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Décisions

CA Aix-en-Provence, 17e ch. B, 18 décembre 2014, n° 14-02113

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dalle

Défendeur :

DSF Technologies (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Masia

Conseillers :

Mmes Poirine, Peltier

Avocats :

Mes Freundlich-Le Thanh, Delplancke

CPH Grasse, du 23 mai 2012

23 mai 2012

Monsieur François Dalle a été employé en qualité d'ingénieur technico-commercial, statut cadre, position III A de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, à partir du 1er juillet 2008 par la SARL DSF Technologies.

Par avenant au contrat de travail en date du 19 janvier 2010, le commissionnement du salarié a été redéfini.

Par lettre du 25 janvier 2010, Monsieur François Dalle a donné sa démission et a sollicité, le 1er février 2010, que son préavis soit écourté à la date du 26 février 2010.

En application de la clause de non concurrence, la SARL DSF Technologies a versé au salarié la contrepartie pécuniaire de ladite clause.

La SARL DSF Technologies, ayant appris que Monsieur François Dalle travaillait en qualité de directeur commercial pour une société concurrente TTS située à Carros venant d'adjoindre dans ses produits une gamme de LED, a sollicité le Président du tribunal de grande instance de Grasse, par requête du 7 mai 2010, aux fins de désigner un huissier de justice pouvant se faire assister d'un expert en informatique chargé d'intervenir au domicile de Monsieur François Dalle et dans les locaux de la société TTS et de constater et décrire l'état et le contenu des fichiers informatiques détenus par Monsieur Dalle et la société TTS concernant les gammes de produits LED d'éclairage intérieur et extérieur. Un huissier de justice a été mandaté et a établi un procès-verbal de constat le 2 juillet 2010.

Après avoir saisi la formation de référé, qui par ordonnance du 14 janvier 2011 a dit n'y avoir lieu à référé, la SARL DSF Technologies a saisi au fond le conseil de prud'hommes de Grasse d'une demande d'indemnisation au titre de la violation par Monsieur François Dalle de la clause de non concurrence.

Par jugement du 23 mai 2012, le Conseil de prud'hommes de Grasse a dit que la clause de non concurrence figurant à l'article 5 du contrat de travail de Monsieur François Dalle devait être appliquée, a dit que Monsieur François Dalle avait manqué à son obligation de loyauté, a condamné Monsieur François Dalle au paiement des sommes nettes de :

- 10 000 euro au titre du non-respect de la clause de non concurrence,

- 4 590,13 euro au titre du remboursement de la répétition de l'indu,

- 10 000 euro au titre de la violation de la clause de non concurrence,

Et a condamné Monsieur François Dalle au paiement de la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Monsieur François Dalle conclut à la réformation en toutes ses dispositions du jugement aux fins de voir déclarer et juger non fondées les demandes d'indemnisation de l'intimée concernant la violation de la clause de non concurrence et le manquement à l'obligation de loyauté, de voir débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions, à la condamnation de l'intimée au paiement de la somme de 30 000 euro à titre de dommages intérêts pour préjudices financiers et moraux subis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et à la condamnation en outre de l'intimée au paiement de la somme de 2 000 euro en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir que son emploi effectif au sein de la SARL DSF Technologies était de se charger de l'électronique embarquée véhicule, dont il était un spécialiste depuis six ans, que la LED n'était pas une activité dominante de DSF, qu'il n'a jamais été spécialiste de la LED, que la société TTS a par ailleurs répondu à la société DSF qu'il avait été recruté pour une activité transversale sur l'ensemble de ses productions routières, autoroutières, urbaines et transport qui ne sont pas concurrentes aux activités de la société DSF, que la société TTS est au surplus une spécialiste de la Led depuis 2002, que la société TTS n'est absolument pas une société concurrente de DSF tant et si bien que cette dernière ne l'a jamais inquiétée, que l'expert a constaté que les données emportées par le salarié à son domicile n'ont pas été utilisées chez TTS et qu'il n'a pas été trouvé de documents provenant de DSF chez TTS, qu'il a utilisé une matrice modèle d'évaluation (matrice vide) pour l'une comme pour l'autre société et qu'il est faux de dire qu'il a utilisé une matrice d'évaluation stratégique réalisée pour le compte de la société DSF au bénéfice de la société TTS, qu'enfin aucune sollicitation de la clientèle de DSF n'a été effectuée par le salarié, les clients de DSF étant totalement différents des clients de TTS, que la SARL DSF Technologies est de mauvaise foi, que le résultat a été qu'il a perdu son emploi dans la nouvelle société et que, devant la mauvaise foi absolue de la SARL DSF Technologies et son comportement quasi délictuel, il est sollicité sa condamnation au paiement de la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

