ADLC, 24 novembre 2014, n° 14-DCC-172
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle par la société d'exploitation Amidis et Compagnie de la société Pasdel
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 5 novembre 2014, relatif à la prise de contrôle par la société d'exploitation Amidis et Compagnie de la société Pasdel, formalisée par un protocole d'accord en date du 23 octobre 2014 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La société Amidis et Cie est une filiale de Carrefour, groupe actif dans la distribution à dominante alimentaire. En France, le groupe Carrefour exploite des hypermarchés sous enseignes Carrefour et Champion et des supermarchés sous enseignes Champion et Carrefour Market. Il exploite également des magasins de proximité sous enseigne Carrefour City, Carrefour Contact, Shopi, 8 à Huit, Marché plus et Proxi. Carrefour conclut également, avec des sociétés exploitant des magasins de commerce de détail à dominante alimentaire, des contrats d'enseigne et d'approvisionnement qui permettent à ces sociétés d'exploiter leurs points de vente sous l'une des enseignes du groupe Carrefour, de s'approvisionner auprès de ses centrales d'achat, de bénéficier de conditions d'achat négociées par Carrefour auprès de fournisseurs référencés par Carrefour, et de bénéficier des services offerts par Carrefour. Enfin, Carrefour a notifié la prise de contrôle exclusif des activités du groupe Dia en France le 25 septembre 2014.
2. Pasdel est une société active dans la distribution à dominante alimentaire. Contrôlée avant l'opération par les consorts Deleau/Sellie, elle exploite, via la société Dorel, dont elle détient le contrôle exclusif, un point de vente anciennement sous enseigne Intermarché, situé à Crouy dans l'Aisne (02). .
3. L'opération notifiée, formalisée par le protocole de cession en date du 23 octobre 2014, consiste en l'acquisition par la société Amidis et Cie des titres de la société Pasdel détenus par les consorts Deleau/Sellie.
4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société Pasdel et de sa filiale, la société Dorel, par la société Amidis et Cie, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euros (Carrefour : 74,89 milliards d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2013 ; Pasdel : 23,3 millions d'euros pour le même exercice). Les entreprises concernées réalisent en France dans le secteur du commerce de détail un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euros (Carrefour : 35,4 milliards d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2013 ; Pasdel : 23,3 millions d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle applicables au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Selon la pratique décisionnelle des autorités nationale (1) et communautaire (2) de la concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.
A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. LES MARCHÉS DE SERVICE
7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales, ont distingué six catégories de commerces en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés :
(i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m², les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m² et les supérettes comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente (3) inférieure à 400 m² et supérieure à 120 m².
9. En l'espèce, la société Dorel exploite un magasin sous enseigne Intermarché et occupe une surface de vente de 4 000 m² depuis son transfert agrandissement le 27 août 2013. Ce point de vente rentre donc dans la catégorie des hypermarchés.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
10. Il ressort de la pratique décisionnelle (4) que les conditions de la concurrence relatives aux supermarchés et hypermarchés s'apprécient sur deux zones différentes selon la taille des magasins :
- un marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs ;
- un second marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux.
11. Les autorités de concurrence considèrent que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. En effet, si le service rendu globalement par les hypermarchés (diversité des produits, profondeur des gammes, accessibilité, prix bas) est spécifique et n'est rendu par aucune autre forme de commerce, le critère de taille qui détermine, entre les supermarchés et les hypermarchés, l'étendue de l'assortiment des gammes, doit être utilisé dans chaque cas avec précaution, des magasins dont la surface est située à proximité du seuil qui sert à les distinguer (2 500 m²), soit en dessous, soit au-dessus, pouvant se trouver, dans les faits, en concurrence directe. Sont donc prises en considération les conditions dans lesquelles le marché fonctionne effectivement, notamment le fait que, dans un certain nombre de configurations géographiques, un hypermarché peut être habituellement utilisé par certains consommateurs comme un magasin de proximité, en substitution d'un supermarché. En revanche, la réciproque n'est presque jamais vérifiée et l'est d'autant moins que la taille de l'hypermarché en question est importante.
