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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 octobre 2014, n° 13-02804

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kuhne & Nagel Road (SAS)

Défendeur :

Garcia de Pou Compana Comercial (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Fisselier, Gérant, Peytavi, Chapy

T. com. Villefranche-Tarare, du 26 janv.…

26 janvier 2012

Faits et procédure

La société Kuhne & Nagel Road (ci-après KNR) vient aux droits de la société Transports Alloin, société spécialisée dans l'affrètement et le transport de marchandises.

La société Garcia de Pou (ci-après société Garcia Comercial) est une société de droit espagnol qui fabrique et commercialise des produits principalement destinés à l'hôtellerie et à la restauration.

En septembre 2004, elle a fait appel à la société Transports Alloin pour exécuter l'expédition et la livraison des marchandises destinées à ses clients français.

Le 27 janvier 2005, elle a adressé un courrier à la société Transports Alloin pour lui faire connaître son intention de poursuivre leurs relations commerciales pour l'année 2005 ; puis par courrier du 23 juin 2005, elle lui a notifié la fin de leurs relations commerciales à compter du 24 juin 2005 ;

Par une lettre, en date du 5 juillet 2005, la société Alloin Transports a, quant à elle, mis en demeure à la société Garcia de Pou de procéder au règlement de ses factures de fret, dues au titre de l'exécution de diverses prestations. Cette lettre de mise en demeure restera sans réponse.

C'est dans ces conditions que la société Transports Alloin a fait assigner, le 3 avril 2006, la société Garcia de Pou devant le Tribunal de commerce de Lyon pour obtenir la réparation d'une rupture brutale de relations commerciales établies.

Par jugement rendu le 9 octobre 2007, le Tribunal de commerce de Lyon s'est déclaré incompétent en raison d'une clause contractuelle attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.

Vu le jugement rendu le 26 janvier 2012, le Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :

- écarté la demande à hauteur de 2 994,54 euro de la société Garcia de Pou Compana Industrial, qui n'est pas attrait dans la cause,

- débouté la société Transports Alloin de sa demande à hauteur de 116 613 euro, comme injustifiée et non fondée ;

- constaté l'absence de présentation des éléments justifiant les livraisons ;

- constaté l'inexécution par la société Transports Alloin du contrat qui la liait à la société Garcia Comercial ;

- constaté l'impossibilité pour la société Transports Alloin de répondre aux contraintes techniques de transport imposées par le marché de la société Garcia Comercial ;

- constaté l'absence de tout élément permettant de justifier d'un préavis, de sa durée, d'un dommage lié à la brutalité alléguée de la rupture, et de l'étendue du préjudice susceptible d'en découler,

En conséquence a,

- débouté la société Transports Alloin de l'ensemble de ses demandes, et conclusions ;

- condamné la société Transports Alloin à verser à la société Garcia Comercial une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société Transports Alloin le 12 février 2012 contre [sic] décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Kuehne & Nagel Road, anciennement société Transports Alloin, le 4 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et juger que la société KNR justifie, par les pièces produites, du montant de la créance revendiquée ;

- constater que la société KNR a mis en demeure la société Garcia Comercial de procéder au règlement de ses factures de fret par lettre recommandée du 5 juillet 2005 ;

- dire et juger qu'en procédant à une compensation entre les factures de fret de la société KNR et de prétendus litiges, la société Garcia Comercial a corrélativement reconnu le bien-fondé de la créance de la société KNR ;

- dire et juger que la rétention effectuée unilatéralement par la société Garcia Comercial sur les factures de fret de la société KNR ne répond pas aux exigences posées par les articles 1290 et 1291 du Code civil ;

- dire et juger cette compensation irrégulière ;

- constater que la société Garcia Comercial a cru pouvoir soutenir qu'il y avait lieu d'écarter de la demande de la société KNR la somme de 2 994,54 euro au motif que celle-ci concernerait la société Garcia Industrial ;

- dire et juger que la société Garcia Comercial ne s'est jamais référée à une entité juridique distincte dans ses échanges avec la société KNR ;

