ADLC, 8 octobre 2014, n° 14-DCC-147
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Stradis et Stradis Drive 1 par la société Strafi aux côtés de l'Association des centres distributeurs E. Leclerc
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 22 août 2014 et déclaré complet le 3 septembre 2014, relatif à la prise de contrôle conjoint des sociétés Stradis et Stradis Drive 1 par la société Strafi aux côtés de l'Association des centres distributeurs E. Leclerc, formalisée par une convention de cession d'actions en date du 30 juillet 2014 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. LES ACQUÉREURS ET LA CIBLE
1. Strafi est une société par actions simplifiée, créée pour les besoins de l'opération détenue majoritairement par M. Bindou et Mme Bindou Eichhacker (ensemble " les consorts Bindou "). Le solde est détenu par M. Daniel Prunier, ainsi que les sociétés Lure Distribution, Mudis, Sodirem, Contrexedis, Chaumondis et Scapalsace qui, outre la centrale d'approvisionnement régionale Scapalsace, sont ou représentent des sociétés d'exploitation de magasins sous enseigne Leclerc. Les consorts Bindou n'exploitent pas d'autre magasin de commerce de détail à dominante alimentaire. Ils projettent cependant d'acquérir un supermarché d'une surface de 1 700 m² situé à Strasbourg, actuellement détenu par la société Hypercoop, elle-même contrôlée exclusivement par l'ACDLec.
2. L'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc (ci-après, l'" ACDLec ") est l'organe stratégique du mouvement Leclerc (1), auquel sont adhérentes toutes les personnes physiques qui dirigent les sociétés d'exploitation des magasins Leclerc. L'ACDLec détermine notamment les conditions d'agrément au mouvement Leclerc et signe les contrats d'enseigne dont doivent être titulaires les exploitants de magasins de commerce de détail E.Leclerc.
3. Stradis est une société par actions simplifiée exploitant, sous enseigne Leclerc, un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire d'une surface de vente de 4 500 m2 situé à Strasbourg (67). Son capital est actuellement détenu à [...] % par M. Jean Ferry. Stradis détient [...] % du capital de Stradis Drive 1, une société par actions simplifiée exploitant, sous enseigne E. Leclerc, un drive situé à Strasbourg (67).
2. LE CONTRÔLE DES ENTITÉS CONCERNÉES
4. Il est soutenu dans la notification que l'ACDLec n'exerce aucun contrôle sur la société Stradis, et donc sur la société Stradis Drive 1, ni avant ni après l'opération. Cette société serait donc actuellement exclusivement contrôlée par M. Jean Ferry et l'opération notifiée consisterait en la prise de contrôle exclusif de Stradis par Strafi.
5. Néanmoins, comme l'Autorité de la concurrence l'a relevé dans de précédentes décisions (2), les obligations que l'ACDLec fait peser sur les sociétés d'exploitation lui permettent d'exercer une influence déterminante sur celles-ci. Cette analyse de l'influence déterminante exercée par l'ACDLec est transposable à la présente opération au vu des différents documents contractuels liant Stradis à l'ACDLec.
6. En premier lieu, l'ACDLec constitue une entreprise au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du code de commerce dans la mesure où elle exerce une activité économique consistant notamment, d'après les dispositions de ses statuts (3), à (i) définir la politique d'enseigne, (ii) protéger et promouvoir le panonceau " Centre Distributeur E.Leclerc ", (iii) contrôler soit pour elle-même, soit pour le compte de toute société commerciale groupant les centres distributeurs Leclerc, les conditions de la gestion de ces dernières ou des centres E. Leclerc qui en sont associés et (iv) contribuer à la création de tout organisme de nature à favoriser l'activité, la solidarité et la sécurité de ses adhérents.
7. En second lieu, la détention par l'ACDLec d'un contrôle conjoint sur Stradis, avant et à l'issue de l'opération, ressort d'un faisceau d'indices reposant notamment sur la possibilité pour l'ACDLec d'intervenir dans la nomination et la révocation du président de cette société et des membres de son conseil de parrainage, dans sa politique commerciale et sur les cessions d'actions de cette dernière.
