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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 6 novembre 2014, n° 12-04436

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Prud'homme Racine (SCI)

Défendeur :

Espaces Romeo-Guerin (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaget

Conseillers :

MM. Martin, Semeriva

Avocats :

Mes Dumoulin, Mergy, SCP Tudela, Associés, Selarl Puget Léopold-Couturier & Associés

TGI Lyon, 1re ch. sect. 2, du 28 mars 20…

28 mars 2012

Vu le jugement du Tribunal de grande instance de Lyon en date du 28 mars 2012 qui se déclare incompétent pour statuer sur la validité de l'assignation et qui condamne la SCI Prud'homme Racine, en abrégé la société Racine, à payer à la société ERG la somme de 34 020 euro soit 4 860 euro par an du 5 juillet 2004 jusqu'au 5 juillet 2011 ainsi que la somme de 405 euro par mois à compter de cette date jusqu'au retrait des meubles avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation et qui déboute la société Racine de sa demande en dommages et intérêts aux motifs que :

1° La nullité de l'assignation n'a pas été soulevée devant le juge de la mise en état qui est seul compétent pour en connaître ;

2° La clause en vertu de laquelle la marchandise non réclamée, passé un mois serait remise à un garde meuble, les frais étant à la charge du client, ne créée par de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

Vu la déclaration d'appel de la société Racine en date du 11 juin 2012 ;

Vu les dernières conclusions de la société Racine en date du 18 décembre 2013 qui soutient la réformation du jugement attaqué, la condamnation de la société ERG à lui payer la somme de 60 000 euro au titre de dommages et intérêts et le prononcé d'une astreinte de 300 euro par jour de retard suivant le 10ème jour de la signification de la présente décision, pour faire procéder à la livraison de tout le mobilier objet du litige aux motifs que :

1° L'assignation introductive d'instance ne comporte pas les mentions prescrites à peine de nullité, ce qui fait grief à la société Racine de sorte que la nullité pour vice de forme doit être prononcée ;

2° Il ne peut être fait application que des dispositions légales relatives au contrat de dépôt ;

3° La société ERG avait l'obligation de livrer les meubles chez la société Racine ;

4° La société Racine n'a jamais consenti aux conditions contractuelles imposées par la société ERG ;

5° La clause relative au dépôt des meubles doit être interprétée comme étant abusive ou ayant la nature d'une clause pénale ;

6° La responsabilité pour faute de la société ERG doit être engagée de sorte qu'elle doit indemniser la société Racine en lui payant une somme de 60 000 euro ;

Vu les dernières conclusions de la société ERG en date du 4 octobre 2013 qui conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société Racine à payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile aux motifs que :

1° La société Racine ne démontre pas l'existence d'un grief ;

2° Suite à la volonté de la société Racine d'annuler la commande des meubles, ces derniers ont été placés en dépôt auprès de la société ERG ;

3° La demande en nullité de la clause est prescrite ;

4° La clause ne créée aucune déséquilibre entre les parties et n'a pas la nature d'une clause pénale ;

5° La société Racine ne démontre pas l'existence d'un préjudice subi ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 janvier 2014 ;

A l'audience du 10 septembre 2014, les avocats des parties ont exprimé oralement leurs observations après le rapport de M. le Président Michel Gaget.

DÉCISION

1. La société Racine a commandé le 30 décembre 2003 à la société Diffusion des Ebénistes Contemporains Romeo un ensemble de salle à manger référence Trianon et remis aux fins de regarnissement un canapé Louis XVI ainsi qu'une table de salon à vérifier, une somme de 9 000 euro étant versée à titre d'acompte.

2. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 juin 2004, la société Diffusion des Ebénistes Contemporains Romeo a rappelé à la SCI Racine que sa marchandise était prête et lui a demandé de prendre un rendez-vous de réception en lui précisant qu'à défaut le mobilier serait placé en garde meubles à ses frais.

3. Par courrier du 19 juillet 2004, la SCI Racine a annulé la commande, sollicité le retour du salon déposé pour réfection et demandé la restitution de l'acompte.

4. La société Diffusion des Ebénistes Contemporains Romeo a déposé auprès de la société ERG en garde meubles le mobilier commandé.