La SARL DSF Technologies conclut à la confirmation partielle du jugement déféré aux fins de voir constater la violation par Monsieur François Dalle de la clause de non concurrence et de voir constater que Monsieur François Dalle a commis des agissements de concurrence déloyale, en conséquence, à la condamnation de Monsieur François Dalle à lui verser :

- 20 000 euro de dommages intérêts pour violation de la clause de non concurrence,

- 4 590,13 euro en restitution de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence qui lui a été versée jusqu'à ce jour,

- 72 000 euro de dommages intérêts pour concurrence déloyale,

à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné le salarié à lui payer la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et à la condamnation de Monsieur François Dalle à lui payer une indemnité supplémentaire de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en appel, outre les entiers dépens.

La société intimée fait valoir que Monsieur François Dalle était chargé de la prospection de nouveaux marchés, qu'elle lui a confié en juillet 2009 la mission de création d'une activité de distribution de LED d'éclairage intérieur et extérieur, qu'en décembre 2009 le salarié a remis les résultats de son étude, qu'il était alors établi une matrice d'évaluation stratégique et une présentation sous format power point du plan d'action stratégique, que ces documents sont la propriété de la société DSF, qu'il résulte du constat d'huissier de justice que l'ordinateur de Monsieur François Dalle contenait la matrice d'évaluation stratégique réalisée pour le compte de la société DSF, que de même il a été retrouvé chez TTS un fichier power point qui est un copier-coller du document provenant de DSF, que la société concluante a découvert que la société TTS avait dans son catalogue des LED d'éclairage intérieur et extérieur identiques à ceux que Monsieur François Dalle avait pendant plusieurs mois recherchés et sélectionnés pour le compte de la société DSF, que les deux sociétés mêmes si elles n'ont pas un objet social strictement identique, ont bien des activités similaires et par conséquent concurrentes, que Monsieur François Dalle travaille bien chez TTS dans le domaine des LED, que Monsieur François Dalle ne conteste plus la validité de la clause de non concurrence, que le salarié a par ailleurs incontestablement commis des agissements de concurrence déloyale en s'appropriant des documents stratégiques et confidentiels appartenant à la société DSF, qu'au surplus il a débauché Monsieur MUS qui avait collaboré avec lui sur le développement de l'activité LED au sein de DSF, que la société concluante a perdu un important client, la société EFFIA, au profit de la société TTS et qu'elle doit être reçue en ses demandes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur la clause de non concurrence :

Monsieur François Dalle, qui ne conteste plus en cause d'appel la validité de la clause contractuelle de non concurrence, soutient que son emploi effectif au sein de la SARL DSF Technologies était de se charger de l'électronique embarquée véhicule dont il était un spécialiste depuis six ans (selon son CV versé aux débats) et que la société TTS, au sein de laquelle il a exercé une activité transversale, n'était pas une société concurrente de la SARL DSF Technologies.

