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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 13 novembre 2014, n° 12-00923

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Albert Travaux (SARL)

Défendeur :

Barbiton

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Saint Schroeder

Conseillers :

Mme Bideault, M. Bougon

Avocats :

Mes Guyot, Wacquet, Delahousse, Dubos

T. com. Amiens, du 31 janv. 2012

31 janvier 2012

Vu le jugement prononcé par le Tribunal de commerce d'Amiens le 31 janvier 2012 qui a dit n'y avoir lieu à entériner le rapport d'expertise, a débouté la société Albert Travaux de ses demandes et l'a condamnée à payer à Monsieur Thierry Barbiton la somme de 11 786,88 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement, 1 300 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, les entiers dépens en ce compris les dépens réservés de l'ordonnance de référé, les frais et honoraires d'expertise ;

Vu les dernières conclusions du 4 septembre 2013 de la société Albert Travaux, appelante, qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de statuer à nouveau, de condamner Monsieur Barbiton à lui verser les sommes de 6 985,48 euro au titre des commissions encaissées avec intérêts de retard à compter de la demande en justice, de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts et de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; qui sollicite que les demandes de résiliation, d'indemnités de préavis et compensatrices soient déclarées irrecevables en application de l'article 564 du Code de procédure civile et que Monsieur Barbiton soit condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction est requise au profit de Maître Guyot,

Vu les dernières conclusions du 27 août 2013 de Monsieur Thierry Barbiton, intimé et appelant incident, qui conclut à la confirmation en son principe du jugement déféré mais à sa réformation sur le quantum et sollicite :

- qu'il soit dit que le contrat porte sur le secteur Somme Oise Aisne et concerne les produits qu'il est chargé de vendre au nom et pour le compte de la société Albert Travaux "Travaux de génie civil et constructions métalliques" et qu'ainsi il a droit à commissions sur tous les travaux de génie civil de son secteur,

- la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société Albert Travaux pour manquements à l'obligation d'information et occultation de factures,

- la condamnation de la société Albert Travaux à lui régler la somme de 43 340,58 TTC euro au titre des commissions occultées, la somme de 8 189,13 euro TTC à titre d'indemnité de préavis, la somme de 54 788,16 euro à titre d'indemnité compensatrice d'ordre public, avec intérêts à compter de la date de l'assignation,

- la condamnation de la société Albert Travaux à lui régler la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise de 4784 euro avancés,

SUR CE

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat :

Aux termes des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, "A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait".

L'article 565 du Code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Monsieur Barbiton sollicite devant la cour d'appel la résiliation de son contrat et le versement d'indemnités de préavis et compensatrice.

La société Albert Travaux fait valoir que Monsieur Barbiton n'avait formé aucune demande à ce titre en première instance.

Monsieur Barbiton n'ayant pas formé en première instance de demandes liées à la rupture de son contrat, celles-ci étant formulées pour la première fois en cause d'appel et ne tendant pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, il y a lieu de les déclarer irrecevables.

Sur les demandes de commissions formées par Monsieur Barbiton :

Par contrat d'agence commerciale en date du 30 octobre 1995 Monsieur Thierry Barbiton s'est vu confier par la SARL Albert Travaux le mandat de vendre au nom et pour le compte de celle-ci les travaux de génie civil et constructions métalliques, les produits d'isolation et produits accessoires au bâtiment, l'agent étant chargé de prospecter la clientèle agricole, industrielle et autre en vue de la construction de bâtiments sur le territoire de la Somme de l'Oise et de l'Aisne étant précisé (article 2 du contrat) que Monsieur Barbiton bénéficiera de l'exclusivité de la représentation de la SARL Albert Travaux auprès de la clientèle pour la vente de bâtiments à usage de stockage de pommes de terre sur le territoire défini.

