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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 27 novembre 2014, n° 12-07172

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Amélioration de l'Elevage par l'Insémination et la Sélection (SCA)

Défendeur :

Genes Diffusion (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parenty

Conseillers :

Mme Delattre, M. Brunel

Avocats :

Mes Delahay, Salmon, Dragon,

T. com. Douai, du 24 oct. 2012

24 octobre 2012

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Douai en date du 24 octobre 2012 qui, après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Genes Diffusion, a rejeté l'action en concurrence déloyale de la société Amelis à l'égard de la société Genes Diffusion ;

Vu la déclaration d'appel de la société coopérative agricole (SCA) Amelis (Amélioration de l'Elevage par l'Insémination et la Sélection) en date du 23 novembre 2012 ;

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 novembre 2013 ayant ordonné la production par la société Genes Diffusion, sous astreinte de 50 euro par jour de retard et par document, des documents suivants :

- le contrat travail, les bulletins de paie depuis la date d'embauche jusqu'au mois de juillet 2013 inclus ainsi que la DADS pour les années 2011 et 2012 avec les données nominatives relatives aux salariés suivants :

- M. Rossignol, M. Lemarie, M. Grard, M. Brard, M. Ledoux, M. Ruelle, Mme Giot, M. Paugam ;

Vu les conclusions sur le fond de la société Amelis en date du 8 septembre 2014, aux termes desquelles elle sollicite la réformation du jugement et demande à la cour de dire que société Genes Diffusion se livre à son égard à des actes de concurrence déloyale par un débauchage abusif, de la condamner à lui payer 1 146 090 euro à titre de dommages-intérêts, d'ordonner d'avoir à cesser le démarchage de ses salariés, de proposer des contrats de travail prévoyant le transfert de clientèle contre rémunération, de proposer des primes pour inciter les salariés démarchés à démarcher les anciens collègues, le tout sous astreinte de 10 000 euro par infraction constatée, d'ordonner la modification des contrats travail de messieurs Dufour, Brard, Ledoux, Rossignol, Lemaire, Ruelle, Grard, Paugam, Giot Et Ballet-Bellot en supprimant les primes de transfert d'activité et la prime de transfert d'un autre salarié de la coopérative Amelis et justifier de cette modification par la production d'un avenant signé par la SAS Genes Diffusion et les salariés concernés le tout sous astreinte de 500 euro par jour de retard et par salarié à compter du 30 ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, de condamner la société Genes Diffusion aux dépens et à lui payer la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en réponse sur le fond déposées le 1er octobre 2014 pour la société par actions simplifiée Genes Diffusion aux termes desquelles elle sollicite la confirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de la société Amelis et sa condamnation à lui payer 100 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, dont recouvrement au profit de la SCP Dragon et Biernacki ;

Vu l'ordonnance de clôture du 8 octobre 2014 ;

Référence étant faite au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que la société coopérative agricole Amelis reprochant à la société Genes Diffusion de lui faire une concurrence déloyale par un débauchage abusif de ses salariés, elle l'assignait devant le tribunal de commerce de Douai par acte d'huissier de justice du 31 mai 2011, afin notamment d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 1 037 253, 82 euro de dommages-intérêts ainsi que la cessation sous astreinte des actes de concurrence déloyale, et la modification des contrats de travail de certains des salariés de la société Genes Diffusion, procédure qui donnait lieu au jugement déféré.

Au soutien de son appel, la société Amelis indique en premier lieu que le jugement déféré est définitif s'agissant de la compétence dès lors que la société Genes Diffusion n'a pas régularisé de contredit.

Sur le fond, elle expose que la société Genes Diffusion développe, depuis le 1er août 2010, une nouvelle activité d'insémination bovine dédiée à une conquête des marchés sur l'ouest de la France soit pour une partie de sa zone d'activité principale, mais que cette concurrence est déloyale du fait du débauchage abusif qu'elle pratique depuis cette date.

