ADLC, 6 janvier 2014, n° 14-DCC-02
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Matines, de certains actifs des sociétés Houel et Fermiers de Bretagne et de huit centres de conditionnement d'œufs par la société Glon Sanders Holding
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 29 novembre 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Matines et de certains actifs des sociétés Houel et Fermiers de Bretagne et de huit centres de conditionnement d'œufs par la société Glon Sanders Holding, formalisée par un protocole d'accord en date du 12 décembre 2013 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Glon Sanders Holding est une société par actions simplifiée, holding du groupe Glon Sanders (ci-après " GSH "). Elle est exclusivement contrôlée, via la société Sofial, par la société Sofiprotéol, établissement financier français actif dans la filière française oléagineuse et protéagineuse. Les principaux actionnaires de Sofiprotéol sont des organismes professionnels ou interprofessionnels agricoles et des établissements financiers, aucun n'exerçant de contrôle direct ou indirect sur la société. Les activités de Sofiprotéol sont regroupées au sein de deux sociétés holdings industrielles : la société Soprol, active notamment dans la promotion et le développement de la culture des oléagineux et dans la production, le raffinage et la commercialisation d'huiles végétales et de biodiesel, et la société Sofial, active dans la nutrition animale, l'abattage et la transformation de viande de porc et de volaille ainsi que dans la production et la commercialisation d'animaux vivants, d'œufs et d'ovoproduits. Les activités de GSH dans le secteur des œufs coquille et des ovoproduits sont regroupées au sein des sociétés Ovoteam et Eggteam et de leurs filiales.
2. La majorité des œufs coquille produits par GSH est commercialisée par Matines auprès de la GMS traditionnelle et de la clientèle RHD. Le solde est essentiellement commercialisé directement par GSH auprès de la clientèle RHD et de casseries indépendantes qui les commercialisent ensuite généralement auprès d'opérateurs de l'industrie agroalimentaire.
3. Matines est une société anonyme conjointement contrôlée par les groupes GSH, Cecab et Sicadap. Elle a pour activité principale la commercialisation d'œufs coquille sous les marques " Matines ", " Mas d'Auge " et " La Poule Joyeuse ", ainsi que sous marques de distributeurs auprès de la grande distribution et de la restauration hors foyer.
4. Les autres actifs repris sont constitués (i) de huit centre de conditionnement d'œufs et de leurs fonds de commerce situés en Bretagne, en Bourgogne, en Rhône-Alpes, en Picardie, en Auvergne et dans le Centre et le Midi-Pyrénées, exploités par GSH (pour cinq d'entre eux), Cecab (pour deux d'entre eux) et Sicadap (pour l'un d'entre eux), (ii) du fonds de commerce d'œufs coquille exploité par la société Houel (1), contrôlée par la coopérative Coop de Broons (Cecab) et (iii) de la participation de 51 % au capital de la société Fermiers de Bretagne, actuellement contrôlée par la coopérative Coop de Broons, qui exploite un centre de conditionnement d'œufs coquille situé à Erquy en Bretagne.
5. Dans le cadre de l'opération, les groupes GSH, Cecab et Sicadap transfèreront à Matines l'ensemble de leurs activités de conditionnement et de commercialisation d'œufs coquille (2), à l'exclusion des activités de vente d'œufs coquille de la société Ferme de Kervenac'h et des 49 % du capital de la société Fermiers de Bretagne appartenant [confidentiel]. Ces transferts d'activités modifieront la répartition actuelle du capital de Matines et conduiront à la prise de contrôle exclusif de Matines par GSH. En effet, le capital de Matines sera détenu à hauteur de 52,21 % par GSH, 39,27 % par Cecab et 8,52 % par Sicadap. Le protocole d'accord indique par ailleurs que les parties souhaitent aboutir, à terme, à une répartition de capital de 77 % pour GSH, 15 % pour Cecab et 8 % pour Sicadap. En vertu des statuts et du pacte d'actionnaires de Matines, GSH aura le pouvoir de nommer la majorité des membres du conseil d'administration de la société et son président, qui disposera d'une voix prépondérante en cas de partage des voix, les droits de Cecab et Sicadap n'excédant pas ceux habituellement conférés aux actionnaires minoritaires.