12. L'Autorité rappelle toutefois de façon constante que ces délimitations sont susceptibles d'évoluer au cas par cas, en fonction des caractéristiques de la zone locale. L'attractivité de magasins de même format peut varier selon la densité et la qualité de l'équipement commercial d'une zone. Les caractéristiques socio-économiques de la zone concernée (densité de la population, activité économique, géographie, état du réseau routier) peuvent également conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
13. En l'espèce, le magasin concerné entre dans la catégorie des hypermarchés et l'analyse concurrentielle sera donc menée (5) sur un marché comprenant uniquement les hypermarchés, d'une part, et un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²), d'autre part.
B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
14. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (6).
15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DÉTAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE
16. Le marché comprenant uniquement les hypermarchés situés à moins de 30 minutes en voiture du magasin cible représente une surface de vente commerciale de plus de 42 000 m². Le magasin cible représente environ 9 % de ces surfaces. Outre la cible, trois hypermarchés sous enseigne Carrefour sont présents dans cette zone. La part de marché cumulée des parties atteint donc près de 40 %.
17. Dans la zone de chalandise considérée, le groupe Carrefour devra néanmoins faire face à la concurrence d'hypermarchés concurrents exploités sous les enseignes des groupes Leclerc (20 % des surfaces), Cora/Match (26 %), Intermarché (6,5 %) et Casino (6,5 %).
18. Le marché comprenant l'ensemble des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour du magasin cible représente une surface de vente commerciale de plus de 26 000 m². Le magasin cible représentera environ 15 % des surfaces de vente de cette zone.
19. L'opération emporte un chevauchement avec d'autres magasins détenus par le groupe Carrefour dans la mesure où sont pris en compte les magasins sous enseigne Dia situés dans cette zone, lesquels font l'objet d'une prise de contrôle exclusif par le groupe Carrefour dans le cadre d'une opération notifiée le 25 septembre 2014 en cours d'examen par l'Autorité de la concurrence. En tenant compte de ces magasins, Carrefour représenterait environ 22,5 % des surfaces de vente de la zone de chalandise à l'issue de l'opération. En outre, Carrefour fera face dans cette zone à la concurrence de points de vente exploités sous les enseignes des groupes Cora/Match (42 % des surfaces), Casino (14 %), Intermarché (8 %), et Lidl (6 %).
20. Au vu de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les zones de chalandise définies autour du magasin cible.
B. MARCHÉAMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
21. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, il convient d'indiquer que l'opération est limitée à un magasin ne représentant qu'une partie marginale du chiffre d'affaires réalisé par le groupe Carrefour en France. L'acquisition du contrôle exclusif des sociétés Prasdel et Dorel n'est donc pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe Carrefour, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
22. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de la distribution.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-197 est autorisée.
Notes :
1 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises, et la décision n°12-DCC-125 du 27 août 2012 relative à la prise de contrôle conjoint de 28 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire par l'Union des Coopérateurs d'Alsace et l'Association des Centres Ditributeurs E.Leclerc.
2 Voir notamment la décision de la Commission européenne M. 1221, Rewe / Meinl du 3 février 1999 et M. 1684, Carrefour / Promodès, du 25 janvier 2000.
3 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-112 précitée.
4 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-04 du 28 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mafical par la société ITM Alimentaire Région parisienne ; la décision n°11-DCC-05 du 17 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distri Sud-Ouest par la société Retail Leader Price Investissement ; la décision n°11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de l'hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais, et la décision n°12-DCC-63 précitée.
5 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises, n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, et n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013, relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.
6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C.2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C.2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008 ; ainsi que les décisions de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-45, 11-DCC-05 et 11-DCC-04 précitées.