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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 novembre 2014, n° 12-12988

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Joulin Aero Distribution (SARL)

Défendeur :

Mousse Process (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Taze Bernard, Dussausaye, Henry, Gottvalles

T. com. Evry, du 21 juin 2012

21 juin 2012

La SARL Joulin Aero Distribution est spécialisée depuis 1969 dans la distribution de produits industriels, fabrication de produits et matériels industriels de préhension (manutention) par la technique du vide. La SARL Joulin Cemma, qui exerce une activité de bureau d'études techniques au profit quasiment exclusif de la SARL Joulin Aero Distribution, a engagé, le 26 juillet 1999, M. Alexandre Atroun en qualité de responsable d'unité de production, puis de directeur technique.

Le contrat de travail de M. Atroun, licencié pour motif économique par la société Joulin Cemma, a pris fin le 29 juin 2010.

Le 30 juin 2010, la SARL Mousse Process, créée et gérée par M. Atroun, a débuté son activité.

Estimant que l'activité de la société Mousse Process est similaire à celle de la société Joulin Aero Distribution et qu'elle a développé son activité déloyalement, les sociétés Joulin Aero Distribution et Joulin Cemma ont déposé le 23 février 2011 une requête auprès du président du Tribunal de commerce d'Evry, qui, par ordonnance du 24 février 2011, a désigné la SCP Badufle Fauchere Lecomte, huissiers de justice, avec pour mission de se rendre dans les locaux de la société Mousse Process et de prendre copie de certains documents techniques, du carnet de commandes et de toutes les factures émises depuis le 30 juin 2010.

Le 3 mars 2011, l'huissier de justice s'est rendu au siège social de la société Mousse Process et a placé sous scellés deux fiches produits, quatre-vingt-une factures et six bons de commandes.

Le 24 mars 2011, la société Joulin Aero Distribution et la société Joulin Cemma ont déposé une requête aux fins de voir lever les scellés apposés par l'huissier de justice. Par ordonnance du 28 mars 2011, le Vice-Président du Tribunal de commerce d'Evry a ordonné la levée des scellés.

Le 1er avril 2011, les scellés ont été levés par maître Badufle, qui a établi un procès-verbal de constat.

Par acte du 10 juin 2011, la société Joulin Aero Distribution a assigné la société Mousse Process devant le Tribunal de commerce d'Evry pour obtenir réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme qu'elle lui reproche.

Par jugement du 21 juin 2012, le Tribunal de commerce d'Evry a :

- débouté la SARL Mousse Process de sa demande de défaut de capacité à agir formée à l'encontre de la SARL Joulin Aero Distribution ;

- débouté la SARL Joulin Aero Distribution de sa demande de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la SARL Mousse Process ;

- débouté la SARL Joulin Aero Distribution de ses autres demandes ;

- débouté la SARL Mousse Process de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit ne pas avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement ;

- ordonné que les parties conservent les dépens par elles engagés.

Le 11 juillet 2012, la société Joulin Aero Distribution a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 6 juin 2014, par lesquelles la société Joulin Aero Distribution demande à la cour de :

- recevoir la société Joulin Aero en son appel et l'y déclarant bien fondée ;

- déclarer la société Joulin Aero recevable et bien fondée en ses demandes, y faisant droit,

Vu les articles 15 et 16 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1382 du Code civil,

- rejeter les conclusions signifiées tardivement par la société Mousse Process le 3 juin 2014, en violation du principe du contradictoire et de la loyauté des débats ;

- à tout le moins, rejeter les demandes reconventionnelles présentées pour la première fois dans les conclusions tardives du 3 juin 2014 ;

- rejeter les pièces numérotées 52 à 86 non communiquées par la société Mousse Process ainsi que les arguments et moyens invoqués à l'appui de ces pièces, partant irrecevables ;

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a débouté la société Mousse Process de son exception de fin de non-recevoir pour défaut de capacité à agir à l'encontre de la société Joulin Aero ;

Au fond :

- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il a débouté la société Joulin Aero de ses demandes à l'encontre de la société Mousse Process fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ;

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Evry pour le surplus ;

Et statuant de nouveau :

- débouter la société Mousse Process de toutes ses demandes en toutes fins qu'elle comporte ;

- dire et juger que la société Mousse Process a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

- condamner la société Mousse Process à payer à la société Joulin Aero la somme de 212 771,98 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge brute, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamner la société Mousse Process à payer à la société Joulin Aero la somme de 200 000 € en réparation du préjudice commercial ;