- dire et juger la société Garcia Comercial ne peut sérieusement invoquer pour les besoins de la cause l'imprécision du libellé de l'assignation de la société KNR alors qu'elle a elle-même entretenu cette imprécision dans les correspondances qu'elle a échangées avec le transporteur ;

- dire et juger que la société Garcia Comercial est donc mal venue à prétendre aujourd'hui que certaines factures concerneraient la société Garcia Comercial et d'autres la société Garcia Industrial ;

- dire et juger, en conséquence, que la société Garcia Comercial reste devoir à la société KNR la somme principale de 14 651,91 euro correspondant au solde de ses factures de fret ;

- réformer le jugement entrepris à ce titre ;

- condamner la société Garcia Comercial à payer à la société KNR la somme principale de 14 651,91 euro outre l'intérêt légal à compter de la première mise en demeure ;

- dire et juger que la société Garcia Comercial a notifié à la société KNR, le 23 juin 2005, la cessation des relations commerciales entre les deux sociétés sans respecter le préavis visé à l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ;

- dire et juger que la société Garcia Comercial s'était engagée à maintenir ses relations contractuelles avec la société KNR pour toute l'année 2005, par e-mail du 27 janvier 2005 ;

- dire et juger que la rupture des relations commerciales notifiée par la société Garcia Comercial à la société KNR a incontestablement revêtu un caractère brutal ;

- dire et juger qu'afin d'échapper à la sanction prévue par l'article L. 442-6-5° du Code de commerce en matière de rupture abusive des relations commerciales, la société Garcia Comercial a imaginé d'invoquer une inexécution de ses obligations contractuelles par la société KNR ;

- dire et juger que la société Garcia Comercial ne justifie pas du non-respect par la société KNR des dispositions du " contrat type général applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique " (décret n° 99-269) ;

- dire et juger que c'est au terme d'une analyse erronée des circonstances de fait et de droit applicables que les premiers juges ont cru pouvoir affirmer que la rupture des relations commerciales avec la société Garcia Comercial s'expliquait par le non-respect des délais d'acheminement et de graves dysfonctionnements en matière de perles et avaries ;

- dire et juger que la société Garcia Comercial ne rapporte pas la preuve d'une inexécution des obligations contractuelles de la société KNR ;

- dire et juger que cette rupture imprévisible, soudaine et brutale, entraîne l'obligation pour la société Garcia Comercial d'indemniser le préjudice causé à la société KNR ;

- dire et juger que le montant de cette indemnité ne saurait être inférieure a la somme de 40 000 euro au regard du chiffre d'affaire réalisé par la société KNR avec la société Garcia Comercial ;

- réformer le jugement entrepris à ce titre ;

- condamner la société Garcia Comercial à payer à la société KNR une indemnité d'un montant de 40 000 euro pour rupture imprévisible, soudaine et brutale des relations commerciales ;

- dire et juger qu'il serait manifestement inéquitable que la société KNR conserve à sa charge tout ou partie des frais qu'elle a dû avancer pour faire assurer la défense de ses intérêts.

En conséquence,

- condamner la société Garcia Comercial a payer à la société à payer à la société KNR une indemnité d'un montant de 7 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante fait valoir qu'à la lumière des pièces versées aux débats, à savoir notamment le relevé de situation comptable de la société Garcia de Pou, force est de constater que cette dernière a retenu, intentionnellement et en toute mauvaise fois, la somme de 14 651,91 euro qu'elle savait devoir lui verser au titre des factures de fret, dont elle ne pouvait ignorer le montant, celles-ci ayant fait l'objet de la lettre de mise en demeure reçue le 5 juillet 2005.

Elle expose que l'appelante a volontairement entretenu un doute sur la dénomination sociale devant lui être appliquée, ainsi que sur l'ordre de certaines factures et qu'à ce titre elle ne saurait se prévaloir d'une imprécision dans le libellé de l'assignation, pour contester un montant de 2 994,54 euro et prétendre qu'il concerne la société Garcia Industrial.

Elle soutient que la société Garcia de Pou s'est rendue coupable d'une rupture brutale de leur relation commerciale, qu'elle s'était pourtant engagée à poursuivre durant un an, comme l'atteste un courriel du 27 janvier 2005, en ne respectant aucun préavis et qu'à ce titre cette dernière lui doit réparation.