La possibilité d'intervenir dans la nomination, la révocation, et l'exclusion du président de Stradis
8. L'ACDLec dispose d'un droit de veto sur la nomination et l'exercice des fonctions du président de la société Stradis. Les statuts (4) de cette société prévoient qu'un " conseil de parrainage " (5) nomme (à la majorité simple) et révoque (à l'unanimité) le président de chacune des sociétés, alors que ce dernier assume également " la direction générale de la société ". Ce conseil de parrainage dispose également du droit de se faire communiquer tous documents et informations et de donner son avis sur plusieurs questions stratégiques (acquisition ou cession de bien ou droit immobilier, investissement supérieur à 1 million d'euros, budgets de la société) (6).
9. Il ressort de ces stipulations que l'ACDLec est en mesure d'exercer, à travers son comité de parrainage, un contrôle sur Stradis. Les membres du comité de parrainage sont, outre la centrale régionale d'approvisionnement Scapalsace, tous des associés dirigeants de centres E. Leclerc ou personnes morales dont le représentant est dirigeant de centre E. Leclerc, et donc liés à l'ACDLec par des contrats de panonceau ou d'enseigne (7). Les membres du comité de parrainage apportent également leur cautionnement aux dirigeants de centres E. Leclerc dans le cadre d'une convention de parrainage (8), qui indique " qu'en raison de l'aide fondamentale fournie sous diverses formes par le Mouvement LECLERC et par les Parrains de l'adhérent, il a été prévu [...] des fonctions de contrôle, de surveillance ou de décision au profit des Parrains, au sein de ladite Société " (9). En outre, il ressort des conventions de parrainage que les dirigeants des sociétés d'exploitation n'auront pas d'influence sur l'évolution de la composition du conseil de parrainage dans la mesure où " le parrainé s'interdit de proposer la révocation d'un ou plusieurs parrains membres du conseil de parrainage de [sa] société " et " s'interdit, de manière générale, toute attitude ayant pour but, sinon pour fin, d'évincer les parrains "(10).
10. Plus généralement, seuls les membres de l'ACDLec (ou les sociétés d'exploitation qu'ils dirigent) peuvent exploiter un magasin sous enseigne E.Leclerc, adhérer au Galec ou à une société coopérative d'approvisionnement générale du mouvement Leclerc, ce statut supposant d'être titulaire d'un contrat de panonceau (ou d'enseigne) signé avec l'ACDLec (11), octroyant le droit d'usage de l'enseigne E.Leclerc. Dans la mesure où l'ACDLec n'est pas tenue d'accorder ce droit d'usage de l'enseigne E. Leclerc, ni de justifier ses éventuels refus (12) et où elle peut retirer ce droit d'usage de l'enseigne E.Leclerc en application de stipulations du
contrat d'enseigne ou de panonceau qui lui laissent une très large marge d'appréciation (13), l'ACDLec peut contrôler la désignation du président, mais aussi celle des membres du conseil de parrainage de Stradis.
L'intervention dans la politique commerciale des sociétés d'exploitation
11. L'ACDLec (14) impose, dans les contrats de panonceau, dans la charte des adhérents du mouvement Leclerc (15) et dans des directives, diffusées par ses délégués régionaux qui s'assurent de leur bonne application (16), deux séries d'obligations. Ces obligations limitent fortement l'autonomie des adhérents dans la conduite de leur politique commerciale. En l'espèce, ces obligations s'imposeront à M. Bindou en tant que futur président de Stradis, qui conclura avec l'ACDLec un contrat de panonceau une fois l'opération autorisée (17).
12. En premier lieu, l'association reçoit communication de tous documents nécessaires à l'appréciation de l'exploitation commerciale des magasins par leurs dirigeants. Les adhérents doivent ainsi adresser chaque année leur bilan et compte d'exploitation ainsi que, mensuellement, le chiffre d'affaires du mois précédent (18).
