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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 novembre 2014, n° 13-15302

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lucidy (SARLU), Roussarie (ès qual.), Cardon (ès qual.)

Défendeur :

Relais Fnac (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Santelli Estrany, Conic, Fromantin, Antoniutti

T. com. Paris, 13e ch., du 17 juin 2013

17 juin 2013

Vu le jugement rendu le 17 juin 2013 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- débouté Mme Roussarie, agissant en qualité de liquidateur amiable de la société Lucidy, de l'ensemble de ses demandes formées contre la société Relais Fnac,

- condamné Mme Roussarie, ès qualités, à payer à la société Relais Fnac la somme de 12 444,79 € augmentée, en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, des intérêts de retard calculés au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 7 points de pourcentage et ce, pour chaque facture, à compter du lendemain de sa date normale de règlement,

- condamné Mme Rousserie, ès qualités, à payer à la société Relais Fnac la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, en ce compris la demande de dommages-intérêts de la société Relais Fnac,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné Mme Rousserie, es qualités, aux dépens ;

Vu l'appel de ce jugement relevé le 24 juillet par Mme Rousserie en qualité de liquidateur amiable de la société Lucidy,

Vu la liquidation judiciaire de la société Lucidy prononcée par le Tribunal de commerce de Cannes le 8 octobre 2013,

Vu les conclusions du 22 octobre 2013 par lesquelles Me Cardon demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° et D. 442-3 du Code de commerce ainsi que de l'article 554 du Code de procédure civile, de le recevoir en son intervention volontaire en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lucidy, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire que la société Relais Fnac a rompu brutalement la relation établie entretenue avec la société Lucidy, que cette rupture brutale engage sa responsabilité par application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et l'oblige à réparer le préjudice en découlant,

- en conséquence, condamner la société Relais Fnac à lui payer, ès qualités, la somme de 602 315,04 €, toutes causes de préjudice confondues,

- débouter la société Relais Fnac de toutes ses demandes,

- condamner la société Relais Fnac aux dépens d'appel et à lui payer, ès qualités, la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions du 20 décembre 2013 par lesquelles la société Relais Fnac demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et de l'article 1134 du Code civil, de confirmer le jugement et par conséquent, de :

- débouter Me Cardon, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lucidy de toutes ses demandes,

- fixer sa créance au passif de la société Lucidy pour son montant déclaré, soit 19 764,13 €,

- condamner Me Cardon, ès qualités, aux dépens et à lui payer la somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la société Lucidy, dont Mme Roussarie était l'unique associée et gérante, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Cannes le 5 juillet 2005 avec comme activité l'exploitation pour le compte de la société Relais Fnac, au sein de son établissement sis à Cannes 83 rue d'Antibes, d'un espace de rencontre avec vente de produits non alcoolisés et de produits de restauration rapide ;

Que suivant contrat du 14 juin 2005, la société Relais Fnac a concédé à la société Lucidy l'exploitation d'un Fnac café dans son établissement situé à Cannes, lui permettant de servir des produits dits de restauration froide moyennant une redevance mensuelle égale à un pourcentage du chiffre d'affaires client et adhérents réalisé le mois précédent ; que ce contrat était conclu à compter du 8 juillet 2005 pour une durée d'un an, tacitement reconductible pour des périodes successives d'une année, dans la limite de deux renouvellements, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties avec un préavis de trois mois ;

Qu'à l'issue de ces trois années, un second contrat a été conclu le 1er juillet 2008 par lequel la société Relais Fnac a de nouveau confié à la société Lucidy l'exploitation du Fnac café de Cannes, pour une durée d'un an, tacitement reconductible pendant deux années successives, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties avec un préavis de trois mois ;

Que par lettre recommandée du 7 février 2011, la société Relais Fnac a rappelé à la société Lucidy que le contrat du 1er juillet 2008 prendrait fin de plein droit le 1er juillet 2011 ;

Que le 30 juin 2011, la société Lucidy a été dissoute et Mme Roussarie désignée en qualité de liquidateur amiable ; que c'est en cette qualité qu'elle a saisi le Tribunal de commerce de Paris en reprochant à la société Relais Fnac la rupture brutale d'une relation commerciale établie ; que le jugement déféré l'a déboutée de ses prétentions et l'a condamnée au paiement de la somme due au titre des redevances mensuelles ;

Considérant qu'il convient de recevoir Me Cardon en son intervention volontaire en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lucidy ; que celui-ci fait valoir, au soutien de l'appel, que les sociétés Relais Fnac et Lucidy ont entretenu une relation commerciale établie, que la société Relais Fnac a rompu brutalement cette relation en appliquant un préavis de seulement cinq mois et que, au regard de l'ancienneté des relations - en l'espèce six ans - la société Lucidy aurait dû bénéficier d'un préavis d'un an ; qu'il expose en ce sens :