Elle fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le jugement de première instance, et à la lumière de l'article 22 du Décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises, elle n'a commis aucune faute contractuelle dans l'acheminement des marchandises, eu égard aux délais de livraison et que la société Garcia de Pou ne démontre aucun dysfonctionnement qui aurait rendu impossible la poursuite des relations commerciales.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Garcia de Pou Compana Comercial le 10 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

En principal :

- dire et juger que la somme de 2 994,54 euro concerne la société Garcia Industrial non attraite à la cause;

- dire et juger que la société Transports Alloin n'a pas justifié d'un certain nombre de prestations de transports autorisant l'exception d'inexécution au profit de la société Garcia Comercial;

- dire et juger que le décret en date du 6 avril 1999 et les dispositions de l'article L. 133-3 du Code de commerce ne peuvent trouver application au profit de la société Transports Alloin en ce qu'elle effectuait des opérations de transports sur les territoires espagnol et français;

- dire et juger que la société Transports Alloin a commis des manquements graves justifiant une rupture des relations commerciales sans préavis.

Subsidiairement :

- dire et juger que la société Transports Alloin qui chiffre son préjudice à la somme de 40 000 euros n'apporte aucun élément permettant de justifier de la durée d'un préavis et de l'étendue de son préjudice susceptible d'en découler.

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 janvier 2012 par le Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare ;

- débouter la société Transports Alloin de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause,

- condamner la société Transports Alloin au paiement de la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante fait valoir que la société Transports Alloin aurait dû assigner distinctement et dès l'ouverture de la procédure de première l'instance les deux sociétés, à savoir, d'une part la société Garcia de Pou Compana Commercial, d'autre part, la société Garcia de Pou Compana Industrial, cette dernière étant seule concernée par la somme de 2 994,54 euro.

Elle soutient que les dispositions du décret du 6 avril 1999 relatives au contrat-type de transport, ainsi que celles du Code du commerce, soulevées par la société Transports Alloin ne peuvent lui être opposées puisqu'elles s'appliquent exclusivement aux transports effectués sur le territoire français, or tel n'est pas le cas en l'espèce.

De plus, elle affirme que la société Transport Alloin a reçu, à de nombreuses reprises, des avis d'anomalie par lesquels il lui était demandé de justifier et de confirmer la bonne livraison de certaines marchandises, sans pour autant que cette dernière prenne la peine d'y répondre, prouvant indéniablement un manque de diligence, de soin et surtout démontrant ainsi l'existence de graves dysfonctionnements qui lui sont imputables.

Au regard de ces éléments de fait elle invoque donc, en tant que victime de manquements contractuels répétés de la société Transport Alloin, sa légitimité et sa faculté de résilier le contrat à tout moment et sans préavis écrit.

Elle fait valoir enfin que, si par impossible, la cour estimait que les inexécutions contractuelles de la société Transport Alloin étaient insuffisantes pour justifier la rupture sans préavis du contrat, ses demandes ne pourraient être que rejetées, dans la mesure où cette dernière n'indique en aucune façon ni la durée du préavis, ni le fondement sur lequel elle se base pour solliciter des dommages et intérêts.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le paiement des factures :

Considérant que la société Transports Alloin sollicite la condamnation de la société Garcia de Pou Compana Comercial à lui régler la somme de 14 651,91 euro au titre des factures impayées.

Considérant que la société Garcia de Pou Compana Comercial fait valoir qu'il existe une autre société dénommée Garcia de Pou Compana Industrial et que chacune a un numéro de client distinct dans les comptes de la société Transports Alloin ;

Considérant qu'une assignation a été délivrée à la société Carcia de Pou puis une autre à la société Garcia de Pou Compana Comercial de sorte que la société Garcia de Pou Industrial n'est pas dans la procédure ;

Considérant que la société Transports Alloin fait valoir que sur la situation comptable arrêtée au 26 octobre 2005, figure un seul numéro de client qui est celui de la société Garcia de Pou ; que cette raison sociale figure sur toutes les factures et tous les échanges produits par les parties à l'exception de deux pièces seulement à savoir :

