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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 11 avril 2013, n° 10-04594

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Piveteau Immobilier (SAS)

Défendeur :

Tual

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapelle

Conseillers :

Mmes Jeorger-Le Gac, Gros

Avocats :

selarl Bazille Jean-Jacques, SCP Brebion Chaudet, Mes Gautier, Helier

TGI Nantes, du 18 mars 2010

18 mars 2010

Le 3 mars 2008, elle a donné à la SAS Piveteau Immobilier un mandat de vente sans exclusivité, au prix de 230 000 euros hors rémunération du mandataire, celle-ci étant fixée à la somme de 15 000 euros.

Les époux Gie ont visité ce logement et ont proposé de l'acquérir au prix de 238 000 euros frais d'agence inclus.

Un représentant de l'agence Piveteau s'est alors déplacé le 1er juillet 2008 au domicile de Madame Tual où cette dernière a signé la proposition, en acceptant la vente au prix de 223 000 euros net vendeur.

Madame Tual est revenue sur son engagement et a refusé de signer le compromis malgré la sommation qui lui était faite par les époux Gie.

C'est dans ce contexte que Madame Tual a fait assigner les époux Gie et la société Piveteau Immobilier devant le Tribunal de grande instance de Nantes aux fins de voir déclarer nul le contrat du 1er juillet 2008. Madame Tual se prévalait des dispositions de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile.

Par jugement du 18 mars 2010, le tribunal a :

- dit que le contrat régularisé le 1er juillet 2008 au domicile d'Annette Tual est nul ;

- condamné la société Piveteau Immobilier à payer à Madame Annette Tual la somme de 3 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ;

- rejeté les demandes formées contre les époux Gie ;

- condamné la société Piveteau Immobilier aux dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Piveteau Immobilier à payer à Madame Annette Tual la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Piveteau Immobilier a formé appel de ce jugement par déclaration du 17 juin 2010 et a intimé Madame Tual.

Vu les conclusions du 6 février 2013 de la société Piveteau Immobilier qui demande à la cour :

- de réformer le jugement du 18 mars 2010, excepté en ce qui concerne la mise hors de cause des époux Gie vis- à-vis de Madame Tual ;

- de dire que le contrat de mandat du 3 mars 2008 est valide;

- de dire qu'en refusant de régulariser l'acte du 1er juillet 2012, Madame Tual a commis une faute envers son mandataire, la SAS Piveteau Immobilier ;

- de condamner à titre principal, Madame Tual à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de son droit à commission ;

- de condamner, à titre subsidiaire, Madame Tual à payer à la SAS Piveteau Immobilier une somme de 15 000 euros de dommages et intérêts;

- de condamner Madame Tual, en tout état de cause, à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner Madame Tual aux dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La SAS Piveteau Immobilier soutient que le tribunal a fait une fausse application de l'article L. 121-21 du Code de la consommation en ce que Madame Tual avait mandaté l'agent immobilier hors de tout démarchage et que la simple circonstance qu'elle ait donné son accord à l'offre des époux Gie, à son domicile ne signifie pas qu'elle ait été démarchée.

Elle soutient ensuite que la charge de la preuve du démarchage appartient à Madame Tual et que celle- ci y est défaillante.

Concernant son droit à commission, la société Piveteau Immobilier considère que les conditions de l'article 6 alinéa 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 sont remplies puisqu'elle dispose d'un mandat et que le mail du 1er juillet 2008 qui lui a été adressé par les époux Gie a reçu l'accord de Madame Tual. Elle soutient qu'à défaut, Madame Tual, en refusant de signer le compromis, à commis une faute envers-elle de nature à lui faire perdre le montant de sa rémunération, et qu'elle doit en être indemnisée.

Vu les conclusions du 11 février 2013 de Madame Tual qui demande à la cour:

- de confirmer le jugement du 18 mars 2010 en ce qu'il a annulé le contrat régularisé le 1er juillet 2008 au domicile de Madame Tual ;

- de dire que ce contrat est nul comme ayant été régularisé consécutivement à un mandat nul, puisque souscrit en violation des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ;

- de condamner la société Piveteau Immobilier à lui payer une somme de 6 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ;

- subsidiairement, d'ordonner avant dire droit la comparution de Madame Motay, salariée de la société Piveteau Immobilier, afin d'entendre celle-ci, serment préalablement déposé, sur les modalités de régularisation du mandat;

- de condamner la société Piveteau Immobilier à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Madame Tual soutient que le mandat de vente a été signé à son domicile, sans qu'aucune des formalités imposées à peine de nullité par la loi du 22 décembre 1972 n'ait été respectée ; qu'il en est de même de son consentement sur le prix proposé par les acquéreurs.

Concernant la charge de la preuve, Madame Tual soutient qu'il appartient à la société Piveteau Immobilier de prouver qu'elle s'est déplacée à l'agence et que l'agent immobilier n'a pas communiqué l'attestation de sa salariée et le carnet de Rendez-vous qui auraient permis d'établir la réalité de ses allégations.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à la décision critiquée et aux dernières écritures des parties.

MOTIFS :

Sur le mandat de vente du 3 mars 2008 :

Aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile : "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention".

Aux termes de l'article 144 du même Code : "Les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge de dispose pas d'éléments suffisants pour statuer".

Il résulte des dispositions de l'article 1341 du Code civil, issu de la loi du n° 80-525 du 12 juillet 1980 et des décrets qui lui sont applicables, que tout acte dont le montant excède 1 500 euros doit être passé devant notaire ou sous signature privée et qu'il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir et dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.