Cependant, il ressort tant de divers courriels produits par la société intimée (courriel du 14-05-2009 de François Dalle relatif à une proposition de Relamping d'éclairage avec des barres LED, courriel de François Dalle du 27-11-2009 concernant l'envoi de fiches LEDS, courriel adressé le 9-11-2009 à François Dalle relatif à une invitation à Hong Kong quant à l'exposition de LED TUBE) que d'un compte rendu d'entretien du 23 décembre 2009 de Jean-Marc PIANO avec François Dalle concluant au développement de DSF sur l'année 2010 avec des actions offensives sur certaines gammes, dont la gamme d'éclairage LED intérieur au extérieur, ainsi que de l'avenant au contrat de travail de Monsieur François Dalle du 19 janvier 2010 définissant sa rémunération variable notamment sur les nouveaux clients de la gamme des LED d'éclairage intérieur et extérieur que Monsieur François Dalle s'occupait, au moins en partie, du développement commercial des produits LED au sein de la SARL DSF Technologies.

Il n'est pas discuté que la société TTS développe également une activité de commercialisation de produits LED, cette société se présentant d'ailleurs comme une spécialiste de la LED depuis 2002, en sorte qu'elle exerçait bien une activité concurrente de celle de la SARL DSF Technologies.

S'il est prétendu par l'appelant qu'il a été employé par la société TTS pour exercer une activité transversale sur l'ensemble des produits routiers de cette entreprise, il ressort cependant du procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 2 juillet 2010 que l'expert en informatique a trouvé sur l'ordinateur de Monsieur François Dalle, dans les locaux de la société TTS, des documents [matrice d'évaluation stratégique, tarifs/fiches LED et dossiers marketing LED It GREEN (gamme LED de TTS) postérieurs au 1er mars 2010] en rapport avec l'activité de vente de LED.

Il s'ensuit que Monsieur François Dalle, embauché le 1er mars 2010 par la société TTS en qualité de directeur commercial, a assuré également au sein de cette société le développement de l'activité LED.

Or, il était tenu en vertu de l'article 5 de son contrat de travail du 27 juin 2008 le liant à la SARL DSF Technologies à une obligation de non concurrence lui interdisant pendant une période d'un an " d'entrer au service d'une entreprise concevant, fabricant ou vendant des produits pouvant concurrencer ceux de la société DSF Technologies ", obligation en contrepartie de laquelle il a perçu après la cessation de son contrat de travail une indemnité de 5/10èmes de sa rémunération moyenne mensuelle, soit 4590,13 euro nets.

Le salarié ayant été employé dès le 1er mars 2010 par la société TTS, il convient d'ordonner le remboursement par Monsieur François Dalle de la somme de 4 590,13 euro perçue indûment en contrepartie de la clause de non concurrence qu'il n'a pas respectée.

La SARL DSF Technologies, qui réclame au surplus une indemnisation de 20 000 euro correspondant à la pénalité financière forfaitaire de 6 mois de salaire prévue à l'article 5 du contrat de travail en date du 27 juin 2008, fait valoir qu'elle a subi un lourd préjudice et que les frais et investissements réalisés par elle sont compromis par l'activité directement concurrente menée par Monsieur François Dalle au sein de la société TTS.

La société intimée ne verse cependant aucun élément précis sur le préjudice qui résulterait de la perte de clientèle. Or, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 2 juillet 2010 que, d'une part, le catalogue TTS 2010 contient des références à des systèmes d'éclairage de chantier à LED déjà contenues dans le catalogue 2009, qu'il n'est pas établi que les produits présentés sur le site Web de la société TTS soient issus de DSF et que les données trouvées sur l'ordinateur au domicile de Monsieur François Dalle provenant de DSF n'ont pas été utilisées chez TTS. Il est simplement mentionné que, parmi 11 fournisseurs mentionnés dans le fichier " Visite Chine avril 2010.com ", il est retrouvé 3 fournisseurs de DSF alors que les fournisseurs de DSF ne se retrouvent pas dans les fournisseurs visités en 2009 par TTS (dans le répertoire " Dpt Photon Led it Green/Concurrence "). La société intimée affirme enfin, sans le démontrer, avoir perdu un important client, la société EFFIA, au profit de la société TTS ; cependant, il est indiqué dans le procès-verbal de constat d'huissier de justice que " des références à la société client EFFIA ont été trouvées, mais il s'agit de dossiers datant de 2007 ".