L'article 4 du contrat prévoit notamment que pour les bâtiments industriels ou autres constructions n'entrant pas dans l'exclusivité Monsieur Thierry Barbiton sera rémunéré si le chantier est pris par Monsieur Barbiton ou si la SARL Albert Travaux lui en confie l'étude complète.

L'article 5 du contrat précise que Monsieur Barbiton recevra sur les ventes provenant de son secteur une commission qui est fixée à 2 % du montant net hors taxes des factures en ce qui concerne les constructions et qu'en ce qui concerne les matériaux d'isolation et produit accessoires aux bâtiments, la commission sera répartie de la façon suivante : SARL Albert Travaux 2/3 et Monsieur Barbiton 1/3.

Estimant que la SARL Albert Travaux avait manqué à son obligation de loyauté et n'avait pas procédé au versement de l'intégralité des commissions qui lui étaient dues sur, d'une part, les travaux réalisés par ses soins et, d'autre part, sur les prestations effectuées dans les secteurs de prospection qui lui avaient été confiés en exclusivité, Monsieur Barbiton a saisi le juge des référés et obtenu par ordonnance en date du 12 septembre 2008 la désignation d'un expert aux fins notamment de quantifier pour les exercices 2000 à 2006 le nombre de contrats conclus par lui et afin de rechercher l'existence de commandes et de contrats établis au profit d'entreprises concurrentes en violation du contrat d'agent commercial.

C'est dans ce contexte qu'a été rendu le jugement déféré à la cour.

Monsieur Barbiton soutient qu'il bénéficiait, de par son contrat, de droits à commissions sur toute les commandes émanant du secteur, y compris sur celles ne relevant pas de l'exclusivité qui lui était octroyée pour les bâtiments de stockage de pommes de terre aux motifs que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique, l'agent commercial a droit à la commission afférente aux opérations conclues avec les clients appartenant à ce secteur, même si elles l'ont été sans son intervention.

La société Albert Travaux soutient qu'il convient d'interpréter le contrat d'agent commercial en ce que Monsieur Barbiton bénéficie d'une seule exclusivité concernant la vente de bâtiment à usage de stockage de pommes de terre et que concernant les contrats de travaux de génie civil et construction métallique ou de produits d'isolation ou de produits accessoires au bâtiment, il ne perçoit une commission que dans l'hypothèse où le chantier est pris par ses soins ou si la société lui en confie l'étude complète.

L'article L. 134-6 du Code de commerce dispose en son alinéa 1er que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie par l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre. Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

Ce texte doit être interprété en ce sens que l'agent commercial, lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique, a droit à la commission afférente aux opérations conclues avec des clients appartenant à ce secteur, même si elles l'ont été sans son intervention et, ce, sauf convention contraire.

Tel est le cas en l'espèce en ce que l'article 4 du contrat ne prévoit le versement de ladite commission que dans l'hypothèse où le chantier est pris par Monsieur Barbiton ou si la SARL Albert Travaux lui en confie l'étude complète.

L'article 4 précise également qu'en cas d'appel direct d'un client de la SARL Albert Travaux dans le secteur d'activité de Monsieur Barbiton, ce dernier sera prévenu et devra visiter le client, procéder à l'étude du chantier jusqu'à l'obtention du permis de construire et au démarrage des travaux. Au cas précis d'incompatibilité d'humeur entre le client de la SARL et Monsieur Barbiton, l'étude sera faite par la société auquel cas, Monsieur Barbiton ne pourra prétendre à commission.

Monsieur Barbiton pouvait par conséquent prétendre au versement de commissions concernant la totalité des contrats conclus en vue de la réalisation de bâtiments agricoles à usage de stockage de pommes de terre dont l'exclusivité lui était confiée dans les départements de la Somme, de l'Oise et de l'Aisne ainsi que sur les contrats conclus pour les bâtiments industriels ou autres constructions dans l'hypothèse où le chantier était pris par lui-même ou lorsque la société lui en confiait l'étude complète.

