles légales relatives au SMIC ; qu'au cas présent, il résultait des termes du contrat de travail que Mme Grosbois était engagée "en qualité de VRP conditions prévues par les articles L. 751-1 [L. 7311-1] et suivants du Code du travail", qu'il précisait que la salariée était embauchée à titre "non exclusif" et pouvait donc exercer une activité professionnelle pour d'autres employeurs à condition de ne pas exercer une activité concurrente à celle de la société SICO, et qu'il ne stipulait aucune obligation à la charge de Mme Grosbois en terme de durée du travail et d'organisation de son activité ; que la société SICO exposait que l'application du statut de VRP correspondait, en outre, à une volonté collective des salariés de l'entreprise réaffirmée par les membres élus du comité d'entreprise à l'unanimité au cours de la réunion du 15 mars 2011 ; qu'en estimant que Mme Grobois ne pouvait se voir opposer le statut de VRP dès lors que les conditions effectives d'application de ce statut n'étaient pas remplies, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'application de ce statut résultant du commun accord des parties n'était pas globalement plus favorable que l'application des dispositions du Code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 7311-1 du Code du travail, ensemble le principe fondamental du droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit s'appliquer ; 2°) que le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui interdit qu'un justiciable développe successivement au cours de la même instance deux prétentions radicalement incompatibles ; qu'au cas présent, Mme Grosbois, qui s'était devant le conseil de prud'hommes prévalue du statut de VRP pour solliciter la condamnation d'un rappel de salaires sur le fondement des dispositions de l'accord national professionnel du 3 octobre 1975 relatif aux VRP, ne pouvait, au cours de la même instance, en cause d'appel, prétendre que le statut de VRP lui était inopposable pour solliciter la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaires sur le fondement des dispositions du Code du travail inapplicables aux voyageurs représentants placiers ; que la société SICO faisait valoir dans ses écritures que Mme Grosbois s'était prévalue du statut de VRP en première instance et que ses prétentions en appel étaient radicalement contraires à celles qui avaient été initialement développées ; qu'en estimant néanmoins que le statut de VRP n'était pas opposable à Mme Grosbois, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 3°) que un salarié, dont le contrat stipule une entière liberté pour organiser son travail et ne prévoit aucun horaire déterminé, ni aucune obligation de se tenir à la disposition de l'employeur ne peut, lorsque l'employeur lui a fourni l'ensemble des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa prestation de travail, revendiquer l'application des dispositions légales relatives au SMIC que pour les heures de travail qu'il a effectivement accomplies ; qu'au cas présent, le contrat de travail liant Mme Grosbois à la société SICO prévoyait une totale liberté de Mme Grosbois dans l'organisation du contrat de travail, laquelle pouvait notamment travailler pour d'autres employeurs et ne prévoyait aucune contrainte horaire, ni aucune obligation pour Mme Grosbois de se tenir à la disposition de la société SICO ; que le contrat de travail prévoyait en outre la mise à disposition de Mme Grosbois d'un véhicule magasin ainsi que d'un stock de marchandises ; qu'en écartant néanmoins le décompte établi par la société SICO dont il résultait que Mme Grosbois avait toujours perçu une rémunération supérieure au SMIC, au motif que ce décompte "n'était pas établi sur un temps complet mais sur le nombre de jours travaillés par la salariée", la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3231-1, L. 3232-1 et L. 3232-3 du Code du travail ; 4°) qu'il existait notamment entre les parties un désaccord quant à la période couverte par la demande de rappels de salaires ; qu'en renvoyant les parties à procéder au calcul des rappels des salaires "selon les modalités définies au présent arrêt", sans statuer sur ce point litigieux et sans non plus préciser quelles étaient ces modalités, la cour d'appel a violé les articles 4 du Code civil et 12 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que l'activité de la salariée consistait à se déplacer avec un camion-magasin sur un secteur délimité en proposant à des particuliers à leur domicile des produits qu'elle laissait sur place contre encaissement immédiat du prix, la cour d'appel a pu décider que l'intéressée ne relevait pas du statut de VRP ; que le moyen, pris en sa troisième branche en ce qu'il invoque l'application des clauses du contrat qui a ainsi été requalifié en un contrat de travail à temps complet, est dès lors inopérant ;

Attendu, ensuite, que la salariée, qui n'avait pas contesté bénéficier du statut de VRP en première instance, pouvait, sans se contredire, demander le bénéfice des dispositions générales du Code du travail en cause d'appel ;

Attendu, enfin, que sous le couvert d'un grief de violation de la loi, la quatrième branche critique une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du Code de procédure civile, ne peut donner lieu à ouverture à cassation ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.