13. En deuxième lieu, l'ACDLec impose également, dans les contrats d'enseigne, des obligations lui conférant un rôle déterminant pour la stratégie commerciale des magasins. Ces contrats prévoient en effet notamment que les adhérents ne peuvent appliquer des marges supérieures à celles pratiquées pour les ventes en gros et que, dans tous les cas, les adhérents s'engagent " à ne jamais appliquer une marge supérieure à celles recommandées par l'ACDLec "(19). Or, la fixation du taux de marge est l'élément essentiel qui conditionne la rentabilité commerciale d'une enseigne de la grande distribution. La charte des adhérents de l'ACDLec prévoit expressément que chaque adhérent est tenu de respecter la politique de prix du mouvement Leclerc qui constitue " un des éléments essentiels de l'appartenance à l'ACDLec. (...) L'objectif d'indice moyen à atteindre pour assurer la compétitivité générale de l'enseigne est de 96,5. Tout adhérent doit tendre à l'objectif fixé et en tout état de cause avoir un indice exhaustif à l'OPUS inférieur à 97,5. Le non-respect de cette règle de prix entraîne la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire, un avertissement de l'ACDLec sanctionne tout dépassement, trois avertissements consécutifs pouvant entraîner la radiation de l'association "(20). Il s'ensuit qu'en pratique, l'ACDLec est effectivement en mesure de corriger la politique commerciale des sociétés d'exploitation de magasins Leclerc.
14. De plus, les contrats d'enseigne imposent aux adhérents des obligations encadrant précisément leur approvisionnement, leurs investissements et leur politique sociale (21). Les adhérents sont également tenus de ne pas exploiter ou diriger toute autre entreprise commerciale (22), alors même qu'elle aurait une activité analogue. Outre ces obligations imposées par l'ACDLec dans les contrats d'enseigne, les membres de l'ACDLec sont tenus de respecter les obligations prévues par la charte des adhérents du mouvement Leclerc (23), et par des directives déclinant la politique d'enseigne élaborée par le comité stratégique de l'ACDLec (24), et diffusées par ses délégués régionaux (25). Tout manquement à ces obligations est susceptible de justifier le retrait du droit d'usage de l'enseigne E.Leclerc (26).
La possibilité d'intervenir sur les cessions d'actions des sociétés d'exploitation
15. Les différentes dispositions statutaires ou stipulations contractuelles applicables rendent difficiles la cession d'actions de Stradis à une personne étrangère au mouvement Leclerc.
16. S'agissant des cessions d'actions par l'actionnaire majoritaire, plusieurs obligations prévues dans les statuts de Stradis y font obstacle :
- toute cession totale ou partielle d'action dont un associé est titulaire doit faire l'objet d'une " offre préalable de cession " aux autres associés (27) ; et
- si les autres associés n'ont pas manifesté leur volonté d'acquérir les actions dans un délai de deux ans après la présentation de l'offre préalable de cession, le cédant peut contracter avec un tiers, sous réserve de notifier la cession à chacun des associés, qui disposent alors d'un délai de 30 jours pour indiquer s'ils entendent exercer leur droit de préemption. A défaut de réponse dans ce délai, ils sont réputés avoir renoncé à acquérir (28).
17. Au total, il ressort de l'ensemble des éléments relevés plus haut, et notamment de la possibilité pour l'ACDLec d'intervenir dans l'administration, la politique commerciale et sur les cessions d'actions de Stradis, que l'ACDLec dispose de la possibilité d'exercer une influence déterminante sur cette société et qu'elle continuera à en disposer à l'issue de l'opération.
B. L'OPÉRATION
18. La présente opération, formalisée par une convention de cession d'actions en date du 30 juillet 2014, consiste en l'acquisition par les consorts Bindou, via la société Strafi, de l'intégralité des actions de Stradis détenues par M. Jean Ferry.
19. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle conjoint des sociétés Stradis et Stradis Drive 1 par Strafi aux côtés de l'ACDLec, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L.430-1 du code de commerce (29).
