CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 19 juin 2014, n° 13-23045
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Afibel (SA)
Défendeur :
Meyers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grosjean
Conseillers :
Mme Demont-Pierot, M. Tatoueix
Avocats :
Mes Valli, Muselet, De Sena, Selarl Boulan Cherfils Imperatore
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
La société Afibel est une société de vente par correspondance de vêtements.
Elle son siège à Villeneuve-d'Ascq.
Le 26 septembre 2011, Mme Marie Thérèse Meyers a fait assigner la SAS Afibel devant le Tribunal de grande instance de Nice sur le fondement des articles L. 121-36 du Code de la consommation, 1382 et 1371 du Code civil.
Mme Meyers sollicite la condamnation de la société Afibel à lui payer la somme de 621 500 euro outre les intérêts de droit à compter de l'assignation, capitalisée dans les formes de l'article 1154 du Code civil correspond au total des gains et cadeaux promis.
Elle soutient que la société Afibel lui a adressé à partir de l'année 2010 et jusqu'en 2011 de nombreux courriers, catalogues accompagnés de promesses de gains et de cadeaux. Mme Meyers indique que la société Afibel n'a pas respecté les termes de l'article L. 121-36 du Code de la consommation en lui adressant des documents sur lesquels bon de commande et bon de participation sont regroupés, en l'incitant à passer commande pour obtenir le paiement d'une somme d'argent importante et en utilisant des formules qui laissent à penser que les documents reçus sont des documents officiels.
Par jugement contradictoire en date du 15 octobre 2013, le Tribunal de grande instance de Nice a :
- condamné la société Afibel à payer à Mme Marie-Thérèse Meyers la somme de 25 500 euros outre les intérêts de droit à compter du 26 septembre 2011, capitalisés dans les formes de l'article 1154 du Code civil,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Afibel à payer à Mme Marie-Thérèse Meyers la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Afibel aux entiers dépens,
- autorisé la SELARL Alpijuris à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le tribunal a deux promesses de versement et a qualifié cela de préjudice moral :
- 500 euros de préjudice moral
- 25 000 euros préjudice moral consistant en l'espérance d'un gain
Par déclaration de Me Pierre Paul Valli, avocat, en date du 28 novembre 2011, la SA Afibel a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 15 mai 2014, la société anonyme Afibel demande à la cour d'appel, au visa des articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation, 1382 et 1371 du Code civil, 700 du Code de procédure civile, de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Afibel à payer à Mme Meyers la somme de 25 500 euros outre intérêts de droit à compter du 26 septembre 2011, avec capitalisation des intérêts et 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- statuant à nouveau,
- débouter Mme Meyers de toutes ses demandes,
- la condamner à payer à la société Afibel la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens de l'instance.
La société Afibel expose organiser des opérations loteries et des opérations cadeaux.
Elle observe que les demandes de Mme Meyers sont fondées sur treize opérations distinctes.
La société Afibel fait remarquer que les opérations cadeaux ne relèvent pas des dispositions des articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation, et que s'agissant des opérations loteries il y un bon de commande séparé du bulletin de participation.
La société Afibel estime que Mme Meyers n'a pas participé à certaines opérations qu'elle vise "Grand tirage des 5 000 euros à encaisser", "tirage spécial des 2 000 euros" et "cadeau innovant de l'année 2010", "super tirage des chèques", "30 000 euros pour 2 grands gagnants" et "douceur et chaleur du linge de maison" et demande la confirmation du jugement à ce propos.
La société Afibel estime que les opérations "tirage Afibel des 5 000 euros" et "grand tirage des 5 000 euros à encaisser" étaient parfaitement régulières. La première opération étant une loterie dont l'aléa était selon Afibel mis en évidence, la seconde opération était une autre loterie dont l'aléa était apparent.
La société Afibel expose que l'opération "500 000 euros soit plus de 3 millions de francs à gagner" était une loterie dont le montant de 500 000 euros était à partager et dont l'aléa était évident. Sur l'opération "Grand prix final des 25 000 euros" et l'opération "une veste matelassée avec un chèque dans la poche" la société Afibel précise que le grand prix des 25 000 euros était une loterie dont l'aléa était mis en évidence et que l'autre opération était une opération cadeau que Mme Meyers n'a pas pris la peine de demander et avec un aléa.
