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ADLC, 29 septembre 2014, n° 14-DCC-135

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Altia Industry par la société Bpifrance Participations

ADLC n° 14-DCC-135

29 septembre 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification, adressé complet au service des concentrations le 27 août 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Altia Industry par la société Bpifrance Participations, réalisée en application d'un protocole d'investissement et d'un pacte d'actionnaires du [confidentiel] ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société Bpifrance Participations est contrôlée par la société BPI-Groupe SA, à la tête du groupe BPI, contrôlé conjointement (1) par l'État français et par la Caisse des Dépôts et Consignations. Le groupe BPI, qui a été créé par la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque Publique d'Investissement (ci-après "loi n° 2012-1559") est un "groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l'État et conduites par les régions". Il contrôle des sociétés présentes dans divers secteurs d'activités, et notamment la société Mecachrome, qui est présente dans le secteur de la fabrication de fournitures industrielles, et le fonds de modernisation des équipementiers automobiles (ci-après "FMEA"), qui a des participations minoritaires dans des entreprises du secteur automobile en France. La CDC contrôle par ailleurs le groupe Génoyer qui est présent dans le secteur de la fabrication et de la vente de fournitures industrielles.

2. La société Altia Industry, est à la tête du groupe Altia Industry, qui est présent dans le secteur de la fabrication et de la distribution de fournitures industrielles. Altia Industry est contrôlée par la société Altia Group, elle-même contrôlée conjointement (2) par MM. Patrick Adolf et Patrick Durand, ainsi que Mme Nicole Cohen.

3. En vertu du protocole d'investissement et du pacte d'actionnaires en date du [confidentiel] entre [confidentiel] (3), l'opération consiste en la souscription par Bpifrance Participations à une émission d'obligations convertibles en actions émises par la société Altia Industry pour un montant de [...] d'euros et en la modification des modalités de gouvernance de la société Altia Industry. A l'issue de l'opération, la répartition du capital et des droits de vote de la société Altia Industry [confidentiel] (4) (5), seule Bpifrance Participations sera en mesure d'exercer une influence déterminante sur les décisions stratégiques d'Altia Industry à l'issue de l'opération, même avant de convertir ses obligations en actions.

4. En ce qu'elle entraîne la prise de contrôle exclusif de la société Altia Industry par le groupe BPI, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

5. En ce qui concerne le calcul du chiffre d'affaires des entreprises publiques, ne sont pris en compte que les entreprises appartenant au même ensemble économique doté du même pouvoir de décision autonome indépendamment de la détention de leur capital ou des règles de tutelle administrative qui leur sont applicables, et non l'ensemble des entreprises détenues par l'État (6). Lorsqu'une entreprise publique ne fait l'objet d'aucune coordination avec d'autres groupes contrôlés par l'État, il y a lieu de la traiter comme un groupe autonome aux fins du calcul des chiffres d'affaires et de ne pas tenir compte du chiffre d'affaires d'autres entreprises détenues par l'État. En revanche, lorsque plusieurs entreprises publiques relèvent d'un centre autonome de prise de décision commerciale, il y a lieu de prendre en compte le chiffre d'affaires de l'ensemble de ces entreprises.

6. En l'espèce, l'État français détient également dans le même secteur que le groupe BPI le groupe La Banque Postale (ci-après "LBP"). LBP est un groupe bancaire, filiale du groupe La Poste, actif dans les secteurs de la banque (banque de détail et gestion d'actifs) et de l'assurance. LBP est détenu à 100 % par le Groupe La Poste, dont la société mère, La Poste SA, est contrôlée conjointement par l'État français et la CDC (7). Les parties considèrent que le groupe BPI et le groupe LBP sont autonomes, dans la mesure où les sociétés de tête des deux groupes sont soumis à des systèmes de gouvernance autonomes, les administrateurs représentant l'État aux conseils d'administration de ces deux entités étant différents. Il n'est cependant pas nécessaire en l'espèce de déterminer si la BPI est dotée d'un pouvoir de décision autonome ou fait l'objet d'une coordination avec LBP. L'opération ne relève en tout état de cause pas de la compétence de l'Union européenne, les entreprises concernées réalisant toutes en France plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires réalisé dans l'Union.