6. L'ensemble de ces opérations, organisées au sein d'un seul et unique protocole d'accord, sont interdépendantes, celui-ci stipulant que la réalisation des différents apports constitue une condition suspensive à l'acquisition de la majorité du capital de Matines par GSH.
7. En ce qu'elles se traduisent par le passage du contrôle conjoint au contrôle exclusif de Matines par GSH, ces opérations constituent une opération de concentration unique au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce (3).
8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Sofiprotéol : [...] d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; actifs cibles : [...] d'euros pour la même période). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Sofiprotéol : [...] d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; actifs cibles : [...] d'euros pour la même période). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
9. L'opération conduit à un chevauchement d'activités dans le secteur des œufs, Matines et Houel étant simultanément présentes sur le marché de la commercialisation d'œufs coquille à destination de la clientèle des grandes et moyennes surfaces (ci-après " GMS ") et de la restauration hors foyer (ci-après " RHF ").
10. Par ailleurs, GSH exerce une activité de production et de commercialisation des ovoproduits, qui sera étudiée au titre des effets congloméraux.
11. GSH produit et commercialise également des aliments pour volailles. Cependant, comme Cecab et Sicadap conservent leurs fermes de ponte et les contrats conclus avec leurs éleveurs, ainsi que leurs contrats d'approvisionnement avec Matines, les marchés de la production d'œufs et de la commercialisation d'aliments pour animaux ne sont pas impactés par la présente opération.
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS
Distinction selon le canal de distribution
12. S'agissant des produits alimentaires, la pratique décisionnelle nationale (4) a envisagé une segmentation selon le canal de distribution, à savoir l'industrie agroalimentaire (ci-après " IAA "), les GMS et la RHF. Une telle segmentation est justifiée par l'existence de besoins différents selon le type d'acheteurs (notamment en termes de volumes, de calibrage et de conditionnement).
13. Au cas d'espèce, les parties sont simultanément actives sur le marché de la commercialisation auprès des GMS (à l'exclusion des marques hard discount) et de la RHF.
Distinction selon le type de produits
14. Les autorités nationales de concurrence ont envisagé une segmentation du secteur de la commercialisation d'œufs et de produits à base d'œufs par espèce (cailles, poules etc.)5. Elles ont relevé que les œufs de caille se distinguaient des œufs de poules en raison de leurs caractéristiques (la présentation, les techniques de conditionnement, l'élevage et le prix de ces deux types de produits diffèrent), qu'ils ne répondaient pas aux mêmes besoins des consommateurs (apéritif pour les œufs de caille, cuisine de tous les jours pour les œufs de poules) et que les fournisseurs d'œufs de poule et d'œufs de caille n'étaient pas identiques (6).
15. Les autorités nationales de concurrence ont également distingué (i) les œufs coquille, (ii) les ovoproduits (7) et (iii) les produits élaborés à base d'œufs (omelettes, œufs durs écalés, tortillas, blancs en neige, œufs brouillés, œufs au plat, œufs pochés, œufs durs en barre, omelettes en cubes ou en lanières) (8). Ces différents types de produits ne sont en effet pas commercialisés auprès des mêmes circuits de distribution (les œufs coquille sont principalement commercialisés auprès des GMS et les ovoproduits et les produits élaborés à base d'œufs principalement auprès de la RHF et des IAA). De plus, les utilisations, prix, emballages, méthodes de fabrication et de conditionnement diffèrent. En outre, l'Autorité de la concurrence a relevé que les fournisseurs ne proposaient pas tous l'ensemble de ces produits et que certains étaient uniquement spécialisés dans les œufs coquille (9). Au sein du marché des ovoproduits, une segmentation a été envisagée entre les ovoproduits secs et les ovoproduits liquides pour les produits destinés aux IAA (10).
16. Enfin, elles ont également envisagé une segmentation des œufs de poule selon les caractéristiques des œufs : (i) les œufs de poule en cage, (ii) les œufs de poule au sol, (iii) les œufs de poule plein air, incluant les œufs fermiers label rouge, les œufs label rouge et les œufs plein air, et (iv) les œufs de poule biologiques (11). A cet égard, l'Autorité de la concurrence a relevé que certains fournisseurs ne commercialisaient pas certains types d'œufs. De plus, les conditions d'élevage selon les types d'œufs coquille sont déterminées par un cahier des charges qui a une incidence sur leur prix (les œufs de poule en cage sont moins chers que les œufs de poule plein air qui sont eux-mêmes moins chers que les œufs de poule biologiques). En outre, les emballages sont plus attractifs pour les œufs de poule dits alternatifs (œufs de poule de plein air et œufs de poule biologiques). Enfin, les attentes des consommateurs sont différentes.
