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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 6 novembre 2014, n° 13-02709

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

La Chronique du Bâtiment et des Travaux Publics (SA)

Défendeur :

Fourdraine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fontaine

Conseillers :

Mmes Barbot, Metteau

Avocats :

Mes Deleforge, Spriet, Roggeman

T. com. Lille Metropole, du 21 mars 2013

21 mars 2013

FAITS ET PROCEDURE

La SA "La Chronique BTP" (la société) édite un hebdomadaire professionnel (portant son nom) consacré au secteur de la construction dans la région Nord-Pas-de-Calais.

Mme Fourdraine travaille depuis avril 2011, en tant que travailleur indépendant, sous l'enseigne "PAO", à la mise en page de ce magazine, en vertu d'un contrat de prestations de services du 28 mars 2011, conclu pour une durée d'une année et reconductible tacitement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 avril 2012 elle a été informée par son unique partenaire économique d'une "proposition de résiliation amiable", "sans préavis ni indemnité", du contrat de prestation du 28 mars 2011.

Dès le 20 avril 2012 la société a cessé toute commande.

Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mai 2012 Mme Fourdraine a pris acte de cette rupture et a mis en demeure la société de lui verser une indemnité équivalant à la perte de revenus consécutive à cette rupture, pour les mois restant à courir, soit une somme de 26 059 euro (moyenne des factures des trois derniers mois complets : 2 266 x 11,5 mois restant).

Par une assignation du 26 juin 2012, Mme Fourdraine a assigné la société La Chronique du Bâtiment et des Travaux Publics (la société) devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole, au visa des articles 1134 et suivants du Code civil, aux fins de résiliation du contrat de prestation du 28 mars 2011 avant le terme contractuel, de condamnation de la société à lui payer une indemnité de résiliation de 26 059 euro et la somme de 1 120 euro TTC au titre de la facture du 27 avril 2012, outre 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement du 21 mars 2013 condamne la société à payer à Mme Fourdraine la somme de 13 800 euro au titre de la rupture du contrat, celle de 1 120 euro pour la facture du 27 avril 2012, déboute Mme Fourdraine de sa demande de dommages-intérêts et condamne la société au paiement de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société a interjeté appel de ce jugement le 10 mai 2013.

Par un arrêt avant dire droit du 3 juin 2014, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur "l'absence de pouvoir de la Cour d'appel de Douai", au motif suivant :

"Attendu que le litige porte notamment sur l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce concernant la rupture brutale des relations commerciales ; que l'article D. 442-3 de ce code - applicable à la cause dès lors que l'assignation introductive d'instance est postérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 - désigne, pour l'application de l'article L. 442-6 précité, les juridictions commerciales compétentes et précise, en son alinéa 2, que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ".

La société appelante n'a pas conclu sur ce moyen.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions signifiées le 18 septembre 2014 par voie électronique, Mme Fourdraine demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants du Code civil,

- confirmer Ie jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 21 mars 2013, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à Madame Fourdraine,

- Se dire compétente pour juger du litige,

- Constater la résiliation abusive du contrat de prestation du 28 mars 2011 avant le terme contractuel du 28 mars 2013,

- En conséquence, condamner la Chronique BTP au paiement d'une indemnité de résiliation de 26 059 euro,

- Condamner la Chronique BTP au paiement d'une somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire,

- Condamner la Chronique BTP au paiement de la facture du 27 avril 2012, d'un montant de 1 120 euro TTC, avec intérêt au taux légal depuis la date d'édition de la facture,

- Condamner la Chronique BTP au paiement d'une indemnité de 7 500 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux dépens.

Sur la compétence de la Cour d'appel de Douai, elle soutient que le Tribunal de commerce de Lille Métropole ne vise aucun texte dans son dispositif ; que la motivation du jugement ne fait d'ailleurs état d'aucune démonstration de relations commerciales établies ; que, si le tribunal utilise par endroit le mot "brutale", il n'évoque par-là que la rupture brutale d'un contrat et non d'une relation commerciale établie, que la "brutalité" de la rupture se retrouve dans les faits mais ne constitue en rien une qualification juridique ; que, de même, si l'article L. 442- 6 du Code de commerce apparaît dans les dernières conclusions du demandeur (devant le tribunal) il est évident qu'il s'agit d'une erreur de plume ; que, d'ailleurs, aujourd'hui intimée, la société n'invoque pas ce texte mais uniquement la rupture abusive d'un contrat de travail à durée déterminée, au visa de l'article 1134 du Code civil.