Elle explique ainsi que onze salariés ont quitté la coopérative, entre 2008 et 2011, essentiellement par démission et de façon concertée, l'objectif étant d'obtenir un départ rapide pour être immédiatement au service de la SAS Genes Diffusion et prospecter les clients qu'ils suivaient habituellement, ce qui a désorganisé la coopérative et perturbé son activité, que les juridictions sociales ont reconnu le départ abusif des salariés et les a contraint à payer des dommages-intérêts correspondant au préavis.

Elle précise que pour faciliter le transfert de clientèle, la SAS Genes Diffusion a demandé aux salariés débauchés de signaler aux clients, pendant leur période de préavis lorsqu'il a été effectué, qu'ils travailleraient dorénavant pour la SAS Genes Diffusion, qu'elle leur a proposé des contrats de travail sans période d'essai, prévoyant un bonus d'activité, un bonus incitant à démarcher d'anciens collègues de travail, la prise en charge des conséquences juridiques et financières éventuelles en cas de difficulté avec l'ancien employeur et ne justifie pas avoir changé de pratique pour monsieur Rouault et madame Delphine qui ont reçu les mêmes modèles de contrat, le PDG de la SAS Genes Diffusion se justifiant en arguant de pièges dressés par les salariés et de sa naïveté.

Elle ajoute que la SAS Genes Diffusion a constitué une équipe de démarcheurs qui harcèlent ses salariés, notamment ses inséminateurs, pour qu'ils rejoignent ses effectifs comme l'attestent messieurs Clouet, Gandais, Delattre, Vaultier, responsables commerciaux ou des ventes dans l'ouest, que 100 % de ses ex salariés ont été engagés sans candidature de leur part, les faits révélant qu'ils ont été contactés directement par les interlocuteurs de la SAS Genes Diffusion pour commencer à travailler pour cette dernière peu de temps après leurs démission ou prise d'acte.

Elle souligne l'importance du débauchage, 10 à 25 % de ses effectifs, qui l'a désorganisée ainsi que sa participation au service universel de l'insémination artificielle animale, d'autant que les inséminateurs qualifiés et opérationnels ont été principalement concernés, 30 % du personnel ayant cette qualification ayant été contacté par la SAS Genes Diffusion sur fond de propos dénigrants ou inquiétants à l'encontre de la coopérative Amelis, de sorte qu'elle a été contrainte de rassurer son personnel, de former de nouveaux salariés par le biais de formations obligatoires longues et onéreuses, délai pendant lequel elle a eu moins d'activité tandis que la SAS Genes Diffusion a pu démarcher ses clients, ce qui lui a occasionné une perte de chiffre d'affaires de 886 856, 61 euro, et une perte de marge de 392 630 euro pour le secteur concerné par le débauchage.

Elle évalue en outre à 50 000 euro le préjudice lié à la perturbation du service universel de l'élevage, et à 400 000 euro le préjudice du droit à l'image

En réponse, la société Genes Diffusion expose qu'il n'y a pas eu désorganisation de la société Amelis, que les salariés débauchés n'ont pas été condamnés pour acte de concurrence déloyale, les clauses de non concurrence stipulées ayant été jugées nulles, mais pour ne pas avoir effectué leur préavis.

Elle précise, d'une part, que la société Amelis a dans ses effectifs 400 salariés dont 240 inséminateurs, que dans ces conditions le départ de 10 salariés ne peut être considéré comme massif ou abusif, d'autre part, qu'elle pratique une politique de recrutement variée et pas seulement des ex salariés de la société Amelis.

Elle ajoute que la société Amelis a rapidement réorganisé le secteur sans préjudice, car elle avait du personnel disponible à proximité comme l'indique le courrier du 27 août 2010 adressé aux clients du territoire.

Elle explique qu'elle a été sollicitée par Vincent Ple qui avait été licencié par la société Amelis, pour avoir refusé une proposition de reclassement, qu'elle s'est fait piéger par la direction d'Amelis qui a envoyé à son contact David Rouaux, et Michel Delphine qui ont prétendu être intéressés par un poste au sein de son entreprise et ont monnayé l'embauche d'une personne supplémentaire de la société Amelis par l'octroi d'une prime exceptionnelle de 1 500 euro à chacun d'eux si cette personne venait, de sorte qu'on ne peut lui reprocher aucune manœuvre déloyale.