17. Les œufs de poule en cage sont le principal segment de marché en GMS et représentent 65 % du marché en volume et 50 % en valeur en 2012, suivi des œufs de poule plein air (25 % du marché en volume et 32 % en valeur en 2012), des œufs de poule biologiques (9 % du marché en volume et 17 % du marché en valeur en 2012) et des œufs de poule au sol (moins de 1 % du marché en volume et en valeur en 2012). Les œufs alternatifs qui comprennent les œufs de poules élevées en plein air ou issus de l'agriculture biologique constituent une part croissante du marché et ont ainsi généré 34 % des ventes en volume et 49 % des ventes en valeur en 2012 (12).
18. La partie notifiante considère que les œufs plein air et les œufs label appartiennent à deux marchés distincts, dans la mesure où la production et la commercialisation d'œufs label répondent à des exigences particulières définies par la notice technique nationale homologuée par arrêté ministériel du 10 octobre 2012 (13). En tout état de cause, la question de la distinction entre les œufs plein air et les œufs label peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit la segmentation retenue.
19. Au cas d'espèce, l'opération entraîne un chevauchement d'activité sur les marchés de la commercialisation aux GMS d'œufs de poule en cage, d'œufs de poule plein air (à la fois les œufs label et les œufs plein air) et d'œufs de poule biologiques. Les parties sont également simultanément actives sur le marché de la commercialisation d'œufs coquille à la RHF, étant précisé que ce marché concerne exclusivement des œufs dits standards (cage). En revanche, l'opération envisagée ne conduira à aucun chevauchement d'activité sur le marché de la production et de la commercialisation d'ovoproduits (14)
Distinction selon le positionnement commercial des produits vendus aux GMS
20. La pratique décisionnelle s'est interrogée, tout en laissant la question ouverte, sur l'existence d'une éventuelle segmentation des marchés de la commercialisation des œufs coquille aux GMS selon le positionnement commercial des produits.
21. Comme cela a été constaté pour de nombreux autres produits, les modalités d'approvisionnement du circuit GMS diffèrent entre les MDD et les MDF. En effet, les MDD font l'objet d'un cahier des charges défini par l'acheteur (la GMS), qui détaille les caractéristiques attendues du produit. Le fournisseur n'intervient donc qu'en application du cahier des charges et n'a, contrairement aux fournisseurs de MDF, aucun rôle dans la définition des stratégies commerciales de ces marques (décisions de lancement de nouveaux produits, politique de communication, etc.). Par ailleurs, à la différence des MDF, l'identité de l'opérateur qui approvisionne une enseigne en produits MDD reste inconnue du consommateur final. De plus, les produits vendus sous MDD font très généralement l'objet d'appels d'offres alors que les produits vendus sous MDF font l'objet d'un contrat de référencement dans le cadre de négociations de gré à gré où la marque et les efforts promotionnels jouent un rôle important.
22. Cependant, le pouvoir de marché détenu par un fournisseur donné dépend également de facteurs autres que l'organisation par les GMS de leur approvisionnement. En premier lieu, si l'analyse de l'opération concerne exclusivement le marché amont de l'approvisionnement des GMS, la pression concurrentielle que peuvent éventuellement exercer les uns sur les autres les producteurs de MDF et de MDD est étroitement influencée par le comportement des consommateurs sur les marchés aval mettant en relation les GMS avec les clients, et donc par la substituabilité, du point de vue des consommateurs, entre les différents produits. Les négociations entre les GMS et leurs fournisseurs prennent donc place dans un contexte concurrentiel différent selon le degré de différenciation des produits en termes de goût, de qualité, de prix ou d'emballage et selon la notoriété des marques de fabricants.
