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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 18 novembre 2014, n° 13-01495

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Savoye et Cie (SAS)

Défendeur :

Giffaut

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Guéroult

Avocats :

Mes George, Muzio de Place, Lefrais

TGI Saint-Brieuc, du 18 déc. 2012

18 décembre 2012

I - EXPOSE DU LITIGE

La société Etablissements Savoye et Cie a pour activité principale la commercialisation de cycles et de pièces détachées.

Aux termes d'un contrat d'agent commercial en date du 3 septembre 2008, la société Savoye a confié à M. Giffaut mandat de vendre au nom et pour son compte différents produits avec une exclusivité de représentation sur les départements 14, 22, 29, 35, 36, 37, 44, 49, 50, 53, 56, 61, 79, 85, 86, à l'exception de certains clients figurant en annexe 1.1 du contrat, avec un taux de commission fixé à 5 ou 10 % selon les marques représentées.

La rupture des relations est intervenue entre les parties.

Par jugement contradictoire du 18 décembre 2012, le Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a :

Condamné la SAS Établissements Savoye et Cie à payer à Monsieur Philippe Giffaut les sommes de 3 529,88 euro TTC à titre d'arriérés de commissions, 5 470,71 euro HT à titre de préavis, 34 802,49 euro à titre d'indemnité de rupture, ces sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2010, lesdits intérêts capitalisables conformément à l'article 1154 du Code civil.

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Condamné la SAS Établissements Savoye et Cie à payer à M. Giffaut la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du CPC, outre aux dépens.

La société Établissements Savoye et Cie a interjeté appel de cette décision.

L'appelant demande à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions

Débouter M. Giffaud ou de l'ensemble de ses demandes

Condamner M. Giffaud à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du CPC, outre aux dépens distraits au profit de la SCP Lexavoue.

L'intimé demande à la cour de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le montant de l'indemnité de rupture.

Condamner la société Savoye et Cie à verser à M. Giffaut à ce titre la somme de 41 860,22 euro, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2010.

Confirmer la capitalisation des intérêts.

Condamner la société Savoye et Cie à payer à M. Giffaut la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du CPC, outre aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est du 4 juin 2014.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties :

- du 24 mai 2013 pour l'appelant

- du 10 juillet 2013 pour l'intimé

II- MOTIFS

Sur la rupture du contrat d'agent commercial

L'article L. 134-12 alinéa 1er du Code de commerce dispose que :

En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi (...).

L'article L. 134-13 du Code commerce dispose que :

La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due pour les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial,

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial (...).

Le mandant produit à l'appui de ses allégations selon lesquelles M. Giffaut aurait décidé de mettre fin à leur collaboration à son initiative, un courrier qu'elle a adressé à son agent en date du 29 septembre 2010 :

Malgré les différents mails et courrier en AR qui vous ont été adressés ces derniers mois, vous n'avez apporté aucune réponse aux éléments qui vous étaient reprochés. N'ayant formulé aucune revendication écrite quant à nos différents rappels à l'ordre, vous avez cependant pris la peine de téléphoner à M. David Morelli il y a quelques semaines maintenant.

A l'issue de cette conversation téléphonique, lors de laquelle vous avez reconnu vos torts et donc décidé de quitter la société, il avait été convenu que vous me contacteriez afin de régler ensemble vos modalités de départ.

A ce jour, n'ayant toujours pas eu d'appel de votre part, je vous adresse ce courrier afin de formaliser votre départ de la société SAS Savoye en date du 1er août 2010, date à laquelle vous avez vous-même annoncé votre cessation d'activité pour la société Savoye à certains de vos clients.

Ce courrier qui n'est corroboré par aucun élément de preuve ne permet nullement de retenir que la rupture du contrat résulte de l'initiative de M. Giffaut, précision au demeurant apportée que celui-ci y répondait dès le 19 octobre 2010 en réclamant le paiement de commissions pour les mois d'août et septembre, et une indemnisation, signalant également l'absence de préavis, les indemnités légales étant de nouveau réclamées par son conseil le 2 décembre 2010.