Si Monsieur Barbiton considère que des commissions lui sont dues au titre des chantiers effectués chez les clients Daubre, l'EARL d'Estouilly, l'EARL Dervalle Witloff, Pena Van Laere, le GAEC La Glycine, le GAEC Brochot, l'EARL La Biarroise M. Dhilly, Roger Rigolle, le GAEC de Fescamps, Jackie Doignon, il ne ressort pas des éléments communiqués que ces différents chantiers entrent dans le champ de l'exclusivité relativement aux bâtiments de stockage de pommes de terre ou qu'ils aient été pris par Monsieur Barbiton ou que la société lui en ait confié l'étude complète.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé sur ce point en ce que les premiers juges ont débouté Monsieur Barbiton de ses demandes.

Concernant les chantiers effectués chez les clients Thiebaut, Rinette et Plotin, il ressort du rapport d'expertise que ces contrats ont été conclus pour la réalisation de bâtiments à usage de stockage de pommes de terre dont l'exclusivité était confiée à Monsieur Barbiton.

Si la société produit des attestations récentes de ces clients afin d'établir qu'en raison d'une incompatibilité d'humeur telle que prévue au contrat Monsieur Barbiton n'avait pas eu en charge ces chantiers, elle ne démontre pas avoir informé l'agent commercial tel que prévu par l'article 4 du contrat.

Le décompte des commissions produit par Monsieur Barbiton n'est pas utilement contesté par la société.

La cour confirmera en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Albert Travaux à verser à Monsieur Barbiton la somme de 11 786,88 euro avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

Sur les demandes formées par la SARL Albert Travaux au titre des commissions encaissées par Monsieur Barbiton :

La société Albert Travaux, au vu du rapport d'expertise qui conclut que Monsieur Barbiton a acheté et revendu des matériaux d'isolation et produits accessoires en s'adressant directement à ses fournisseurs, considère que l'agent commercial n'a pas respecté les conditions d'exercice du contrat en la privant de la commission des 2/3 des ventes à laquelle elle pouvait prétendre aux termes de l'article 5 dudit contrat et sollicite la condamnation de Monsieur Barbiton à lui verser la somme de 6 985,48 euro telle que retenue par l'expert.

Monsieur Barbiton s'oppose à cette demande aux motifs que le contrat lui permet d'acheter et de vendre des matériaux accessoires aux bâtiments. Il conteste les conclusions de l'expertise.

Il ressort de l'article 2 du contrat que Monsieur Barbiton était chargé de vendre au nom et pour le compte de la société des produits d'isolation et des produits accessoires au bâtiment, l'article 5 dudit contrat prévoyant qu'en termes de rémunération ce dernier bénéficierait sur ces ventes d'une commission à hauteur d'un tiers et la société de deux tiers.

L'article 3 du contrat prévoit notamment que Monsieur Barbiton peut accepter la représentation d'autres entreprises sans avoir à en référer ou obtenir l'autorisation de la société ; toutefois il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de la SARL Albert Travaux sans l'accord de celle-ci.

Si l'expert conclut dans son rapport que Monsieur Barbiton a acheté et revendu des matériaux d'isolation et produits accessoires, en infraction avec les termes de son contrat d'agent commercial, notamment l'article 3 et que le total des commissions encaissées à ce titre peut être estimé à la somme de 6 985,48 euro, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Albert Travaux ne démontrait pas le caractère concurrentiel de l'activité de revente de matériel d'isolation à des entreprises concurrentes et ont débouté la société de sa demande en paiement de la somme de 6 985,48 euro.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé sur ce point.

Il convient de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de Monsieur Barbiton et d'allouer à celui-ci précisé ci-après.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare irrecevables les demandes nouvelles formées en appel par Monsieur Barbiton, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la SARL Albert Travaux à verser à Monsieur Barbiton la somme de 1 000 euro, à titre d'indemnité complémentaire par application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires, Condamne la SARL Albert Travaux aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.