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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 octobre 2014, n° 13-13837

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kookai (SA)

Défendeur :

Fashion B.Air 'Bel Air' (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Mateljan Delafaye, Zafrani, Hoffman Attias

T. Com. Paris, du 24 mai 2013

24 mai 2013

Faits et procédure

La société Fashion B. Air (ci-après la société Fashion) commercialise, sous la marque Bel Air, des articles de prêt-à-porter et des accessoires. Pour sa collection de l'hiver 2011, elle a mis au point un pantalon pour femme, coupe " slim " - c'est-à-dire coupe moulante, taille basse et étroite au niveau du bas de la jambe -, imprimé python et décliné en quatre couleurs : pamplemousse, cobalt, lemon et fice.

Filiale du groupe Vivarte, la société Kookaï a pour activité le commerce de prêt-à-porter féminin et d'accessoires de mode. Dans le cadre de sa collection printemps-été 2012, elle a fait fabriquer et elle a commercialisé un modèle de jean à coupe " slim ", imprimé python, qu'elle a décliné dans les coloris framboise, bleu et beige/vert.

La société Fashion a considéré que ce modèle prêtait à confusion avec le sien et le 6 avril 2012, elle a mis en demeure la société Kookaï d'en cesser la fabrication et la commercialisation. Cette mise en demeure étant restée sans effet, elle l'a assignée, le 11 juin 2012, devant le Tribunal de commerce de Paris pour concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement rendu le 24 mai 2013 et assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Kookaï à payer à la société Fashion B. Air la somme de 21 450 euros à titre de dommages-intérêts du fait des actes de parasitisme commis à l'encontre de la demanderesse ;

- condamné la société Kookaï à payer à la société Fashion B. Air la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a débouté la société Fashion B. Air de sa demande fondée sur la concurrence déloyale en considérant qu'il n'y avait pas de risque de confusion entre les deux modèles pour un consommateur d'attention moyenne. Il a, en revanche, jugé que la société Kookaï avait repris l'" effet de gamme " des coloris de la société Fashion sans avoir réalisé les investissements nécessaires et qu'elle était ainsi fautive d'actes de parasitisme.

Vu l'appel interjeté par la société Kookaï le 8 juillet 2013 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Kookaï le 31 janvier 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre préliminaire :

- déclarer société Kookaï recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 ;

A titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a retenu que la coupe du jean commercialisé par la société Kookaï présentait des différences notables avec celui commercialisé par la société Fashion B. Air ;

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a retenu qu'outre les différences de coupe entre les jeans en présence, le jean commercialisé par la société Kookaï présentait des spécificités (poches arrières, petits clous dorés, surpiqures, apposition de la marque Kookaï à plusieurs endroits, etc.), le distinguant sensiblement du jean commercialisé par la société Fashion B. Air ;

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a déclaré que l'imprimé python créé par la société Isko et mis en cause en l'espèce est libre de droit et pouvait donc être librement utilisé par la société Kookaï ;

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a reconnu que l'apposition de l'imprimé python sur des jeans à coupe " slim " s'inscrivait en 2012 dans la tendance de la mode ;

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a reconnu que bien avant 2011, des enseignes concurrentes de la société Fashion B. Air commercialisaient déjà des jeans " slim " à imprimé python ;

En conséquence :

- confirmer jugement entrepris en ce qu'il a écarté tout risque de confusion entre le modèle de jean à imprimé python commercialisé par la société Kookaï et celui commercialisé par la société Fashion B. Air ;

- confirmer jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a considéré que la société Kookaï ne s'était rendue coupable d'aucun acte de concurrence déloyale, déboutant la société Fashion B. Air de ses demandes d'interdiction et de publications judiciaires ;

- débouter société Fashion B. Air de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En revanche :

- infirmer jugement entrepris en ce qu'il a retenu des actes de parasitisme commis par la société Kookaï à l'encontre de la société Fashion B. Air fondés sur la reprise par la société Kookaï de la gamme de couleurs choisie par la société Fashion B. Air et la reprise sur son site internet du terme "

Python " pour désigner ses modèles de jeans " slim " à imprimé python ;

- infirmer jugement entrepris en ce qu'il a condamné de ce chef la société Kookaï à verser à la société Fashion B. Air une somme de 21 450 euros à titre de dommages-intérêts, assortie d'une condamnation au paiement d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'une condamnation aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau :

