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Décisions

CA Riom, ch. com., 10 décembre 2014, n° 14-00796

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Queuille

Défendeur :

Promissimo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Andrieux

Conseillers :

M. Tamalet, Mme Javion

Avocats :

Mes Gutton Perrin, Southon

T. com. Montluçon, du 21 févr. 2014

21 février 2014

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

L'Eurl Promissimo créée et dirigée par Philippe Allin exploite une activité d'agence immobilière sous l'enseigne Orpi Agence n° 1 et dispose de plusieurs points de vente dans l'Allier ;

Le 28/02/1996 elle a signé avec Robert Queuille un contrat d'agent commercial en immobilier pour la mise en place d'une nouvelle agence à Vallon en Sully ;

Un nouveau contrat en date du 25/04/00 a remplacé le précédent ;

De nouvelles dispositions mises en place à partir de 2004 et surtout 2006 par l'Eurl Promissimo ont été mal perçues par Robert Queuille ;

Le 11/01/11, un contrat d'agent commercial signé avec Jonathan Queuille, fils de Robert Queuille, stipulait intervenir dans le contexte de la reprise d'activité de ce dernier ;

Puis le 10/04/12, Mme Evelyne Renaud a été déléguée en qualité d'assistante commerciale à l'agence de Vallon en Sully ; Robert Queuille y voyant une mesure de surveillance, les relations se sont dégradées ;

Robert Queuille a par assignation du 13/11/12 saisi le Tribunal de commerce de Montluçon d'une demande de résiliation de son contrat d'agent commercial aux torts de l'Eurl Promissimo, et de condamnation ce celle-ci à lui payer une indemnité légale de fin de contrat, une indemnité compensatrice de préavis ;

Par jugement du 21/02/14, le tribunal l'a débouté de ses demandes, rejeté la demande en dommages-intérêts de l'Eurl Promissimo, accordé à cette dernière une indemnité de procédure ;

Par déclaration reçue le 31/03/14, Robert Queuille a interjeté appel ;

Suivant conclusions transmises le 25/09/14, Robert Queuille persiste à solliciter la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'Eurl Promissimo, et la condamnation de cette dernière à lui payer :

- une somme de 157 674 euros au titre de l'indemnité légale de fin de contrat ;

- une somme de 19 709,23 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

et à supporter les entiers dépens ;

Il expose les étapes de la dégradation des relations contractuelles, malgré le fait que l'agence de Vallon en Sully ait, sous sa direction, réalisé de très bons résultats ;

Il formule divers griefs à l'encontre de l'Eurl Promissimo: sa mise sous surveillance, la mise à l'écart des annonces propres à Vallon en Sully, la récupération des affaires par d'autres agents commerciaux, et ce à travers d'une plate-forme centralisant les annonces où ses numéros de téléphone ont été supprimés ;

Il dénonce une stratégie visant à l'empêcher de réaliser son mandat dont il s'est étonné dans une LRAR du 8/06/12 à laquelle il n'a pas obtenu de réponse ;

Il conteste les reproches formulés à son endroit ;

Il fait valoir ne pas être signataire du contrat où son fils est partie, qui remonte à 4 ans alors qu'il est toujours en activité et qu'il n'a jamais été question de reprendre son activité ;

Il rappelle que l'agent commercial est un mandataire indépendant exerçant une activité civile et non commerciale ; que le mandant est tenu à son égard d'une obligation de loyauté, d'information ; que l'Eurl Promissimo a violé ces obligations en détournant de la clientèle (suppression du n° de téléphone de l'agence), en transmettant tardivement l'information, en l'encadrant comme un simple salarié, en le mettant à l'écart (non-renouvellement de sa carte professionnelle, non-invitation à des réunions, déréférencement de l'agence) ;

Relativement à ses demandes indemnitaires, il souligne que la cessation du contrat est pour l'agent commercial un événement grave, ce pourquoi il a droit à une indemnité compensatrice (cf art. L. 132-12 du Code de commerce) pour réparer le préjudice subi du fait de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ;

De jurisprudence constante cette indemnité de rupture est calculée sur le montant de 2 anuités de commissions sur la base des 3 dernières années d'exécution du contrat ; il revendique une somme de 157 674 euros ;

Concernant l'indemnité compensatrice de préavis (art L. 134-11du Code de commerce) il réclame une indemnité correspondant à 3 mois de commissions calculées sur la moyenne de celles perçues sur les 2 dernières années soit 19 709,23 euros ;

Il conclut enfin au rejet de la demande formée par l'Eurl Promissimo au titre d'une prétendue exécution fautive du contrat ;

Par conclusions transmises le 14/08/14, l'Eurl Promissimo relate la mise en place de ses relations avec Robert Queuille ;

Elle précise que les collaborateurs qu'elle a placés à l'agence de Vallon en Sully sont restés sous l'autorité de son gérant ; et les termes du contrat du 25/04/00 ;

