CA Rennes, 3e ch. com., 18 novembre 2014, n° 13-01330
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
YL Diffusion (SARL)
Défendeur :
Maugin (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poumarède
Conseillers :
Mmes André, Guéroult
Avocats :
Mes Grenard, Vacarie, Boissonnet, George
I - EXPOSE DU LITIGE
La société Maugin a pour activité la fabrication de portes et fenêtres qu'elle commercialise auprès d'une clientèle de professionnels.
La société Maugin a conclu avec la société YL Diffusion, représentée par M. Yves Le Metayer, un contrat d'agent commercial à durée indéterminée, prenant effet le 1er avril 2009 sur les départements 24, 46,47 82.
Par courrier en date du 15 décembre 2010, la société Maugin a notifié à la société YL Diffusion la résiliation de son contrat d'agent commercial pour faute grave, avec effet immédiat.
Après discussions infructueuses quant aux motifs et aux conséquences de la rupture du contrat, la société YL Diffusion a fait assigner la société Maugin le 3 janvier 2012.
Par jugement du 28 novembre 2012, le tribunal de commerce a :
Débouté la SARL YL Diffusion de l'ensemble de ses demandes
Débouté la société Maugin de sa demande reconventionnelle
Condamné la SARL YL Diffusion à payer à la société Maugin la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire
Condamné la SARL YL Diffusion aux entiers dépens.
La société YL Diffusion a interjeté appel de cette décision.
L'appelant demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 134-1 et R. 134-1 et suivants du Code de commerce,
Réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société YL Diffusion, le confirmer pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Rejeter toutes les demandes de la société Maugin.
Condamner la société Maugin à payer à la société YL Diffusion la somme de 31 000 euros au titre des indemnités qui lui sont dues par application des articles L. 134-11 en 134-12 du Code de commerce.
Condamner la société Maugin à payer à la société YL Diffusion la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Donner acte à la société YL Diffusion qu'elle se réserve de former toute demandes de rappel de commissions lorsqu'elle aura examiné les documents comptables complets que la société Maugin doit lui communiquer par application de l'article R. 134-3 du Code de commerce et qui ne lui ont toujours pas été remis en dépit de la sommation faite en ce sens en première instance,
Condamner la société Maugin au paiement d'une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'Article 699 du CPC.
L'intimé demande à la cour de :
Vu les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, 1134 et 1147 du Code civil,
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société YL Diffusion de l'ensemble de ses demandes, et l'infirmer en ce qu'il a débouté la société Maugin de ses demandes reconventionnelles,
Condamner à titre reconventionnel la société YL Diffusion à payer à la société Maugin une somme qui sera fixée à 122 383 euros à titre de dommages et intérêts.
Condamner la société YL Diffusion à payer à la société Maugin la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner, dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, la société YL Diffusion à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2011 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96-1080 relatif au tarif des huissiers.
Condamner la société YL Diffusion aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du CPC.
L'ordonnance de clôture est du 4 juin 2014.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties :
- du 18 septembre 2013 pour l'appelant
- du 19 juillet 2013 pour l'intimé
II- MOTIFS
Sur la rupture du contrat d'agent commercial
La société Maugin soutient que la société YL Diffusion a commis de nombreux manquements: hostilité envers une quelconque clause d'objectifs empêchant la société Maugin d'avoir une prévisibilité sur son activité, défaillance dans l'exécution de ses missions entraînant une baisse vertigineuse du chiffre d'affaires de la société Maugin sur le secteur de l'agent, défaillance dans l'obligation de délivrance de rapport trimestriel, dénigrement de la société Maugin et de son personnel.
La société YL Diffusion mentionnant que le tribunal a inversé la charge de la preuve en retenant qu'elle ne démontrait pas l'absence de faute, soutient que les résultats obtenus ne sont pas de son fait mais résultent des manquements de la société Maugin à ses propres obligations de suivi des commandes, de transmission des informations à son agent, non convié aux réunions commerciales et dans l'incapacité de joindre les interlocuteurs commerciaux de la société Maugin. En outre un manque de dynamisme commercial et des résultats insuffisants ne peuvent pas constituer la preuve d'une faute grave, en l'absence de preuve d'une volonté délibérée de ne pas effectuer sa mission contractuelle, d'une incompétence, d'une insuffisance caractérisée, d'un dénigrement.
L'article L. 134-12 alinéa 1er du Code de commerce dispose que :
En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi (...)
L'article L. 134-13 du Code commerce dispose que :
La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial (...)
La société Maugin n'établit pas l'attitude injurieuse de M. Le Metayer à l'égard du personnel de la société Maugin. Aucune attestation du personnel n'est produite et les quelques mails produits ou le rapport trimestriel sont insuffisants à l'établir.
Le contrat d'agent commercial comportait une clause d'objectif et de quota minimum. Cependant il est constant que la société YL Diffusion a expressément biffé cette clause afférente aux chiffres d'objectifs relatifs à l'année 2009/2010 en y apposant sa signature.
Ce contrat a été signé des deux parties et s'est exécuté malgré l'absence de ratification de cet article.
La société Maugin ne peut reprocher à son mandataire d'avoir refusé cette clause et de ne pas avoir voulu signer l'avenant présenté à sa signature le 3 mars 2010 reprenant une clause d'objectif initialement refusée.