Elle indique que parmi les salariés venant de la société Amelis, une personne travaille dans le département 53, deux personnes travaillent dans le département 35, deux personnes travaillent dans le département 14, et cinq personnes travaillent dans le département 50 dont deux étaient inscrites à Pole Emploi (madame Giot et monsieur Paugam), ce qui représente entre 1,4 % et 5,9 % des inséminateurs de la société Genes Diffusion.

Elle conteste les accusations de dénigrement, et tout harcèlement du personnel de la société Amelis, dont les assertions ne sont nullement étayées tandis que de son côté elle multiplie les tentatives de débauchage de personnel.

Elle relève que la société Amelis ne justifie ni de la perturbation du service universel de l'insémination animale, ni d'avoir eu à rassurer les salariés de son entreprise, ni des coûts relatifs à la formation des nouveaux salariés, ni de la perte de chiffres d'affaires, ni qu'une baisse d'activité qui lui serait imputable, ni d'un préjudice pouvant résulter d'une atteinte à son droit à l'image.

S'agissant des demandes de modifications de contrats de travail elles sont irrecevables car relevant du droit du travail et concernant des salariés non parties au procès.

Elle soutient enfin que la société Amelis a fait de la publicité sur son action judiciaire et sollicite des dommages-intérêts considérables dans le seul but de faire pression sur elle et de l'empêcher de se développer sur un territoire dont elle voulait conserver l'exclusivité, ce qui justifie l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive.

SUR CE

La compétence du Tribunal de commerce de Douai n'est plus discutée, aucune des parties ne sollicitant la réformation du jugement sur ce point ;

En conséquence, les dispositions du jugement déféré relatives à l'exception d'incompétence seront confirmées ;

Les sociétés Amelis et Genes Diffusion sont en situation de concurrence car elles exercent toute deux l'activité d'insémination bovine, dans le cadre de laquelle la première reproche à la seconde de pratiquer à son préjudice un débauchage abusif parmi ses salariés inséminateurs pour s'implanter plus facilement dans l'ouest de la France, où elle avait autrefois un monopole, et d'avoir ainsi obtenu le départ de Vincent PLE, ayant quitté la Coopérative Amelis en 2008, Jean-Yves Dufour démissionnaire le 11 mars 2011, Jean-Marie Brard démissionnaire le 10 mars 2011, Anthony Rossignol démissionnaire le 5 août 2010, René Lemarie démissionnaire le 5 août 2010, Lionel Ruelle dont la démission du 3 juin 2011 a été transformée en prise d'acte le 10 juin 2011, Stéphane Grard, démissionnaire le 15 juin 2011 sans préavis avec un départ de l'entreprise le 17 juin 2011, Rémi Paugam dont le départ de l'entreprise le 31 mai 2011 a été précédé d'une prise d'acte du 20 mai 2011, Julie Giot, dont le départ de l'entreprise le 31 mai 2011 a été précédé d'une prise d'acte le 26 mai 2011, madame Ballet Bellot, démissionnaire, et Gilles Gannes, qui a quitté la société Amelis le 1er janvier 2013 pour rejoindre la société Genes Diffusion ;

La société Amelis ne soutient pas que ses salariés débauchés aient été liés à elle par une clause de non concurrence, les décisions prud'homales communiquées aux débats révélant que lorsque des clauses de non concurrence ont été invoquées, elles ont été jugées nulles et non avenues ;

Le principe étant celui de la liberté du travail, il est permis à une société de proposer un nouvel emploi à une personne encore salariée dans une autre entreprise, même si elles exercent toutes deux dans le même secteur ;

Cependant, le débauchage du personnel d'un concurrent peut être constitutif d'un acte de concurrence déloyale s'il est établi, d'une part, l'existence de manœuvres déloyales, d'autre part, que les faits invoqués ont entraîné la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise concurrente ;