Sur le fond, elle soutient que, avant même l'envoi de son courrier recommandé du 19 avril 2012, la société avait cessé de faire appel à ses services ; qu'elle n'a été amenée à mettre en page que 5 feuillets du numéro du 20 avril 2012 alors qu'elle avait travaillé sur 26 et 24 pages dans les numéros précédents ; que selon le contrat la société avait l'obligation de lui confier au minimum 12 pages par numéro ; qu'il est donc faux de prétendre que c'est le courrier de son conseil, du 4 mai 2012, qui a mis fin au contrat ; que sa dernière facture, du 27 avril 2012, reste impayée ; que cette rupture avait été préméditée par la société, qui l'a immédiatement remplacée par un autre prestataire ou par un employé, puisque le numéro du 27 avril a été réalisé, sans sa collaboration ; que la rupture est bien imputable à la société, puisqu'elle a cessé toute commande avant même l'envoi de la lettre du 19 avril et que de surcroît ce courrier ne constitue pas une offre de pourparlers mais une mesure d'intimidation, avec la constatation de la résiliation sans indemnisation ; que le tribunal a justement constaté l'absence de fautes qui pouvaient lui être imputées ; qu'en décembre 2011 la société était satisfaite de son travail au point d'augmenter le nombre de pages à lui fournir et que ses gains sont ainsi passés de 1 360 à 2 300 euro en moyenne entre avril 2011 et mars 2012 ; qu'en février 2012 ses rapports avec le directeur de la rédaction, M. Delecourt, se sont détériorés, celui-ci devenant de plus en plus exigeant quant à la qualité et la rapidité de traitement des commandes ; qu'en avril 2012 la société l'a informée qu'une autre méthode avait été adoptée (nouveau maquettage et mise en page directement par la rédaction via un logiciel particulier) et lui a demandé d'accepter une résiliation du contrat.

Elle fait valoir que la lecture des mails envoyés par M. Delecourt révèle, outre le ton très dédaigneux de leur auteur, qu'il ne s'agit que d'échanges inévitables entre un responsable de rédaction et un agent responsable de la mise en page ; que le contrat d'ailleurs prévoyait ces "allers-retours" pour correction ; que les illustrations produites (pièces adverses 13 à 33) prouvent qu'il ne s'agit pas de fautes susceptibles de justifier une telle rupture brutale, a fortiori deux mois après la fin de ces prétendues erreurs ; que la société n'apporte pas la preuve du non-respect répété de consignes de travail clairement transmises au prestataire ; que la société a été beaucoup plus tolérante quant à la présentation des revues suivantes - la comparaison entre celle du 13 avril, sa dernière, et celle du 20 avril 2012 - comprenant plus d'une cinquantaine d'erreurs de frappe, d'espaces intempestifs ou de fautes d'orthographe - étant édifiante.

Sur l'infirmation du jugement quant aux sommes allouées, elle explique que le contrat avait été renouvelé jusqu'au 28 mars 2013 ; que la société doit lui verser une indemnité équivalente à la perte de revenus pour les mois restant à courir ; qu'elle réclame donc une indemnisation basée sur la moyenne des factures des trois derniers mois et qu'à tort le tribunal n'a pris en considération que la moyenne des pages sur toute la durée écoulée du contrat, ce qui ne correspond pas à son préjudice dès lors que le nombre de pages à travailler n'avait cessé d'augmenter et qu'en outre la société lui confiait d'autres travaux (création de publicités, de courriers, devis d'appels d'offres).

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 25 novembre 2013 la société sollicite de la cour qu'elle :

- infirme le jugement,

- statuant à nouveau,

- dise que la rupture du contrat de prestations le 4 mai 2012 est exclusivement imputable à Mme Fourdraine,

- à défaut,

- constate les fautes commises par Mme Fourdraine dans l'exécution du contrat de prestations,

- en conséquence,

- prononce la résiliation du contrat litigieux aux torts de Mme Fourdraine,

- condamne Mme Fourdraine, exerçant sous l'enseigne PAO, à lui payer les sommes de :

- 5 000 euro au titre du préjudice subi pour rupture brutale des relations commerciales,

- 5 000 euro au titre de l'exécution fautive des relations contractuelles,

- 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que le courrier litigieux du 19 avril 2012 se réfère strictement à l'article 6 du contrat, lequel prévoit la recherche d'un règlement amiable des difficultés avant leur soumission au tribunal de commerce ; qu'elle n'a cherché ni à intimider Mme Fourdraine ni à lui imposer une résiliation sans préavis ni indemnité ; que c'est celle-ci qui par l'intermédiaire de son conseil a mis fin unilatéralement au contrat.

