CA Aix-en-Provence, 2e ch., 27 novembre 2014, n° 14-10620
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ducourneau Transports (SAS), Ducourneau Jean-Pierre & Fils (SA)
Défendeur :
Cesana, Société Nouvelle Transfix Toulon (SA), MC Développement (SARL), JC Développement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aubry-Camoin
Conseillers :
MM. Fohlen, Mathis
Avocats :
SCP Ermeneux-Levaique-Arnaud & Associés, Mes Simoni, Coutelier
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 13 octobre 2009, la société Ducournau Transport a fait assigner la Société Nouvelle Transfix Toulon devant le Tribunal de Commerce de Toulon, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce pour rupture brutale des relations commerciales établies.
Par acte du 16 mai 2011, la société Ducourneau Jean-Pierre et Fils et la société Ducourneau Transports ont fait assigner messieurs Jean-Claude et Maurice Cesana devant le Tribunal de Commerce de Toulon au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce et de l'article 1134 du Code civil.
Les sociétés JC Développement et MC Développement sont intervenues volontairement en première instance.
Par jugement du 28 juin 2012, le Tribunal de commerce de Toulon a :
- ordonné la jonction des instances,
- condamné la société Transfix à payer à la SAS Ducourneau Transports la somme de 22 948 euros au titre de l'indemnité de rupture ;
- condamné la société Ducourneau Transports à payer à la société Transfix la somme de 9 355,12 euros au titre des deux factures impayées ;
- mis hors de cause M. Jean-Claude Cesana et M. Maurice Cesana ;
- condamné la société Ducourneau Transports à payer à Messieurs Cesana la somme de 2 500 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté la société Ducourneau Transports de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté la société Transfix de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Transfix à la moitié des dépens ;
- laissé à la charge de la société Ducourneau la moitié des dépens.
Par déclaration au greffe de la cour du 8 août 2012, la société Ducourneau Transports et la société Ducourneau Jean-Pierre & Fils ont interjeté appel à l'encontre de la société Société Nouvelle Transfix Toulon, et de messieurs Jean-Claude et Maurice Cesana.
Par déclaration au greffe de la cour du 8 novembre 2012, la société Ducourneau Transports et la société Ducourneau Jean-Pierre & Fils ont interjeté appel à l'encontre de la société MC Développement et de la société JC Développement.
Par courrier du 26 novembre 2013, le magistrat de la mise en état a invité les parties à conclure sur la recevabilité de l'appel au regard des dispositions de l'article D. 442-3 alinéa 2 du Code de commerce.
Par conclusions d'incident du 13 décembre 2013, la société Ducourneau Transports et la société Ducourneau Jean-Pierre & Fils ont conclu à la recevabilité de l'appel devant la Cour d'appel d'Aix en Provence motif pris de ce que l'introduction de l'instance était antérieure à la date d'entrée en vigueur le 1er décembre 2009 de l'article D. 442-3 et de ce que la décision concernée n'avait pas été rendue par une juridiction spécialisée telle que déterminée par l'article D. 442-3.
Par conclusion d'incident du 23 décembre 2013, la société Transfix a conclu à l'irrecevabilité de l'appel motif pris de ce qu'à la date du jugement déféré, la Cour d'appel de Paris s'était vu conférer par l'article D. 442-3 du Code de commerce une compétence exclusive pour connaître des appel des décisions statuant sur le fondement de l'article L. 442-6.
Par ordonnance du 6 mai 2014, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel irrecevable en retenant que seule la cour d'appel de Paris était compétente, et a condamné les sociétés Ducourneau Jean-Pierre & Fils et Ducourneau Transports à payer à la société Transfix une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par conclusions du 19 mai 2014, les sociétés Ducourneau Jean-Pierre & Fils et Ducourneau Transports ont déféré cette ordonnance à la cour.
Par conclusions du 12 septembre 2014, les sociétés Ducourneau Jean-Pierre & Fils et Ducourneau Transports demandent à la cour de :
- réformer l'ordonnance rendue le 6 mai 2014 par le Conseiller de la mise en état,
- dire l'appel recevable,
- condamner in solidum la société Transfix, Messieurs Jean-Claude et Maurice Cesana, les sociétés JC Développement et MC Développement à payer aux sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils soutiennent que la Cour d'appel d'Aix en Provence est compétente dès lors que l'assignation introductive d'instance, en date du 13 octobre 2009, est antérieure à l' entrée en vigueur le 1er décembre 2009 de l'article D. 442-3 du Code de commerce, et que la décision déférée n'a pas été rendue par une juridiction spécialisée.