Il résulte des décisions rendues par les juridictions prud'homales que si certains salariés ont été condamnés à payer des dommages-intérêts pour ne pas avoir respecté leur préavis, aucun n'a été condamné pour déloyauté à l'égard de son employeur ;

La société Amelis estime que les manœuvres déloyales résultent, d'une part, de la concordance entre le mode de rupture du contrat de travail choisi (la prise d'acte évitant d'effectuer le préavis) et la date d'embauche au sein de la société Genes Diffusion, qui révélerait en outre une concertation, d'autre part, de l'octroi de bonus par la société Genes Diffusion à ses nouveaux collaborateurs venus de la société Amelis en fonction de la clientèle apportée, de l'octroi de bonus exceptionnels par la société Genes Diffusion aux ex salariés de la société Amelis si leurs anciens collègues de travail sur le même territoire rejoignent la société Genes Diffusion, de la stipulation systématique dans les contrats de travails des ex salariés de la société Amelis de clauses prévoyant la prise en charge des conséquences juridiques et financières en cas de litige avec l'ancien employeur, et enfin du harcèlement de ses salariés, ainsi que d'une pratique de dénigrement ;

Les éléments de la procédure révèlent qu'Anthony Rossignol et René Lemarie ont démissionné à la même époque en août 2010, de même que Jean-Yves Dufour et Jean-Marie Brard en mars 2011, Rémi Paugam et Julie Giot en mai 2011, et Lionel Ruelle et Stéphane Grard en juin 2011 ;

Les coïncidences entre la date des départs et les modalités choisies pour quitter l'entreprise et rejoindre la société Genes Diffusion, ne révèlent à elles seules aucune manœuvre déloyale mais doivent être analysées non seulement au regard de l'effectif de la société Amelis en termes d'inséminateurs, mais également du nombre des inséminateurs par région et groupe au sein de la société Amelis, afin d'évaluer une éventuelle désorganisation de la société Amelis, étant précisé que pour sa part, la société Genes Diffusion justifie avoir diffusé des annonces d'emplois destinées à des inséminateurs dès septembre 2010 dans la zone ouest concernée ;

La société Amelis produit aux débats un tableau qui révèle que l'activité des 190 inséminateurs, sur la zone ouest concernée, était répartie en fonction de régions, et de groupes à l'intérieur de ces régions ;

Il résulte de ce tableau, qu'Anthony Rossignol et René Lemarie étaient tous deux affectés au groupe Parigne, comprenant 8 inséminateurs dans la région Sud Manche, comprenant elle-même 73 inséminateurs répartis en 8 groupes, ces départs représentant 25% du groupe Parigne et 3 % de la région Sud Manche ;

Jean-Marie Brard et Jean Yves Dufour sont partis de la société Amelis à la même époque, en mars 2011, mais n'étaient pas affectés au même groupe ;

Jean-Marie Brard était affecté au groupe Cherence le Roussel comprenant 9 inséminateurs, dans la région Sud Manche comprenant 73 inséminateurs ;

Jean Yves Dufour était, quant à lui, affecté au groupe St Hilaire du Harcouet comprenant 9 inséminateurs, dans la même région sud manche ;

Chacun de ces départs a représenté 12 % de l'effectif du groupe concerné, et 3 % de l'effectif de la région sud manche ;

Il en résulte que 6 % de l'effectif des inséminateurs de la société Amelis affectés à la région Sud Manche ont quitté la société Amelis pour rejoindre la société Genes Diffusion, entre août 2010 et mars 2011 ;

Rémi Paugam et Julie Giot étaient affectés au groupe Saint Jean de Daye, comprenant 10 inséminateurs, dans la région cotentin calvados comprenant 40 inséminateurs, leur départ représentant 20 % de l'effectif du groupe et 5 % de l'effectif de la région ;