- constater que la société H&M a commercialisé en 2009, soit avant la prétendue date de création du modèle de jean à coupe " slim " à motif python par la société Fashion B. Air, un modèle de jean à imprimé python de couleur bleu identique dans son imprimé et sa couleur à celui que la société Fashion B. Air prétend avoir créé en 2012 ;

- constater que la société Teddy Smith a commercialisé un modèle de jean à coupe " slim " avec l'imprimé python que lui a vendu la société Isko en 2009, dans une couleur beige ;

- constater que la société Zara a commercialisé en 2011 un modèle de pantalon à imprimé python à coupe " slim " dans la couleur beige/vert revendiquée en 2012, soit un an plus tard, par la société Fashion B. Air ;

- constater que la plupart des enseignes de prêt-à-porter ont proposé au cours de la saison

Printemps/Eté 2012 des modèles de jean à coupe " slim " à motif python, de surcroît dans les couleurs beige, bleu et rouge invoquées par la société Fashion B. Air ;

- constater que des enseignes de prêt-à-porter ont proposé des modèles de jean à coupe " slim " à motif python dans ces trois couleurs cumulativement ;

- constater que le modèle de jean à coupe " slim " à motif python a été un basique de la saison Printemps/Eté 2012 et que le marché de la mode a été inondé de ce modèle ;

- constater que le modèle de jean à coupe " slim " à motif python n'est pas rattaché dans l'esprit du public à la société Fashion B. Air, pas plus que les couleurs rouge, bleu et beige/vert ;

- constater que la société Fashion B. Air n'a fourni aucun effort de création pour son modèle de jean à imprimé python de couleur bleu, beige et rouge puisqu'elle a copié des modèles préexistants et suivi la tendance de la mode ;

- constater que les couleurs bleu, rouge et beige sont des couleurs classiques et banales ;

- constater qu'il existe des différences entre le modèle de jean à coupe " slim " à imprimé python de la société Kookaï et celui de la société Fashion B. Air ;

- constater que le modèle de jean à coupe " slim " à imprimé python de la société Kookaï est griffé et étiqueté de la marque " Kookaï " ;

- constater que la société Kookaï a décliné son modèle de jean à coupe " slim " en trois coloris : chamois, géranium et outremer ;

- constater que ces trois couleurs font partie de sa gamme générale Eté 2012 et que la société Kookaï a décliné d'autres vêtements dans cette gamme de couleur, notamment des vestes, des jupes, des shorts, etc... ;

- constater que ces trois couleurs sont des couleurs tendance de la saison Eté 2012 reprises par de nombreuses enseignes ;

- constater que la société Fashion B. Air a décliné son modèle de jean à coupe " slim " non pas en trois coloris mais en quatre coloris : fice, cobalt, pamplemousse et lemon ;

- constater que la société Fashion B. Air n'a pas fait de ces coloris des coloris phares de sa collection 2012 ;

- constater que le terme " Python " n'est pas un terme distinctif pour désigner un modèle de pantalon à imprimé python et est purement descriptif du produit ;

- constater que la référence " Python " est reprise par de nombreuses enseignes pour désigner leur modèle de pantalon à imprimé python, mais également dans la presse par les journalistes ou les auteurs de blogs sur internet pour désigner les modèles de pantalons à imprimé python qu'ils décrivent ;

- constater que le terme " Python " n'est pas rattaché dans l'esprit du public à la société Fashion B. Air mais à tout produit dont le tissu serait à motif python ;

En conséquence :

- dire et juger la société Kookaï n'a commis aucun agissement parasitaire à l'égard de la société Fashion B. Air ;

-débouter société Fashion B. Air de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire :

-Si par extraordinaire, la cour devait retenir une faute de parasitisme commise par la société Kookaï, - constater le préjudice invoqué par la société Fashion B. Air est inexistant ou à tout le moins n'est pas démontré ;

A titre infiniment subsidiaire :

- constater le préjudice invoqué est sans lien avec les faits reprochés à la société Kookaï.

En conséquence :

- débouter société Fashion B. Air de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre infiniment infiniment subsidiaire :

- prononcer condamnation à titre de dommages et intérêts au profit de la société Fashion B. Air d'un montant de 1 (un) euro symbolique ;

- débouter société Fashion B. Air du surplus de ses demandes ;

En tout état de cause :

- condamner société Fashion B. Air à verser à la société Kookaï la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Kookaï demande d'abord à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Fashion de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale.