- qu'en janvier 2011, la société Lucidy a répondu promptement à la demande de la société Relais Fnac de se conformer aux normes en vigueur - ce qui impliquait l'installation d'un dispositif permettant la poursuite de la cuisson des produits sur place - et que le 24 janvier 2011 elle a proposé d'acquérir à ses frais une hotte à charbon, aucun indice objectif ne laissant présager une rupture des relations notifiées quelques jours plus tard,

- que le préavis de trois mois est insuffisant compte tenu de l'ancienneté des relations (6 ans), de l'état de dépendance économique de la société Lucidy qui, avec le partenariat institué dans l'intérêt commun des parties, réalisait 100 % de son chiffre d'affaires sans autre activité que celle-là et à l'attitude objective de la société Relais Fnac qui, lui ayant demandé l'installation d'un filet terrasse un an auparavant, lui avait laissé croire à une reconduction du contrat,

- qu'un préavis de cinq mois était insuffisant pour lui permettre de trouver un autre local lui permettant de conserver une partie de la clientèle et d'en développer une autre, de réorienter ou réorganiser son activité en cherchant à conserver tous les emplois ou à en limiter les pertes et de déplacer son activité avec les investissements nécessaires à son démarrage,

- que la proposition ultérieure de la société Relais Fnac de reporter la rupture des relations au 1er septembre 2011 n'empêche pas la mise en œuvre de sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Considérant que la société Relais Fnac objecte :

- que s'agissant d'un contrat à durée déterminée, il n'y avait ni droit à renouvellement, ni droit à indemnité pour non renouvellement,

- que la relation entre les deux sociétés ne peut être qualifiée d'établie, sa fin étant expressément prévue au 8 juillet 2011 et la société Relais Fnac n'ayant jamais laissé croire au renouvellement du contrat,

- à titre subsidiaire, que le non renouvellement du contrat n'a pas un caractère brutal et que le préavis était suffisant ;

Considérant que, eu égard à la conclusion des deux contrats, certes à durée déterminée, mais tacitement reconduits soit pendant une durée totale de six ans, portant sur la même activité au sein de l'établissement de la Fnac de Cannes, il existait une relation commerciale établie entre les sociétés Relais Fnac et Lucidy, susceptible de se poursuivre après nouvelles négociations ;

Mais considérant qu'à aucun moment la société Relais Fnac n'a agi de façon à laisser croire à la société Lucidy que leurs relations se poursuivraient au-delà de l'échéance du second contrat le 8 juillet 2011 ; qu'au contraire, dès le 1er février 2011, elle a rappelé à la société Lucidy que le contrat prendrait fin le 8 juillet 2011 et qu'elle devrait libérer les lieux à cette date, précisant encore que toute cuisson sur place était interdite aux termes de leur convention ;

Que c'est en vain que l'appelante invoque une prétendue dépendance économique, alors que la société Relais Fnac n'avait imposé aucune exclusivité d'activité à son profit et que la société Lucidy disposait de solutions alternatives sur le marché ; qu'il doit être souligné que dès le 18 avril 2011, Mme Roussarie, gérante et unique associée de la société Lucidy, avait constitué avec un tiers une autre société ayant notamment pour objet l'achat, la vente ou l'exploitation de tous fonds de commerce de restaurant, bar, snack, brasserie, salon de thé et que dès septembre 2011, elle avait ouvert un restaurant-salon de thé à Cannes, non loin de la Fnac ;

Que le préavis de cinq mois qui a été consenti constitue un préavis suffisant au regard des circonstances de la cause ;

Que la rupture ne présentant pas un caractère brutal, les demandes de l'appelant en dommages-intérêts sont mal fondées ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Lucidy reste redevable des redevances des mois d'avril, mai et juin 2011 pour un montant de 12 444,79 € ; que la société Relais Fnac justifie avoir déclaré sa créance à titre chirographaire au passif de la société Lucidy pour la somme de 19 764,13 € correspondant au principal de 12 444,79 €, aux intérêts arrêtés au 8 octobre 2013 et à l'indemnité allouée par le tribunal en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ; que cette créance sera fixée au passif de la société Lucidy ;

Considérant, vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il y a lieu d'allouer la somme de 4 000 € à la société Relais Fnac et de rejeter la demande de ce chef de Me Cardon, ès qualités ;

Par ces motifs : Vu le jugement du 8 octobre 2013 prononçant la liquidation judiciaire de la société Lucidy, Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau : Reçoit Me Cardon en son intervention volontaire en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lucidy, Déboute Me Cardon, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lucidy de toutes ses demandes, Fixe la créance de la société Relais Fnac au passif de la société Lucidy à la somme de 19 764,13 €, à titre chirographaire, Condamne Me Cardon, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lucidy à payer à la société Relais Fnac la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Le condamne aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.