Cette rupture ne résulte pas davantage d'une quelconque faute grave de l'agent, laquelle n'est d'ailleurs pas évoquée de façon expresse dans les conclusions de la société Savoye qui se contente d'indiquer que M. Giffaut aurait cessé toute activité le 1er août 2010 et n'aurait pas exercé son activité avec le professionnalisme nécessaire, ce qui n'est nullement démontré par les quelques courriels parfaitement anodins échangés entre le mandant et son agent en 2009 et janvier 2010. M. Giffaud justifie d'ailleurs de la poursuite de son activité courant août et septembre 2010 notamment avec des bons de commande.

La rupture est donc intervenue à l'initiative du mandant le jour de son courrier le 29 septembre 2010.

Sur les arriérés de commission

M. Giffaut justifie d'un arriéré de commission pour août et septembre 2010 d'un montant total de 2 951,41 euro HT, soit 3 529,88 euro TTC. En effet les commissions sont dues dès facturation d'une commande par le mandant, que les commissions soient directes ou indirectes dès lors qu'elles sont passées sur son secteur, à l'exception des ventes passées auprès de la clientèle conservé par le mandant au terme de l'annexe 1.1 du contrat.

Tel est le cas.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 3 529,88 euro TTC la somme due au titre des arriérés de commissions.

Sur l'indemnité de rupture et de préavis.

Par application de l'article L. 134-12 et L. 134-11 indemnité de rupture et de préavis, d'une durée de trois mois, dès lors que le contrat d'agent commercial était dans sa 3e année d'exécution, sont donc dues.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité de préavis à la somme de 5 470,71 euro HT calculée sur la moyenne des commission perçues en 2010, cette somme n'étant d'ailleurs contestée que dans son principe mais non dans son montant par la société Savoye. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Concernant l'indemnité de rupture, il y a lieu de constater que les commissions versées en 2009 étaient de 20 673 euro HT, celles jusqu'à fin septembre 2010 étaient de 12 765 euro HT au titre des commissions versées de janvier à juillet 2010 et de 2 951,41 euro HT au titre des commissions d'août et septembre 2010 restant dues et acquises à l'agent et que l'indemnité de préavis de trois mois, correspondant aux mois d'octobre, novembre et décembre 2010, également acquises à l'agent, sont de 5 470,71 euro HT.

La société Savoye ne peut indiquer que M.Giffaut ne subirait aucun préjudice compte tenu du fait que l'essentiel de la clientèle visitée par son agent était déjà existante alors que listée à l'annexe 3 du contrat. Par application de l'article L. 134-6 alinéa 2, l'agent pendant le contrat a droit à la commission dès lors qu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, pour toute opération conclue avec une personne appartenant à ce secteur ou ce groupe, ceci même dans l'hypothèse où il ne serait pas intervenu dans l'opération. L'indemnité correspond à la valeur du mandat perdu mais il convient de relever que la durée de celui-ci a été courte puisque de deux ans seulement.

Compte tenu de ces éléments, l'indemnité de rupture sera fixée à la somme de 10 000 euro. Le jugement sera donc infirmé sur ce point. Elle sera due comme l'a retenu le tribunal à compter du 2 décembre 2010, date de la mise en demeure et capitalisation des intérêts

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Savoye qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens et ne peut de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; l'équité commande en revanche de faire droit à la demande de M. Giffaut sur le fondement de ce texte; qu'il lui sera alloué de ce chef une somme de 3 000 euro qui s'ajoutera à celle déjà fixée à ce titre par les premiers juges;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SAS Etablissements Savoye et Cie à payer à M. Giffaut à la somme de 34 802,49 euro à titre d'indemnité de rupture, Statuant de nouveau, Condamne la SAS Etablissements Savoye et Cie à payer à M. Giffaut la somme de 10 000 euro à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2010, et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, Condamne la SAS Etablissements Savoye et Cie à payer à M. Giffaut la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civil, Condamne la SAS Etablissements Savoye et Cie aux entiers dépens d'appel.