5. Par jugement du 21 décembre 2006 du Tribunal de grande instance de Paris confirmé par la Cour d'appel de Paris, la société Racine a été condamnée à payer à la société Diffusion des Ebénistes Contemporains Romeo la somme de 36 000 euro et à prendre réception du mobilier.

6. La société ERG, dépositaire du mobilier depuis le 1er juillet 2004, a assigné la société Racine devant le Tribunal de grande instance de Lyon.

7. En appel, la société Racine soutient que la nullité pour vice de forme de l'assignation introductive d'instance doit être prononcée. En effet, la société Racine fait valoir que certaines mentions portées à l'assignation sont erronées.

8. Toutefois, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les exceptions de nullité pour vice de forme de l'assignation relèvent de la compétence exclusive du juge de la mise en état qui n'a pas été saisi avant l'ordonnance de clôture en première instance. De plus, l'appelante ne démontre pas en quoi cette exception de nullité pour vice de forme lui a causé un grief l'empêchant d'exercer sa défense.

9. En conséquence, la demande de nullité de l'assignation introductive d'instance et le moyen sont irrecevables.

10. Au fond, la société Racine soutient qu'elle n'a pas conclu avec la société ERG de contrat de dépôt de sorte qu'elle ne peut être tenue au paiement des frais de gardiennage des meubles. De plus, elle fait valoir que la clause contenue dans le bon de commande signé le 30 décembre 2003 entre la société Racine et la société Diffusion des Ebénistes Contemporains Romeo a la nature de clause abusive conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

La société ERG fait valoir que le délai de prescription prévu à l'article 1304 du Code civil permettant à la société Racine de soulever la nullité de la clause, est expiré de sorte que sa demande serait irrecevable.

Sur la recevabilité de l'action en nullité :

11. La société ERG soutient que l'exception de nullité soulevée par la SCI Racine est prescrite pour ne pas avoir été faite dans le délai de 5 ans de l'article 1304 du Code civil.

12. Mais l'exception de nullité de la clause sur laquelle se fonde la société ERG a un caractère perpétuel et peut être opposée en défense à l'action en paiement fondée sur la clause qui est arguée de nullité, de sorte que l'exception est recevable telle qu'elle a été formée, en défense, dans des conclusions de l'année 2011 en réponse à la prétention en paiement.

Sur la nullité de la clause

13. Sur le fond, contrairement à ce que soutient la société ERG, la clause litigieuse, telle qu'elle est stipulée, crée bien, au détriment du non-professionnel qu'est la SCI Racine, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en ce que la clause ne précise pas l'assiette du calcul des frais et en ce qu'elle ne permet pas au contractant qui refuse la livraison de mesurer les conséquences financières exactes du refus de livraison du mobilier commandé ou réparé.

14. Il en résulte donc que cette clause qui stipule que, pour le cas où l'acheteur n'accepterait pas la livraison dans les délais prévus à la commande et passé le délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société ERG avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu'à ses risques et périls, est une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, imposée par un professionnel à un non-professionnel.

15. Il s'ensuit que la demande en paiement de la société ERG est mal fondée puisque l'engagement de la SCI Racine est nul, de sorte que le jugement attaqué doit être réformé, en toutes ses dispositions.

16. La demande de dommages intérêts de la SCI Racine n'est pas fondée en ce que la société ERG n'a pas commis d'abus de droit en agissant en justice.

17. La prétention faite par la SCI Racine quant à la livraison que devrait faire la société ERG à ses frais n'est pas fondée ni en fait ni en droit, car il n'existe pour le garde-meubles aucun engagement contractuel de livraison au profit de la SCI Racine qui, elle, doit prendre livraison des marchandises déposées et ce à ses frais.

18. Il ne peut être fait droit à cette demande.

19. L'équité commande d'allouer à la SCI Racine la somme de 3 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Réforme, en toutes ses dispositions, le jugement du 28 mars 2012, Statuant à nouveau, Déboute la société ERG de ses prétentions et moyens à l'égard de la SCI Racine, Condamne la société ERG à verser à la SCI Racine la somme de 3 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SCI Racine de ses demandes reconventionnelles à l'égard de la société ERG, Condamne la société ERG aux entiers dépens de première instance et d'appel, Autorise, pour ces derniers, les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.