CA Rennes, 5e ch., 29 octobre 2014, n° 13-02658
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Delebois, Sud Eco Jardins (SARL)
Défendeur :
Association Quatre Vaulx les Mouettes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lachal
Conseillers :
Mmes D'Ardailhon-Miramon, Deliere
Avocats :
Mes Jourda, Gauvain, Dardy
EXPOSE DU LITIGE
Le 30 août 2005, Mademoiselle Fiona Delebois a conclu avec l'association Les Quatre Vaulx Les Mouettes, gestionnaire du centre d'aide par le travail (CAT) Quatre Vaulx - jardin, un contrat aux termes duquel elle achetait au CAT des produits biologiques pour les vendre en exclusivité dans plusieurs départements et ce, pour une durée de cinq ans.
Le 12 octobre suivant, un même contrat de distribution exclusive a été de nouveau signé par Mademoiselle Delebois lequel mentionne en qualité d'acquéreur la SARL Sud Eco Jardins représentée par Mademoiselle Delebois.
Cette société a été créée le 20 octobre 2005 par Mademoiselle Delebois, seule associée et gérante et immatriculée le 23 novembre suivant.
En 2009, la SARL Sud Eco Jardins a souhaité céder la partie de son activité liée à la vente de ces produits et cette dernière et Mademoiselle Delebois ont engagé des pourparlers avec la SARL Création et entretien de jardins Eric Dangereux et Monsieur Laurent Souris.
Il était envisagé, d'une part, la cession d'une partie du fonds de commerce par la SARL Sud Eco jardins, à savoir " sa clientèle en puissance liée à l'activité de vente de produits biologiques" à la SARL Création et entretien de jardins Eric Dangereux et Monsieur Souris pour la somme de 5 000 euros et d'autre part, la conclusion par Madame Delebois d'une convention de présentation de successeurs pour un prix de 15 000 euros dans le but d'obtenir la signature d'un contrat de distribution exclusive entre la SARL Création et entretien de jardins Eric Dangereux et Monsieur Souris d'une part et l'association Les Quatre Vaulx Les Mouettes, d'autre part, Madame Delebois intervenant à titre personnel au contrat en qualité de concessionnaire sortant.
L'avocat de la SARL Sud Eco Jardins et de Mademoiselle Delebois, Maître Bargain, chargé de rédiger les conventions, s'est rapproché de l'association Les Quatre Vaulx Les Mouettes dès le 22 juillet 2009 et le 27 août 2009, l'association Quatre Vaulx Les Mouettes " donnait son aval pour établir l'acte concernant le dossier Delebois" mais souhaitait modifier trois points : la durée, les modalités de rupture et la réactualisation des tarifs.
Les projets de convention étaient adressés à l'association Les Quatre Vaulx Les Mouettes le 26 novembre 2009 et le 10 décembre suivant, cette dernière adressait ses tarifs pour l'année 2010.
Le 3 février 2010, l'association Les Quatre Vaulx Les Mouettes notifiait à la SARL Sud Eco Jardins la cessation de leurs relations commerciales à compter du 12 octobre 2010, date de fin du contrat de distribution exclusive.
Par jugement du 13 février 2013, le Tribunal de grande instance de Saint-Malo a :
- déclaré irrecevables les demandes de Mademoiselle Delebois, celle-ci n'ayant pas de qualité à agir,
- débouté la SARL Sud Eco jardins de sa demande de dommages et intérêts, en l'absence de preuve d'une rupture abusive, brutale ou injustifiée des pourparlers,
- condamné la SARL Sud Eco jardins à payer à l'association Quatre Vaulx Les Mouettes la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mademoiselle Delebois et la SARL Sud Eco jardins ont fait appel de cette décision.
Elles demandent à la cour de réformer le jugement entrepris et de :
- déclarer recevable l'action intentée par Madame Delebois à titre personnel,
- constater la rupture fautive de pourparlers par l'association Les Quatre Vaulx-les Mouettes,
- la condamner à payer la somme de 5 000 euros à la SARL Sud Eco jardins et celle de 15 000 euros à Madame Delebois,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus,
- condamner l'association Les Quatre Vaulx-les Mouettes à leur payer la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
subsidiairement,
- constater la rupture fautive de pourparlers à l'égard de la seule SARL Sud Eco jardins,
- condamner l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec capitalisation des intérêts,
- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'association Les Quatre Vaulx Les Mouettes, gérant le CAT devenu ESAT (établissement et service d'aide par le travail) Quatre Vaulx-jardin, demande à la cour, "sous réserve de la recevabilité des conclusions de l'appelant et de la caducité de son appel puisque ses écritures n'ont pas été notifiées par le RPVA", de confirmer le jugement rendu et de condamner in solidum Madame Delebois et la société Sud Eco jardins à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières écritures notifiées le 8 juillet 2013 pour les appelantes et le 6 septembre 2013 pour l'intimée, la clôture des débats ayant été prononcée le 26 juin 2014.