23. Du côté de l'offre, le fait que les mêmes fabricants fournissent les GMS à la fois en produits sous MDD et en produits sous MDF peut constituer un indice de l'appartenance des deux types de produits au même marché. Dans le secteur des œufs coquille, l'Autorité de la concurrence a relevé que les bâtiments d'élevage pour les MDF étaient généralement les mêmes que pour les MDD. En revanche, il existe un écart de prix important entre les deux catégories de produits, de l'ordre de 15 % à 20 %.
24. Du côté de la demande, un élément de différenciation pourrait reposer sur la perception du consommateur et son l'attachement à une MDF ou à une MDD. L'Autorité de la concurrence a cependant relativisé cet attachement en relevant que, dans le secteur des œufs, la marque n'était pas le premier critère de choix du consommateur final et que le type d'œuf (mode d'élevage), la date limite de consommation et le prix primaient. Elle a également relevé qu'en cas d'absence d'une marque, le consommateur final pouvait se reporter facilement sur une MDD. Les études de secteur relèvent également la forte concurrence qui existe entre les MDF et les MDD (15).
25. La partie notifiante considère qu'il n'y a pas lieu de segmenter le marché selon le positionnement commercial des œufs coquille, dans la mesure où une large majorité des œufs coquille commercialisés en GMS le sont sous MDD, ce qui laisse supposer l'existence d'une substituabilité entre les œufs coquille sous MDD et les œufs coquille sous MDF. De fait, on constate un taux de pénétration important des MDD sur ce marché (de l'ordre de 64 % en valeur et 72 % en volume toutes enseignes confondues) (16)
26. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la question de la segmentation selon le positionnement commercial des œufs coquille peut rester ouverte, dans la mesure où quelle que soit l'hypothèse envisagée, l'analyse concurrentielle demeurera inchangée.
27. Au cas d'espèce, Matines et Houel commercialisent simultanément des œufs coquilles sous MDF et sous MDD. En revanche, Houel ne commercialise pas d'œufs de poule biologiques sous MDD.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
28. Les autorités nationales de concurrence considèrent que les marchés de la production et de la commercialisation d'œufs et de produits à base d'œufs sont au moins de dimension nationale. Elles ont cependant relevé que les acheteurs actifs sur ce marché en France avaient la possibilité de s'approvisionner auprès des fournisseurs implantés dans d'autres États membres de l'UE, mais qu'en pratique un relativement faible pourcentage des approvisionnements provenait d'autres pays de l'UE (17). La partie notifiante propose de retenir une dimension nationale des marchés de la production et de la commercialisation d'œufs coquille auprès des GMS et de la RHF.
29. Les effets de l'opération sur le marché de la production et de la commercialisation d'œufs seront donc examinés au niveau national, la question de la délimitation exacte de ce marché pouvant être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la délimitation géographique retenue.
III. Analyse concurrentielle
30. La présente opération consiste dans le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif de Matines. A l'occasion de précédentes affaires, les autorités de concurrence, tant nationale que communautaire, ont souligné que ce changement dans la nature du contrôle n'était généralement pas en lui-même susceptible de modifier significativement les conditions de l'exercice de la concurrence, à l'exception d'affaires plus complexes concernant notamment des parties en situation de concurrence avant la concentration (18).
31. En l'espèce, GSH n'était présent sur les marchés de la commercialisation d'œufs aux GMS qu'à travers Matines (19). L'opération notifiée conduit cependant à une addition de part de marché sur le marché de la commercialisation d'œufs coquille de poule en GMS compte tenu de l'apport par le groupe Cecab à Matines du fonds de commerce de la société Houel, également présente sur ce marché.
32. L'opération notifiée conduit également à un chevauchement d'activité sur le marché de la commercialisation d'œufs à la RHF dans la mesure où GSH y était présent en dehors de Matines et où les actifs apportés par Sicadap et Houel concernent pour partie ce marché.
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
33. Avec la cession des trois centres de conditionnement d'œufs coquille situés en Bretagne détenus par Cecab et Sicadap, Matines représentera environ [20-30] % des œufs consommés en France, et [10-20] % des œufs produits en Bretagne, ces œufs étant commercialisés auprès des GMS et de la RHF.
1. LES OEUFS COMMERCIALISÉS AUPRÈS DES GMS
34. L'opération n'entraîne pas la disparition d'un acteur important sur le marché puisque les chevauchements d'activités ne sont dus qu'à l'apport par l'un des actionnaires de Matines de la société Houel, dont les parts de marché ne dépassent jamais [0-5] %.
