Cass. 1re civ., 2 juillet 2014, n° 13-18.708
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gridel
Avocats :
SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Richard
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 mars 2013), que le 29 décembre 1993, M. X a passé commande de différents meubles auprès de la société Diffusion des ébénistes contemporains Roméo ; que le bon de commande précisait qu'" au cas où l'acheteur n'accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société Les Espaces Roméo-Guérin avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu'à ses risques et périls " ; que cette dernière société a été dépositaire du mobilier à compter du 1er février 1996 ; qu'elle a, le 27 novembre 2006, assigné M. X en paiement des frais de gardiennage ;
Attendu que la société Les Espaces Roméo-Guérin fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la clause précitée et de rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond ne peuvent méconnaître le sens des dispositions dépourvues d'obscurité ou d'ambiguïté ; qu'en l'espèce, la clause de frais de garde-meubles stipulée aux bons de commandes prévoyait qu'" au cas où l'acheteur n'accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société ERG avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu'à ses risques et périls " ; qu'en retenant, au prétexte qu'" il n'est cependant aucunement précisé sur quel montant doit s'appliquer ce pourcentage ", qu'" une telle clause ne peut être qu'annulée car telle qu'elle a été rédigée elle a placé le consommateur dans l'impossibilité de pouvoir mesurer les conséquences financières précises d'un refus de sa part de prendre livraison du mobilier commandé ", cependant que l'assiette de calcul des frais prévus par la clause ne pouvait être que le montant de la commande, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ; 2°) que le juge qui estime qu'une clause est ambiguë doit en rechercher le sens et procéder à son interprétation, au besoin dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu'en l'espèce, la clause de frais de garde-meubles stipulée aux bons de commandes prévoyait qu'" au cas où l'acheteur n'accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société ERG avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu'à ses risques et périls " ; qu'en retenant que ladite clause était " nulle " au prétexte de son imprécision quant au " montant sur lequel doit s'appliquer ce pourcentage ", cependant que cette imprécision, même à l'admettre, commandait de procéder à l'interprétation de la clause dans le sens le plus favorable au consommateur et non à son annulation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1156 du Code civil et L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation ; 3°) que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le doute sur le sens d'une clause n'est pas en soi de nature à lui conférer un caractère abusif ; que ce n'est que lorsque la clause, une fois interprétée dans le sens favorable au consommateur, est abusive, qu'elle est alors sans effet ; qu'à supposer qu'elle ait entendu déclarer la clause litigieuse abusive au prétexte de son imprécision, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la clause serait abusive dans son contenu, même après avoir été interprétée en faveur du consommateur, a violé les articles L. 132-1 et L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation ;
Mais attendu qu'ayant relevé, sans encourir le grief de la première branche, que la clause litigieuse ne précisait pas l'assiette du calcul des frais et ne permettait dès lors pas à M. X de mesurer les conséquences financières d'un refus de sa part de prendre livraison du mobilier commandé, la cour d'appel, procédant, ainsi qu'elle le devait, à l'interprétation de la clause dans le sens le plus favorable à l'intéressé, en a déduit le caractère abusif de celle-ci ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.