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Décisions

CA Versailles, 11e ch., 23 octobre 2014, n° 13-04081

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Faure

Défendeur :

Coriolis Télécom (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bosi

Conseillers :

Mmes Baumann, Guillou

Avocats :

Mes Jelty, de Paillerets-Matignon

CPH Nanterre, du 6 sept. 2013

6 septembre 2013

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant contrat à durée indéterminée du 13 décembre 1993, M. Emmanuel Faure a été embauché par la SAS Vodafone, aux droits de laquelle se trouve la société Coriolis Télécom (dénommée la société Coriolis), en qualité d'attaché commercial avec la qualification d'employé niveau 4 coefficient 285 échelon 3.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective de la métallurgie.

Le contrat de travail comportait une clause de non concurrence.

La société compte plus de dix salariés.

La moyenne des salaires perçus sur les 12 derniers mois, commissions incluses, était de 5 024,04 euro.

Le 24 juin 2010, M. Faure a présenté sa démission. Son préavis s'est achevé le 15 octobre 2010.

Ayant appris que M. Faure travaillait pour une société qu'elle considérait comme directement concurrente, la société Consotel, et estimant que, ce faisant, il violait la clause de non concurrence insérée dans son contrat, la société Coriolis en a avisé la société Consotel et a refusé de payer à M. Faure la contrepartie prévue par son contrat.

Le salarié faisant valoir qu'il n'avait pas violé cette clause a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 28 juin 2011.

En dernier lieu, le salarié demandait au conseil de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 30 959,70 euro en contrepartie de la clause de non concurrence

- subsidiairement 30 000 euro pour nullité de cette clause

- 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société concluait au rejet des demandes.

Par jugement du 6 septembre 2013, le Conseil de prud'hommes de Nanterre a rejeté l'ensemble des demandes, en considérant que, M. Faure ayant violé son obligation de non concurrence, la contrepartie financière ne lui était pas due.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée dont M. Faure a signé l'avis de réception le 21 septembre 2013.

Il a régulièrement relevé appel de la décision le 2 octobre 2013.

Dans ses dernières conclusions, M. Faure demande à la cour d'appel, à titre principal :

- de prononcer la nullité de la clause de non concurrence et en conséquence de condamner la société Coriolis à lui payer la somme de 30 959,70 euro à titre de dommages-intérêts,

- subsidiairement de la condamner à lui verser la contrepartie de la clause, soit 30 959,70 euro outre 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, la société Coriolis demande à la cour d'appel la confirmation du jugement et subsidiairement la réduction des sommes demandées à la somme de 27 064,63 euro ou la fixation des dommages-intérêts au préjudice réellement subi par le salarié, ainsi que la condamnation de M. Faure à lui payer une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS :

Sur la nullité de la clause de non concurrence :

Considérant que l'avenant au contrat de travail signé le 1er juillet 2004 par M. Faure comporte une clause de non concurrence ainsi rédigée "En raison de l'exercice par vous des fonctions d'Attaché Commercial Grands Comptes, qui vous conduiront à être en contact régulièrement avec les clients de Coriolis Télécom et ceux du groupe auquel cette société appartient, d'une part, et de l'activité essentiellement commerciale de la société, d'autre part, vous serez soumis à une clause de non-concurrence dans les termes suivants :

- Il vous est interdit d'exercer directement ou indirectement, comme salarié ou entrepreneur, consultant, mandataire ou actionnaire, toute activité se rapportant à la commercialisation et la promotion de produits ou services concurrents de ceux de Coriolis Télécom ou de toute autre société du groupe auquel appartient cette société.

- Cette obligation devra être respectée pendant un délai de 1 an, renouvelable une fois, après l'expiration de votre contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, sur tout le territoire français.

- En contrepartie, vous percevrez, comme prévu par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, une indemnité mensuelle égale à 5/10 de la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels, dont vous aurez bénéficié au cours de vos 12 derniers mois de présence dans l'entreprise."

Considérant que M. Faure soutient que cette clause est beaucoup trop générale et ne mentionne pas les produits et services concurrents sur lesquels portent cette obligation, que depuis qu'il a signé cette clause, ces produits et services ont beaucoup évolué, de sorte que cette obligation s'est considérablement étendue sans l'accord du salarié, qu'elle ne fait en tout état de cause aucune référence à une interdiction d'exercer dans le secteur des télécoms ;

Que Monsieur Faure soutient également que la société Coriolis limite son activité à la vente d'abonnements mobiles, fixes et internet qui n'est pas l'activité de la société Consotel ; il ajoute qu'elle a été expressément conclue "du fait de l'exercice des fonctions d'attaché commercial grands comptes", ce qu'il n'était plus depuis le 1er juillet 2008, que sa généralité lui interdit purement et simplement de retrouver un emploi ; Qu'il soutient encore que la convention de partenariat qui a été conclue entre les sociétés Coriolis et Consotel est postérieure à son départ et ne peut donc lui être opposée et qu'elle est d'ailleurs la preuve de ce que les activités sont complémentaires et non concurrentes ;

