CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 7 novembre 2014, n° 12-20247
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Electis (Sté)
Défendeur :
Franfinance Location (SA), Econocom France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touzery-Champion
Conseillers :
Mme Prigent, M. Richard
Avocats :
Mes Fisselier, Mazingue, Guizard, Chassang, Fanet, Amar
En décembre 2000, la société Alexander Burkle - devenue Electis - spécialisée dans la distribution de produits électriques, énergétiques et industriels conclut avec la société Europe Computer Systemes (ECS) - devenue Econocom France - un contrat de location d'équipements informatiques dénommé "Multiplecs", puis chaque année jusqu'en 2005 un nouveau contrat qui prend le nom de "Capacity", soit en définitive 6 contrats successifs portant sur des matériels informatiques, logiciels, et prestations associées.
Le dernier contrat daté des 22 mars et 11 avril 2005 est d'une durée de 48 mois à compter du 1er avril 2005 et prévoit un loyer mensuel hors taxes de 17 371 euros pour les 3 premiers mois, de 17 637 euros pour les 3 mois suivants et de 19 640 euros pour les 42 derniers mois.
Chacun de ces 6 contrats a été cédé par la société Econocom France à une société financière la société Franfinance Location (ci-après Franfinance), le dernier l'ayant été le 14 avril 2005.
Estimant le montant des loyers exorbitant, équivalent à l'application d'un taux d'intérêt de 12 % et se plaignant d'une publicité mensongère, la société Electis a saisi le Tribunal de commerce de Paris d'une demande tendant à voir requalifier les 6 contrats de location en contrats de crédit et les voir déclarer nuls comme faisant frauduleusement échec aux règles édictées par la loi du 24 janvier 1984. Par jugement du 2 novembre 2011, la juridiction consulaire a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- a rejeté les demandes de la société Alexander Burkle,
- l'a condamnée à payer à la société Europe Computer Systemes la somme de 187 915,52 euros TTC au titre des redevances avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des mensualités,
- l'a également condamnée à verser à cette dernière société et à la société Franfinance Location pour chacune une somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Suivant conclusions signifiées le 12 septembre 2014 la société Electis, appelante, sollicite :
- l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,
à titre principal la requalification des 6 contrats de location Multipl'Econocom et Capacity conclus entre 2000 et 2005 en contrats de crédit,
- la nullité absolue de ces contrats, qui ont un objet illicite en ce qu'ils ont pour but et pour effet de faire échec aux règles d'ordre public prévues aux articles 1 et 10 de la loi du 24 janvier 1984,
- en conséquence la condamnation de la société Franfinance Location à lui rembourser la totalité des sommes versées à titre de loyers (1 783 763 euros) sous déduction des sommes réglées par cette dernière aux différents fournisseurs et prestataires informatiques (1 221 285 euros), soit une somme de 562 478 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de versement de chacune des mensualités,
- la constatation que la société Econocom s'est livrée à une publicité mensongère à son encontre en application des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et sa condamnation à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- la publication à titre de dommages et intérêts complémentaires du présent arrêt dans 3 journaux de son choix et aux frais des sociétés Econocom et Franfinance dans la limite de 10 000 euros par publication à compter de la signification de la présente décision,
à titre subsidiaire,
- la requalification des 6 contrats de location souscrits de 2000 à 2006 en contrats de crédit, et dans l'hypothèse où la cour ne prononcerait pas la nullité des contrats,
- la condamnation solidaire des sociétés Econocom et Franfinance Location à lui verser la somme en principal de 318 438 euros à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2009 en réparation de son préjudice matériel,
- un donner acte de son abandon à la société Econocom de ses droits sur ledit matériel,
- la publication, à titre de dommages et intérêts complémentaires, du présent arrêt dans 3 journaux de son choix et aux frais des sociétés Econocom et Franfinance dans la limite de 10 000 euros par publication à compter de la signification de la présente décision,
- la constatation que la société Econocom s'est livrée à une publicité mensongère à son encontre et sa condamnation à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral,
à titre très susbsidiaire à défaut de requalification,
- la constatation que la société Econocom s'est livrée à une publicité mensongère à son encontre et sa condamnation à lui verser les sommes de 318 438 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2000, et de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral,
