ADLC, 22 octobre 2014, n° 14-DCC-153
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de Cermaq ASA par Mitsubishi Corporation
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 22 septembre 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif de Cermaq ASA par Mitsubishi Corporation, formalisée par une offre publique d'achat en date du 22 septembre 2014 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Mitsubishi Corporation (ci-après " Mitsubishi ") est une société de négoce dont le siège est situé à Tokyo au Japon. Elle finance et développe des activités dans différents secteurs, tels que la finance, la banque, l'énergie, l'équipement, les produits chimiques et l'industrie alimentaire. Dans le secteur du saumon, Mitsubishi a une activité d'élevage de saumon et de truites au Chili, à travers sa filiale Salmones Humboldt. Elle détient également plusieurs filiales actives dans les secteurs de la transformation secondaire de produits de la mer et de la vente en gros de produits alimentaires sous formes variées.
2. Cermaq ASA (ci-après " Cermaq ") est une société de droit norvégien, cotée à la bourse d'Oslo, active dans le secteur de l'élevage de poisson et spécialisée dans la production de salmonidés. L'Etat norvégien est l'actionnaire majoritaire de la société. Celle-ci est active au niveau mondial avec des activités au Chili, au Canada et en Norvège.
3. Par une offre publique d'achat lancée le 22 septembre 2014, Mitsubishi a proposé d'acquérir, par l'intermédiaire de sa filiale à 100 % MC Ocean Holdings Limited, l'intégralité des actions en circulation de Cermaq.
4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Cermaq par Mitsubishi, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Mitsubishi : 56, 8 milliards d'euros au cours de l'exercice clos le 31 mars 2014 ; Cermaq : 661 millions d'euros au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2013). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Mitsubishi : [...] d'euros au cours de l'exercice clos le 31 mars 2014 ; Cermaq : [...] d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2013). Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés à l'article L. 430-2-I du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les sociétés Mitsubishi et Cermaq sont toutes deux actives dans l'élevage et la transformation primaire de salmonidés. Cermaq est également active dans la transformation secondaire de salmonidés.
A. LE MARCHÉ DE L'ÉLEVAGE ET DE LA TRANSFORMATION PRIMAIRE DU SAUMON
1. MARCHÉ DE PRODUITS
7. La pratique décisionnelle nationale a retenu l'existence d'un marché du saumon distinct de celui des autres poissons, tant du point de vue des acheteurs que de celui des consommateurs, compte tenu de son goût, de son image, des volumes disponibles, de la régularité de l'approvisionnement, de son rendement et de sa part de marché (1).
8. La pratique décisionnelle a également retenu l'existence d'un marché du saumon d'élevage distinct de celui du saumon sauvage, en raison de ses différences en termes de goût, de qualité, de prix et de saisonnalité, le saumon sauvage n'étant disponible qu'à certaines saisons, à la différence du saumon d'élevage, approvisionné tout au long de l'année (2).
9. Une segmentation supplémentaire a été retenue entre le saumon Atlantique d'élevage et le saumon Pacifique d'élevage (3).
10. Enfin, la Commission a également considéré que l'élevage et la transformation primaire du saumon (pêche, abatage, étêtage, éviscération, filetage du saumon) constituait un marché distinct de celui de la transformation secondaire du saumon (transformation en produits finis, comme des portions de saumon, des plats préparés et du saumon fumé). Le marché de l'élevage et de la transformation primaire du saumon se caractérise en effet par d'importantes barrières à l'entrée en raison du montant élevé des investissements initiaux, de la nécessité d'obtenir les licences requises pour l'ouverture de fermes aquacoles ainsi que de l'expertise nécessaire pour l'élevage du saumon, à l'inverse du marché de la transformation secondaire qui ne nécessite que de faibles investissements initiaux(4).