Cependant il résulte des pièces produites aux débats que cet élément est consécutif à une mise en demeure du 18 février 2010, soit intervenue 10 mois après la signature du contrat où le mandant relevait principalement une chute de près de 47,5 % du chiffre d'affaires réalisé par la société YL Diffusion sur son secteur par rapport à son prédécesseur sur les deux années antérieures, 3 ouvertures de comptes client contre une moyenne de 13 pour les autres commerciaux, une abstention de produire chaque trimestre les rapports d'information prévus au contrat.
Si la société YL Diffusion évoquait dans un courrier de réponse du 9 mars 2010 des problèmes de franco, une perte de confiance des clients avec retard sur la saisie des commandes et retards livraison ou retard après plusieurs mois des avoirs, du solde des services après-vente, il ne citait dans son propre courrier qu'une dizaine de clients concernés avec la mention notamment ou...;
Aucune pièce n'est produite pour corroborer ces dires par la société YL Diffusion. Les autres griefs faits à son mandant ne sont pas davantage étayés, précision apportée que si M. Le Metayer n'a pas été invité à la réunion nationale 2010 prévue sur deux jours, il résulte de son propre courrier qu'il avait refusé de s'y rendre l'année précédente.
Par ailleurs, il est constant que l'article 5 du contrat relatif aux obligations du mandataire prévoit au 2° l'obligation pour le mandataire d'établir un rapport trimestriel d'information portant sur les résultats de sa mission, qui indiquera nomment l'état du marché, les actions de la concurrence, les réactions de la clientèle, les difficultés qu'il peut rencontrer, les ordres reçus des co-contractants et des affaires négociées et conclues.
Comme l'a relevé le tribunal de commerce, le document fourni par la société YL Diffusion dans son courrier de réponse du 9 mars 2010, soit près d'un an après le début de son contrat, ne fait pas mention de l'état du marché, des actions de la concurrence et ne fait apparaître que quelques clients. Aucun autre rapport trimestriel n'a été produit par la société YL Diffusion.
Le courrier de rupture du 15 décembre 2010 relève, en reprenant un tableau de comparaison non critiqué, un chiffre d'affaires encore plus mauvais que celui figurant dans la lettre de mise en demeure initiale de février 2010 avec une baisse de 49 % pour la période d'avril 2009 à mars 2010 par rapport aux exercices du prédécesseur avec une nouvelle baisse de 19 % du chiffre d'affaire de l'agent sur ses propres résultats, d'avril 2010 à novembre 2010. Après les trois premières ouvertures de comptes les trois premiers mois du mandat, une seule est ensuite intervenue en octobre 2010, soit 4 sur 20 mois. Le successeur procédait quant à lui à 39 ouvertures de comptes en 10 mois et réalisait un chiffre d'affaire de 335 443,74 euros sur 10 mois contre 200 678,19 euros sur 12 mois réalisés par la société YL Diffusion.
Ces chiffres ne sont pas contestés par l'appelant. Cet effondrement massif et persistant de l'activité sur de très nombreux mois, ne peut s'expliquer par la baisse de l'activité dans le secteur du bâtiment de 3,4 % en 2010 et est sans commune mesure avec ce chiffre, et nonobstant l'absence de clause d'objectif dans le contrat, la société YL Diffusion devait exécuter avec diligence sa mission, ce qui n'a pas été le cas. Elle ne produit aucun élément de nature à renverser ce constat.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments des insuffisances caractérisées de l'agent commercial constitutif d'une faute grave, portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun, et qui rendait impossible le maintien du lien contractuel.
La résiliation du contrat sans versement des indemnités légales de rupture et de préavis sollicitées était par conséquent justifiée.
Le jugement sera confirmé.
Il n'y a lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée par la société YL Diffusion au regard de la résistance prétendue abusive que la société Maugin a opposé à ses demandes. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Enfin si la société YL Diffusion demande à la cour de lui donner acte qu'elle se réserve de former toute demandes de rappel de commissions lorsqu'elle aura examiné les documents comptables complets que la société Maugin doit lui communiquer par application de l'article R. 134-3 du Code de commerce et qui ne lui ont toujours pas été remis en dépit de la sommation faite en ce sens en première instance, cette prétention ne vaut pas demande faite à la cour de condamner la société Maugin à produire lesdits documents, précision d'ailleurs apportée que la liste exhaustive des factures établies sur le secteur de l'agent du 1er avril 2009 au 30 juin 2011 lui a été fournie, ce qu'elle reconnaît tout en indiquant qu'elle serait incomplète sans produire un seul élément permettant de le conclure. Le jugement sera confirmé également en ce qu'il a débouté la société YL Diffusion de cette demande.
Sur la demande reconventionnelle formée par la société Maugin
La société Maugin soutient que les manquements de son agent se sont traduits par une baisse notable du chiffre d'affaires de la société Maugin sur le secteur qui lui avait été confié, soit une perte de marge nette de 122 383 euros correspondant chez la société Maugin à 53 % de sa marge brute de 230 912 euros calculée sur 21 mois, durée du mandat.
Néanmoins et comme l'a relevé le tribunal de commerce, la société Maugin fonde sa demande sur un chiffre d'affaires minimal du chiffre devant être réalisé alors que les parties n'ont jamais pu trouver un accord sur une clause d'objectif à respecter. Il convient de confirmer également le jugement en ce qu'il a débouté la société Maugin de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens
La société YL Diffusion qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens et ne peut de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Maugin ses frais irrépétibles. La société YL Diffusion sera condamnée à verser une somme de 3 000 euros à ce titre.
Par ces motifs : LA COUR Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, Condamne la société YL Diffusion à payer à la société Maugin la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société YL Diffusion aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.