-la publication, à titre de dommages et intérêts complémentaires, du présent arrêt dans 3 journaux de son choix et aux frais des sociétés Econocom et Franfinance dans la limite de 10 000 euros par publication à compter de la signification de la présente décision,
Sur la demande reconventionnelle de la société Econocom :
à titre principal la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Econocom de sa demande d'injonction de restitution de biens prétendument manquants et en ce qu'il a rejeté la demande d'application d'un intérêt contractuel à 1,5 % sur les redevances,
- l'infirmation du surplus,
- le rejet des demandes en paiement de la société Econocom portant sur des redevances de mise à disposition qui constituent des clauses pénales,
- la restitution de l'intégralité des sommes acquittées par elle dans le cadre de l'exécution provisoire majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
à titre subsidiaire
- la réduction de la clause pénale, manifestement excessive,
- la restitution des sommes acquittées par elle dans le cadre de l'exécution provisoire, à hauteur du trop perçu par la société Econocom avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
à titre infiniment subsidiaire,
- un donner acte à la société Econocom de la réduction de sa reconventionnelle à la somme de 187 915,52 euros TTC avec intérêts au taux légal,
- En tout état de cause,
- un donner acte à la société Econocom de sa renonciation à sa demande d'injonction de restitution de biens,
- un rejet des demandes de la société Franfinance dirigées à son encontre, de la demande de la société Econocom en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamnation solidaire des intimées à lui verser la somme de 20 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Selon écritures signifiées le 17 septembre 2014, la société Econocom, intimée, réclame :
- la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- le rejet de toutes les prétentions de la société Electis et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle estime que le dernier contrat qui la lie à la société Electis n° 2005-1081.1 est bien un contrat de location régi par les dispositions de l'article 1709 du Code civil, puisqu'elle s'est engagée à donner en location à la société Electis des équipements informatiques en vue de leur usage pendant 48 mois, à lui fournir un certain nombre de services et à la laisser en jouir paisiblement. Elle considère qu'il est possible de déroger aux dispositions susmentionnées en prévoyant la location de biens immatériels ou de prestations de services. Elle fait valoir qu'elle a acquis la propriété des matériels et logiciels après paiement du prix auprès du fournisseur et qu'elle est autorisé à louer les logiciels par l'auteur de ces logiciels. Elle argue également que l'obligation de délivrance qui pèse sur le loueur n'est pas une obligation personnelle et peut être transférée à un tiers pour son compte à partir du moment où le locataire a les moyens juridiques de la faire exécuter; ainsi elle affirme que l'éditeur du logiciel Navision a bien autorisé les activités de location par elle-même. Elle soutient qu'elle s'est engagée à fournir à la société Electis la location de matériels et logiciels auxquels sont associés des prestations de services. En ce qui concerne l'obligation de restitution qui pèse sur la société Electis, elle estime que si aucune restitution des prestations de services n'est possible, en réalité le contrat porte à titre principal sur la location de matériels informatiques lesquels peuvent être restitués. Elle prétend également que le contrat ne présente aucune des deux dispositions spécifiques aux opérations de crédit, à savoir la mise à disposition de fonds à titre onéreux et le transfert de propriété de la chose achetée à crédit. Elle explique qu'elle ne promet pas de remettre des fonds mais seulement de remettre des matériels dans la limite d'un budget appelée "capacité nette d'engagement" (CNE) et que les loyers ont pour contrepartie la mise à disposition d'équipements informatiques et la fourniture de services. Elle souligne que le contrat litigieux ne prévoit pas le transfert de la propriété des matériels à la société Electis, ce qui est le propre du contrat de crédit-bail. Elle soulève le défaut de qualité à agir de la société Electis pour demander la nullité des contrats en considération de l'exercice illégal d'une activité d'établissement de crédit, un tel motif ne pouvant entraîner la nullité du contrat. Elle conteste également la demande tendant à la nullité absolue des contrats sur le fondement de l'article 1108 du Code civil pour cause illicite visant à faire échec aux règles d'ordre public de la loi du 24 janvier 1984 et excipe d'une cause licite, à savoir la mise à disposition du matériel en échange du paiement de loyers.