Elle fait valoir qu'en effet la société Fashion n'est pas le créateur du modèle de jean à coupe " slim " à imprimé python, puisqu'il avait déjà été commercialisé en 2009 par la société H & M. Elle souligne que la société Fashion n'a aucun droit ni sur le modèle de jean à coupe " slim ", ni sur l'imprimé python et elle précise que cet imprimé a été créé en 2009 par la société Isko, entreprise turque de fabrication de tissus mondialement connue, qui a revendu sans exclusivité ce tissu à plusieurs sociétés, en France et à l'étranger, dont les sociétés Kookaï et Fashion. Elle fait valoir, par ailleurs, qu'il existe des différences entre les modèles commercialisés par la société Fashion et les siens, excluant ainsi tout risque de confusion. Elle conteste avoir repris la gamme de couleurs de la société Fashion et elle explique avoir choisi pour ses modèles des couleurs tendances de la saison, largement reprises par d'autres enseignes. Enfin, la société Kookaï soutient que de nombreuses enseignes concurrentes ont commercialisé en 2012 des pantalons en jean à coupe " slim " à motif python et que la dénomination " python " n'est nullement rattachée dans l'esprit du public à la société Fashion.

La société Kookaï demande ensuite à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle avait commis des actes de parasitisme en reprenant fautivement la gamme de couleurs de la société Fashion accompagnée du terme " python ". Elle soutient que les couleurs déclinées par la société Fashion ne résultent d'aucun effort de création de la part de celle-ci, ni d'aucun savoir-faire et qu'elles ne sont que la reprise de couleurs précédemment choisies par des concurrents pour leur propre modèle de jean " slim ", ou qu'elles s'inscrivent dans un simple suivi de la tendance de la mode.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Fashion B. Air le 6 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a :

- condamné la société Kookaï pour des actes de parasitisme commis à l'encontre de la société Fashion B. Air ;

- condamné la société Kookaï à payer à la société Fashion B. Air la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- infirmer le jugement quant au surplus

En conséquence :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Fashion B. Air de ses demandes à l'encontre de la société Kookaï au titre des actes de concurrence déloyale ;

- infirmer le jugement quant au quantum des condamnations statuant à nouveau ;

- dire et juger que la société Kookaï s'est livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Fashion B. Air ;

En conséquence :

- ordonner à la société Kookaï la cessation immédiate des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de la société Fashion B. Air ;

- condamner la société Kookaï à verser à la société Fashion B. Air la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

- autoriser la publication du présent jugement dans trois journaux en pleine page au choix de la société Fashion B. Air, aux frais et avances de la société Kookaï ;

- autoriser l'affichage de la décision sur chaque vitrine de chaque établissement de la société Kookaï ;

- ordonner à la société Kookaï de publier, à ses frais, l'intégralité du dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil de son site Internet accessible à l'adresse http://www.kookai.fr/, pendant une période de deux mois à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai, le tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte et selon les modalités suivantes : la publication devra être effectuée sur la partie supérieure de la page d'accueil du site Internet accessible à l'adresse http://www.kookai.fr/ de façon visible, et en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, et en police de caractère Arial, de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadre de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre " COMMUNIQUE JUDICIAIRE ", en lettres capitales et en police de caractères Arial de taille 16 ;

- condamner la société Kookaï à verser à la société Fashion B. Air la somme de 15 000 euros titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Fashion B. Air soutient que la société Kookaï a eu un comportement déloyal en vendant un modèle identique au sien et décliné dans les mêmes couleurs et portant ainsi à confusion. Elle rappelle que son modèle est décliné en couleur framboise, bleu marine et beige/jaune, que la société Kookaï a choisi les mêmes couleurs et a positionné l'imprimé python de la même façon, de sorte qu'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle. Elle précise que le tissu qu'elle utilise pour ce modèle est fabriqué par l'entreprise Isko, qui le livre " brut " dans une seule teinte, et qu'elle fait appel à une autre entreprise, la société SAS, pour teindre le tissu selon ses souhaits de couleur. Elle fait valoir que le risque de confusion est accru du fait que la coupe du modèle commercialisé par la société Kookaï est identique à la coupe qu'elle avait mise au point, qui consiste dans une coupe taille basse dont le bas des jambes est extrêmement étroit. Elle souligne qu'il s'agit là d'un choix intellectuel et créatif visant à créer un effet " seconde peau " dont la reprise par la société Kookaï ne peut être le fruit du hasard ou d'une tendance de la mode.