Lionel Ruelle et Stéphane Grard étaient affectés au groupe Aunay, comprenant 8 inséminateurs, dans la région Cotentin Calvados comprenant 40 inséminateurs, leur départ représentant 25 % de l'effectif du groupe et 5 % de l'effectif de la région ;

Il en résulte que 6 % de l'effectif des inséminateurs de la société Amelis affectés à la région Sud Manche ont quitté la société Amelis pour rejoindre la société Genes Diffusion, entre août 2010 et mars 2011

Compte tenu des effectifs non seulement dans les régions, mais également dans les groupes, les départs répartis sur 10 mois des quelques salariés susvisés, qui ne représentent qu'entre 12 % et 25 % des effectifs en fonction des groupes, ne sont pas suffisamment importants pour être à l'origine d'une désorganisation de la société Amelis, qui ne met d'ailleurs en exergue aucune difficulté d'organisation de son activité dans les différents groupes après ces départs ;

Vincent Ple a quant à lui quitté la société Amelis en 2008, soit bien avant les personnes précédemment visées ;

Il appartenait au groupe Vilaines comprenant 11 inséminateurs, dans la région Mayenne, en comportant 69 ;

Gilles Gannes a quant à lui quitté la société Amelis bien après, soit en janvier 2013, et faisait partie du groupe Moyon comptant 13 inséminateurs, dans la région Cotentin Calvados employant 40 inséminateurs ;

Enfin, Frédérique Ballet Belot faisait partie des 11 inséminateurs du groupe Grez en Bouere de la région Mayenne, sa date de départ n'étant pas précisée ;

Là encore, ces départs, plus espacés, ne représentent qu'un faible pourcentage des effectifs des groupes concernés ;

La société Amelis affirme que du fait de ces départs l'activité de ses groupe a été désorganisée, exposant qu'au regard des dispositions du Code du travail il est difficile de demander à ses salariés d'aller travailler sur le secteur d'un autre groupe ;

Outre, qu'elle ne justifie pas avoir fait une telle demande à ses salariés, elle produit aux débats des contrats de travail qu'elle a établis, aux termes desquels il est prévu que le salarié est rattaché administrativement à un site mais également rattaché géographiquement à une zone ou à une région, beaucoup plus vaste, ce qui ne corrobore pas le manque de souplesse dans la gestion du personnel soutenu par la société Amelis, de même que le courrier qu'elle a adressé le 27 août 2010 à un de ses clients, à la suite du départ de monsieur Lemarie, aux termes duquel il est indiqué que ce dernier est d'ores et déjà remplacé par Mickaël Desperiers ;

Si la société Amelis justifie avoir passé des annonces pour des recrutements et avoir établi 5 contrats de travail, un en juin 2011, deux en juillet 2011, et deux en octobre 2011, elle ne donne aucun élément, ni sur la prétendue désorganisation dans les groupes, ni sur la prétendue perturbation du service universel de l'insémination artificielle animale, étant notamment remarqué qu'aucun courrier de réclamation de clients n'est communiqué aux débats ;

En outre, il résulte des lettres de démission établies par la plupart des salariés de la société Amelis susvisés qu'ils se plaignaient de leurs conditions de travail, ce qui a manifestement motivé leur départ ;

La société Amelis produit plusieurs attestations de ses salariés aux termes desquelles il est indiqué que certains des inséminateurs ayant rejoint la société Genes Diffusion avaient évoqué leur départ pendant la période de préavis et avaient commencé à prospecter pour cette dernière ;

Ces attestations, établies par des salariés de la société Amelis, n'étant étayées par aucun élément objectif, elles sont insuffisantes à établir des manœuvres de détournement de clientèle déloyales de la part des salariés débauchés, en concertation avec la société Genes Diffusion, étant rappelé qu'en l'absence de telles manœuvres, le démarchage de la clientèle de l'ancien employeur n'est pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale ;

Par ailleurs, il n'est pas exclu que certains clients de la société Amelis aient spontanément préféré suivre les inséminateurs qui avaient l'habitude de traiter avec eux, lors de leur départ vers la société Genes Diffusion ;