Suivant conclusions signifiées le 18 août 2014 la société Franfinance Location, intimée, demande :
- à titre principal
la confirmation du jugement querellé,
le rejet de toutes les demandes de la société Electis dirigées à son encontre,
la constatation du renoncement par la société Electis de sa demande d'expertise judiciaire,
la condamnation de cette dernière à lui verser une indemnité de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- à titre subsidiaire,
la condamnation de la société Econocom France à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prises à son encontre tant à titre principal qu'à titre accessoire,
y ajoutant, la condamnation de la société Electis à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle estime qu'il n'y a pas lieu à interprétation ou requalification du contrat de location dont les termes sont clairs en application des dispositions de l'article 1161 du Code civil. Elle excipe également du défaut de qualité de la société Electis à agir en nullité d'un prétendu contrat de prêt en considération de l'exercice illégal de l'activité d'établissement de crédit, en citant un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du du 4 mars 2005. Elle prétend que le contrat de location financière de biens mobiliers est régi par les dispositions sur le contrat de louage du Code civil, que celles-ci étant supplétives, les parties peuvent y déroger et aménager des dispositions selon leur volonté, mais que la loi bancaire de 1984 ou l'article L. 313-7 du Code monétaire et financier ne sont pas applicables. Selon elle, le fait que le contrat ne contienne pas une clause d'option d'achat et l'absence de remise de fonds démontrent bien qu'il ne s'agit pas d'un contrat de crédit.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de la société Electis :
A titre principal, la société Electis sollicite la requalification des six contrats de location souscrits entre 2000 et 2005 en contrats de crédit, en estimant d'une part, que les deux obligations essentielles du contrat de louage selon les articles 1709 et 1719 du Code civil ne sont pas respectées au travers des contrats souscrits par elle, en ce que l'obligation de délivrance est une pure fiction et l'obligation de restitution impossible, du fait de la nature des choses louées et, en considérant d'autre part, que la société Econocom a mis à sa disposition des fonds à titre onéreux, acte relevant d'un monopole bancaire, interdit à cette dernière qui ne relève pas du statut d'établissement de crédit. Elle fait valoir que ces contrats ont une cause illicite en ce qu'ils ont pour but de faire échec aux règles d'ordre public de la loi du 24 janvier 1984 et excipe de leur nullité absolue.
Il convient d'examiner les dispositions du dernier contrat daté des 22 mars et 14 avril 2005 liant les sociétés Burkle et Europe Computer Systèmes (ainsi que le fait la société Electis dans ses conclusions à titre d'exemple, les autres contrats étant pour l'essentiel identiques) intitulé "Location de produits informatiques avec services associés" qui a pour objet "la location de produits informatiques à laquelle sont associés un ou plusieurs services". Il est prévu aux conditions générales dudit contrat à :
- l'article 4.3 que "le locataire souscrit auprès du loueur des services, certains assurés par le loueur lui-même, d'autres assurés par un prestataire désigné par le loueur. La description de ces services portant sur des produits informatiques loués figure aux conditions particulières et leurs modalités de réalisation sont décrites en annexe",
- l'article 8 que "les loyers sont payables au loueur",
- l'article 11.2 que "la responsabilité du loueur et /ou du prestataire de service au titre des services ne peut être mise en jeu qu'au titre d'une faute lourde et dans la limite du prix hors taxes du service en cause",
- l'article 16 que "le locataire doit en fin de période de location restituer les produits complets en bon état d'entretien et de fonctionnement".