20. Les entreprises concernées exploitent des magasins de détail et réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxe total sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euros (mouvement Leclerc : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; Stradis : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2013). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euros dans le secteur du commerce de détail (mouvement Leclerc : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; Stradis : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2013). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au II de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
21. Les marchés concernés par l'opération relèvent du secteur de la distribution à dominante alimentaire.
22. Selon la pratique constante des autorités nationale et européenne de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation, et des marchés " amont " de l'approvisionnement sur lesquels les entreprises en tant qu'acheteurs sont en contact avec les fabricants des produits.
A. LES MARCHES AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
23. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne (30) a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (31).
24. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.
B. LES MARCHES AVALS DE LA DISTRIBUTION
1. MARCHES DE SERVICES
25. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales, ont distingué six catégories de commerces en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
26. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m², les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 400 m2 et les supérettes comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente (32) inférieure à 400 m² et supérieure à 120 m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte-tenu que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (33).
27. En l'espèce, le magasin exploité par Stradis est un hypermarché occupant une surface de vente de 4 500 m².
28. La pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence considère en outre que deux segments peuvent être identifiés au sein de la vente à distance de produits alimentaires : (i) la livraison à domicile et (ii) le point permanent de retrait (ci-après " drive ") où le consommateur se rend en magasin pour prendre livraison d'une commande passée en ligne (34).
29. Si l'Autorité de la concurrence a pu constater que le drive exerçait peu de pression concurrentielle sur les points de vente physiques à Paris (35), elle ne s'est en revanche pas prononcée sur cette question en province.
30. Les entreprises interrogées dans le cadre du test de marché considèrent très majoritairement qu'il convient de distinguer les drives adossés aux points de vente physiques des entrepôts isolés dédiés à l'activité de drive. Alors que les drives adossés représenteraient un service complémentaire offert aux clients par les magasins, qui contribuerait à renforcer leur fidélisation, les drives isolés entrent en concurrence avec les hypermarchés et devraient être assimilés à des points de vente physiques.
31. Il apparaît que l'offre des hypermarchés et des drives est partiellement comparable. L'instruction relève notamment que si les prix pratiqués sont identiques, l'offre en produits frais traditionnels est souvent plus limitée dans les drives et le panier d'achat moyen y est significativement supérieur. Les marques de distributeurs seraient également plus représentées dans les drives que dans les points de vente physiques.
32. En l'espèce, Stradis exploite un drive isolé.
33. La question de l'existence d'un marché spécifique pour les drives ou de leur inclusion dans le marché des hypermarchés peut cependant être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle seraient inchangées.
2. MARCHES GÉOGRAPHIQUES
34. Il ressort de la pratique décisionnelle (36) que les conditions de la concurrence sur les marchés avals de la distribution à dominante alimentaire s'apprécient sur deux zones différentes pour les hypermarchés :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs ;
- un second marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux.
35. Cependant l'attractivité de magasins de même format peut varier selon la densité et la qualité de l'équipement commercial d'une zone. Les caractéristiques socio-économiques de la zone concernée (densité de la population, activité économique, géographie, état du réseau routier) peuvent également conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus. La présence de drives dans la zone de chalandise peut être prise en compte de manière qualitative.
36. En l'espèce, le fonds de commerce cible entrant dans la catégorie des hypermarchés, l'analyse concurrentielle sera menée sur un marché incluant les hypermarchés dans un rayon de 30 minutes autour de l'hypermarché de Strasbourg, et sur un marché incluant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes autour de l'hypermarché de Strasbourg (67).
37. S'agissant de l'éventuel marché des drives, la totalité des entreprises interrogées dans le cadre du test de marché considère que la zone de chalandise associée à un drive isolé est d'au moins 15 minutes de déplacement en voiture, et la plupart d'entre elles estime qu'elle peut s'étendre jusqu'à 30 minutes.
38. La question de la délimitation géographique exacte du marché peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielles seraient inchangées.
III. Analyse concurrentielle
A. LES MARCHÉS AMONTS DE L'APPROVISIONNEMENT
39. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui ne concerne que deux magasins déjà contrôlés conjointement par l'ACDLec avant l'opération, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du mouvement Leclerc, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.
40. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de l'approvisionnement.
B. LES MARCHES AVALS DE LA DISTRIBUTION
a) En ce qui concerne l'hypermarché cible
41. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans une zone de 15 minutes en voiture autour de l'hypermarché cible de Strasbourg, le magasin cible représente [0-5] % des surfaces de vente et les autres points de vente à l'enseigne Leclerc représentent [20-30] %, soit une part de marché cumulée de [20-30] %. Les parties feront face à la concurrence de dix enseignes concurrents, dont Auchan ([30-40] %), Cora ([10-20] %) ou LIDL ([5-10] %).
42. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de 30 minutes en voiture autour de l'hypermarché cible de Strasbourg, le magasin cible représente [0-5] % des surfaces de vente et les autres points de vente à l'enseigne Leclerc représentent [20-30] %, soit une part de marché cumulée de [30-40] %. Les parties feront face à la concurrence de quatre enseignes concurrentes : Système U ([20-30] %), ITM ([0-5] %), Auchan ([20-30] %) et Cora ([10-20] %).
b) En ce qui concerne le drive cible
43. Pour calculer les parts de marché des points de vente physiques dans une zone de chalandise donnée, les autorités de concurrence utilisent traditionnellement la surface de vente des magasins de la zone.
44. Les entreprises interrogées dans le cadre du test de marché confirment toutefois pour la plupart que cette approche n'est pas adaptée aux drives qui n'ont que peu de surface de vente. Il en va de même des surfaces de stockage des drives, qui n'est pas représentative de leur potentiel commercial. Plusieurs critères alternatifs ont donc été suggérés dans le cadre du test de marché. Certains répondants proposent, à l'instar de la partie notifiante, d'effectuer l'analyse en s'appuyant sur le nombre de points de ventes comparables dans la zone de chalandise. D'autres suggèrent d'apprécier les positions respectives des opérateurs sur la base de leur chiffre d'affaires, du nombre de véhicules fréquentant chaque drive sur une période donnée, du nombre de quais ou de bornes de changement et d'un " équivalent m² " en s'appuyant sur le chiffre d'affaires moyen par m² des points de vente physique.
45. Il n'est pas nécessaire de trancher cette question au cas présent, dans la mesure où l'analyse demeure inchangée quel que soit l'indicateur retenu. Pour les besoins de la présente décision, l'analyse sera menée sur la base du nombre de points de vente de la zone de chalandise considérée.
46. Dans une zone de 30 minutes en voiture autour du drive cible de Strasbourg, trois autres drives isolés sont présents, dont deux à l'enseigne Leclerc et un à l'enseigne Chronodrive. En ajoutant les drives adossés, le drive cible représente [0-5] % des drives et les autres drives Leclerc [5-10] %, soit une part de marché cumulée de [10-20] %. Dans la zone, ces magasins feront face à concurrence de cinq enseignes différentes : Système U ([40-50] %), Intermarché ([10-20] %), Cora ([10-20] %), Auchan ([5-10] %), Chronodrive ([0-5] %).
47. Dans une zone de 15 minutes en voiture autour du drive cible de Strasbourg, deux autres drives isolés sont présents : un à l'enseigne Leclerc, et un à l'enseigne Chronodrive. En ajoutant les drives adossés, la zone compte deux drives Leclerc représentant [20-30] % des points de vente. Ces magasins feront face à cinq enseignes concurrentes : Auchan ([10-20] %), Chronodrive ([10-20] %), Cora ([10-20] %), Intermarché ([10-20] %) et Système U ([30-40] %).
48. Il apparaît donc que la majorité des drives isolés des zones concernées seront exploités sous enseigne E.Leclerc. Il convient toutefois de relever que l'opération consiste dans la substitution d'actionnaires dans le capital de la cible, l'ACDLec en détenant le contrôle conjoint avant comme après l'opération. De plus, les nouveaux actionnaires ne détiennent aucun autre drive, si bien que l'opération n'entraîne aucune modification de la structure concurrentielle du marché concerné. Par conséquent, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur un éventuel marché distinct des drives.