Sur les manquements imputables à l'intimée, elle soutient qu'après une année de collaboration Mme Fourdraine n'a plus rempli ses obligations contractuelles ; que dès la réalisation du numéro du 3 février 2012 son travail s'est révélé inexploitable car médiocre; qu'elle connaissait pourtant les rouages et exigences de ce travail et ne saurait exciper d'un manque de consignes puisqu'une grande partie de sa carrière professionnelle s'est déroulée au sein de ce journal ; que c'est le départ de Mme Fourdraine qui l'a contrainte à mettre en place, d'urgence, un nouveau système pour la mise en page du magazine et que désormais ce sont les journalistes eux-mêmes qui intègrent leurs textes dans la maquette ; que le système des "allers-retours", prévu par le contrat, est envisageable pour corriger ou améliorer la maquette, pas pour la retravailler systématiquement en intégralité.

Elle précise que Mme Fourdraine n'a jamais pris la peine de répondre aux courriels qui lui étaient envoyés pour critiquer son travail ; que les travaux complémentaires qui lui furent confiés étaient extrêmement résiduels (publicités ou devis pour des montants de 3 à 20 euro) ; qu'il est "piquant" de constater que Mme Fourdraine a mis plus de rigueur à surveiller le travail des autres que le sien, pour critiquer les exemplaires sortis récemment.

Après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce et celles de l'article 1147 du Code civil, elle sollicite 5 000 euro de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations contractuelles et 5 000 euro de dommages-intérêts au titre du préjudice causé par les fautes commises dans la réalisation des tâches.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence de la Cour d'appel de Douai

L'arrêt avant dire droit du 3 juin 2014 a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur "l'absence de pouvoir de la Cour d'appel de Douai", au motif que le litige porterait notamment sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, dès lors que les litiges relatifs à l'application de ce texte sont attribués à des juridictions déterminées, fixées par décret, et, sur appel, à la seule Cour d'appel de Paris.

Toutefois, la rupture brutale, même partielle, sans préavis écrit, visée par cet article L. 442-6, 5°, concerne "une relation commerciale établie", c'est-à-dire une relation d'affaires ayant uni les parties, de manière stable, pendant une période significative.

Or tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que le contrat de travail à durée déterminée, d'une année, ne venait de se renouveler que pour la première fois et que ces 13 mois de relations contractuelles sont insuffisants pour caractériser une stabilité de nature à permettre à Mme Fourdraine de raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires.

Dès lors, faute de relations commerciales établies au sens du texte précité, cette rupture, à la supposer brutale, est une rupture de "droit commun" pouvant être appréciée par la présente cour d'appel.

Sur la demande de Mme Fourdraine

1°) L'article 1134 du Code civil dispose que "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi".

L'exercice du droit de résiliation d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée, reconduit tacitement, doit être mis en œuvre de bonne foi.

2°) Le contrat de prestation de services conclu le 28 mars 2011 entre la société et Mme Fourdraine (exerçant sous l'enseigne PAO) prévoyait une durée d'un an, renouvelable tous les ans par tacite reconduction, et prévoyait, pour "Point PAO", la possibilité d'y mettre fin avant cette date, avec un délai de prévenance de trois mois.

La société quant à elle ne pouvait mettre un terme au contrat qu'à la date anniversaire de renouvellement, avec un délai de préavis de 2 mois.

En l'espèce le contrat venait d'être renouvelé tacitement.

3°) La lettre du 19 avril 2012 envoyée par la société à Mme Fourdraine s'analyse en une notification de résiliation anticipée de leurs relations commerciales, immédiate et sans préavis, dès lors que le directeur de la publication n'y propose pas d'autre alternative à Mme Fourdraine que d' accepter la "solution amiable" proposée, à savoir la cessation anticipée du contrat sans dommages-intérêts pour la société à la suite du préjudice subi par elle, et sinon de se voir attraire devant le tribunal de commerce pour rupture à ses torts du contrat et paiement de "dommages-intérêts pour le préjudice subi par la société".