Les Conditions particulières de ce contrat font mention :
- à l'article 1 que le locataire loue les produits décrits à l'annexe 1 et s'engage à louer auprès d'EC S qui l'accepte, divers produits ainsi que certains services que le locataire définira au cours d'une période fixée dite "période de réalisation" et représentant un montant global déterminé dénommé" Capacité nette d'engagement ou CNE". Pendant la période de réalisation le locataire commandera auprès de ses fournisseurs dans la limite de la CNE disponible des produits (au nom et pour le compte de ECS) et d'éventuels services associés qu'il aura librement choisis et qu'il s'engage à louer auprès d'ECS selon les modalités définies aux présentes, ECS s'engageant de son côté à les louer dans la limite du CNE",
- à l'article 8 que "pour les besoins de son activité. Electis souhaite pouvoir disposer .de logiciels et conviendra avec l'éditeur concerné, directement ou par l'intermédiaire du distributeur concerné, des conditions d'utilisation des logiciels au terme d'une ou plusieurs licences d'utilisation. Econocom obtiendra de l'éditeur concerné les droits d'exploitation nécessaires et mettra à la disposition d'Electis le droit d'usage desdits logiciels .Il est expressément convenu que Econocom fera son affaire personnelle du règlement au distributeur ou à l'éditeur des sommes convenues entre Electis et le distributeur ou l'éditeur...".
Enfin, est joint à ce contrat une Annexe 1 comportant une liste de 5 pages aux termes desquelles sont énumérés les éléments loués comprenant du matériel (imprimante, carte réseau, rallonge, souris, câbles, console, écran disque dur, graveur, portable, clavier, télécopieur, casque...), des prestations de service Navision, un logiciel Navision.
Pour s'opposer à la requalification des contrats souhaitée par la société Electis les sociétés intimées soutiennent, en premier lieu, que ces dispositions contractuelles qui font référence à la location dans l'intitulé, au choix du matériel par le locataire, au transfert de garanties et d'actions afférentes au matériel au locataire, aux loyers et à la restitution du matériel en fin de contrat dans le corps du contrat, en ce qu'elles sont claires et précises, ne sont pas sujettes à interprétation et donc à requalification.
Mais il convient de rappeler que tout juge peut conformément aux dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile être conduit à restituer au contrat sa véritable qualification en recherchant notamment s'il y a eu volonté d'échapper à certaines prescriptions légales, s'il y a distorsion entre la lettre du contrat et sa réalité juridique ou financière, ainsi que l'allègue la société Electis ; ce premier argument est donc inopérant.
Cette dernière société estime que le contrat litigieux ne saurait être analysé comme une opération de location visée aux articles 1709 du Code civil et suivants, dès lors les principales obligations pesant sur le loueur ou le locataire ne peuvent être respectées, obligations au premier rang desquelles figurent celles de délivrance et de restitution, et ce, eu égard à la nature de la contrepartie fournie ; à cet effet, elle considère que pour 33 % seulement le contrat porte sur du matériel informatique (hardware) et pour 67 % sur des prestations de service informatiques (software) réalisées par des tiers (travaux de maintenance, de développement et de mise à jour du progiciel Navision exécutés par deux sociétés extérieures Cap Vision et Confor LBA), outre la licence du progiciel Navision. En conséquence, elle fait valoir que l'objet principal du contrat est constitué par les prestations immatérielles alors que la mise à disposition d'un matériel restituable n'est qu'une part accessoire du contrat, que ces prestations immatérielles ne peuvent faire l'objet ni d'une délivrance de la part de la bailleresse, puisqu'elles émanent d'une autre société et ni d'une restitution, puisqu'elles sont par essence déjà consommées.