- interdire à la société Mousse Process de démarcher et de contracter avec les clients ou prospects de la société Joulin Aero pendant un délai de deux ans à compter de la décision à intervenir sous peine d'astreinte d'un montant de 500 € par infraction constatée ;

- interdire à la société Mousse Process de se fournir et de contracter avec les fournisseurs et sous-traitants de la société Joulin Aero pendant un délai de deux ans à compter de la décision à intervenir sous peine d'astreinte d'un montant de 500 € par infraction constatée ;

- ordonner à la société Mousse Process qu'elle modifie ses produits de sorte que ne subsiste plus aucun risque de confusion avec les produits fabriqués par la société Joulin Aero et ce sous peine d'astreinte de 500 € par produit imité ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les revues professionnelles de référence, à savoir "Le Bois International" et "Bois Mag" aux frais de la société Mousse Process dans le mois suivant la décision à intervenir, sous peine d'astreinte de 50 € par jour de retard ; la société Joulin Aero pouvant y faire procéder si la société Mousse Process n'y satisfait pas dans le délai imparti et ce aux frais de cette dernière ;

- enjoindre à la société Mousse Process d'adresser à tous les clients Joulin Aero avec lesquels elle a pris attache ou contracté une copie de la décision qui sera rendue, au besoin en la traduisant en langue anglaise, dans un délai de 2 mois à compter de la décision à intervenir et ce sous peine d'astreinte de 100 € par jour de retard ;

- débouter la société Mousse Process de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts au titre d'un prétendu abus de droit ;

- condamner la société Mousse Process à payer à la société Joulin Aero la somme de 40 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner en tous les dépens.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 11 décembre 2012, par lesquelles la société Mousse Process demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter de toutes ses demandes la société Joulin Aero Distribution ;

- condamner la société Joulin Aero à payer à la société Mousse Process 20 000 € sur le fondement de l'article700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Joulin Aero aux entiers dépens, conformément aux dispositions des articles 699 et suivants du Code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Sur la recevabilité des conclusions et pièces notifiées le 3 juin 2014 par l'intimée :

Considérant que la société Joulin Aero Distribution fait grief à la société Mousse Process d'avoir signifié le 3 juin 2014, soit le jour de la clôture, de nouvelles conclusions de 63 pages, soit 30 pages de plus que ses conclusions signifiées le 11 décembre 2012, et ce en réponse à ses conclusions signifiées plus de 5 mois plus tôt, en formulant de nouvelles demandes à titre reconventionnel et en sollicitant le paiement d'une somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts ;

que de plus, le bordereau de pièces figurant à la fin des dernières conclusions de l'intimée vise 34 nouvelles pièces, les pièces n° 52 à 86, qui pourtant ne lui ont pas été communiquées ;

Considérant que la société Joulin Aero Distribution soutient qu'elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance et de répliquer en temps utile aux dernières conclusions de l'intimée, alors que la société Mousse Process développe de nouveaux arguments, de nouvelles demandes et s'appuie sur de nouvelles pièces non communiquées, en violation du principe du contradictoire et de la loyauté des débats ; que l'appelante demande, en conséquence, le rejet des conclusions signifiées tardivement par l'intimée le 3 juin 2014 et, à tout le moins, le rejet des demandes reconventionnelles présentées pour la première fois dans ces dernières conclusions, ainsi que le rejet des pièces qui ne lui ont pas été communiquées et de tous les éléments appuyés sur ces pièces ;

Considérant que par avis de fixation du 25 avril 2013 la date de clôture a été fixée par le conseiller de la mise en état au 3 juin 2014 ; que l'appelante a répondu par des conclusions du 26 décembre 2013 aux conclusions de l'intimée du 11 décembre 2012 ; que la société Mousse Process ayant déposée le 3 juin 2014 de nouvelles conclusions, la date de la clôture a été reportée au 10 juin 2014 ;

que la société Joulin Aero Distribution ayant déposé de nouvelles conclusions le 6 juin 2014 et des pièces le 10 juin 2014, l'ordonnance de clôture a été reportée au 17 juin 2014 ;