En effet, Mme Fourdraine n'y était pas mise en demeure de "se reprendre" et de livrer désormais un travail acceptable, elle ne se voyait pas non plus notifier un délai de préavis de nature à lui permettre de continuer ses prestations et être rémunérée tout en cherchant d'autres clients.

C'est donc de manière logique que son conseil, dans sa lettre du 4 mai 2012, a "pris acte de la rupture du contrat à l'initiative" de la société, avant le terme de ce contrat, "sans avertissement préalable et sans préavis".

En outre il est constant qu'aucune autre commande, aucune autre prestation n'a plus été demandée à Mme Fourdraine à compter de cette demande.

La lettre du conseil de Mme Fourdraine, du 4 mai 2012, constatait cette résiliation unilatérale et n'est pas à l'origine de la rupture entre les parties.

Dès lors il y a lieu de dire que la société a mis fin au contrat, avant son terme et sans préavis, et qu'elle est à l'origine de la rupture des relations contractuelles.

4°) Pour ne pas se voir tenue d'indemniser Mme Fourdraine de son éventuel préjudice subi à la suite de cette rupture, la société doit caractériser à l'encontre de Mme Fourdraine des manquements tels qu'ils justifiaient une résiliation unilatérale et immédiate, sans préavis.

La société excipe à cette fin de l'envoi de divers mails, dans les semaines précédentes, et de la liste des multiples griefs exposés dans cette lettre de rupture pour soutenir que les carences professionnelles de l'intimée ne permettaient plus la continuation des relations contractuelles.

Ainsi, la société donnait dans ce courrier de nombreux exemples, tels que : intégration d'une carte de la région en l'inversant (article sur les risques sismiques), placement de son propre chef de publicités anciennes, en les réduisant d'un quart, insertion de textes "copiés-collés" sans aucune logique (mise en page du 10 février sur le PTZ handicapé), utilisation en couverture d'une photo déjà utilisée la semaine précédente, erreurs répétées et persistantes malgré leur signalement (ouvertures de guillemets en fin de ligne), mots coupés en fin de ligne, photos mises en demi-page sans nécessité, oubli de report de certaines corrections (ex. : maquette de la page 6 de la chronique du 9 mars 2012), reprise de mises en pages déjà refusées, ajout de textes non demandés (ex. : le titre "construction d'un four à pain" dans un projet portant sur un "four à cuire d'aluminium Dunkerque", qui les aurait ridiculisés si l'erreur n'avait pas été repérée avant l'impression).

Le directeur de la publication en concluait que cette négligence, ce manque de professionnalisme de la part de Mme Fourdraine avait demandé à la société un travail supplémentaire, plus important que la simple relecture des maquettes, et avait demandé beaucoup de temps - la contraignant même à vérifier ensuite sur la maquette corrigée que de nouvelles erreurs n'avaient pas été ajoutées. Il précisait qu'il y avait eu jusqu'à 9 allers-retours pour une seule page, qu'il avait eu l'occasion de lui faire des remarques oralement ainsi que par courriels - auxquels elle n'avait pas répondu - pour la mettre en garde contre ce non professionnalisme.

À l'appui de ces critiques, la société produit des mails adressés à Mme Fourdraine les 9, 13, 15, 16 et 20 février 2012 (pièces 4 à 8, 12) ainsi que divers exemples illustrant ces carences (pièces 13 à 33).

L'intimée conteste le caractère inexcusable et non professionnel de ces erreurs et malfaçons, en faisant valoir qu'à les supposer caractérisées elles sont concentrées sur une quinzaine de jours en février 2012 ; que la société ne produit pas les consignes qu'elle aurait dû respecter ; que justement le tribunal a relevé que "ces griefs apparaissent plutôt comme relevant des échanges habituels entre donneur d'ordre et prestataire pour aboutir aux corrections nécessaires à la mise en page d'un magasine correspondant exactement aux souhaits dudit donneur d'ordre" ; que rien ne prouve que l'envoi tardif à l'imprimeur de deux numéros lui soit imputable, que c'est le directeur de la publication qui en février 2012 a décidé de modifier sa méthode de travail et souhaité que les maquettes soient validées dès le premier envoi, avant même relecture ; que pourtant les "allers-retours" pour correction étaient prévus par le contrat lui-même ; que les erreurs sur la version définitive du numéro postérieur, sur lequel elle n'a pas travaillé, permettent d'apprécier l'importance relative de celles qui lui furent reprochées sur ses propres maquettes avant contrôle.