Il résulte enfin des dispositions de l'article 1347 du même Code que cette règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit; qu'on appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué; qu'enfin, peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence de comparution.

En l'espèce, le mandat de vente du 3 mars 2008 est d'un montant de 15 000 euros, ce qui le soumet aux dispositions des articles 1341 et 1347 du Code civil.

Il y est mentionné que ce mandat a été fait au cabinet du mandataire. Il s'ensuit que c'est à Madame Tual qu'il appartient de rapporter la preuve de ce qu'il a en réalité été signé à son domicile.

Madame Tual a fait délivrer à l'agence Piveteau Immobilier une sommation de communiquer un témoignage de salariée, l'original du cahier des appels téléphoniques et l'original de son cahier de Rendez-vous.

Un témoignage de la salariée de la partie contre laquelle la demande est formée qui ne peut être assimilé au témoignage de la partie elle-même, et l'original du cahier des appels téléphoniques de l'agence sur la période du 1er février au 31 mars 2008, ne constituent pas des commencements de preuve par écrit. En revanche, le carnet de rendez-vous constituerait un tel début de preuve.

Néanmoins, Madame Tual, qui pourtant fonde son action sur la violation des règles protectrices du consommateur à l'occasion d'un démarchage, n'avait pas remis en cause la régularité du mandat initial avant d'être intimée en cause d'appel. La lettre de son conseil, adressée à la société Piveteau Immobilier le 15 juillet 2008, soit avant que Madame Tual délivre son assignation, relate le déroulement des faits et ne mentionne aucun démarchage avant la visite du 1er juillet 2008. Ainsi, sa demande de communication apparaît dilatoire et il n'y a pas lieu d'ordonner avant dire droit de mesure d'instruction.

Madame Tual ne rapporte pas la preuve du démarchage à l'occasion du mandat du 3 mars 2008 et celui-ci sera déclaré valide.

Sur l'acte du 1er juillet 2008 :

Vu l'article L. 121-21 du Code de la consommation;

Il est constant que le 1er juillet 2008, c'est à son domicile que Madame Tual a donné son accord à l'offre d'achat des époux Gie pour un montant de 223 000 euros net vendeur.

Contrairement aux allégations de Madame Tual, la circonstance que cet accord, recueilli par l'agent immobilier, soit donné pour un montant inférieur à celui initialement proposé par la venderesse, n'a pas pour effet de conférer à l'acte du 1er juillet 2008 la qualité d'un nouveau mandat. Il s'agit de l'exécution du mandat détenu antérieurement par l'agent immobilier. Par ailleurs, ne constitue pas un acte de démarchage, la transmission faite au domicile du vendeur, d'une offre d'achat par l'agent immobilier auquel un mandat a été précédemment donné. En conséquence, les dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation ne sont pas applicable à l'acte du 1er juillet 2008.

Il s'ensuit que cet acte n'est pas entaché de nullité à raison des dispositions alléguées.

Sur la rémunération de la SAS Piveteau Immobilier :

Vu l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 1134 du Code civil ;

Il est prévu au mandat de vente que la rémunération du mandataire sera de 15 000 euros, à charge de l'acquéreur, en cas de réalisation de l'opération avec un acheteur présenté par le mandataire. En l'espèce, aucune opération n'a été réalisée, ce qui a pour effet que la société Piveteau Immobilier ne peut exiger de rémunération.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Vu les articles 1147 et 1998 du Code civil ;

La société Piveteau Immobilier soutient, sur le fondement des dispositions susvisées, qu'en refusant de régulariser la vente à des conditions qu'elle avait préalablement acceptées, Madame Tual a commis une faute contractuelle envers son mandataire.

Néanmoins, les dispositions de l'article 1998 du Code civil ne sont pas applicables à l'espèce, dès lors que la société Piveteau Immobilier n'avait contracté, au nom de Madame Tual, aucun engagement envers les époux Gie.

En l'espèce, Madame Tual, s'est rétractée avant signature du compromis, d'un accord de vente qu'elle avait donné après lecture d'une offre qui ne correspondait pas à sa proposition initiale. De plus, cet accord avait été donné à une heure tardive pour ce type d'opération, puisque le mail des époux Gie mentionne que le message d'offre d'achat a été effectué à 20 heures 49.

La rétractation litigieuse n'a pas fait obstacle à la poursuite du mandat aux conditions qui avaient été arrêtées initialement entre le mandant et le mandataire. En conséquence, la société Piveteau Immobilier ne démontre pas l'existence de la faute contractuelle qu'elle allègue.

Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Madame Tual:

Madame Tual se borne à alléguer, sans le démontrer, qu'elle a subi un préjudice moral, et sera déboutée de ce chef de demande.

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

Il n'apparaît pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant dans les limites de l'appel ; Infirme le jugement du 18 mars 2010 en ce qu'il a : - Dit que le contrat régularisé le 1er juillet 2008 au domicile d'Annette Tual est nul ; - condamné la société Piveteau Immobilier à payer à Madame Annette Tual née Briand la somme de 3 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ; Statuant à nouveau : -Déboute Madame Tual née Briand de sa demande de mesures d'instruction ; -Dit que le mandat du 3 mars 2008 et l'accord pour vendre du 1er juillet 2008 sont valides au regard des dispositions du Code de la consommation sur le démarchage ; -déboute la société Piveteau Immobilier de ses demandes en paiements ; -Déboute Madame Annette Tual née Briand de sa demande de dommages et intérêts ; Y ajoutant ; - Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; -condamne la société Piveteau Immobilier aux dépens en cause d'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.