La société Amelis communique un procès-verbal de constat du 24 mai 2011 relatant que Jérôme Clouet a été contacté par d'anciens collègues de la société Amelis, un autre du 23 mai 2011 indiquant que Florent Houssin et Antoine Caullery avaient été contactés par Vincent PLE ;

Elle produit également plusieurs attestations de ses salariés indiquant que la société Genes Diffusion a contacté plusieurs de ses inséminateurs pour leur proposer des contrats avec des primes en fonction de la reprise de clientèle ;

Ces attestations et procès-verbaux de constat ne sont pas suffisantes pour établir un prétendu harcèlement de 30 % à 60 % des inséminateurs de la société Amelis, ni l'utilisation d'une technique de dénigrement ayant nécessité de rassurer ses employés ;

La société Amelis estime enfin que la société Genes Diffusion commet des actes de concurrence déloyale en octroyant à ses nouveaux collaborateurs venus de la société Amelis un bonus d'apport de clientèle, un bonus exceptionnel si leurs anciens collègues de travail sur le même territoire rejoignent la société Genes Diffusion, et en stipulant systématiquement dans les contrats de travails des ex salariés de la société Amelis, de clauses de confort, des clauses prévoyant la prise en charge des conséquences juridiques et financières en cas de litige avec l'ancien employeur, et en n'imposant pas de période d'essai;

La société Genes Diffusion reconnaît aux termes d'un courrier du 29 mars 2011 octroyer un bonus d'apport de clientèle, expliquant s'être inspirée de la pratique de la société Amelis ;

S'agissant des clauses de confort, de la prime au débauchage d'un salarié exerçant sur le même secteur, et l'absence d'exigence d'une période d'essai, cette pratique résulte de deux courriers du 8 avril 2011, et de projet de contrats de travail joints, qui ont été adressés par la société Genes Diffusion à deux salariés de la société Amelis, David Rouaux et Michel Delphine, qui ne sont néanmoins pas partis rejoindre les effectifs de la société Genes Diffusion, et ne comptent ainsi pas parmi les salariés débauchés dont s'agit ;

La société Genes Diffusion expose qu'il s'agit d'un piège tendu par la société Amelis qui aurait envoyé ses deux salariés afin de faire croire qu'ils étaient intéressés par un emploi au sein de la société Genes Diffusion, en posant de fortes exigences, alors que ce n'était pas vrai ;

Eu égard aux circonstances, il ne peut être exclu que ces courriers et projets de contrat aient été obtenus de façon déloyale ;

Cependant, la société Genes Diffusion n'ayant pas communiqué l'ensemble des pièces visées dans l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 novembre 2013, il est permis d'en déduire que ces pratiques ont été utilisées pour certains salariés, d'autant qu'à l'audience ayant donné lieu à cette ordonnance, le conseil de la société Genes Diffusion a indiqué que l'existence des clauses du contrat travail relevées par Amelis n'était pas contestée ;

Ceci est corroboré par les bulletins de paie et les contrats de travail de Julie Giot et Rémi Paugam produits aux débats, ces derniers ne prévoyant aucune période d'essai ;

Malgré ce contexte, et comme indiqué précédemment, la société Amelis ne démontre ni que le débauchage ait été massif, ni qu'il ait désorganisé son activité ou son personnel, au regard notamment de l'importance de ses effectifs, que ce soit dans les zones ou dans les groupes ;

S'agissant de la clientèle elle est libre de s'adresser à l'entreprise de son choix, et, comme cela a été rappelé , la liberté de la concurrence autorise le démarchage de la clientèle d'un concurrent, la clientèle étant ainsi libre de suivre les anciens salariés, dès lors qu'elle le fait de son plein gré, le concurrent pouvant néanmoins être condamné pour concurrence déloyale si, via d'anciens salariés par lui recrutés, il détourne la clientèle de son concurrent en usant de procédés contraires aux usages du commerce, tels que l'utilisation de publicités interdites, des pressions sur la clientèle ou des actes de dénigrement du concurrent, ce qui n'est pas avéré ;