- un fax en date du 14 septembre 2005 adressé à la société Transports Alloin lui indiquant "voici ci joint les relevés de compte entre nous Garcia de Pou Cia Comercial SA Garcia de Pou Cia Industrial SA ",

- un courrier en date du 30 mai 2006 qui, tout en étant à en tête de la société SA Garcia de Pou, comporte sous cette dénomination sociale, entre parenthèses, Compania Comercial y Compania Industrial, sans autre précision permettant de déterminer qu'il s'agit de deux sociétés distinctes.

Qu'il convient d'observer que ces deux pièces, qui émanent de la société Garcia de Pou, sont postérieures à la notification par celle-ci de la cessation des relations commerciales entre les parties et à la réponse de la société Transports Alloin en date du 29 juin 2005 l'avisant qu'elle se réservait la possibilité d'engager une procédure judiciaire à son encontre pour rupture brutale des relations commerciales ; qu'elles démontrent seulement que c'est la société Garcia de Pou qui est à l'origine de cette ventilation de la somme de 14 655,91 euro entre deux sociétés dont il n'est pas démontré qu'elles aient eu des relations avec la société Transports Alloin.

Considérant que, si la société Garcia de Pou affirme que les deux parties n'avaient pas de dettes réciproques, elle reconnaît toutefois avoir pratiqué des retenues sur les facturations de la société Transports Alloin, invoquant l'absence de justification de la réalisation de la prestation ; qu'elle ne conteste pas qu'il y ait eu des écarts au bénéfice de la société Transports Alloin ; que d'ailleurs elle reconnaît en cause d'appel qu'elle restait débitrice, après la rupture, affirmant que le montant de la créance de la société Alloin avait fait l'objet d'une négociation et avait alors été fixée à 25 688,99 euro, accord que conteste la société Transports Alloin et dont la société Garcia de Pou ne justifie pas. Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Transports Alloin a entretenu une relation commerciale avec la seule société Garcia de Pou qu'elle a assignée en règlement de la somme de 14 655,91 euro sans qu'il puisse lui être opposé le découpage réalisé par celle-ci et tendant à répartir cette créance entre deux sociétés distinctes ; que la société Garcia de Pou n'a pas contesté cette facturation puisqu'elle en a seulement demandé une comptabilisation particulière de celle-ci. Qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris et de condamner la société Garcia de Pou au paiement de la somme de 14 651,91 euro ;

Sur la rupture des relations commerciales :

Considérant que la société Transports Alloin fait valoir qu'elle n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles qui justifierait la rupture de celles-ci sans aucun préavis et soutient que s'appliquent les dispositions du contrat-type général qui sont d'ordre public et les dispositions du Code de commerce.

Considérant que la société Garcia de Pou conteste l'application des dispositions du contrat-type dès lors qu'elle est une société de droit espagnol qui exporte ses produits dans plusieurs pays dont la France.

Considérant que la société Transports Alloin relate être intervenue soit comme voiturier, soit comme commissionnaire de transports, affrétant des voituriers pour l'exécution matérielle du transport lequel se faisait à partir de son agence de Perpignan vers des clients français et non à partir des villes de Ordis ou de Vila Sacra en Espagne comme le soutient la société Garcia de Pou.

Considérant que, si la société Transports Alloin a une agence à Perpignan, il n'est pas démontré que cette dernière ait eu un autre rôle que celui de gérer les dossiers ; que les marchandises étant au départ d'Espagne et la preuve de l'intervention d'un autre transporteur que la société Transports Alloin entre l'Espagne et la France n'étant pas rapportée, il y a lieu de retenir que la société Transports Alloin a bien été chargée du transport des marchandises de la société Garcia de Pou, société de droit espagnol au départ d'Espagne à destination des clients français de celle-ci ; qu'en conséquence le contrat-type qui s'applique aux transports effectués sur le territoire français n'a pas vocation à s'appliquer.