Par ailleurs, la société Fashion reproche à la société Kookaï d'avoir référencé son modèle sous le terme " python ", adoptant ainsi un comportement de mimétisme visant directement à créer un risque de confusion et à tirer profit du succès de son propre modèle.

Elle souligne que parmi ses concurrents, la société Kookaï est la seule à reprendre cumulativement le même imprimé, les mêmes couleurs et la même coupe " slim " que ceux de son modèle.

La société Fashion reproche également à la société Kookaï d'avoir commis des actes de parasitisme en tirant profit des investissements qu'elle avait réalisés pour la création de son modèle et pour sa promotion et en vendant ses modèles à un prix inférieur de 40 % aux prix qu'elle-même pratique.

Elle considère également que sa clientèle internaute est détournée puisque la recherche sur le moteur Google par le mot " jean python " faisait apparaître l'offre de la société Kookaï avant la sienne.

En ce qui concerne son préjudice, la société Fashion réclame la somme de 150 000 euros au titre de l'atteinte à son image de marque, du détournement de ses investissements, de la baisse de son chiffre d'affaires et du galvaudage de son pantalon.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la concurrence déloyale reprochée à la société Kookaï

La société Fashion ne prétend pas avoir créé le modèle de jean à coupe " slim " à imprimé python, ni détenir de monopole sur sa commercialisation et elle convient que ce modèle avait été antérieurement commercialisé par des marques concurrentes. Elle soutient, en revanche, qu'il existe un risque de confusion entre son modèle et celui commercialisé par la société Kookaï.

Au vu des pièces du dossier, la cour constate que les modèles des sociétés Fashion et Kookaï, s'ils présentent des ressemblances évidentes quant à leurs couleurs et quant à leur coupe " slim ", se distinguent par plusieurs différences qui excluent tout risque de confusion.

Il en va ainsi, en premier lieu, de la présence, sur le modèle de la société Kookaï, de boutons pressions et de poches arrières cousues, qu'on ne retrouve pas sur le modèle de la société Fashion.

En deuxième lieu, si les deux modèles utilisent la coupe " slim " - dont la société Fashion reconnaît qu'elle ne présente aucune originalité et qu'elle est utilisée par de nombreuses enseignes de prêt-à-porter -, cette coupe, comme le tribunal l'a relevé à juste titre, présente d'un modèle à l'autre des différentes, de sorte que son rendu n'est pas le même ; ce constat, qui s'appuie, en particulier, sur la forme de la coupe du bassin, la longueur de la ceinture et la distance entre l'entrejambe et le haut du pantalon, conduit à écarter le risque de confusion allégué par la société Fashion.

En troisième lieu, le modèle de la société Kookaï est griffé et étiqueté de la marque " Kookaï " et du sigle " HIK " à plusieurs endroits et de façon apparente, ce qui exclut que la clientèle puisse se méprendre et croire faire l'achat d'un modèle de la marque Bel Air.

En quatrième lieu, la société Fashion reproche à la société Kookaï d'utiliser, sur son site internet, la référence " python " pour désigner ses modèles et elle y voit la source d'un risque de confusion avec son propre modèle. Mais la société Kookaï produit des pièces qui établissent que le terme " python " est utilisé par d'autres enseignes pour désigner leurs modèles de jean à coupe " slim " : tel est le cas des marques Valentinafalls (pièce n° 20 a), Montaigne Market (pièces n° 20 b et 22 a), Victoria's Secret (pièce n° 21), Current/Elliott (pièce n° 22 b). Elle produit, en outre, des extraits de presse (site internet " Elle " en pièces n° 24 et 26 c, " Femme Actuelle " en pièce n° 23 d, " Grazia " en pièces n° 26 et 26 e, " Marie-Claire " en pièce n° 26 d) qui présentent l'imprimé " python " comme une des tendances de la mode du moment. Il en ressort qu'on ne peut considérer que le terme " python ", employé pour désigner l'imprimé python de jean de coupe " slim ", soit dans l'esprit du public rattaché aux modèles de la seule société Fashion.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'aucune confusion entre les modèles des sociétés Fashion et Kookaï n'était possible pour un consommateur d'attention moyenne et qu'en conséquence les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Kookaï n'étaient pas démontrés.