35. Outre Matines, qui commercialisait déjà les œufs de GSH auprès des GMS, le marché se caractérise par la présence d'entreprises affiliées à de grands groupes, tels que ODNV (entreprise commune nouvellement constituée entre les société Aviculteurs Associés et Groupe Appro) (20), Ovalis (contrôlée par le groupe LDC) ou Cocorette (détenue par plusieurs opérateurs régionaux) et d'entreprises indépendantes, telles que les sociétés Conditionnement Distribution et Production d'œufs (ci-après " CDPO "), Galline ou Natur-œuf.
36. En ne prenant en compte que les œufs commercialisés en GMS sous MDF et MDD (incluant MHD et MPP), les parts de marché en volume de Matines et Houel et de leurs concurrents pour l'année 2012 sur chacun des segments de marché sont les suivantes :
- sur le segment des œufs coquille, tous types d'œufs confondus, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [20-30] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %. La nouvelle entité fera face à la concurrence d'ODNV ([20-30] %), Ovalis ([15-25] %), CDPO ([10-20] %), Cocorette ([0-10] %), Galline ([0-10] %) et Natur-œuf ([0-10] %).
- sur le segment des œufs coquille de poule en cage, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [25-35] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %. La nouvelle entité fera face à la concurrence d'ODNV ([25-35 %]), Ovalis ([10-20] %), CDPO ([10-20] %), Galline ([0-10] %) et Natur-œuf ([0-10] %).
- sur le segment des œufs de poule plein air, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [15-25] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %. La nouvelle entité fera face à la concurrence d'ODNV ([20-30] %), Ovalis ([15-25] %), CDPO ([10-20] %), Cocorette ([10-20] %), Galline ([0-10] %) et Natur-œuf ([0-10] %).
- sur le segment des œufs de poule biologiques, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [15-25] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %. La nouvelle entité fera face à la concurrence d'Ovalis ([20-30] %), ODNV ([15-25] %), CDPO ([5-15] %), Cocorette ([10-20] %), Galline ([0-10] %) et Natur-œuf ([0-10] %).
37. Par conséquent, sur chacun de ces segments de marché, la nouvelle entité aura une part de marché équivalente ou inférieure à celle de son plus proche concurrent qui selon le segment de marché concerné est ODNV ou Ovalis. Outre ces deux opérateurs, il restera, sur chaque segment de marché, trois à quatre autres concurrents crédibles dont CDPO dont les parts de marché sont de l'ordre de [10-20] % sur chaque segment de marché et Cocorette qui détient de fortes positions sur les segments des œufs alternatifs.
38. En ne prenant en compte que les œufs commercialisés en GMS sous MDD (incluant MHD et MPP), les parts de marché en volume de Matines et Houel pour l'année 2012 sur chacun des segments de marché sont les suivantes :
- sur le segment des œufs coquille, tous types d'œufs confondus, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [25-35] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %.
- sur le segment des œufs coquille de poule en cage, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [25-35] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %.
- sur le segment des œufs coquille de poule en plein air, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [20-30] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %.
39. L'opération envisagée n'entraînera aucun chevauchement d'activité sur le marché des œufs de poule biologiques vendus sous MDD sur lequel Houel n'est pas active.
40. Sur les autres segments, les parts de marché des principaux concurrents de la nouvelle entité de marché sont sensiblement équivalentes à celles relevées sur le marché des œufs commercialisés en GMS sous MDF et MDD, attestant du maintien d'une pression concurrentielle importante à l'issue de l'opération envisagée.
41. En ce qui concerne les achats de MDD, la nouvelle entité sera confrontée à des acheteurs puissants disposant d'un fort pouvoir de négociation leur permettant d'exercer une pression sur les prix des fournisseurs. De plus, les enseignes de GMS disposent de sources alternatives d'approvisionnement et peuvent aisément changer de fournisseurs. En effet, comme l'a relevé récemment l'Autorité de la concurrence, les contrats sont de courte durée avec recours à des appels d'offres et les enseignes de GMS peuvent menacer de se tourner vers des sources alternatives d'approvisionnement en cas d'augmentation des prix. A titre d'exemple, l'Autorité de la concurrence a relevé qu'en 2011 " Leclerc a changé de fournisseur fin janvier, Intermarché en avril et Auchan plusieurs fois dans l'année. Lidl de son côté s'approvisionne à la semaine " (21).