Considérant qu'il apparaît que la société Mousse Process, qui disposait de 5 mois pour répondre aux conclusions de l'appelante du 26 décembre 2013, a conclu le 3 juin 2014, jour de l'ordonnance de clôture, en doublant le volume de ses précédentes conclusions, en développant de nouveaux arguments, en formant de nouvelles demandes et en s'appuyant sur 32 pièces nouvelles ; qu'au surplus, la cour ne dispose d'aucune justification de la communication des pièces 59 à 86 à l'appelante ;

Considérant que la société Joulin Aero Distribution a dû répondre en moins d'une semaine aux dernières conclusions de l'intimée, sans disposer de ses nouvelles pièces et n'a pu déposer 15 nouvelles pièces que le 10 juin 2014, jour prévu pour la clôture ;

Considérant que, malgré les reports des dates prévues pour la clôture, les conclusions de l'intimée du 3 juin 2014 n'ont pas été communiquées en temps utile pour permettre à l'appelante d'organiser sa défense ; que les pièces de l'intimée n'ayant pas été communiquées avant l'ordonnance de clôture du 17 juin 2014, n'ont pas été communiquées en temps utile ; qu'ainsi les dispositions des articles 15, 16, 132, 135 et 906 du Code de procédure civile ont été violées ; que l'appelante est bien fondée à invoquer le non-respect des principes de la contradiction et de la loyauté des débats ;

Considérant qu'en conséquence les conclusions notifiées le 3 juin 2014 par la société Mousse Process, ainsi que ses pièces n° 59 à 86, doivent être écartées des débats ;

Sur la capacité à agir de la société Joulin Aero Distribution :

Considérant que la société Mousse Process conteste la capacité à agir de la société Joulin Aero Distribution en soutenant que 90 % de ses ventes correspond à des mousses et pièces détachées, alors que la société Joulin Aero Distribution a pour but principal la fabrication de machines et de préhenseur ; que l'activité des deux sociétés n'est pas identique ; qu'en réalité, la société Mousse Process est le concurrent direct de la société de droit américain VHNA, propriété de M. François Joulin, qui a pour objet principal de vendre des mousses pour équiper tous types et toutes marques de préhenseurs ;

Considérant que la société Joulin Aero Distribution expose que l'action en concurrence déloyale qu'elle a introduit concerne le marché européen et marginalement le marché asiatique, la société Mousse Process n'ayant pas vendu en dehors de ces marchés, sur lesquels elle est présente, alors que la société VHNA, qui vend et fabrique des mousses et des préhenseurs, exerce son activité aux États-Unis d'Amérique et a pour marché l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud ;

Considérant que, la capacité juridique est l'aptitude d'une personne à exercer ses droits et obligations ; que la société Joulin Aero Distribution, personne morale disposant de la personnalité juridique, est apte à exercer, par l'intermédiaire de ses représentants légaux, son droit d'agir en justice ; qu'au surplus, l'existence d'une situation de concurrence directe ou effective n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; qu'enfin, la société Joulin Aero Distribution, qui vend des préhenseurs et des pièces détachées et notamment des mousses qui s'intègrent dans les machines qu'elle fabrique, a intérêt à agir en concurrence déloyale pour défendre ses intérêts, notamment à l'encontre de ses concurrents, au nombre desquels figure la société Mousse Process ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme :

Considérant que la société Joulin Aero Distribution soutient que la société Mousse Process, dirigée par un de ses anciens salariés, M. Atroun, a développé de façon déloyale son activité ; que l'intimée a utilisé les informations privilégiées et confidentielles lui appartenant, en particulier celles relatives à ses clients, ses fournisseurs et son savoir-faire et a organisé une confusion, se plaçant sciemment dans son sillage pour capter sa notoriété et son expertise, tout en se livrant à une désorganisation de l'entreprise en se rapprochant de façon systématique de collaborateurs ou anciens collaborateurs "clé" afin de bénéficier de son savoir-faire et de ses informations privilégiées, en commercialisant des produits délibérément identiques aux siens, en se rapprochant de ses sous-traitants et fournisseurs, en pratiquant des prix anormalement bas, en démarchant de façon systématique ses clients, en participant activement à des procédures initiées par d'anciens salariés à l'encontre de leur précédent employeur avec l'objectif de dénigrer et de désorganiser sa concurrente ;

