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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 21 novembre 2014, n° 14-4040

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mak2com (SARL)

Défendeur :

Gaspard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mmes Morillon, Janson

Avocats :

Mes Mariol, Dalloz,

T. Confl. Bayonne, du 19 déc. 2013

19 décembre 2013

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS :

M. Alain Gaspard exerce depuis le 10 janvier 2000, sous le nom commercial Mak2com, l'activité de programmateur informatique et était inscrit jusqu'au 26 avril 2014 auprès de l'INSEE sous le Code APE 6201Z relatif à la programmation informatique. Il est inscrit depuis cette date au RCS sous l'activité de création de sites Web et espaces publicitaires sur internet, infographie.

La SARL Mak2com exerce depuis le 08 janvier 2010 l'activité d'agence de conseil en communication en étant inscrite auprès de l'INSEE sous le Code APE 7311Z relatif aux activités d'agence de publicité.

Par courriers de son conseil des 16 et 30 juillet 2013 adressés à la société Mak2com, M. Gaspard a dénoncé le comportement parasitaire de celle-ci qui se livrerait à des activités similaires aux siennes de créateur de site web, infographiste, webmaster.

Par acte d'huissier du 30 octobre 2013, M. Gaspard a fait assigner en référé la société Mak2com devant le président du Tribunal de commerce de Bayonne aux fins de voir cesser sous astreinte l'emploi du nom "Mak2com" pour la raison sociale, le nom de domaine et l'appellation du site internet de la société.

Suivant décision du 19 décembre 2013, le président du tribunal de commerce de Bayonne a, sur le fondement de l'article 872 du Code de procédure civile, ordonné à la SARL Mark2com :

- de cesser d'utiliser la raison sociale "Mak2com",

- de modifier le nom de domaine "qu'elle utilise à savoir Mak2com",

- de cesser d'utiliser sur son site internet l'appellation Mak2com,

- de retirer de ses documents commerciaux et publicitaires la mention Mak2com, le tout sous astreinte de 150 euro par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la signification de l'ordonnance.

Cette même décision a condamné la société Mak2com à payer à M. Gaspard la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 08 janvier 2014, la SARL Mak2com a relevé appel de cette décision.

L'affaire a été fixée au 22 septembre 2014 en application des dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile.

Suivant les dernières conclusions déposées le 16 juin 2014, la SARL Mak2com a soulevé la violation de l'article 12 du Code de procédure civile par le premier juge qui a retenu un fondement juridique différent de celui débattu par les parties et a soutenu qu'il n'est démontré ni l'urgence compte tenu du délai de trois ans déjà écoulé depuis l'adoption de l'appellation litigieuse ni l'absence d'une contestation sérieuse alors que :

- aucun de ses clients n'ont été ceux de M. Gaspard,

- ces derniers ont contracté avec la société Mak2com pour la solution globale de stratégie de communication proposée dépassant la simple création d'un site internet qui n'est qu'une activité marginale de chiffre d'affaires (campagnes d'E-marketing, logos, outils commerciaux,...),

- le comportement de M. Gaspard, relevé de manière contradictoire par le premier juge, et caractérisé par la modification de son propre site depuis l'été 2013 à la fois dans sa présentation (fond d'écran, couleur, mise en page) et dans les prestations proposées aux fins de les rendre similaires à celles de conseil en communication et le marketing de la société Mak2com.

La société appelante a sollicité l'infirmation de la décision entreprise et la condamnation de M. Gaspard à lui payer la somme de 8 000 euro à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant conclusions déposées le 28 mai 2014, M. Alain Gaspard a demandé la confirmation de l'ordonnance et la condamnation de la société Mak2com à lui payer la somme de 1 600 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il a soutenu que la concurrence déloyale est caractérisée en l'espèce par :

- la proximité phonétique des noms commerciaux si ce n'est leur identité complète en raison de la similitude visuelle et auditive,

- l'antériorité de son activité,

- le caractère apparenté des activités, celle de webdesigner représentant 21 % de l'activité de la société Mak2com.

SUR CE, LA COUR :

L'assignation en référé visait dans son dispositif les articles 809, 849, 873 et 894 du Code de procédure civile et le jugement a expressément fondé sa décision sur les dispositions de l'article 872 du Code de procédure civile.

Il résulte de la lecture de l'exposé des moyens et prétentions des parties, figurant dans l'ordonnance, que la société Mak2com a expressément soutenu l'absence d'urgence et l'existence d'une contestation sérieuse de telle sorte que les conditions posées par l'article 872 précité ont bien été débattues contradictoirement entre les parties en première instance. Ces moyens ont également été expressément et exclusivement débattus en appel de telle sorte que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu et les parties ont continué devant la cour à envisager l'action en référé sous le seul angle de l'article 872 du Code de procédure civile expressément soutenu par son auteur qui demande la confirmation intégrale de la décision entreprise.

Cet article dispose que "dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend".

Si le peu de différences existant entre les deux dénominations litigieuses est susceptible d'engendrer la confusion dans l'esprit d'un client d'attention moyenne, cette proximité phonétique ne suffit pas à elle seule à caractériser un acte de concurrence déloyale et doit être analysée au regard de l'activité commerciale respective des parties et du préjudice réel subi.

Il sera ainsi relevé que la programmation informatique et l'agence de publicité sont des activités bien différentes même si la création d'un site internet peut entrer pour partie dans une campagne publicitaire et être évaluée à environ 15 % du chiffre d'affaires de la société Mak2com à la date de l'introduction de la procédure de référé, sur la seule base des clients cités par M. Gaspard dont l'activité réelle en matière de marketing publicitaire avant 2010 devra être démontrée.

Le tribunal a d'ailleurs relevé, sans en tirer de conséquences sur l'existence d'une contestation sérieuse, que M. Gaspard avait depuis la période contemporaine de l'introduction de l'action en référé fait évoluer son site internet dans sa présentation graphique et ses mentions, pour le rapprocher de celui de la société Mak2com de telle sorte que seul un examen au fond est de nature à apprécier la réalité, l'étendue et l'origine de la confusion préjudiciable alléguée cela d'autant que M. Gaspard est resté trois ans sans agir depuis la création de la société Mak2com.

Les conditions posées par l'article 872 du Code de procédure civile ne sont pas réunies, l'ordonnance du tribunal de commerce doit être réformée et M. Gaspard débouté de son action engagée en référé ;

Il n'est pas démontré à ce stade de la procédure l'existence d'un manquement de M. Gaspard dans l'exercice de son droit d'agir en justice. La société Mak2com sera déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts.

Il sera en revanche condamné aux dépens de l'instance de référé en application du principe édicté par l'article 695 du Code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens et qu'elles ont pu exposer à l'occasion de cette procédure. La société Mak2com sera donc déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort, Infirme l'ordonnance du président du Tribunal de commerce de Bayonne du 19 décembre 2013, Déboute M. Alain Gaspard de l'ensemble de ses demandes, Déboute la SARL Mak2com de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts et de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles, Condamne M. Alain Gaspard aux dépens.