La relation s'est poursuivie, fructueuse malgré des difficultés ;

Elle a signé avec Jonathan Queuille le 11/01/11 un contrat d'agent commercial dont l'article 1 stipule qu'il intervient dans le contexte de la reprise de l'activité de Robert Queuille depuis 1996 ;

A compter du 10/04/12, elle a détaché à Vallon en Sully Evelyne Renaud en qualité d'assistante commerciale, étant apparu que Robert Queuille ne renseignait qu'imparfaitement le fichier "contacts acquéreurs" ; leurs relations ont été extrêmement conflictuelles, Robert Queuille ayant pris ombrage de la présence de Mme Renaud ;

S'agissant de la résolution du contrat, l'Eurl Promissimo observe que Robert Queuille n'a pas utilisé les stipulations lui permettant de se prévaloir de la clause résolutoire ; comme s'il voulait ménager l'hypothèse d'une poursuite de l'activité au cas où sa demande ne connaîtrait pas l'issue souhaitée ;

Dans les faits n'existe aucun motif sérieux de nature à justifier la résolution du contrat aux torts de l'Eurl Promissimo ;

Laquelle conteste la violation de ses obligations de mandant qu'on lui impute ;

L'utilisation du fichier commun constitue un élément déterminant du fonctionnement des agences Orpi ; les mesures concernant le téléphone (plate-forme téléphonique)ont été mises en œuvre pour l'ensemble des agences de l'Eurl Promissimo où elles n'ont pas posé de difficultés ;

Robert Queuille a toujours rechigné à remplir ses obligations, il a considéré la venue d'Evelyne Renaud comme une atteinte personnelle, alors que Promissimo a loisir d'installer tel salarié qu'il juge utile à Vallon en Sully ;

Mais il a continué à jouir d'une liberté d'action conforme à son mandat ;

Quant à la carte d'habilitation d'agent commercial, elle est valable jusqu'au 31/05/16 ;

S'agissant de mise à l'écart et de déréférencement, force est de constater que Robert Queuille continue actuellement son activité ; mais il n'en fait qu'à sa tête, estimant les réunions communes avec les salariés et les agents commerciaux de l'Eurl Promissimo inutiles, tentant de se faire régler une commission revenant à son fils ; utilisant un papier qui ne reprend pas la charte graphique d'Orpi ;

En réalité, Robert Queuille a décidé de "passer la main" ; d'où le contrat avec son fils Jonathan qu'il a formé et à qui il a été proposé de devenir responsable de l'agence de Vallon en Sully ;

Faute de résolution, il ne peut prétendre à aucune indemnité ;

Relativement au montant des indemnités revendiquées, l'Eurl Promissimo formule des observations, dénonçant la méthode de Robert Queuille pour le calcul de l'indemnité compensatrice en pondérant la moyenne des 3 dernières années avec une incidence des manquements du mandant sur la baisse du chiffre d'affaires (50 %) ;

Quant à l'indemnité compensatrice de préavis, l'article L. 134-11 du Code de commerce donne à chaque partie la possibilité de rompre le contrat à tout moment sauf à respecter un préavis ; cette hypothèse de résiliation unilatérale n'est pas celle de la résolution sollicitée ;

L'Eurl Promissimo conclut au déboutement de Robert Queuille et à sa condamnation à lui payer :

- une somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté ;

- une indemnité de procédure de 5 000 euros ;

et à supporter les entiers dépens ;

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16/10/14.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts de l'Eurl Promissimo :

Attendu que Robert Queuille impute à son mandant une série de faits visant à l'empêcher de réaliser son mandat, avec pour conséquence la chute de son chiffre d'affaires ;

Qu'il met en avant un détournement de clientèle matérialisé par la suppression de la mention du numéro de téléphone de l'agence de Vallon en Sully ; qu'il entend appuyer sa démonstration sur une pièce n° 64 qui cependant mentionne pour l'agence en question un numéro (04.70.06.17.60) différent de celui de la plate-forme (04.70.05.05.05) incriminée par le requérant ;

Qu'il allègue l'omission par le site "le bon coin.fr" de 3 biens en vente à l'agence de Vallon en Sully, sans que la pièce alléguée ( pièce 53) qui recense les biens proposés sur le site en cause, mais aussi sur les sites "immostreet", "paruvendu", "refleximmo", "acheter-louer" permette d'identifier les biens en cause, et d'imputer leur éventuelle absence à une faute de l'Eurl Promissimo ;

Que le fait qu'un courrier du gérant de cette dernière, Philippe Allin, à Robert Queuille en date du 19/06/12, (pièce 21 de l'Eurl Promissimo) évoque une erreur de routage pour justifier la suppression des numéros de téléphone directs et des adresses e.mail des textes publicitaires au profit d'une gestion des appels entrants par une équipe d'assistants commerciaux avec transfert aux agences dotées d'un assistant comme celle de Vallon en Sully, n'établit en aucune façon le détournement allégué ;