Sur l'opération "tirage des 35 000 euros spécial rapidité' la société Afibel explique qu'il s'agissait d'une opération promotionnelle de type loterie avec aléa mis en exergue.
Sur les opérations "tirage spécial des 2 000 euros" et "cadeau innovant de l'année 2010" la société Afibel précise que la première était une opération promotionnelle avec aléa et la seconde une opération avec distribution de cadeaux à laquelle Mme Meyers n'a pas participé.
Sur l'opération "Super tirage des chèques" la société Afibel explique qu'il s'agissait d'une opération promotionnelle de loterie avec aléa apparent et à laquelle Mme Meyers n'a pas participé.
Sur l'opération "30 000 euros pour deux grands gagnants" la société Afibel précise qu'il s'agissait d'une loterie avec aléa clair.
Pour l'opération "manteau aspect peau lainée signé Gabrielle Vicenza" la société Afibel précise qu'il s'agissait d'une opération cadeau à laquelle elle n'a pas participé.
Pour l'opération "douceur et chaleur du linge de maison" la société Afibel fait observer qu'il s'agissait d'une opération cadeau à laquelle Mme Meyers n'a pas participé. Qu'il en est de même pour l'opération "cadeau d'exception de l'année 2011".
La société Afibel fait observer que le fait d'organiser des opérations publicitaires de type loterie ou cadeaux n'est pas une faute.
Elle estime que Mme Meyers est un consommateur de mauvaise foi.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 28 avril 2014, Mme Marie Thérèse Meyers demande à la cour d'appel, au visa des articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation, 1382 et suivants, 1371 et suivants du Code civil, 700 du Code de procédure civile de :
- confirmer le jugement sur le principe de la condamnation et de la reconnaissance du préjudice moral subi par Mlle Meyers,
- réformer le jugement sur le quantum des indemnités accordées,
- statuant à nouveau:
- condamner la société Afibel à payer à Mlle Meyers la somme de cinq cent soixante-trois mille cinq cents euros (553 000 euros) (somme en lettres ne correspond pas à somme en chiffres)
outre les intérêts de droit depuis l'acte introductif d'instance, capitalisés dans les formes de l'article 1154 du Code civil, en réparation du préjudice moral qu'elle a subi,
- condamner la société Afibel à lui verser 5 000 euros supplémentaires en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Afibel aux dépens, avec distraction au profit de la Selarl Lexavoué.
Mme Meyers expose avoir reçu de la société Afibel : le 1er juin 2010 une promesse de versement de 5 000 euros, le 13 août 2010 une promesse de versement de 500 000 euros, le 22 octobre 2010 une promesse de versement de 25 000 euros, le 3 novembre 2010 une promesse de versement de 25 000 euros + 2 000 euros, le 12 novembre 2010 une promesse d'un camescope plus le versement de 2 000 euros, le 15 novembre 2010 une promesse de versement de 2 000 euros, le 23 novembre 2010 une promesse de versement 30 000 euros, 25 000 euros pour le 1er gagnant et de 5 000 euros pour le 2nd gagnant, les 2 et 18 décembre 2010 une promesse d'un manteau aspect peau lainée d'une valeur de 79,90 euros, le 3 janvier 2010 une promesse de versement de 500 euros, le 4 janvier 2011 une offre de souscription à un crédit extenso, le 1er juin 2010 une promesse de versement de 5 000 euros, le 11 janvier 2011 une promesse d'un lecteur DVD, soit un total de gains promis s'élevant à
551 000 euros sans compter le prix des cadeaux.
Mme Meyers estime que la société Afibel a commis une faute en ne respectant pas les obligations des articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation. Elle estime avoir été victime d'un fait fautif.
En second lieu Mme Meyers fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1371 du Code civil. Elle estime que la société Afibel n'a jamais mis en évidence l'existence d'un aléa et a usé de manœuvres visant à tromper toute personne normalement vigilante.
MOTIFS,
- Au titre de la responsabilité délictuelle alléguée :
Mme Meyers estime que la société Afibel n'a pas respecté les règles fixées aux articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation en lui ayant adressé des documents sur lesquels les bons de commande et bons de participation étaient regroupés, en l'incitant fortement à passer commande pour obtenir le paiement d'une somme d'argent importante, en utilisant des formules qui laissaient à penser que les documents reçus sont des documents officiels.