Sur le parasitisme reproché à la société Kookaï

Si aucun risque de confusion entre les modèles en cause n'est avéré, force est de constater que les couleurs du modèle de la société Kookaï sont la reprise de celles du modèle de la société Fashion. En effet les trois couleurs dans lesquelles la société Kookaï a décliné son modèle - framboise, bleu et beige/vert ' présentent une très forte ressemblance avec les couleurs pamplemousse, cobalt et fice un modèle de la société Fashion et produisent un effet visuel identique. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Kookaï, les couleurs du modèle de la société Fashion sont originales par rapport à celles des modèles des autres enseignes proposant des jeans imprimé python ; il en va ainsi des couleurs des modèles des marques Zara (pièce appelant n° 31) et Teddy Smith (pièce appelant n° 12), qui ne rappellent en rien les couleurs des modèles de la société Fashion, de sorte qu'on ne peut contester que le choix fait par celle-ci est le résultat, non du hasard ou du suivi des tendances de la mode, mais d'un travail créatif qui lui est propre. La société Fashion rappelle d'ailleurs que les tissus qui lui sont livrés par son fabricant, la société Isko, qui est aussi celui de la société Kookaï, sont fournis " brut " dans une seule teinte, et qu'elle fait ensuite appel à une société spécialisée, la société SAS, avec laquelle elle convient, sur la base de ses études de coloris, des couleurs dans lesquelles son modèle sera décliné. C'est ainsi qu'elle a produit en pièces n° 26, 27 et 28 les différentes propositions que lui a faites la société SAS, et les échantillons qu'elle lui a adressés, en vue du choix des coloris finalement retenus.

C'est donc à juste titre que le tribunal a jugé que la société Kookaï avait repris l'effet de gamme des coloris de la société Fashion, sans qu'on puisse expliquer ces similitudes par la banalité des couleurs en cause ou par le suivi des tendances de la mode -, et qu'elle a ainsi profité des investissements qui ont permis à la société Fashion de ses différencier de ses concurrents.

Sur le préjudice subi par la société Fashion

Comme le tribunal l'a relevé, ce préjudice doit s'apprécier sur la saison 2012, puisque les coloris en cause ont été modifiés en 2013, et il procède de la baisse du chiffre d'affaires réalisé sur la gamme de jean à coupe " slim " et imprimé python ' soit 143 000 euros -, les agissements parasitaires de la société Kookaï devant être considérés comme ayant contribué pour 20 % à cette baisse. Ce préjudice est donc égal à la perte de marge brute correspondante fixée à 75 % - et s'élève dès lors à la somme de 21 450 euros retenue par le tribunal dont le jugement sera confirmé.

La société Fashion soutient cependant qu'il convient d'intégrer dans le calcul de son préjudice l'atteinte à son image de marque et une partie des investissements qu'elle a réalisés et elle fixe à 150 000 euros la somme qu'elle réclame en réparation. Sur ce point, la cour observe, d'une part, qu'il n'est pas démontré que la société Kookaï a porté atteinte à l'image de la marque de la société Fashion, étant rappelé qu'aucune confusion n'a été relevée entre leurs modèles respectifs, et, l'autre part, que l'allocation de dommages et intérêts représentant la marge brute perdue a précisément pour justification que cette marge était le résultat attendu des investissements réalisés.

Sur la demande de cessation immédiate

La société Fashion ne démontre pas que les agissements en cause ont persisté au-delà de la saison 2012. Sa demande tendant à ce que la cour en ordonne la cessation immédiate est donc sans objet.

Sur les demandes d'affichage et de publication de l'arrêt dans trois journaux et sur le site internet de la société Kookaï

La société Fashion ne démontre pas que les agissements de la société Kookaï lui ont causé d'autre préjudice que financier ; comme le tribunal l'a à juste titre relevé, ces agissements n'ont porté atteinte ni à son honneur, ni à son crédit, ni à sa réputation et ils n'ont traduit aucune volonté, de la part de la société Kookaï, de tromper la clientèle sur l'origine ou la qualité des produits vendus au détriment de la société Fashion. Dès lors, les demandes de la société Fashion tendant à l'affichage du présent arrêt et à sa publication dans trois journaux et sur le site de la société Kookaï seront rejetées et le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Fashion la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir leurs droits et la société Kookaï sera condamnée à lui verser la somme globale de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ; Condamne la société Kookaï à verser à la société Fashion B. Air la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Kookaï au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile. Le Greffier La Présidente B.Reitzer C.Perrin