49. Sur le marché intégrant également les hypermarchés, dans une zone de 30 minutes en voiture autour du drive cible de Strasbourg, le drive et l'hypermarché cibles représentent [5-10] % des points de vente et les autres points de vente à l'enseigne Leclerc, [20-30] %, soit une part de marché cumulée de [30-40] %. Dans cette zone, les parties feront face à la concurrence de Système U ([20-30] %), Auchan ([20-30] %), Cora ([10-20] %), Intermarché ([0-5] %) et Chronodrive ([0-5] %).
50. Dans une zone de 30 minutes en voiture autour du drive cible de Strasbourg, comprenant les drives isolés, les hypermarchés et les supermarchés, le drive et l'hypermarché cibles représentent [0-5] % des points de vente et les autres points de vente à l'enseigne Leclerc, [10-20] %, soit une part de marché cumulée de [20-30] %. Dans cette zone, ces magasins feront face à 7 enseignes concurrentes, dont Auchan ([30-40] %), Système U ([10-20] %), Coop ([10-20] %) ou Cora ([10-20] %).
51. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval de la distribution à dominante alimentaire.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-151 est autorisée.
Notes :
1 http://www.mouvement-leclerc.com/page/l-independance-au-coeur-du-mouvement.
2 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-125 du 27 août 2012 relative à la prise de contrôle conjoint de 28 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire par l'Union des Coopérateurs d'Alsace et l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc, n° 13-DCC-12 du 28 janvier 2013 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Nobladis et Sodirev par le groupe Cornac et l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n° 13-DCC-112 du 19 août 2013 relative à la prise de contrôle exclusive de la société Hypercoop par l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc et n°14-DCC-16 du 12 février 2014 relative à la prise de contrôle conjoint d'un hypermarché sous enseigne Leclerc par les sociétés Licehold, Lihold et l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc.
3 Voir les dispositions de l'article 1er des statuts de l'ACDLec.
4 Qui demeureront inchangés à l'issue de l'opération. Ces statuts correspondent aux " statuts-types " des sociétés par actions simplifiées approuvées par l'ACDLec. En application de la charte des adhérents Leclerc, depuis 2002, tout nouvel adhérent au mouvement Leclerc doit faire adopter à la société d'exploitation du magasin qu'il dirige des statuts de SAS dont le modèle a été validé par l'ACDLec (charte des adhérents du mouvement Leclerc, p20).
5 Article 16, 13.2 et 13.9 des statuts.
6 Articles 13.5, 16.1 et 16.2 des statuts.
7 Article 14.1 des statuts.
8 La partie notifiante a communiqué la convention de parrainage de Jean Ferry ainsi que son avenant du 4 octobre 2007, et le projet de convention de parrainage de M. Bindou.
9 Article 4 de la convention de parrainage de M. Ferry et du projet de convention de parrainage de M. Bindou.
10 Id.
11 L'article 6 des statuts de l'ACDLec prévoit notamment que " l'adhésion à l'association comporte obligatoirement signature du contrat dont les termes ont été arrêtés par le conseil d'administration et qui définit les conditions de l'attribution du panonceau Centre distributeur Leclerc à l'adhérent ".
12 Les statuts de l'ACDLec ne mentionnent, à cet égard, que des conditions préalables à l'adhésion, sans que l'ACDLec soit pour autant tenue d'accorder le droit d'usage de l'enseigne Leclerc si ces conditions sont réunies. Il en est de même de la charte des adhérents du mouvement Leclerc qui ne mentionne également que des conditions préalables à l'adhésion.
13 Les contrats de panonceau comportent à cet égard des dispositions très larges, conférant un pouvoir étendu de retrait du droit d'usage de l'enseigne à l'ACDLec, puisqu'ils prévoient que leur résiliation est possible en cas d'" infraction aux présentes [dispositions du contrat de panonceau] ou aux Statuts ou Règlements Intérieurs de l'Association des Centres Distributeurs Leclerc ou de la société SC Galec, comme encore au cas où [le dirigeant de la société bénéficiant du contrat d'enseigne] commettrait une faute professionnelle ou commerciale de nature à causer un préjudice, même simplement moral, aux Centres Distributeurs Leclerc " (paragraphe VIII).