7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (groupe BPI : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; groupe Altia Industry : [...] d'euros pour le même exercice). Chacune de ces deux entreprises réalise en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (groupe BPI : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; groupe Altia Industry : [...] d'euros pour le même exercice). Les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

8. Altia Industry, la société Mecachrome, filiale de la BPI, et le groupe Génoyer, contrôlé par la CDC, sont simultanément actifs dans le secteur de la fabrication et la vente de fournitures industrielles.

9. La pratique décisionnelle (8) a considéré que le secteur des fournitures industrielles pouvait être segmenté en autant de marchés qu'il existe de familles de produits dans la mesure où chaque famille de produits répond à une fonction particulière et n'est pas substituable aux autres aux yeux des professionnels. Les marché suivants ont ainsi été identifiés : (i) l'outillage, (ii) l'usinage, (iii) la transmission, (iv) l'automatisme, (v) l'assemblage, (vi) l'équipement, ainsi que (vii) la protection, l'hygiène et la sécurité.

10. La possibilité d'une segmentation plus fine du marché de l'usinage a été envisagée par la pratique décisionnelle (9). Ainsi, l'existence d'un marché distinct du décolletage des métaux (technique qui permet de fabriquer des pièces métalliques à partir de barres, couronnes ou ébauches de métal) et une segmentation en fonction des secteurs industriels auxquels les pièces usinées sont destinées ou selon le type de pièces usinées, ont été envisagées (10).

11. S'agissant de la délimitation géographique des marchés des fournitures industrielles, de l'usinage et du décolletage, la pratique décisionnelle (11) a analysé les effets d'opérations de concentration au niveau national et au niveau régional, tout en laissant ouverte la délimitation précise du périmètre géographique des marchés concernés.

12. La question de la définition précise des marchés peut également être laissée ouverte en l'espèce dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III. Analyse concurrentielle

13. Altia Industry, Mecachrome et le groupe Genoyer sont simultanément présents sur le marché de l'usinage et sur le segment du décolletage des métaux.

14. Sur le marché de l'usinage, la part de marché cumulée des parties est inférieure à [0-5] % au niveau national. Au niveau régional, les activités des parties se chevauchent en Aquitaine, Rhône-Alpes, Franche-Comté, Auvergne et Nord-Pas-de-Calais, mais leur part de marché cumulée reste inférieure à [0-5] % dans chacune de ces régions.

15. Les parts de marché des parties restent également inférieures à [0-5] % sur les éventuelles segmentations sur marché de l'usinage, que ce soit au niveau national ou régional.

16. Par conséquent, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-089 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-81 du 2 juillet 2013 relative à la création de la Banque Publique d'Investissement, entreprise commune de l'État français et de la Caisse des Dépôts et Consignations.

2 En application des articles 15 et 16 des statuts de la société Altia Group, cette dernière est administrée par un conseil d'administration qui est composé de trois membres (MM. Durand et Adolf et Mme Cohen) et qui statue à l'unanimité de ses membres. Les décisions stratégiques de la société Altia Industry sont donc prises conjointement par les trois actionnaires et administrateurs, qui contrôlent donc la société Altia Group.

3 Voir les dispositions de l'article 3 du protocole d'investissement du [confidentiel].

4 Voir les dispositions de l'article 2.2.2 du pacte d'actionnaires conclu le [confidentiel].

5 Voir les dispositions de l'article 2.2.1 du pacte d'actionnaires conclu le [confidentiel].

6 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §109 et s. Voir également les §192 et suivants de la Communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement n° 139-2004.

7 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-32 du 22 février 2011 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe La Poste par la Caisse des Dépôts et Consignations et l'État français.

8 Voir la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 18 octobre 2007, aux conseils du groupe Orexad, relative à une concentration dans le secteur de la distribution de fournitures industrielles et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-155 du 2 novembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe RBDH par la Fonds de Consolidation et de Développement des Entreprises.

9 Voir la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 23 janvier 2004, au conseil du fonds d'investissement BACME, relative à une concentration dans le secteur de l'usinage de métaux et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-155 précitée.

10 Voir la lettre du ministre de l'économie du 23 janvier 2004 précitée et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-155 précitée

11 Voir les lettres du ministre de l'économie du 23 janvier 2004 et du 18 octobre 2007 (n° C2007-108) précitées, ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-155 précitée.