Considérant que la société Coriolis soutient au contraire que la clause de non concurrence acceptée par M. Faure répond aux exigences légales, lui permet de retrouver un emploi, est limitée dans le temps et l'espace et comporte une contrepartie substantielle ; qu'elle est légitime au regard de l'accès de M. Faure à la stratégie et aux données de l'entreprise dans laquelle il a travaillé pendant 13 ans ;

Que la société Coriolis soutient encore que la société Consotel est bien une concurrente et propose des produits et services de même nature que les siens ;

Mais considérant qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;

Considérant que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a rappelé que le secteur des Télécoms est très concurrentiel, et que, de par ses fonctions, M. Faure a accès à des informations confidentielles en matière de savoir-faire, de politique commerciale, de clientèle et de prospects que la société doit légitimement protéger ; que la clause est limitée dans le temps et comporte une contrepartie financière conforme à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; que si cette clause est étendue à tout territoire français elle n'interdit pas à M. Faure de travailler soit à l'étranger chez un concurrent de la société Coriolis, soit sur l'ensemble du territoire français à l'exception du seul domaine de la promotion de produits et services concurrents de la société Coriolis ; que les services offerts par la société Coriolis ont naturellement évolué, l'interdiction de la concurrencer dans ces domaines suivant nécessairement cette évolution, sans que la rédaction d'une nouvelle clause doive être à nouveau soumise au salarié, dès lors que cette évolution se fait dans le cadre de son activité initiale ; que la décision sera donc confirmée en ce qu'elle a décidé que cette clause était licite ;

Sur le non-respect de la clause de non concurrence par M. Faure :

Considérant que la clause de non-concurrence interdit à M. Faure "d'exercer directement ou indirectement, comme salarié ou entrepreneur, consultant, mandataire ou actionnaire, toute activité se rapportant à la commercialisation et la promotion de produits ou services concurrents de ceux de Coriolis Télécom ou de toute autre société du groupe auquel appartient cette société." ; qu'il ne lui est donc pas interdit d'exercer "dans le domaine des Télécoms en général, mais seulement dans une société commercialisant ou promouvant des produits ou services concurrents" ;

Considérant que M. Faure soutient que l'activité de la société Coriolis se limite à la vente d'abonnements mobiles, fixes et internet et qu'il n'existe aucune similitude entre les offres des sociétés Coriolis et Consotel ; que cette dernière s'adresse à de grandes entreprises ce que ne ferait pas la société Coriolis ; que chez Coriolis, il n'a jamais eu d'activité de gestion pour compte ;

Considérant que la société Coriolis soutient au contraire que même les activités secondaires de la société sont visées par la clause ; qu'elle a pour activité la vente d'abonnement et de services, et, parmi ces derniers notamment la gestion pour compte qui consiste à gérer les parcs et abonnement télécoms de clients professionnels et à les conseiller en ce domaine ; que cette activité de gestion pour compte est similaire à celle de la société Consotel et que ces deux sociétés sont donc en concurrence sur ce point ; que la conclusion récente d'une convention de partenariat entre les deux sociétés atteste d'ailleurs de cette situation de concurrence puisqu'elle comporte un engagement réciproque de ne pas démarcher le client final pour les services qui lui sont vendus ;

Considérant que si l'activité de services et de gestion pour compte de Coriolis est une activité de moindre importance que celle relative à la commercialisation de matériel et d'abonnements, elle s'est développée depuis 2000 et entre donc dans les domaines visés par la clause de non concurrence, peu important que M. Faure ait ou non travaillé pour cette activité ; qu'il ne lui est pas reproché d'actes de concurrence déloyale, mais seulement une violation d'une clause de son contrat lui interdisant de travailler dans une "activité se rapportant à la commercialisation et la promotion de produits ou services concurrents de ceux de Coriolis Télécom" , à défaut de quoi il ne peut réclamer une contrepartie financière ;

Considérant que M. Faure verse aux débats des attestations dont il ressort que l'activité de la société Coriolis était essentiellement la vente d'abonnements et d'équipements et que l'activité de M. Faure au sein de la société Coriolis était cantonnée à ces services ; que cependant ces attestations ne permettent pas de contredire l'existence depuis 2000 du développement d'une activité de services ayant donné lieu à des offres commerciales et des contrats de gestion pour compte ; que cette activité nouvelle était certes peu développée mais en cours de développement et qu'elle a d'ailleurs donné lieu à compter du premier semestre 2010 notamment à la mise en place d'un partenariat avec la société Consotel, les discussions ayant commencé avant le départ de M. Faure ;

Que cette activité était donc concernée par la clause de non-concurrence qu'il a signée ;

Considérant qu'ayant violé cette clause pour travailler dans une société dont l'activité était pour une part concurrente de la société Coriolis, M. Faure s'est privé du droit de percevoir la contrepartie de la clause de non-concurrence ;

Qu'en conséquence la décision du conseil des prud'hommes de Nanterre sera confirmée en toutes ses dispositions ;

Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure:

Considérant que l'équité ne commande pas de décharger la société Coriolis des frais de procédure par elle exposés ;

Considérant que M. Faure succombe à l'action ; que sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles ne peut prospérer ;

Qu'il devra supporter les dépens de la procédure ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes de Nanterre en date du 6 septembre 2013, Condamne M. Emmanuel Faure aux dépens, Déboute les parties en leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.