42. En ne prenant en compte que les œufs commercialisés en GMS sous MDF, les parts de marché en volume de Matines et Houel pour l'année 2012 sur chacun des segments de marché sont les suivantes :
- sur le marché des œufs coquille, tous types d'œufs confondus, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [19-30] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %.
- Sur le marché des œufs coquille de poule en cage, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [25-40] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %.
- Sur le segment des œufs coquille de poule en plein air, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [10-20] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %.
- sur le segment des œufs de poule biologiques, la part de marché cumulée des parties sera de l'ordre de [15-25] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %.
43. Sur le segment de marché des œufs coquille, tous types d'œufs confondus, la nouvelle entité fera face à la concurrence d'opérateurs tels que ODNV ([20-30] %) et Ovalis ([15-25] %). Sur le segment de marché des œufs coquille de poule en cage, la nouvelle entité fera face à la concurrence d'opérateurs tels que ODNV et CDPO ([15-25] % chacun). Sur les segments de marché des œufs de poule plein air et biologiques la nouvelle entité ne sera pas leader, occupant respectivement la quatrième place et la deuxième place.
44. Cependant, il convient de noter que le marché des œufs vendus en GMS est fortement dominé par les MDD, les MDD et MPP représentant 64 % en valeur et 72 % en volume du marché de la commercialisation des œufs en GMS.
2. LES OEUFS DE POULE EN CAGE COMMERCIALISÉS AUPRÈS DE LA RHF
45. Sur ce marché, la part de marché en volume de GSH pour l'année 2012 est de l'ordre de [10-20] %. A la suite de l'opération envisagée, la part de marché de la nouvelle entité sera d'environ [20-30] %, en intégrant les apports d'actifs des sociétés Sicadap, Houel et Matines. La nouvelle entité fera face à la concurrence d'opérateurs importants sur ce marché tels que la société Ferme de pré (groupe Appro - [10-20] %), la société Chapin (groupe Cecab - [5-10] %) et la société La Dauphinoise ([5-10] %).
46. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux.
B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX
47. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché. Il est toutefois peu probable que la détention d'une gamme de produits ou d'un portefeuille de produits porte atteinte à la concurrence sur un ou plusieurs marchés si la nouvelle entité ne bénéficie pas d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier.
48. Au cas d'espèce, GSH commercialise des ovoproduits auprès des IAA et de la RHF.
49. La partie notifiante estime que sa part de marché sur le marché de la commercialisation d'ovoproduits à la RHF est de l'ordre de [20-30] %. Elle fait notamment face à la concurrence du groupe Cecab (via ses filiales PEP et Chapin) dont la part de marché est d'environ [10-20] %.
50. Sur le marché de la commercialisation d'ovoproduits aux IAA, segmenté entre les ovoproduits liquides et secs, la part de marché de la nouvelle entité est de [10-20] % environ pour les ovoproduits liquides et de [5-10] % environ pour les ovoproduits secs. Les principaux concurrents sont les sociétés Igreca (groupe Terrena), Liot (groupe Eurovo) et Geslin, qui disposent de parts de marché comprises entre [10-20] %, tous types d'ovoproduits confondus.
51. Il résulte de ce qui précède que la nouvelle entité ne disposera pas d'une position suffisamment forte sur le marché des ovoproduits pour lui faire permettre de faire jouer un effet de levier sur le marché des œufs coquille. Inversement, le renforcement de la partie notifiante sur le marché des œufs coquille vendus à la RHF n'est pas de nature à lui permettre d'exercer un effet de levier sur le marché des ovoproduits. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-215 est autorisée.
Notes :
1 Le fonds de commerce de la société Houel, qui ne détient pas de site de conditionnement, est constitué des marques et de la clientèle liées à l'activité de commercialisation d'œufs coquille auprès de la GMS sous marque de fabricant (" Clos Saint Jacques ", " œufs de Bretagne " et " Fermiers d'Argoat ") et sous marque de distributeur, ainsi qu'auprès des clients de la RHD.