11. Au cas d'espèce, Mitsubishi est active sur le marché de l'élevage et de la transformation primaire du saumon Atlantique et du saumon Pacifique. Cermaq est présente uniquement sur le marché de l'élevage et de la transformation primaire du saumon Atlantique.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
12. La pratique décisionnelle a considéré que le marché géographique pertinent pour l'élevage et la transformation primaire du saumon est le marché de l'EEE, en raison de l'absence d'obstacles réglementaires restreignant les échanges, ainsi que de coûts de transport peu élevés et de prix de ventes similaires d'un Etat membre à l'autre (5).
13. Il n'y a pas lieu, au cas d'espèce, de revenir sur cette définition.
B. LE MARCHÉ DE LA TRANSFORMATION SECONDAIRE DU SAUMON
1. MARCHÉ DE PRODUITS
14. La pratique décisionnelle européenne a retenu l'existence d'un marché de la transformation secondaire du saumon distinct de celui de l'élevage et de la transformation primaire.
15. Une distinction supplémentaire entre le saumon frais, fumé ou congelé a également été envisagée, en raison de différences en termes de goût, de qualité et de prix (6) entre ces produits.
16. La question de la définition exacte de ces marchés peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.
17. Au cas d'espèce, seule la société Cermaq est active sur ce marché, par le biais des exportations vers l'EEE de son activité au Chili. Mitsubishi n'est pas présente sur ce marché.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
18. La pratique décisionnelle européenne a laissé ouverte la question de la délimitation géographique du marché de la transformation secondaire du saumon (7).
19. La partie notifiante considère que ce marché est au moins de dimension européenne.
20. La question de la délimitation géographique du marché de la transformation secondaire du saumon peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit la délimitation envisagée.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LE MARCHÉ DE L'ÉLEVAGE ET DE LA TRANSFORMATION PRIMAIRE DU SAUMON ATLANTIQUE
21. Sur le marché de l'élevage et de la transformation primaire du saumon Atlantique, la partie notifiante estime que la part de marché de la nouvelle entité sera de l'ordre de [0-5] %, l'incrément de part de marché dû à l'opération représentant moins de [0-5] %. En outre, elle fera face à un grand nombre de concurrents, dont Marine Harvest ([20-30] %), Leroy Seafood Group ([10-20] %), Salmar ([10-20] %) et Grieg Seafood ([5-10] %).
22. En conséquence, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché de l'élevage et de la transformation primaire du saumon Atlantique.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
23. L'opération renforce l'intégration verticale de la nouvelle entité. Elle permettra en effet à Mitsubishi, déjà présente sur le marché de l'élevage et de la transformation primaire du saumon, d'exercer une activité sur le marché de la transformation secondaire du saumon, sur lequel Cermaq est active.
24. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle écarte en pratique les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
25. Au cas d'espèce, sur le marché de la transformation secondaire du saumon, la partie notifiante estime la part de marché de Cermaq à moins de [0-5] %.
26. Compte tenu de ces éléments, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-163 est autorisée.
Notes :
1 Voir l'avis du Conseil de la concurrence n°06-A-20 du 20 octobre 2006 relatif à l'acquisition de la société Marine Harvest NV par la société Pan Fish ASA. Voir également la Décision n° 13-DCC-169 du 20 novembre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs de la société Ledun Pêcheurs d'Islande par la société Maïsadour, point 17.
2 Voir la Décision de la Commission COMP/M.6850 du 30 septembre 2013 - Marine Harvest/Morpol, points 26-28. Voir également la Décision n° 13-DCC-169 du 20 novembre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs de la société Ledun Pêcheurs d'Islande par la société Maïsadour, point 8.
3 Voir l'avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-20 du 20 octobre 2006 relatif à l'acquisition de la société Marine Harvest NV par la société Pan Fish ASA, points 35-36.
4 Voir la Décision de la Commission COMP/M.6850 du 30 septembre 2013 - Marine Harvest/Morpol, points 29-34.
5 Id., points 69-73.
6 Id., points 64-65.
7 Id., point 73.