Par conclusions du 11 juillet 2014, la société Transfix demande à la cour de :
- dire et juger qu'en saisissant la Cour d'appel de Paris par déclaration en date du 20 juin 2014, les sociétés Ducourneau Jean-Pierre & Fils et Ducourneau Transports ont acquiescé implicitement à l'ordonnance rendue le 6 mai 2014 par le conseiller de la mise en état
- dire et juger, en conséquence, irrecevable le déféré de l'ordonnance rendue le 6 mai 2014,
- débouter les sociétés Ducourneau Jean-Pierre & Fils et Ducourneau Transports de leur demande de déféré,
- confirmer l'ordonnance rendue le 6 mai 2014 par le Conseiller de la mise en état,
- condamner les sociétés Ducourneau Jean-Pierre & Fils et Ducourneau Transports au paiement de la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Transfix fait observer que les sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils ont saisi la Cour d'appel de Paris suivant déclaration d'appel en date du 17 juin 2014 après avoir déposé des conclusions de déféré, que cette saisine vaut acquiescement à l'ordonnance du Conseiller de la mise en état, et que la Cour d'appel de Paris s'est vu conférer une compétence exclusive pour connaître des actions en responsabilité engagées sur le fondement de l'article L. . 442-6 du Code de commerce, compétence dont elle disposait déjà à la date du jugement dont appel.
Par conclusions en date du 18 juillet 2014, Monsieur Jean-Claude Cesana, Monsieur Maurice Cesana, la société JC Développement, et la société MC Développement demandent à la cour d'appel de :
- constater l'acquiescement implicite des sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils à l'ordonnance rendue le 6 mai 2014 par le Conseiller de la mise en état ;
- déclarer irrecevables les sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils au déféré ;
- confirmer l'ordonnance rendue le 6 mai 2014 par le Conseiller de la mise en état ;
- condamner les sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils solidairement au paiement d'une somme de 5 000 euros chacun à Monsieur Jean-Claude Cesana, Monsieur Maurice Cesana, la société JC Développement et la société MC Développement sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur Jean-Claude Cesana, Monsieur Maurice Cesana, la société JC Développement et la société MC Développement font valoir qu'en saisissant la Cour d'appel de Paris, les appelants ont implicitement acquiescé à l'ordonnance du conseiller de la mise en état.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est constant que la présente instance a été introduite devant le Tribunal de Commerce de Toulon par un acte du 13 octobre 2009, et que l'article D. 442-3 du Code de commerce qui attribue compétence exclusive à la Cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par les juridictions spécialisées en matière de rupture brutale des relations commerciales établies est entré en vigueur le 1er décembre 2009.
La compétence instaurée par l'article D. 442-3 du Code de commerce est une règle d'ordre public, de sorte qu'un recours porté devant une autre juridiction doit être sanctionné par une fin de non-recevoir soulevée d'office s'il y a lieu par le juge et ce, en tout état de cause.
Concernant la période transitoire qui a donné lieu à des décision divergentes entre les cours d'appel, la Cour de cassation s'est prononcée sur la juridiction d'appel compétente en jugeant qu'une procédure introduite par une assignation délivrée antérieurement au 1er décembre 2009, date de l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, n'est pas soumise aux dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce qui en sont issues et par suite ne relève pas du pouvoir juridictionnel exclusif dévolu à la cour d'appel de Paris (Cour de cassation-chambre commerciale-24 septembre 2013-n° pourvoi 12-24538).
Les appels interjetés par les sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils devant la Cour d'appel d'Aix en Provence sont en conséquence recevables dès lors que l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de l'article D. 442-3 du Code de commerce.
L'appel interjeté en juin 2014 par les sociétés Ducourneau Transports et Ducourneau Jean-Pierre & Fils devant la Cour d'appel de Paris à titre conservatoire ne saurait être valablement considéré comme un acquiescement à l'ordonnance du conseiller de la mise en état, cet acquiescement n'étant ni certain ni sans équivoque dès lors que les appelants ont déféré l'ordonnance devant la cour par conclusions du 19 mai 2014 en concluant à la recevabilité de l'appel devant cette cour et ont repris des conclusions dans le même sens en septembre 2014.
L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée, et les appel interjetés devant cette cour déclarés recevables.
Il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dépens de l'incident seront joints au fond.
Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement et en dernier ressort, Déclare régulier et recevable le déféré devant la cour de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 mai 2014, Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée du 6 mai 2014, Et statuant à nouveau, Déclare recevables les appels interjetés devant la Cour d'appel d'Aix en Provence, Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, Joint les dépens de l'incident au fond.