Cass. 1re civ., 10 décembre 2014, n° 10-19.923
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Jeca (Sté)
Défendeur :
Milco (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Le Gall
Avocat général :
M. Sudre
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 avril 2010), que la société Milco qui a pour activité la fabrication industrielle et la commercialisation de préparations alimentaires, est titulaire de la marque "mousserelle", déposée le 1er septembre 1990 et enregistrée sous le n° 1 721 381, et de la marque "mousserelle aux trois saveurs" déposée le 27 avril 2006 et enregistrée sous le n° 06 3425 781 ; qu'elle a entretenu jusqu'en 2006 des relations commerciales avec la société Jeca, qui commercialise et distribue des produits de charcuterie, dont les préparations "mousserelle" ; que, reprochant à la société Jeca de commercialiser une terrine sous la dénomination "Mousse savourelle aux trois saveurs", la société Milco l'a assignée en contrefaçon et en concurrence déloyale ;
Attendu que le premier moyen, pris en sa première branche, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, après délibération de la chambre commerciale : - Attendu que la société Jeca fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable de la contrefaçon de la marque "mousserelle aux trois saveurs" et de lui interdire d'utiliser cette dénomination, alors, selon le moyen, que la dénomination "mousse savourelle aux trois saveurs" n'étant pas identique à la marque déposée "mousserelle aux trois saveurs", le risque de confusion devait être apprécié globalement en considération de l'impression d'ensemble produite par la marque et en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; que la cour d'appel qui a déduit le caractère contrefaisant de la dénomination "mousse savourelle aux trois saveurs" de la similitude visuelle et auditive qu'elle a relevée entre les néologismes savourelle et mousserelle sans prendre en considération l'impression d'ensemble produite par la marque au regard de l'impression d'ensemble produite par la dénomination et sans tenir compte de leurs éléments distinctifs et dominants, a privé de base légale sa décision au regard des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle interprétés à la lumière de l'article 5 § 1 b) de la Directive 89-104-CEE du 21 décembre 1988 du Conseil ;
Mais attendu qu'après avoir retenu, par motifs propres et adoptés, que le terme "mousse savourelle" qui juxtapose au nom commun "mousse" le néologisme "savourelle" crée, tant sur le plan visuel qu'auditif, un risque de confusion avec la marque "mousserelle", la seule consonance de "savou-" ne suffisant pas à écarter la similitude phonétique, et que la protection de la marque "mousserelle aux trois saveurs" s'applique à l'expression prise dans son entier et non dans ses éléments pris séparément, l'arrêt retient que la société Jeca ayant commercialisé un produit sous la dénomination "mousse savourelle aux trois saveurs", il s'en déduit que la marque "mousserelle aux trois saveurs" a été contrefaite ; qu'il retient encore que les produits sont similaires s'agissant de la même préparation intercalant trois mousses sous la même présentation prenant la forme d'une bûche trapézoïdale ; qu'en l'état de ces constatations souveraines faisant ressortir une appréciation globale du risque de confusion en considération de l'impression d'ensemble produite par les signes en litige compte tenu de leur similitude et de celle des produits, en tenant compte également de leurs éléments distinctifs et dominants, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que pour déclarer la société Jeca responsable de contrefaçon artistique et lui faire interdiction d'utiliser la photographie litigieuse, l'arrêt retient que cette photographie, qui représente un pâté rond et un pâté en forme de trapèze avec la mention "mousserelle" écrite dans un cartouche sur le dessus, dans le cadre d'une composition élaborée, les produits présentés étant disposés dans un décor soigné, a manifestement une originalité ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la photographie portait l'empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen : Casse et Annule, mais seulement en ce que l'arrêt a déclaré la société Jeca responsable de contrefaçon artistique et lui a interdit d'utiliser sous quelque forme que ce soit, la photographie du produit dénommé "Mousserelle aux trois saveurs", l'arrêt rendu le 27 avril 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la société Milco aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande de la société Milco et la condamne à payer à la société Jeca la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.