2 Sont exclues les activités amont de production d'œufs coquille.
3 Voir les points 63 et 64 des lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations qui, se référant aux points 38 et suivants de la communication consolidée de la Commission européenne, considèrent que " des opérations multiples constituent une seule et même opération de concentration dès lors qu'elles sont interdépendantes, au sens où une opération n'aurait pas été effectuée sans l'autre. Le considérant 20 du règlement n° 139/2004 relatif au contrôle des concentrations précise d'ailleurs qu'il convient de traiter comme une concentration unique les opérations étroitement liées en ce qu'elles font l'objet d'un lien conditionné [...]. Les opérations peuvent être considérées comme liées entre elles en droit, lorsque les accords eux-mêmes sont liés par une conditionnalité réciproque [...]. Comme le précise le point 43 de la communication consolidée, le fait que les accords soient conclus simultanément est l'un des éléments essentiels à l'interdépendance ".
4 Voir notamment C2008-80 / Lettre du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi du 28 août 2008, aux conseils de la société Lesieur, relative à une concentration dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sauces froides et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-35 du 21 avril 2010 relative à la prise de contrôle de la société Saipol par le groupe Sofiprotéol.
5 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-91 du 24 décembre 2009 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Nutréa, Peigne, UCA, Couvoirs de Cléden et Univol par les groupes Coopagri Bretagne et Terrena, n° 11-DCC-154 du 24 octobre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Financière du Forest, holding du groupe GAD, par la société Centrale Coopérative Agricole Bretonne et n° 13-DCC-156 du 31 octobre 2013 relative à la création d'une entreprise commune par la société Aviculteurs Associés et la société Appro.
6 Décision n° 13-DCC-156 du 31 octobre 2013, précitée.
7 L'ovoproduit est une denrée alimentaire composée par l'œuf en partie ou en totalité, éventuellement débarrassé de certains de ses composants mineurs (glucides, lysosyme) ou additionnés d'ingrédients tels que sucre, sel, acide ascorbique (autorisé en France), glycérine, conservateurs, anticoagulant, adjuvants de moussage (en France) et enfin commercialisés sous forme de denrée réfrigérée, congelée ou desséchée, ayant subi une pasteurisation. Les ovoproduits font passer l'œuf de l'état coquille à l'état transformé, selon des normes très strictes d'hygiène et de sécurité.
8 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-154 du 24 octobre 201,1 précitée.
9 Décision n° 13-DCC-156 du 31 octobre 2013, précitée.
10 Id.
11 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-91 du 24 décembre 2009, n° 11-DCC-154 du 24 octobre 2011 et n° 13-DCC-156 du 31 octobre 2013, précitées.
12 Source : La filière des œufs et des ovoproduits, octobre 2012, Xerfi 700.
13 Notice technique définissant les critères minimaux à remplir pour l'obtention d'un label rouge en " œufs de poules élevées en plein air " " poule fermières élevées en plein air/liberté " poules présentés en frais, surgelées, entières ou découpées, Institut National de l'Origine et de la Qualité, Arrêté du 10 octobre 2012 - JORF du 18 octobre 2012.
14 GSH est actif sur le marché de la production et de la commercialisation d'ovoproduits mais les activités apportées par Cecab, Sicadap et Coop de Broons concernent exclusivement les œufs coquilles.
15 Source : La filière des œufs et des ovoproduits, octobre 2012, Xerfi 700.
16 Id.
17 Voir notamment la décision du ministre C2008-80 du 28 août 2008, précitée, et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-91 du 24 décembre 2009, n° 10-DCC-35 du 21 avril 2010 et n° 11-DCC-154 du 24 octobre 2011, précitées.
18 Voir notamment, au niveau national, les décisions de l'Autorité n° 11-DCC-34 du 25 février 2011 relative à l'acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez et n°13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon et, au niveau européen, la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5141 KLM/Martinair du 17 décembre 2008.
19 GSH commercialisait cependant marginalement des œufs aux enseignes de hard discount. Le montant de ses ventes s'est élevé à [...] d'œufs coquille auprès de ces enseignes en 2012, ce qui représente environ [5-10] % des œufs commercialisés dans ces enseignes en France en 2012
20 Voir la décision n° 13-DCC-156 du 31 octobre 2013, précitée. 9
21 Voir la décision n° 13-DCC-156 du 31 octobre 2013, précitée. 10