Les sociétés Burkle et ECS ont signé un contrat dit de "location financière" ou "renting", qui ne fait l'objet d'aucune définition légale, à l'inverse du contrat de crédit-bail. Son cadre légal est celui du louage régi par les dispositions du Code civil en ses articles 1709 et suivants, dont la plupart sont supplétives de la volonté des parties ; les parties sont en conséquence en droit de déroger aux dispositions du droit commun du louage ,sous réserve de respecter les principes généraux, et, de prévoir des clauses de prestations diverses d'assistance technique et de maintenance associées à la location d'un bien matériel. Il en résulte que dès lors que le contrat de base porte sur des choses corporelles (hardware) au sens de l'article susmentionné, il peut, selon la volonté commune des parties, avoir également pour objet des biens immatériels (software), et, déroger ainsi au droit commun par des stipulations expresses contraires. La validité de ces clauses n'est pas douteuse puisque l'article 1720 du Code civil a un caractère purement supplétif. Par ailleurs, la société Electis ne saurait apporter la preuve que la part des biens immatériels est de 67 % et la part des biens matériels de 33 % par la simple production de tableaux qu'elle a elle-même dressés. En tout état de cause à supposer même que la part des biens immatériels soit supérieure à celle des biens matériels, il n'en reste pas moins que le contrat de base vise les biens matériels auquel s'adossent les prestations de services et logiciels et que ces biens matériels et immatériels forment alors un tout indivisible dans un contrat complexe, dès lors que les biens matériels et immatériels n'ont, chacun, aucune utilité s'ils sont seuls donnés en location, peu important qu'ils puissent chacun se combiner avec d'autres logiciels ou d'autres matériels, ainsi que le fait valoir la société Electis.
A juste titre les premiers juges ont retenu qu'il n'est pas de l'essence du contrat de location que le loueur soit préalablement titulaire du droit d'usage de la chose louée avant de la mettre à la disposition du locataire. Au cas particulier, les parties ont aménagé les conditions de mise à disposition de la chose louée et ont prévu que les matériels choisis par la société Electis soient livrés directement en ses locaux par le fournisseur, que le loueur (article 3) subroge le locataire dans ses droits de recours envers le fournisseur du fait de l'incapacité de celui-ci à livrer ou du fait des vices affectant les produits loués de même envers le concepteur et/ou le fournisseur de logiciels. Ainsi ce qui importe est que la locataire ait reçu délégation de la bailleresse pour exercer tout recours directement auprès du fournisseur relativement à la garantie technique. L'obligation de délivrance est donc en son principe respectée, lorsque le locataire conserve les moyens de faire exécuter cette obligation ou faire sanctionner son inexécution.
Pour le logiciel Navision, la société Electis estime que la société Econocom était dans l'impossibilité juridique absolue de le lui donner en location, puisqu'elle n'était titulaire d'aucun droit sur ce logiciel, ce qui démontre selon elle que le mécanisme de la location financière ne peut s'attacher aux prestations immatérielles.
Mais par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont estimé que les éditeurs des logiciels ont autorisé la distribution de leurs produits à travers leur réseau de distributeurs agréés, dont ils contrôlent l'activité, vers les utilisateurs finaux au moyen de contrats de location en application de l'article L. 122-6 3 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit que le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location. En effet, il est acquis que la société Econocom a réglé le prix des licences à Navision directement ou par l'intermédiaire de son distributeur la société Confor LBA, qui a livré le logiciel et les clés d'utilisation à la société Electis.
En tout état de cause, il est constant qu'au cas particulier l'obligation de délivrance tant pour le matériel que pour les prestations ou les services convenus a été satisfaite, a été réalisée sans contestation pendant toute la durée des six contrats et que la société Electis disposait des moyens juridiques de la faire exécuter si elle ne l'avait pas été. Cet argument ne saurait donc être retenu.
La société Electis soulève également le moyen selon lequel l'impossible restitution à la société Econocom en fin de contrat des logiciels et des prestations de service démontre le caractère fictif du contrat de location.
Mais il convient de se référer à l'article 8 des Conditions particulières du contrat litigieux selon lequel en cas de résiliation la société Electis devra restituer à l'éditeur du logiciel ou à son distributeur toute documentation relative au logiciel et lui adresser une attestation certifiant qu'elle n'utilise plus aucune copie du programme, ce qui équivaut à une restitution pour un bien immatériel, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges.
Si les contrats précédents ne prévoyaient pas une telle restitution, ils ont en tout état de cause été annulés et remplacés par le contrat signé le 1er avril 2005, qui fait seul la loi des parties.