14 Voir notamment les statuts de l'ACDLec.
15 La charte des adhérents du mouvement Leclerc prévoit notamment les obligations suivantes incombant aux adhérents du mouvement Leclerc : l'obligation de parrainage et de l'obligation d'adopter des statuts de SAS dont le modèle à été validé par l'ACDLec, l'obligation de respecter la politique sociale du mouvement Leclerc, la limitation du nombre de points de vente pouvant être exploités par un adhérent et l'obligation de respecter la politique de prix du mouvement Leclerc.
16 Voir les dispositions de l'article 3 du règlement intérieur de l'ACDLec.
17 La partie notifiante précise dans la notification que Monsieur Bindou devra solliciter un agrément auprès de l'ACDLec pour obtenir un contrat de panonceau lui permettant d'exploiter les magasins cibles, ce qui constitue une condition suspensive de l'opération évoquée dans le protocole de cession des actions de Stradis. Elle communique un modèle de contrat de panonceau.
18 Voir notamment les dispositions de l'article 6 des statuts de l'ACDLec et du règlement intérieur des centres distributeurs E. Leclerc.
19 Voir les dispositions du paragraphe III des contrats de panonceau.
20 Voir p17 de la charte des adhérents de l'ACDLec.
21 Voir les dispositions du paragraphe III des contrats de panonceau.
22 Voir les dispositions des paragraphes IV et X des contrats de panonceau.
23 Il s'agit notamment des obligations suivantes : obligation de parrainage et obligation d'adopter des statuts de SAS dont le modèle à été validé par l'ACDLec, obligation de respecter la politique sociale du mouvement Leclerc, limitation du nombre de points de vente pouvant être exploités par un adhérent et obligation de respecter la politique de prix du mouvement Leclerc.
24 Voir l'article 4 -" Elaboration de la politique d'enseigne " du règlement intérieur de l'ACDLec.
25 Voir les dispositions de l'article 3 du règlement intérieur de l'ACDLec.
26 Voir en particulier les dispositions du paragraphe VIII des contrats de panonceau, ainsi que les dispositions de la p17 de la charte des adhérents du mouvement Leclerc.
27 Voir l'article 12.2.4.1 des statuts de Stradis.
28 Voir l'article 12.2.4.2 des statuts de Stradis.
29 La partie notifiante soutient que l'opération est interdépendante avec une autre opération par laquelle la société Strafi prend le contrôle de la société Neudis, qui exploite un supermarché sous enseigne Leclerc à Neuhof. Toutefois, des opérations ne peuvent être considérées comme une opération de concentration unique que si elles font l'objet d'un lien conditionnel réciproque (lignes directrices de l'Autorité de la concurrence, §64 ; communication consolidée de la Commission européenne en vertu du règlement (CE) n°139/2004, §39 et 40). En l'espèce, comme les conventions de cession d'action relative à ces deux opérations ne font pas l'objet d'un lien de conditionnalité réciproque, les opérations ne peuvent pas être considérées comme interdépendantes.
30 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne 1684, Carrefour / Promodès du 25 janvier 2000 et M. 2115, Carrefour / GB, du 28 septembre 2000.
31 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008, ainsi que les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-45, n° 13-DCC-112, n° 13-DCC-12, n°14-DCC-16 précitées.
32 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud.
33 Voir notamment l'avis n°00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.
34 Décision de l'Autorité de la concurrence n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon.
35 Décision de l'Autorité de la concurrence n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 précitée.
36 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-04 du 28 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mafical par la société ITM Alimentaire Région parisienne ; la décision n°11-DCC-05 du 17 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distri Sud-Ouest par la société Retail Leader Price Investissement, la décision n° 11-DCC-45 précitée, n° 12-DCC-63 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA ou les décisions 13-DCC-12 du 28 janvier 2013, n° 13-DCC-112 du 19 août 2013et n°14-DCC-16 précitées.