En outre, en matière de prestations de services, ce qui est le cas en l'espèce, il est admis que le départ d'un salarié puisse naturellement entraîner le départ d'une partie de la clientèle qui lui était fidèle ;

La société Amelis prétend que son chiffre d'affaires aurait baissé et produit aux débats une attestation de son commissaire aux comptes listant des numéros d'éleveurs ayant quitté la société Amelis, ainsi qu'un tableau qu'elle a établi unilatéralement ;

Cependant, elle ne démontre pas que ces départs seraient dus à des manœuvres déloyales à l'égard de sa clientèle de la part de la société Genes Diffusion, et n'allègue ni ne démontre un détournement de la totalité ou d'une partie conséquente de sa clientèle ;

S'il a été précédemment relevé que la société Genes Diffusion ne conteste pas l'existence de primes en fonction de l'apport d'activité, ce qui ne peut être réduit à la clientèle de la société Amelis, il n'en demeure pas moins qu'aucun élément du dossier ne révèle que les éventuels apports de clientèle par les ex salariés d'Amelis à la société Genes Diffusion, résulteraient de pratiques contraires aux usages du commerce, le 'dénigrement invraisemblable' qu'évoque la société Amelis n'étant étayé par aucune pièce de la procédure ;

Il en résulte qu'à défaut d'établir des actes de concurrence déloyale de la part de la société Genes Diffusion, les demandes de dommages-intérêts de la société Amelis pour concurrence déloyale ne sont pas fondées, le jugement déféré devant être confirmé en ce qu'il a débouté la société Amelis de ce chef ;

Elle sollicite par ailleurs la cessation sous astreinte du démarchage de ses salariés, de la proposition de contrats de travail prévoyant le transfert de clientèle contre rémunération et de primes au démarchage d'anciens collègues ;

Or, il a été précédemment exposé qu'il est permis à une société de proposer un nouvel emploi à une personne encore salariée dans une autre entreprise, et non liée à elle par une clause de non concurrence, de sorte que le démarchage des salariés et les primes au démarchage d'anciens collègues ne peuvent faire l'objet d'une interdiction générale, d'autant qu'en l'espèce aucune désorganisation n'est avérée pour la société Amelis ;

Il en est de même pour les primes d'apport de clientèle ;

La société Amelis demande que soit ordonnée sous astreinte la modification des contrats travail de messieurs Dufour, Brard, Ledoux, Rossignol, Lemaire, Ruelle, Grard, Paugam, Giot et Ballet-Bellot en supprimant les primes de transfert d'activité et la prime de transfert d'un autre salarié de la coopérative Amelis ;

Il n'appartient pas à la cour, qui a rejeté les demandes de l'appelante fondée sur la concurrence déloyale, d'ordonner la modification de contrats de travail conclus avec des salariés dont l'avis n'a même pas été recueilli, et qui ne sont pas partie à l'instance ;

En conséquence, la société Amelis sera déboutée de l'ensemble de ses demandes, et le jugement confirmé de ce chef ;

La société Genes Diffusion demande une somme de 100 000 euro de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Néanmoins, elle n'établit aucun acte de malice ou de mauvaise foi de la part de la société Amelis, tandis que l'appréciation inexacte par cette dernière de ses droits, n'est pas en soi constitutive d'une faute ;

Il s'ensuit que c'est par une juste application de la loi que les premiers juges ont débouté la société Genes Diffusion de ses demandes de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé en toutes ses dispositions ;

La société Amelis qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Genes Diffusion les frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, les dispositions du jugement déféré étant confirmées tant au titre de ces dispositions qu'au titre des dépens.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris, Y ajoutant, Déboute la société Amelis de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Amelis à payer à la société Genes Diffusion la somme de 5 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel, Condamne la société Amelis aux dépens d'appel, Autorise, si elle en a fait l'avance sans en avoir reçu provision, la SCP Dragon Biernacki, avocats, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.