Que d'autres pièces (54, 55, 56, 69, 72) ne sont pas plus éclairantes sur le grief susvisé ;

Attendu que Robert Queuille reproche également à son mandant une volonté de l'encadrer comme un simple salarié, et donc contraire à son statut d'agent commercial ;

Que la directive tenant à la mention à faire figurer dans un mandat simple (pièce 45) n'apparaît pas de nature à établir un quelconque lien de subordination ; pas plus que la mention de Robert Queuille en qualité de responsable de l'agence Orpi Vallon (pièce 5), alors que l'intéressé se targue d'avoir assuré le développement commercial de cette agence et sa direction (ses conclusions page 3) ; ni la note de service (pièce 25) adressée 'à tous' demandant aux assistantes ou conseillers pour les agences extérieures de faire le ménage dans leurs locaux ;

Attendu que l'appelant impute encore à l'Eurl Promissimo une mise à l'écart de sa personne qui se serait manifestée de diverses façons :

- un non-renouvellement de sa carte professionnelle ; que le décret n° 72-678 du 26/07/1972 ne prévoit pas dans sa version actuelle de limitation dans le temps de la validité de cette carte (pièce 3) ; mais que l'Eurl Promissimo produit (sa pièce 8) copie de l'attestation de carte professionnelle délivrée le 27/06/06, signée par Robert Queuille, mentionnant une validité jusqu'au 31/05/16 ;

- une omission des diverses réunions au sein du groupe ; qui n'est étayée que par un e.mail à Evelyne Renaud du 9/08/12 (pièce 44) dont il résulte que Robert Queuille et son fils Jonathan n'étaient pas conviés à une réunion de rentrée le 4/09 suivant à Néris les Bains ;

- une obligation de faire affranchir le courrier au siège à Montluçon dont l'incidence sur une mise à l'écart du requérant est vainement recherchée ;

Attendu que Robert Queuille poursuit l'exposé de ses griefs avec le déréférencement de l'agence de Vallon en Sully qui résulterait selon lui d'une note manuscrite non datée (sa pièce 23) émanant de "Marine et Fanny", dont la qualité n'est pas mentionnée, lui enjoignant de transmettre les différents contacts qu'il a, à la demande impérative de Philippe (Allin gérant de l'Eurl Promissimo), sous peine de suppression/transfert de sa ligne téléphonique à Montluçon ; et d'un e.mail (pièce 54) de Messagerie Qualité (...) à Jonathan Queuille du 23/02/12, censé démontrer que les contacts (réceptionnés par la plate-forme) étaient distribués près de un mois après la demande d'information ; ou encore d'e.mail (pièces 55 et 56) adressés à Jonathan Queuille, lequel, aux termes du contrat d'agent commercial du 12/01/11 le liant à l'Eurl Promissimo (pièce 12 de Promissimo) a vocation à reprendre l'activité de son père ; ou enfin d'un listing sans date (pièce 57) de maisons à vendre indiquant pour des biens à vendre à Domérat un n° de téléphone (04.70.64.08.60) ne correspondant pas à celui de l'agence de Vallon en Sully, mais à celui de l'agence Orpi de Domérat (cf pièce 6 de Promissimo) et pour des biens à vendre à Montmarault le n° de téléphone de Orpi Montmarault (cf pièce 11 de Promissimo), ce qui semble répondre à une logique certaine ;

Attendu qu'il ne résulte pas des moyens invoqués par Robert Queuille et des éléments versés à l'appui que l'Eurl Promissimo aurait manqué à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat d'agent commercial, en cherchant à l'évincer, alors qu'il est non contesté que le contrat continue à s'exécuter ;

Qu'en conséquence le jugement querellé doit être confirmé en ce qu'il a débouté Robert Queuille de l'ensemble de ses demandes ;

Sur les autres demandes :

Attendu que l'Eurl Promissimo forme des demandes indemnitaires à l'encontre de Robert Queuille :

- d'une part en dénonçant une absence de loyauté dont elle fixe la réparation à 5 000 euros ;

- d'autre part en sollicitant des frais irrépétibles ;

Qu'en premier lieu, les échanges épistolaires entre l'appelant et le gérant Philippe Allin versés aux débats témoignent d'une relation particulière dans laquelle le mandant regrettait le caractère de franc-tireur de son agent, tout en se félicitant de son efficacité commerciale ; qu'il convient de confirmer ainsi la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'Eurl Promissimo de cette demande indemnitaire ;

Qu'en second lieu Robert Queuille, en usant d'une voie de recours, a contraint son co-contractant à exposer de nouveaux frais qui seront compensés par une indemnité de 3 000 euros ;

Qu'enfin l'appelant aura à supporter les dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et après en avoir délibéré ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Y ajoutant, condamne Robert Queuille à verser à l'Eurl Promissimo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Robert Queuille aux dépens d'appel ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.