MOTIFS DE LA DECISION
Il sera relevé, à titre préliminaire, que l'association Les Quatre Vaulx-les Mouettes ne formule pas expressément, dans le dispositif de ses conclusions, de demande tendant au prononcé de l'irrecevabilité des conclusions des appelants et de la caducité de l'appel et que la cour n'a donc pas à statuer sur ces points, conformément à l'article 954 du Code de procédure civile.
Sur la qualité à agir de Madame Delebois :
Madame Delebois a un intérêt à agir dans la présente procédure dans la mesure où il était envisagé qu'elle signe, à titre personnel, un contrat de présentation de ses successeurs à l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes, avec une rémunération de 15 000 euros et qu'elle se prévaut d'une rupture fautive des pourparlers engagés avec cette association
Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.
Sur la rupture fautive des pourparlers :
Chacune des parties est libre de rompre des pourparlers contractuels sauf à voir sa responsabilité engagée par sa faute en cas de rupture brutale ou abusive.
Les pourparlers initialement engagés entre Madame Delebois et la SARL Sud Eco jardins, d'une part et la SARL Création et entretien de jardins Eric Dangereux et Monsieur Laurent Souris, d'autre part, ont été étendus à l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes dès le 27 août 2009, date où cette dernière a donné son accord pour conclure un nouveau contrat de distribution exclusive avec les successeurs qui lui étaient présentés à la condition de renégocier trois points.
Ceux-ci se sont poursuivis par l'envoi par l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes, en décembre 2009, de ses nouveaux tarifs pour l'année 2010 et surtout par la rencontre début janvier 2010, de Monsieur Dangereux, gérant de la SARL Création et entretien de jardins Eric Dangereux et de Monsieur Souris avec la directrice de l'ESAT, géré par l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes, au siège de l'établissement en Bretagne.
Toutefois, Madame Delebois qui n'était plus contractante à titre personnel avec l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes puisque le contrat souscrit initialement en son nom le 30 août 2005 avait été remplacé par celui souscrit par elle en qualité de représentante de la SARL Sud Eco jardins, le 12 octobre 2005, ne peut se prévaloir de l'engagement de pourparlers avec l'association.
Aussi, l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes a-t-elle précisé à juste titre, le 22 mars 2010, à Maître Bargain qu'elle n'était pas concernée par les discussions nouées entre la SARL Création et entretien de jardins Eric Dangereux et Monsieur Souris d'une part et Mademoiselle Delebois d'autre part.
Seule la société Sud Eco jardins peut se prévaloir de l'existence de pourparlers avec l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes et invoquer leur rupture fautive.
Cependant, si le 3 février 2010, l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes en notifiant la cessation de ses relations commerciales avec la SARL Sud Eco jardins à l'expiration de la durée du contrat rompait les discussions engagées avec Madame Delebois prise en qualité de gérante de la société Eco Sud jardins, elle le faisait au motif que depuis le 23 septembre 2009, cette société ne générait aucun chiffre d'affaires et ne répondait à aucune sollicitation commerciale de ses clients.
La rupture des pourparlers avec cette société ne peut être qualifiée ni de brutale, dans la mesure où le projet de contrat de distribution ne lui avait été adressé que le 26 novembre 2009 et n'avait pas encore été discuté quant à son contenu, ni d'abusive dans la mesure où elle est fondée sur la rupture par la société Sud Eco jardins elle-même de ses obligations dans le contrat de distribution qu'il s'agissait de céder.
Monsieur Dangereux lui-même dans sa lettre du 3 mars 2010, adressée à Maître Bargain, conseil de la SARL Sud Eco jardins, indiquait que lorsque Monsieur Souris et lui-même avaient rencontré la directrice de l'ESAT, cette dernière avait l'intention de modifier le contrat préparé par l'avocat notamment quant à la durée qu'elle souhaitait non pas de neuf ans comme prévu mais de trois ans et à la réduction du nombre des départements concernés et surtout qu'ils s'inquiétaient du temps écoulé, regrettant que Madame Delebois ne leur ait pas confié la liste de ses clients ni ne les ait présentés à ses clients de manière à préserver le contrat commercial, qu'ils s'étaient plaints dès le 11 décembre 2009 d'une perte de la clientèle, qu'ils étaient sceptiques sur l'issue de l'affaire et qu'ils craignaient que l'ESAT ne se tourne vers d'autres candidats.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Sud Eco jardins de sa demande de dommages et intérêts pour rupture fautive de pourparlers.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et contradictoirement, Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Madame Delebois ; Statuant de nouveau, Déclare recevables les demandes de Madame Delebois ; Au fond, l'en déboute ; Confirme le jugement pour le surplus ; Y ajoutant, vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne Madame Delebois et la SARL Sud Eco jardins in solidum à payer à l'association Les Quatre Vaulx- les Mouettes la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure ; Condamne Madame Delebois et la SARL Sud Eco jardins in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.