Considérant que la société Mousse Process expose que M. Atroun n'a jamais travaillé pour l'appelante mais était salarié de la société Joulin Cemma ; que son contrat de travail ne comportait pas de clause de non-concurrence ; qu'en lui annonçant son licenciement au mois de mai 2010, M. François Joulin lui a proposé de maintenir une collaboration active en lui suggérant de se mettre à son compte pour continuer à vendre des machines de manutention Joulin dès le mois de juillet 2010, cependant M. Joulin ne lui a fait aucune offre concrète ; qu'aucune captation du savoir-faire, des informations stratégiques ou des secrets de fabrication ne peut lui être reproché car la technique des préhenseurs et des mousses est banale et connue de tous les intervenants de la filière bois ; que M. Atroun n'utilise aucune information stratégique, mais uniquement des techniques utilisées par de nombreux autres fabricants ou décrites dans des anciens brevets existants depuis de nombreuses années et tombées dans le domaine public ; que Messieurs Laurent et Schaumburg n'ont travaillé pour la société Mousse Process que bien après leur licenciement par l'appelante ; que la société Joulin Aero Distribution ne détient aucune exclusivité sur la mousse qu'elle commercialise ; que les produits Mousse Process ont des différences techniques importantes avec ceux de l'appelante tant sur l'aspect que sur la fonctionnalité ; que l'existence de clients communs entre les deux sociétés est le fruit du hasard et la conséquence de la liberté de la concurrence ;

Considérant que M. Atroun, dont le contrat de travail ne comportait pas de clause de non-concurrence, a créé concomitamment à son licenciement la société Mousse Process, concurrente de la société Joulin Aero Distribution, qui fabrique et commercialise essentiellement des mousses et des pièces détachées mais également des préhenseurs ; que la société Joulin Aero Distribution fait grief à la société Mousse Process d'avoir capté son savoir-faire ; que cependant, il ne peut être reproché à un salarié licencié d'exploiter les compétences qu'il y a acquises auprès de son ancien employeur et de faire bénéficier sa société du savoir et du savoir-faire ainsi acquis ;

Considérant que la clause de confidentialité contenue dans un contrat de travail, qui interdit au salarié de divulguer à autrui toute information sensible et stratégique de la vie de l'entreprise, doit, pour être valable, déterminer la nature des informations à ne pas divulguer ainsi que les conditions dans lesquelles le salarié entre en possession de ces informations ; qu'en l'espèce l'article 9 du contrat de travail de M. Atroun lui fait obligation 'd'observer une discrétion absolue sur tout ce qui a trait aux secret et procédés concernant les fabrications ou le commerce de la société ; que l'appelante ne rapporte aucune preuve que M. Atroun ait mis au service de la société Mousse Process, au-delà de son expérience acquise durant son contrat de travail, des informations privilégiées et des secrets dont il aurait eu connaissance en raison de ses fonctions, alors qu'il n'est pas contesté que la technologie utilisée par l'appelante n'est plus protégée, ses brevets étant tombés dans le domaine public et le secteur de la manutention par la technique du vide étant devenu très concurrentiel ;

Considérant que M. Laurent, qui est ouvrier soudeur, n'a travaillé qu'occasionnellement pour M. Atroun et seulement après sa mise à la retraite par la société Joulin Aero Distribution et M. Schaumburg, commercial licencié en 2004, n'a travaillé pour M. Atroun qu'à compter de 2011 ; que, d'une part, il ne peut être reproché à la société Mousse Process d'avoir recruté des salariés dont les compétences lui sont utiles, dès lors que ces recrutements ne conduisent ni à désorganiser volontairement l'entreprise concurrente, ni a violer une clause de non-concurrence ; d'autre part, qu'il n'est nullement démontré que ces deux personnes détenaient et aient transmis à la société Mousse Process, qui a démarré son activité dès le mois de juillet 2010, des informations confidentielles et des secrets appartenant à la société Joulin Aero Distribution en matière de conception, de fabrication et de commercialisation ;

Considérant que le démarrage immédiat de la société Mousse Process s'explique par le fait que les produits commercialisés par elle, soit à plus de 90% des mousses et des pièces détachées, sont devenus faciles à fabriquer, même si leur conception et celle des préhenseurs a exigé, à l'origine, un important travail de recherche, de développement et d'investissement réalisé par l'appelante ; que la société Joulin Aero Distribution ne produit aucun document justifiant des investissements importants dont elle se prévaut, la seule production d'attestations de partenaires commerciaux de l'appelante témoignant de la place de leader de la société Joulin Aero Distribution dans le domaine de la technologie de la manutention industrielle par le vide et du caractère technique et innovant des produits commercialisés par l'appelante est insuffisante à rapporter cette preuve et celle d'un détournement de son savoir-faire ;

