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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 4 novembre 2014, n° 13-07362

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Saint-Preignan (SARL), Vignocaves (SARL), Vignobles Fontan (EARL)

Défendeur :

Vinicom (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Guéroult

Avocats :

Mes Brouillet, Monelli, Perrigault-Levesque, Hebert

TGI Rennes, JME, du 25 juill. 2013

25 juillet 2013

EXPOSÉ DU LITIGE

Centrale de distribution et prestataire de services spécialisée dans la commercialisation de produits viticoles, la société Vinicom a commercialisé les produits des sociétés Saint-Preignan et Vignobles Fontan, producteurs de vins de la région du grand Ouest. Cette relation commerciale a pris fin au mois de juillet 2011.

Reprochant aux sociétés Saint-Preignan et Vignobles Fontan la rupture brutale de relations commerciales établies et la constitution d'une société dénommée Vignocaves reproduisant le modèle commercial qu'elle avait conçu afin de la concurrencer directement sur son secteur géographique de clientèle, la société Vinicom a assigné les 2 et 7 février 2012 ces trois sociétés devant le Tribunal de grande instance de Rennes sur le fondement des articles 1382 du Code civil et L. 442-6, I-5° du Code de commerce en paiement solidairement d'une indemnité de 200 000 euros.

Par conclusions d'incident datées du 17 mai 2013, les sociétés Saint-Preignan et Vignocaves, invoquant leur forme commerciale et leur domiciliation, ont demandé au juge de la mise en état de déclarer le Tribunal de grande instance de Rennes incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille s'agissant de la société Saint-Preignan et du Tribunal de commerce de Béziers s'agissant de la société Vignocaves.

Le 25 juillet 2013, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Rennes a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Saint-Preignan et Vignocaves qui ont relevé appel de son ordonnance devant la Cour d'appel de Rennes.

Devant la cour, les sociétés Saint-Preignan et Vignocaves concluent en ces termes :

Vu l'ordonnance dont appel,

Vu l'article L. 721-3 du Code de commerce,

Vu l'art. D. 442-3 du Code de commerce

Vu le décret n° 2009-1384 du 11/11/2009 art. 2 Annexe 4-2-1

Vu l'article 42 du Code de procédure civile

Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par les sociétés Saint-Preignan et Vignocaves ;

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

Constater que les parties aux procès sont des personnes morales de droit commercial ;

Constater que les poursuites engagées visent de prétendus faits de rupture abusive des relations commerciales établies et de prétendus faits de concurrence déloyale ;

En conséquence,

- Pour ce qui concerne la société Saint-Preignan,

Déclarer le Tribunal de grande instance de Rennes incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille qui bénéficie de la compétence d'attribution s'agissant d'un litige fondé sur l'art. L. 442-6 I-5° du Code de commerce ;

- Pour ce qui concerne la société Vignocaves,

Déclarer le Tribunal de grande instance de Rennes incompétent au profit du Tribunal de commerce de Béziers s'agissant d'un litige en concurrence déloyale fondé sur l'art. 1382 du Code civil ;

En tout état de cause,

Condamner la société Vinicom à payer aux sociétés Saint-Preignan et Vignocaves la somme de 800 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La Condamner aux entiers dépens.

La société Vinicom demande la confirmation de l'ordonnance déférée et la condamnation des sociétés appelantes au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Vignobles Fontan EARL s'en rapporte à justice sur l'exception d'incompétence.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les appelantes le 16 janvier 2014, pour la société Vinicom le 29 janvier 2014 et pour la société Vignobles Fontan le 21 janvier 2014.

Les parties ont été invitées à s'expliquer, par notes en délibéré, sur le pouvoir de la Cour d'appel de Rennes d'examiner le recours formé contre une ordonnance rendue dans une procédure dont l'examen relève en appel de la Cour d'appel de Paris.

Par note en délibéré, les sociétés appelantes font valoir que la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris n'est pas discutée s'agissant de l'application de l'article L. 442-6 I 5° au fond mais que la contestation porte uniquement sur une ordonnance du juge de la mise en état relative à la compétence tant materiae que loci de la juridiction saisie, notamment la compétence de la juridiction spécialisée commerciale et non civile pour la société Saint-Preignan et la compétence de la juridiction commerciale de droit commun et non spéciale pour la société Vignocaves de sorte que la demande s'analyse en une demande de disjonction de la procédure pour partie devant une autre juridiction spéciale et pour partie devant la juridiction commerciale de droit commun.

La société Vinicom demande à la cour de se déclarer incompétente sur le fondement de l'article D. 442-4 du Code de commerce.

La société Vignobles Fontan soutient que dans la mesure où l'article L. 442-6 n'est pas le fondement unique de la demande puisqu'il est associé à celui de l'article 1382 du Code civil, le Tribunal de grande instance de Rennes n'a pas été saisi en sa qualité de juridiction spécialisée de sorte que la cour a le pouvoir d'examiner le recours.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Aux termes de l'article D. 442-4, "Pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des tribunaux de grande instance compétents en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-2 du présent livre.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris".

L'annexe 4-2-2 attribue compétence au Tribunal de grande instance de Rennes pour connaître des procédures fondées sur l'article L. 442-6 concernant des personnes qui ne sont ni commerçantes, ni artisans.

Contrairement à ce qui est soutenu par la société Vignobles Fontan, dès lors que ces dispositions sont invoquées, fût-ce à titre non exclusif, elles entraînent automatiquement la compétence exclusive de la juridiction spécialisée, de sorte que c'est bien en cette qualité qu'a été saisi le Tribunal de grande instance de Rennes.

Il n'appartient pas au juge de la mise en état, et partant à la cour saisie d'un appel de son ordonnance, d'examiner la pertinence du fondement de l'action dirigée solidairement contre les trois sociétés défenderesses dont la société Vignocaves, le caractère indissociable de la demande interdisant en tout état de cause, à ce stade du litige, une disjonction de la procédure.

Enfin contrairement à ce qui est soutenu, à défaut de dispositions contraires, le pouvoir exclusif attribué à la Cour d'appel de Paris s'étend à toutes les décisions rendues par la juridiction spécialisée de première instance quel que soit l'organe dont elles émanent.

En application des dispositions sus-rappelées, l'appel litigieux sera en conséquence déclaré irrecevable.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Vinicom l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, de sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR Déclare irrecevable l'appel formé par les sociétés Saint-Preignan et Vignocaves devant la Cour d'appel de Rennes ; Condamne in solidum les sociétés Saint-Preignan et Vignocaves à payer à la société Vinicom une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Saint-Preignan et Vignocaves aux dépens d'appel.