CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 7 février 2013, n° 10-21215
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Neveu
Défendeur :
Coutot Roehrig (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lefèvre
Conseillers :
Mme Cléroy, Grasso
Avocats :
Mes Haussmann, Bernabe, Henry, Mery
Dans le cadre du règlement de la succession de Mademoiselle Véronique Mireille Noëlle Outalia décédée le 4 août 2006 à La Garenne Colombes, sans postérité, la SCP notariale Levi Martin et Truffet sise à Asnieres, a chargé la société généalogique Coutot Roehrig de rechercher la mère de la défunte.
Le 12 août 2008, Madame Maria Commes Augusto épouse Neveu a signé avec la société généalogique Coutot Roehrig, un contrat de révélation de succession, et à l'issue du délai de rétractation, le 21 août 2008, il lui a été donné connaissance du décès de sa fille.
Le 24 juin 2009, Madame Neveu a écrit au Notaire qu'elle ne souhaitait plus bénéficier des services de l'Etude généalogique.
Le Notaire ayant néanmoins versé, le 2 juillet 2009, la somme de 7 640,35 euro à la société généalogique à titre d'honoraires, Madame Neveu a assigné le généalogiste en nullité du contrat de révélation de succession pour défaut de cause, faisant valoir que le Notaire aurait pu établir ses droits dans la succession sans avoir recours à la société Coutot Roehrig.
Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire en date du 6 octobre 2010, le Tribunal d'instance de Paris 5e a déclaré le contrat valable et débouté Madame Neveu de l'ensemble de ses demandes, la condamnant à payer à la société Coutot Roehrig la somme de 500 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 euro pour frais irrépétibles.
Madame Neveu a interjeté appel de cette décision le 29 octobre 2010.
Dans le dernier état de ses écritures du 30 août 2012, elle demande à la cour de constater la nullité du contrat de révélation de succession pour non-respect des dispositions de forme des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, en tout état de cause d'en prononcer la nullité pour défaut de cause au motif que le recours à l'Etude généalogique n'était pas nécessaire pour retrouver sa trace et définir sa qualité d'héritière de sa fille, de condamner la société Coutot Roehrig à lui rembourser la somme de 7 640,35 euro avec intérêts légaux et à lui payer la somme de 1 300 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 2 500 euro pour frais irrépétibles.
Dans le corps de ses écritures, elle demande à la cour, si le contrat n'est pas annulé, de réduire les honoraires du généalogiste, selon elle manifestement excessifs au regard de la prestation fournie.
L'appelante fait valoir d'abord que le contrat est nul en la forme en ce qu'il ne précise ni son lieu de conclusion, ni le prix précis de la prestation, en violation des dispositions de l'article L. 123-23 du Code de la consommation,
Elle allègue ensuite que le contrat n'a pas de cause dans la mesure où même si ses relations avec sa fille étaient distendues, elle connaissait les références et adresse de sa fille, et réciproquement, ce qui leur conservait les moyens de pouvoir se joindre, et où le notaire aurait pu facilement la retrouver lui-même.
La société Coutot Roehrig, qui n'a pas répondu dans le dernier état de ses conclusions sur le respect des conditions de forme du contrat, soutient que celui-ci avait bien une cause, à savoir la recherche de Madame Neveu, et demande à la cour de confirmer le jugement de première instance et de condamner Madame Neveu à lui payer la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée précise que le livret de famille ne faisait pas apparaître le nom complet de Madame Neveu, née au Portugal, mais seulement celui de Marie-Alice Augusto, alors qu'elle s'appelle en réalité Commes Augusto épouse Neveu, qu'une adresse à Villeneuve Leroi puis une première adresse à Viry Chatillon ont été explorées avant de trouver la bonne adresse <adresse>, et qu'ainsi, il lui a fallu près de 7 mois pour joindre Madame Neveu.