La société Electis considère encore que le contrat litigieux répond en réalité aux critères spécifiques des opérations de crédit par la mise à disposition d'une enveloppe financière dénommée "capacité nette d'engagement" (CNE) qu'il dépend du client de déterminer en fonction des matériels, prestations et logiciels qu'il entend utiliser et qui est égale à la somme prévisionnelle des montants d'achat de produits; elle fait valoir que cette opération, assimilable à une opération de crédit, est incompatible avec l'activité des sociétés commerciales, qu'elle a pour but et pour effet de faire échec aux règles d'ordre public prévues aux articles 1 et 10 de la loi du 24 janvier 1984 relatives à l'activité et au contrôle des établissements de crédit , qu'elle constitue une fraude au monopole bancaire entachant de nullité absolue les six contrats litigieux. Elle excipe également d'un concert frauduleux entre les sociétés Econocom et Franfinance location pour proposer à leurs clients un contrat opaque, sans mention du TEG et ainsi échapper aux règles protectrices qui régissent les opérations de crédit et qui sont propres au démarchage financier (information préalable, faculté de rétractation...).
En vertu de l'article L. 313-1 du Code monétaire et financier "constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend dans l'intérêt de celle-ci un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement ou une garantie", est "assimilé à une opération de crédit-bail et de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat".
Au cas particulier, la société Econocom n'a jamais remis de fonds à la société Electis, la "CNE" prévue aux Conditions particulières ne constitue qu'une enveloppe budgétaire à ne pas dépasser pour l'acquisition par la société Econocom des matériels choisis par la locataire comme devant faire l'objet de la location, une simple limite du budget à ne pas dépasser.
Par ailleurs le fait que le contrat litigieux ne comporte aucune option d'achat en cours ou en fin de contrat démontre de plus fort que l'opération ne saurait être qualifiée d'opération de crédit-bail, cet élément étant essentiel pour différencier les opérations de crédit-bail des opérations financières. Il est en effet prévu à l'article 16 des Conditions générales du contrat que la locataire doit en fin de période de location restituer les produits complets en bon état d'entretien et de fonctionnement et que préalablement à cette restitution la locataire s'oblige à détruire toutes ses données contenues notamment sur les disques durs, CD, disquettes, bandes, cartouches, DVD des produits restitués et à enlever tous ses mots de passe.
Il s'ensuit que le contrat litigieux n'est pas réductible à un contrat de crédit-bail déguisé, dès lors que les deux dispositions spécifiques aux opérations de crédit, à savoir la mise à disposition de fonds à titre onéreux et le transfert de propriété de la chose achetée à crédit, n'y figurent pas.
De même, une location pure et simple, sans option d'achat en fin de bail, n'entre pas dans les prévisions de la loi du 10 janvier 1978 sur le crédit à la consommation qui ne vise que les prêts d'argent, les contrats de location-vente ou de location avec promesse de vente.
Les sociétés intimées font également valoir, sans être contredites, qu'elles ont respecté leur obligation de permettre à la société Electis de jouir paisiblement de la chose louée, que la société Econocom a pris à sa charge une assurance garantissant le remplacement du matériel loué en cas de dommage ou détérioration affectant le matériel loué.
Ainsi la convention du 1er avril 2005 qui a pour objet la location de matériel informatique et de prestations de services informatiques en contrepartie d'une obligation pour le locataire de payer mensuellement le loyer et de restituer le matériel au terme du contrat, et, dont la cause réside dans la mise à disposition paisible des matériels loués ne peut être requalifié en contrat de crédit et n'est pas dépourvu de cause. L'argument selon lequel la nullité absolue des contrats doit être prononcée pour objet illicite en ce qu'ils tendant à faire échec aux règles d'ordre public prévues aux articles 1 et 10 de la loi du 24 janvier 1984 ou pour défaut de cause ne saurait donc être retenu. Si certaines clauses s'éloignent des règles classiques du contrat de louage, comme le soutient à juste titre la société Electis, elles sont valides et n'en altèrent pas profondément l'économie générale du contrat.
La décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'ils ont rejeté la demande de la société Electis visant à la requalification du contrat et en conséquence les demandes à titre principal fondées sur la nullité du contrat et subsidiairement sur les conséquences de la requalification.
A titre subsidiaire, la société Electis réclame le paiement des sommes de 318 438 euros à titre de dommages et intérêts et de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral au motif que la société Econocom s'est livrée à une publicité mensongère à son égard au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.
Elle reproche à cette dernière de se présenter à ses clients et prospects comme une société dont la prestation principale consiste à :
- Aider les entreprises à dynamiser, optimiser et sécuriser leurs investissements informatiques,
- Procurer des solutions globales et personnalisées à haute valeur ajoutée,
- Aider les entreprises à répondre de manière performante à la problématique de maîtrise des dépenses informatiques,
- Proposer une optimisation des équipements informatiques et de leur coût qui devient lisible et comparable,
- Via des services locatifs.
Elle se plaint du coût réel de cette opération dont elle n'a pu avoir connaissance qu'à la fin du contrat ; elle affirme avoir déboursé au terme du contrat litigieux des loyers à hauteur de la somme de 1 783 763 euros, alors que le montant des produits achetés par la société Econocom s'est élevé à la somme de 1 221 285 euros, de sorte qu'elle estime le coût de la location à la somme de 542 839 euros correspondant à un taux d'intérêt annuel de 12 %. Elle affirme qu'elle n'aurait pas contracté avec la société Econocom si elle avait connu la réalité économique de l'opération.
Mais il doit être constaté que les termes ci-dessus rapportés ne sont qu'une présentation des objectifs et missions du groupe Econocom et non un engagement contractuel précis envers la société Electis. A juste titre les premiers juges ont retenu par des motifs pertinents que la cour adopte, que les mentions dont s'agit, certes marquées par une certaine emphase, sont trop générales pour constituer des allégations de nature à tromper ou induire en erreur une société commerciale telle qu'Electis, qui a, à six reprises, pour son activité professionnelle signé un contrat dit de 'location financière' avec la société Econocom.
Par ailleurs, il convient de rappeler les avantages économiques et fiscaux qui découlent d'un tel contrat de location financière et qui diminuent d'autant le coût de la location. En effet ce contrat a permis à la société Electis d'éviter l'immobilisation de fonds propres et l'alourdissement de son budget d'investissement; d'un point de vue fiscal la déductibilité de l'assiette des résultats des loyers et des frais d'entretien constitue un avantage certain. En outre il a permis une adaptation des besoins de la société du fait de l'obsolescence rapide des équipements techniques et de la compétitivité accrue. Il s'ensuit que pour estimer le coût de la location, la société Electis doit prendre en compte l'ensemble de ces éléments, ce qu'elle n'a pas fait.
La décision des premiers juges mérite en conséquence confirmation de ce chef.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Econocom :
Dans ses dernières conclusions, la société Econocom réclame, en l'absence de restitution par la société Electis des matériels au terme du contrat le 31 mars 2009, la condamnation de cette dernière au paiement des redevances conventionnelles de mise à disposition jusqu'au 30 novembre 2009, date à laquelle celle-là l'a informée que les matériels étaient à sa disposition dans ses locaux et qu'elle autorisait le transporteur à venir en prendre possession, et ce, en application des dispositions des articles 16-1 et 16-3 des Conditions générales dudit contrat, soit une somme de 187 915,52 euros TTC (19 640 euros HT X 8).