Au regard des pièces et explications fournies par les parties, la cour retient que :

- selon l'article 3 du contrat "Point PAO" s'engageait à "respecter la charte graphique souhaitée par la Chronique", sans autre précision, et aucun document technique définissant ces exigences, et ainsi dénommé, n'a été fourni,

- si le contrat prévoyait des "allers-retours" entre PAO et La Chronique, en vue de corrections de la maquette portant sur la mise en page, l'orthographe ou la typologie, il va de soi qu'il ne pouvait s'agir que de quelques échanges,

- le renvoi à 9 reprises d'une page, qui ainsi excéderait cette prévision contractuelle, n'est qu'allégué et pas établi par la société appelante,

- la société ne produit de courriels de reproches que pour la période du 9 au 20 février 2012, n'en a adressé aucun en mars 2012 et le contrat s'est tacitement reconduit le 28 mars 2012,

- à l'exception de la page qui aurait été renvoyée 9 fois - ce qu'allègue sans l'établir la société -, les renvois ainsi justifiés, limités en nombre et limités à une certaine période, relèvent des corrections et renvois prévus par le contrat,

- la société ne justifie pas de manquements, en importance ou en nombre, caractérisant une situation d'une telle gravité qu'elle exigeait la rupture immédiate, sans préavis, des relations contractuelles.

Mme Fourdraine est donc fondée à être indemnisée des conséquences dommageables causées par cette résiliation, unilatérale, brutale, imputable à la société.

5°) Dès lors que la société a laissé le contrat se reconduire, il devait nécessairement se dérouler jusqu'au 28 mars 2013, sur la base prévue a minima lors de la signature, le 28 mars 2011, soit 20 euro TTC pour chaque page maquettée, à raison d'une moyenne de 15 pages par numéro, à + ou - 3 pages chaque semaine, et pour 49 numéros par an.

C'est sur ces seuls critères que le tribunal s'est fondé pour apprécier le "manque à gagner" de l'intéressée et l'évaluer à la somme de 13 800 euro.

Mme Fourdraine fait toutefois valoir, d'une part, qu'au fil des mois le nombre de pages qui lui ont été confiées a augmenté, jusqu'à atteindre 25 ou 26 pages pour chacun des 5 numéros de mars 2012, d'autre part, qu'elle a aussi facturé des prestations annexes, au titre de devis d'appels d'offres ou de "pubs" (258 euro pour décembre 2011 et janvier 2012, 114 euro en février 2012, 106 euro en mars 2012, par exemple) et en conclut 'qu'elle pouvait légitimement penser qu'elle aurait un nombre au moins équivalent de pages à travailler jusqu'en mars 2013".

Cependant, cette "espérance" pouvait tout autant se réaliser que la réduction au nombre contractuel de pages, à savoir 15 en moyenne avec une variation entre 12 et 18 - étant observé que le nombre fut de 12 ou 13 selon les numéros en juillet, et fut même de 11 pour la revue du 5 août 2011.

Quant aux prestations complémentaires, aléatoires, l'usage n'en a pas été suffisamment régulier pour qu'elles puissent être prises en considération au titre d'un préjudice caractérisé.

Le seul préjudice certain est donc bien la perte de 15 pages par numéro, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a évalué à 13 800 euro le montant des dommages-intérêts.

6°) Enfin la société n'a pas justifié du paiement de la facture du 27 avril 2012 et le jugement doit également être confirmé sur ce chef de condamnation.

Les intérêts de retard, au taux légal, seront dus à compter de la mise en demeure du 4 mai 2012.

7°) Mme Fourdraine sollicite en outre 5 000 euro de dommages-intérêts complémentaires en se bornant à faire valoir qu'elle a subi un préjudice du fait des critiques, offensantes, de la part de son seul client.

Faute d'établir la réalité de ce préjudice, elle sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes de dommages-intérêts présentées par la société

La décision prise à l'égard de la demande principale de l'intimée rend sans objet l'examen de ces demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l'article 696 du Code de procédure civile la société appelante sera condamnée aux dépens d'appel et le jugement confirmé sur la charge des dépens de première instance.

Enfin il est équitable d'octroyer à l'intimée une somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Dit la Cour d'appel de Douai compétente pour statuer, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y Ajoutant, Dit que les intérêts de retard sur la somme de 1 120 euro sont dus au taux légal à compter du 4 mai 2012, Condamne la société aux dépens d'appel, Condamne la société La Chronique du Batiment et des Travaux Publics à payer à Mme Fourdraine la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.