A juste titre le tribunal a relevé que les opérations cadeaux ne sont pas concernées par l'article L. 121-36 du Code de la consommation.
S'agissant des loteries, dans les documents litigieux, les bulletins de participation sont bien distincts des bons de commandes dont ils sont séparés par des pointillés. La présentation attractive ne viole pas les règles du Code de la consommation.
Le jugement sera confirmé en ce qui concerne le débouté des demandes de Mme Meyers à ce titre.
-Au titre de l'engagement quasi contractuel :
L'article 1371 dispose que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.
Sur ce fondement, il doit être retenu que l'organisateur d'une loterie, qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer.
Cela suppose l'annonce d'un gain de manière sûre et la demande par le bénéficiaire de cet engagement de recevoir ce gain.
S'agissant des courriers reçus à l'occasion des opérations de loteries "Grand tirage des 5 000 euros à encaisser", "tirage spécial des 2 000 euros" et "cadeau innovant de l'année 2010", "super tirage des chèques", "30 000 euros pour 2 grands gagnants" et "douceur et chaleur du linge de maison" et des opérations cadeaux "une veste matelassée avec un chèque dans la poche", "cadeau innovant de l'année 2010", "cadeau innovant de l'année 2010", "cadeau d'exception de l'année 2011", "manteau aspect peau lainée signé Gabrielle Vicenza" , si Mme Meyers a reçu des courriers lui annonçant des gains elle n'a visiblement pas considéré ces annonces comme sérieuses alors qu'elle n'a rien demandé à la société Afibel. Elle n'a subi aucun préjudice alors qu'elle n'a rien demandé et que rien ne lui a été refusé.
Les documents envoyés à l'occasion des opérations 'tirage Afibel des 5 000 euros" et "grand tirage des 5 000 euros à encaisser" mettent l'aléa des loteries en évidence.
Les documents concernant la loterie "500 000 euros soit plus de 3 millions de francs à gagner" permettent aisément de voir à première lecture qu'il s'agissait d'une loterie dont le montant de 500 000 euros était le total à partager. Il est bien précisé 500 000 euros à partager et non 500 000 euros pour Mme Meyers.
Concernant l'opération "Grand prix final des 25 000 euros", Mme Meyers a reçu des documents "certificat de gagnant attribué à titre personnel à Madame Meyers" et "oui Madame Meyers vous allez recevoir à votre domicile le chèque bancaire que vous avez gagné' et 'Madame Meyers gagne 25 000 euros" et "Dossier personnel d'identification".
Tous ces documents laissaient croire à leur destinataire, Mme Meyers, dont le nom était clairement indiqué, qu'elle était la seule et unique et certaine gagnante de cette somme de 25 000 euros. Mme Meyers a répondu et demandé son gain en adressant le bulletin prévu à cet effet.
Malgré le renvoi équivoque à un règlement expliquant en un texte difficilement lisible et peu intelligible, présenté sous une forme compacte et rebutante, en petits caractères, qu'il ne s'agit que du droit de participer à une loterie dont le gagnant recevra cette somme, ce courrier donne à penser à tout destinataire moyen que cette somme est gagnée avec certitude.
Mme Meyers a subi une perte de 25 000 euros du fait du non versement de cette somme par le non-respect de la société Afibel de ses engagements.
Le jugement sera réformé et seule sera prononcée une condamnation d'un montant de 25 000 euros avec intérêts aux taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et anatocisme demandé.
Le montant des frais irrépétibles sera limité à 1 000 euros au vu des éléments du dossier.
Par Ces Motifs : Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, Réforme le jugement rendu le 15 octobre 2013 par le Tribunal de grande instance de Nice, et statuant à nouveau, Condamne la société Afibel à payer à Mme Marie-Thérèse Meyers une somme de vingt-cinq mille euros (25 000 euros) outre les intérêts de droit à compter du 26 septembre 2011, avec anatocisme, Condamne la société Afibel à payer à Mme Marie-Thérèse Meyers la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Afibel aux entiers dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.