Pour le surplus, la société Econocom sollicite la confirmation du jugement querellé ; en conséquence, elle ne remet pas en cause la décision des juges consulaires en ce qu'elle a été déboutée de sa demande en paiement des redevances de mise à disposition pour la période du 1er décembre 2009 au 24 juin 2010, de sa demande d'injonction de restitution des biens prétendument manquants et de sa demande de stipulation contractuelle d'un taux de 1,5 % par mois, constituant une clause pénale, ramenée d'office par le tribunal au taux de l'intérêt légal ;
La société Electis pour sa part conteste devoir la somme de 187 915,52 euros TTC en estimant que la redevance mensuelle assortie d'un intérêt mensuel de 1,5 % en cas de non restitution des produits est due à titre de pénalité, est un instrument de réparation fixant à l'avance le montant de l'indemnité due sous forme de redevance, qui peut être réduite conformément à l'article 1231 du Code civil; elle fait valoir d'une part, que la nullité de l'obligation principale entraîne celle de la clause pénale, d'autre part ,que la clause pénale n'est pas applicable à l'égard de certains produits insusceptibles de restitution, enfin que cette clause pénale est manifestement excessive au regard du prétendu préjudice allégué.
Le premier argument n'est pas fondé dans la mesure où la cour n'a pas prononcé la nullité de l'obligation principale, du contrat "Capacity".
La clause 16-3 des Conditions générales du contrat en cause est ainsi libellée :
"Si après le terme de la location, le locataire conserve la jouissance des produits pour une raison qui lui est imputable, le loueur est autorisé à mettre en recouvrement des redevances de même montant que les loyers conventionnels, sans que le paiement de ces redevances puisse pour autant entraîner remise pour le locataire dans le bénéfice du bail. Les dispositions relatives aux loyers notamment ...quant aux intérêts moratoires conventionnels au taux de 1,5 % par mois de retard sont applicables aux redevances".
Il suffit de rappeler que les contrats de location financière sont adaptés aux besoins des clients lesquels sont confrontés à l'obsolescence rapide des équipements informatiques, qui n'ont quasiment plus de valeur à la fin du contrat, étant amortis et technologiquement dépassés; d'ailleurs la fiche financière établie en avril 2005 entre les sociétés Econocom et Franfinance corrobore cette importante dépréciation du matériel et équipement puisque la société Econocom s'engage à racheter au terme du contrat Capacity le matériel et équipement pour la somme de 150 euros HT, alors qu'elle les a vendus à la société Franfinance au prix de 865 131 euros.
Il convient également d'observer que la demande de restitution de la société Econocom ne saurait viser que le matériel hardware, le software étant consommé ne peut être remis à la bailleresse ; lorsque les prestations de services informatiques ne peuvent être restituées, elles ne peuvent justifier le paiement d'une redevance pour non restitution.
Dans ces conditions le paiement après la résiliation du contrat d'une redevance égale au montant des loyers apparaît injustifié, comme étant sans contrepartie.
En effet, la société Econocom réclame une somme mensuelle de 19 640 euros HT pour compenser l'immobilisation d'un matériel ayant perdu toute valeur marchande et par ailleurs l'impossibilité de restituer des prestations immatérielles ; le montant des redevances apparaît ainsi disproportionné. La disproportion s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixée et celui du préjudice effectivement subi, résultant seulement de la privation de jouissance d'un matériel d'une valeur marchande de 150 euros, imputable à la société Electis jusqu'au 30 novembre 2009, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges.
La cour dispose d'éléments suffisants pour fixer cette redevance à la somme mensuelle de 4 000 euros pendant 8 mois, soit une somme de 32 000 euros.
Sur les demandes de la société Franfinance Location:
La demande subsidiaire de la société Franfinance location, (qui a acheté le 14 avril 2005 à la société ECS des matériels "grevés de contrat de location n° 20051081-1") à l'égard de la société Econocom tendant à se voir garantie de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre tant à titre principal qu'accessoire est sans objet en raison de la décision prononcée ci-dessus.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.
Par ces motifs : Statuant contradictoirement Confirme le jugement du 2 novembre 2011 en toutes ses dispositions, hormis celles relatives au montant de la somme à payer par la société Alexander Burkle - devenue la société Electis - à la société Econocom au titre des redevances dues après résiliation du contrat daté des 22 mars et 14 avril 2005 et à l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau de ces seuls chefs, Condamne la société Electis (anciennement dénommée Alexander Burkle) à payer à la société Econocom la somme de 32 000 euros au titre des redevances dues après résiliation du contrat daté des 22 mars et 14 avril 2005, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Electis aux dépens, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.