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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 10 avril 2014, n° 13-17608

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Khanfouss

Défendeur :

Agence de Marketing Applique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grosjean

Conseillers :

Demont-Pierot, M. Tatoueix . Avocats : Mes Sider, Musacchia, Deur

TGI Grasse, du 2 août 2013

2 août 2013

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

La société Agence de Marketing Applique a procédé à l'envoi d'un catalogue publicitaire à M. Abderrahim Khanfouss, lui indiquant qu'il serait le bénéficiaire d'une somme d'argent, si ce dernier venait à remplir certaines conditions édictées dans la lettre adjointe au catalogue.

Le 10 juin 2010, M. Abderrahim Khanfouss a fait assigner la société Agence de Marketing Applique devant le Tribunal de grande instance de Grasse sur le fondement de l'article 1371 du Code civil.

Par jugement contradictoire en date du 2 août 2013, le Tribunal de grande instance de Grasse a :

- dit que les informations données par la société Agence de Marketing Applique sont suffisantes pour caractériser un aléa quant au gain principal,

- débouté M. Abderrahim Khanfouss de toutes ses demandes,

- condamné M. Abderrahim Khanfouss au paiement de la somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. Abderrahim Khanfouss aux dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration de Me Françoise Michotey, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, en date du 28 août 2013, M. Abderrahim Khanfouss a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 6 novembre 2013, M. Abderrahim Khanfouss demande à la cour d'appel, au visa des dispositions des articles L. 121-36 à L. 121-41 du Code de la consommation, et de l'article 1371 du Code civil,

- juger que la société AMA n'a pas suffisamment informé M. Abderrahim Khanfouss sur l'existence d'un aléa concernant l'attribution du gain principal constitué d'un chèque de 39 000 euros,

- juger que, par cette annonce de gain dénuée de toute équivoque, la société AMA a engagé sa responsabilité quasi contractuelle à l'égard de M. Abderrahim Khanfouss,

- infirmer le jugement,

- condamner la société AMA à délivrer à M. Abderrahim Khanfouss le gain promis, à savoir un chèque de 39 000 euros,

- condamner la société AMA à payer à M. Abderrahim Khanfouss la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 décembre 2013, la société AMA Agence de Marketing Applique demande à la cour d'appel de :

- juger infondé l'appel interjeté par M. Abderrahim Khanfouss à l'encontre du jugement rendu le 2 août 2013 par le Tribunal de grande instance de Grasse,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- vu l'article 1371 du Code civil,

- dire que les documents publicitaires dont M. Khanfouss a été rendue destinataire mettaient en évidence à première lecture l'existence d'un aléa, s'agissant de l'attribution du prix principal mis en jeu,

- juger que cet aléa a été notamment mis en évidence par le règlement du jeu dont M. Khanfouss a pu prendre connaissance,

- juger que la société AMA n'a pris aucun engagement à l'égard de M. Khanfouss concernant le versement des prix principaux mis en jeu,

- débouter M. Khanfouss de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- le condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Elie Musacchia, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS,

- I) Les faits :

M. Abderrahim Khanfouss produit plusieurs documents reçus de la société Agence de Marketing Appliqué :

- un document dénommé "dossier de gain" avec indication "à l'attention unique et personnelle de M. Abderrahim Khanfouss...1er prix de 39 000,00 euros ....Oui M. Khanfouss, vous être vraiment le gagnant d'un chèque confirmé...il n'y a aucun doute à avoir sur votre statut de gagnant d'un chèque confirmé, M. Abderrahim Khanfouss. La vignette ci-contre en d'ailleurs la preuve indiscutable..",

- un autre document "acceptation d'envoi de chèque confirmé à renvoyer ..39 000,00 euros "

- un autre document "avis de délai d'envoi du chèque 1er prix de 39 000,00 euros ...vous l'avez véritablement gagné".

M. Khanfouss a répondu à chaque fois à ces documents, réitérant ses demandes de versement de la somme promise, par courriers des 19 novembre 2008, 28 novembre 2008, 13 novembre 2009 et 25 mars 2010.

La société Agence de Marketing Appliqué n'a pas tenu compte de ces courriers pourtant recommandés et effectivement reçus.

M. Khanfouss a reçu des courriers présentés sous une forme officielle de la société Agence de Marketing Appliqué lui annonçant qu'il était le gagnant de la somme de 39 000 euros.

Il a répondu à toutes ces annonces de gain, mais n'a jamais rien obtenu.

-II) Le droit :

M. Khanfouss fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1371 du Code civil.

L'article 1371 dispose que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.

Sur ce fondement, il doit être retenu que l'organisateur d'une loterie, qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire à le délivrer.

Les documents adressés par la société Agence de Marketing Appliqué à M. Khanfouss ne mettent pas en évidence l'aléa qui établirait aux yeux d'une destinataire normalement attentive que l'expéditeur ne s'est pas formellement et volontairement engagé à remettre le gain annoncé.

Rien ne laisse présumer, à la lecture de ces courriers, qu'il existe un aléa.

Malgré le renvoi équivoque à un règlement expliquant en un texte difficilement lisible et peu intelligible, présenté sous une forme compacte et rebutante, en petits caractères, qu'il ne s'agit que du droit de participer à une loterie dont le gagnant recevra cette somme, les courriers donnent à penser à tout destinataire moyen que cette somme est gagnée avec certitude.

Tous les documents et toutes les formules utilisées par la société Agence de Marketing Appliqué sont révélateurs d'une volonté de faire croire à l'existence certaine d'un gain, mais avec des clauses de réserve si ambiguës que le consommateur moyen ne s'en aperçoit pas.

En conséquence la société Agence de Marketing Appliqué est engagée vis à vis de M. Khanfouss au versement de cette somme, dûment réclamée, représentant trente-neuf mille euros.

Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, Infirme le jugement rendu le 2 août 2013 par le Tribunal de grande instance de Grasse, Statuant à nouveau, Condamne la société Agence de Marketing Appliqué, dont le siège est à [...] à payer à M. Abderrahim Khanfouss la somme de trente-neuf mille euros (39 000 euros), Condamne la société Agence de Marketing Appliqué à payer à M. Abderrahim Khanfouss la somme de deux mille euros (2 000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Agence de Marketing Appliqué aux entiers dépens, de première instance et d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.