Considérant que l'appelante reproche à la société Mousse Process l'utilisation de son savoir-faire dans la conception de ses produits ; que l'intimée rapporte la preuve que désormais les fabricants de préhenseurs, utilisant la technologie de la manutention par le vide, sont nombreux ; que ses produits présentent quelques différences techniques par rapport à ceux de l'appelante, mousses (découpe, largeur, matière), préhenseurs (vis, boîte de prise, couleur, design) ; que les similitudes existant entre les préhenseurs fabriqués par les deux sociétés sont liées pour partie à la fonction de l'appareil et à des contraintes techniques ; qu'elle fabrique tout type de mousses selon les besoins de ses clients qui utilisent des préhenseurs de marques différentes, la liste de ses clients établissant que 17 de ses clients n'ont pas de préhenseur Joulin, et que pour les clients possesseurs d'une machine de marque Joulin, elle fabrique des mousses semblables à celles fabriquées par l'appelante ; que le recours aux même fournisseurs pour l'achat de pièces détachées et de composants n'est pas fautif d'autant qu'il s'agit d'un marché spécifique ;

Considérant que la société Joulin Aero Distribution ne démontre ni que la société Mousse Process ait capté ses secrets de fabrication, ni que la commercialisation par cette société de mousses, de pièces détachées et de préhenseurs, dont certaines pièces sont identiques à celles commercialisées par la société Joulin Aero Distribution, constitue une copie servile de ses produits ; qu'au surplus aucun risque de confusion n'existe entre les produits fabriqués par les deux sociétés qui sont vendus sous la marque de chacune des sociétés, dont les logos sont biens distincts, la société Mousse Process ne faisant aucune référence aux produits de la société Joulin Aero Distribution dans sa communication commerciale ;

Considérant que l'appelante reproche à la société Mousse Process l'utilisation de son savoir-faire dans la commercialisation, par le démarchage systématique et exclusif de ses clients, par l'utilisation de son réseau de distribution et par des tarifs anormalement bas ;

Considérant que en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le démarchage de la clientèle d'une société concurrente, même par un ancien salarié, n'est pas en soi fautif, à moins que ce dernier ne soit tenu envers son ancien employeur par une clause de non-concurrence ou que le démarchage s'accompagne de manœuvres déloyales ; qu'en l'espèce, le démarchage des clients de la société Joulin Aero Distribution a été effectué par M. Atroun pour le compte de la société Mousse Process ; que l'intervention de M. Schaumburg pour le compte de la société Mousse Process, plusieurs années après avoir quitté la société Joulin Aero Distribution, n'est pas non plus fautif ;

Considérant que les correspondances émanant de l'intimée à destination des prospects, versées aux débats, montrent qu'aucun risque de confusion entre les deux sociétés n'existait ; que la seule attestation de Mme Sara Toupet, salariée de l'appelante, est insuffisante à rapporter la preuve que M. Atroun s'est volontairement constitué, durant l'année précédant son départ, la liste des clients de son employeur ; que l'appelante ne rapporte pas la preuve que M. Atroun a détourné deux clients au mois de mai 2010 alors qu'il était encore salarié ; qu'en conséquence, le démarchage, même majoritaire, de clients de l'appelante par la société Mousse Process n'est pas déloyal ;

Considérant que l'appelante ne rapporte la preuve ni de l'utilisation de son réseau de distribution par la société Mousse Process, ni de ce que cette société pratique des tarifs anormalement bas, la production de 2 courriels non précis, dont un émanant d'un de ses salariés, faisant état de propositions de prix inférieurs de 30 % faites par l'intimée à des clients étrangers, étant insuffisante ;

Considérant que la rédaction par M. Atroun de deux attestations défavorables à la société Joulin Aero Distribution produites en justice et l'assignation de cette société devant le conseil de prud'hommes par M.Schaumburg, postérieurement à l'assignation délivrée par l'appelante à la société Mousse Process, ne caractérisent pas une volonté de désorganiser la société Joulin Aero Distribution ;

Considérant que la société Joulin Aero Distribution doit être déboutée de ses demandes et le jugement confirmé ;

Par ces motifs : Rejette des débats les conclusions notifiées et déposées par la société Mousse Process le 3 juin 2014, ainsi que les pièces n° 59 à 86 de la société Mousse Process ; Confirme le jugement ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Joulin Aero Distribution aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.