Elle estime que celle-ci lui a causé un préjudice en invoquant à son encontre une prétendue utilisation de "procédés inadmissibles", simplement pour échapper à ses obligations contractuelles.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant et non contesté que la société Coutot Roehrig a adressé par courrier à Madame Neveu un contrat pré-signé par ses soins en date à Paris du 5 août 2008, sur lequel Madame Neveu a apposé la mention "bon pour acceptation", et la date du 12 août 2008 avant de le signer et de le renvoyer au généalogiste, sans toutefois indiquer le lieu de sa signature.
Ce contrat de révélation de succession dont l'offre et l'acceptation de succession ont eu lieu par voie postale est soumis aux dispositions des articles L. 121-16 et suivants du Code de la consommation relatives aux ventes et fournitures de prestation de service à distance et non à celles imposées pour un contrat de vente ou fourniture d'un service conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile qui suppose "la rencontre simultanée des contractants," professionnel et consommateur, à la résidence ou sur le lieu de travail.
Le contrat lui-même fait d'ailleurs seulement référence aux articles L. 121-25 et L. 121-24 du Code de la consommation relatifs au droit de rétractation et au bordereau détachable.
Dans ces conditions, le contrat litigieux n'étant pas soumis aux conditions de forme prescrites à peine de nullité de l'article L. [121]-23 du Code de la consommation, qui concernent notamment, l'adresse du lieu de conclusion du contrat, ainsi que le prix global à payer et les modalités de paiement, le moyen tiré de la nullité formelle du contrat doit être rejeté.
La cause exprimée dans le contrat de révélation de succession, à savoir la révélation à Madame Neveu des droits nés en sa faveur en raison d'un décès, est présumée exacte et il appartient à Madame Neveu d'apporter la preuve contraire en établissant que l'intervention du généalogiste était en l'espèce inutile.
Il résulte des pièces produites que le notaire a vainement sollicité le service de l'état civil de Nantes qui lui a adressé un avis négatif le 7 juin 2007 et qu'il a saisi la société Coutot Roehrig en novembre 2007.
Ce n'est que le 27 juillet 2008 que celle-ci, après d'autres démarches infructueuses dont elle justifie, a enfin pu retrouver l'adresse de Madame Neveu, à laquelle il a adressé l'offre contractuelle le 5 août 2008.
Madame Neveu a signé le contrat de révélation de succession le 12 août 2008, alors que Mademoiselle Véronique Mireille Noëlle Outalia est décédée le 4 août 2006.
Il en résulte que dans le délai de 2 ans du décès, Madame Neveu, mère de la défunte, n'était toujours pas informée du décès de sa propre fille, que seule l'intervention de la société généalogiste lui a révélée, ce qui démontre que les relations n'étaient pas simplement distendues comme l'allègue l'appelante, mais en réalité inexistantes.
Par suite, Madame Neveu ne rapporte pas la preuve qui lui incombe.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler le contrat pour absence de cause.
Les honoraires du généalogiste tels que prévus par le contrat sont fixés en fonction du degré de parenté de l'héritier et selon un barème de pourcentage par tranche d'actif successoral perçu, et la somme de 7 640,35 euro versée par le notaire résulte de l'exacte application de ces stipulations contractuelles, alors que l'objet du contrat, à savoir retrouver Madame Neveu et l'informer de ses droits dans la succession, a été parfaitement rempli.
Le caractère excessif eu égard aux diligences accomplies par la société Coutot Roehrig, dont elle a justifié, n'est donc pas démontré,
En conséquence, la demande tendant à voir réduire ces honoraires sera rejetée.
Le Notaire ayant versé à la société Coutot Roehrig ses honoraires de 7 640,35 euro dès le 2 juillet 2009, celle-ci ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, qui sera rejetée.
Au vu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de condamner Madame Neveu à payer à la société Coutot Roehrig, une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Infirme le jugement rendu le 6 octobre 2010 par le Tribunal d'instance de Paris 5ème arrondissement uniquement en ce qu'il condamne Madame Neveu à payer des dommages et intérêts à la société Coutot Roehrig, Statuant à nouveau, Déboute la société Coutot Roehrig de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Y ajoutant, Déboute Madame Neveu de sa demande en réduction du prix de la prestation, Condamne Madame Neveu à payer à la société Coutot Roehrig une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, La Condamne aux dépens, qui sont recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.