Au regard du préjudice subi par la SARL DSF Technologies, l'indemnité prévue à titre de pénalité au contrat de travail de Monsieur François Dalle est manifestement excessive et la Cour alloue à la société intimée 4000 euro à titre de dommages intérêts pour non-respect de la clause de non concurrence.

Sur la concurrence déloyale :

La SARL DSF Technologies fait valoir que Monsieur François Dalle a non seulement violé la clause de non concurrence figurant à son contrat de travail mais qu'il a en outre commis des actes de concurrence déloyale, qu'il n'a pas hésité à s'approprier des documents stratégiques et confidentiels appartenant à la société DSF (la matrice d'évaluation stratégique, le fichier power point), qu'il a utilisé ces documents que la société concluante avait mis plusieurs mois à élaborer et qui contenaient des informations confidentielles sur les projets de la société DSF, de même que Monsieur François Dalle n'a pas hésité, pour désorganiser et déstabiliser davantage la société DSF, à débaucher Monsieur MUS qui avait collaboré avec lui au sein de DSF sur le développement de l'activité LED.

Monsieur François Dalle indique avoir utilisé pour chacune des deux sociétés une matrice modèle d'évaluation, vide, comme il a déjà utilisé un tel instrument d'évaluation en 2005 (matrice d'évaluation des cibles MG2 en pièce 11), qu'il n'a donc pas utilisé la matrice d'évaluation stratégique réalisée pour le compte de la société DSF, qu'il y a eu aucune utilisation des savoirs et connaissances acquises par lui au sein de DSF et aucune activité commerciale déloyale, qu'il n'a aucunement sollicité la clientèle de DSF, les clients de TTS étant totalement différents des clients de DSF.

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 2 juillet 2010 qu'il a été retrouvé sur l'ordinateur de Monsieur François Dalle, dans les locaux de la société TTS, un fichier " provenant de DSF ", à savoir la matrice d'évaluation stratégique, et sur le réseau TTS un document power point nommé " PA LED IT GREEN.ppt " du 23-06-2010, l'expert en informatique indiquant que ce document est un copier-coller du plan d'actions stratégiques de DSF et précisant même que " ce copier-coller est assez maladroit car il contient des références à DSF ".

Si l'expert en informatique indique que " rien ne permet de dire que ce document (power point) ait été diffusé ni utilisé ", il n'en reste pas moins que ce document ainsi que la matrice d'évaluation stratégique " provenant de DSF ", propriétés de DSF, ont été importés par Monsieur François Dalle au sein de la société TTS. D'ailleurs, sur interrogation de la société DSF, le conseil de la société TTS a répondu le 7 novembre 2011 que " ces deux fichiers (avaient) été apportés par Monsieur JF Dalle' (lequel) a assuré à la société TTS que ces fichiers lui appartenaient en propre et qu'il était libre de les utiliser à sa convenance ".

Il est donc établi que Monsieur François Dalle, en utilisant au sein de la société TTS des documents appartenant à la société DSF, a commis des agissements déloyaux dont le préjudice en résultant sera réparé par l'allocation de 6000 euro à titre de dommages intérêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, Reçoit les appels en la forme, Confirme le jugement en ce qu'il a dit que Monsieur François Dalle avait violé l'obligation contractuelle de non concurrence et avait exercé une concurrence déloyale et en ce qu'il a condamné Monsieur François Dalle à rembourser à la SARL DSF Technologies 4 590,13 euro en répétition de l'indu au titre de la contrepartie de la clause de non concurrence et à payer à la SARL DSF Technologies 1000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le Réforme pour le surplus, Condamne Monsieur François Dalle à payer à la SARL DSF Technologies, 4 000 euro de dommages intérêts pour non-respect de la clause de non concurrence, 6 000 euro de dommages intérêts pour agissements déloyaux, Condamne Monsieur François Dalle aux dépens d'appel et à payer à la SARL DSF Technologies 1 000 euro supplémentaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.