Considérant que la société Garcia de Pou ne conteste pas l'application des dispositions d'ordre public de l'article 442-6, 5 du Code de commerce qui dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le fait "de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale étable, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels... ; Les dispositions qui précédent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure".

Considérant que la société Garcia de Pou soutient que dès le premier semestre 2005 la société Transports Alloin a commis de graves manquements à ces obligations contractuelles qui se sont traduits par des avis d'anomalies et l'insatisfaction des clients ; qu'elle ajoute que la société Transports Alloin a surfacturé certains transports et n'a pas répondu à ses demandes, la mettant dans l'impossibilité d'obtenir l'indemnisation des pertes et avaries alors qu'elle avait souscrit une assurance à cette fin ; qu'elle fait valoir que l'ensemble de ces manquements ont rendu impossible la poursuite des relations commerciales entre elles.

Considérant que par un courriel du 27 janvier 2005 la société Garcia de Pou a écrit "si le niveau de service se maintient comme aujourd'hui il n'y a aucun inconvénient à garantir la continuité de votre service durant toute l'année 2005", manifestant ainsi sa satisfaction des prestations réalisées par la société Transports Alloin jusque-là.

Considérant qu'elle ne démontre pas avoir reçu après ce courrier des réclamations de clients mettant en cause la prestation réalisée par la société Transports Alloin, ses sous-traitants ou ses substitués.

Considérant que, si [elle] produit des avis d'anomalies ceux-ci ont été établis par la société Transports Alloin et ne constituent que des avis provisoires en cas de problème à l'occasion de l'acheminement des marchandises et en cas d'avaries ; que ceux-ci ne sont corroborés par aucun récépissé de transport signé par le destinataire au moment de la livraison et qui apporterait la preuve de l'avarie ou de manquant ; que les seuls éléments que produit la société Garcia de Pou sont des fax adressés à la société Transports Alloin lui demandant de produire l'original de certaines livraisons sans pour autant démontrer qu'ils ne lui ont pas été remis.

Considérant que, s'agissant des surfacturations alléguées, la société Garcia de Pou fait état d'erreurs dans la facturation émise par la société Transports Alloin, sans pour autant justifier d'un préjudice qu'elle aurait subi ; que ces erreurs ont manifestement été régularisées puisque la société Garcia de Pou a reconnu qu'au moment de la rupture elle demeurait débitrice d'une somme importante.

Considérant qu'elle fait enfin valoir que la société Transports Alloin n'a pas pris de mesure pour s'adapter à ses besoins ; que, si la société Garcia de Pou a développé son activité de sorte que le service rendu par la société Transports Alloin ne correspondait pas à des volumes de marchandises supérieurs à trois palettes et si elle a demandé à celle-ci d'améliorer son service, elle ne démontre pas une faute de son partenaire ; que la société Transports Alloin fait observer que le transport de plus de trois palettes entraînait l'abandon du tarif messagerie et donc une tarification différente ; qu'il appartenait en toute hypothèse à la société Garcia de Pou de négocier de nouvelles conditions et si elle estimait que la société Transports Alloin n'était pas en mesure de lui apporter un service adapté à son évolution ou à un prix acceptable pour elle, il lui appartenait alors d'en tirer les conséquences à savoir rompre les relations commerciales ce qu'elle a fait mais en donnant un préavis suffisant à son partenaire.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société n'a pas commis de manquements justifiant une rupture des relations commerciales sans préavis ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris.

Considérant que, d'une part la société Transports Alloin ne précise pas la durée du préavis qui aurait dû raisonnablement lui être accordé, d'autre part, chiffre son préjudice à la somme de 40 000 euro sans apporter d'élément sur son chiffre d'affaires avec la société Garcia de Pou et la marge brute qui a été la sienne ; qu'elle ne justifie donc pas du préjudice allégué.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que la société Kuehne & Nagel Road a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré, Et statuant à nouveau, Condamne la société Garcia de Pou à payer la somme de 14 651,91 euro à la société Kuehne & Nagel Road avec intérêt légal à compter de la première mise en demeure Rejette toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire Condamne la société Garcia de Pou à payer à la société Kuehne & Nagel Road la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile Condamne la société Garcia de Pou aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.