ADLC, 24 décembre 2013, n° 13-DCC-199
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mobius SAS par Altice Blue Two SAS
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 20 novembre 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Mobius SAS par Altice Blue Two SAS, formalisée par un contrat de cession d'actions de Mobius à Altice Blue Two ainsi qu'un accord d'investissement en date du 19 octobre 2013 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Altice Blue Two SAS est une société par actions simplifiée à associé unique contrôlée par Altice Carribean SARL, elle-même contrôlée par Altice VII SARL (ci-après "Altice"). Altice VII est un groupe de télécommunications présent principalement en France, en Israël, en Belgique, au Luxembourg, en Suisse et au Portugal. En France, elle opère en Martinique et en Guadeloupe par le biais de filiales exploitant la marque "Le Cable-Numericable", et, depuis juillet 2013, dans l'ensemble des départements et régions d'outre-mer (ci-après "DROM") avec la société Outremer Telecom. Celle-ci est notamment présente à La Réunion où elle propose aux particuliers et aux entreprises des services de téléphonie fixe et mobile, d'accès Internet haut débit et de télévision sous la marque "Only" ainsi que des services de données pour les entreprises.
2. A la date de la notification de la présente opération, Altice détenait en outre une participation minoritaire au capital du groupe Numericable. Les dispositions du pacte d'actionnaires conclu entre Altice, Civen et Carlyle le 7 novembre 2013 n'attribuent toutefois à Altice aucun droit lui conférant la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité de Numericable. Altice a conclu avec Numericable un contrat de licence de marque, grâce auquel Altice distribue dans les DROM des offres de services de télécommunication sous la marque "Le Cable-Numericable".
3. Mobius SAS (ci-après "Mobius") est active dans le secteur des communications électroniques, exclusivement à La Réunion, depuis 2000. Elle propose des services de données et d'accès à Internet haut débit pour les professionnels, sous la marque "Mobius Technology", ainsi que des offres multiservices d'accès à Internet, de téléphonie et de télévision par ADSL pour une clientèle résidentielle sous la marque "iZi".
4. L'opération, formalisée par un contrat de cession d'actions ainsi qu'un accord d'investissement en date du 19 octobre 2013, consiste en l'acquisition des actions composant l'intégralité du capital et des droits de vote de la société Mobius par Altice Blue Two. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Mobius par Altice, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euros (Altice : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; Mobius : [...] d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé à La Réunion un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euros (Altice : [...] d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 ; Mobius : [...] d'euros pour le même exercice) (1). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au III de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. La présente opération emporte un chevauchement d'activité entre Altice et Mobius dans le secteur de la télévision payante, dans la mesure où les parties interviennent du côté de la demande sur le marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes ainsi qu'en matière de distribution de services de télévision payante linéaire. Elle entraîne également un chevauchement d'activité dans le secteur des communications électroniques et plus précisément sur les marchés de la fourniture d'accès à Internet, des services de capacité et de la distribution au détail d'accès à Internet. Par ailleurs, Altice est actif, via sa filiale Outremer Telecom, sur le marché de la téléphonie mobile qui sera étudié au titre des éventuels effets congloméraux de l'opération.
A. LES MARCHÉS DE LA TÉLÉVISION PAYANTE
7. En matière d'édition et de commercialisation de chaînes de télévision payante, la pratique décisionnelle considère qu'il n'est pas pertinent de distinguer différents marchés en fonction des plateformes de distribution des chaînes. La pratique décisionnelle retient en revanche une segmentation des marchés intermédiaires en fonction des thématiques des chaînes. Les partiesn'interviennent sur ces marchés que du côté de la demande, en tant qu'acheteuses de chaînes linéaires dans plusieurs thématiques (2).
8. En aval, la pratique décisionnelle, tant nationale qu'européenne, distingue le marché de la télévision payante de celui de la télévision gratuite compte tenu, notamment, du mode de financement différent de ces deux types de télévision. En effet, la télévision payante établit une relation commerciale entre le distributeur de télévision et le téléspectateur alors que la télévision gratuite n'établit une telle relation qu'entre le distributeur de télévision et les annonceurs publicitaires. Ces deux offres ne sont donc pas substituables aux yeux des consommateurs.
9. La pratique décisionnelle a également considéré que seules les offres dites "de second niveau" proposées par les fournisseurs d'accès à internet ("FAI") sont de nature à exercer une pression concurrentielle sur les offres de télévision payante sur le satellite et sur le câble,"), à l'exclusion des offres dites "de premier niveau" (3).
10. Sur le plan géographique, la pratique décisionnelle considère que les marchés de l'édition de chaînes de télévision payantes sont de dimension nationale, à l'exception des départements d'outre-mer. Le marché de la distribution de services de télévision payante a également été examiné au niveau de chaque DROM (4).
B. LES MARCHES DE L'ACCÈS À INTERNET
11. Dans le secteur de l'accès Internet, la pratique décisionnelle distingue les marchés de gros, les marchés de la fourniture d'accès à Internet et les marchés de la distribution au détail de services d'accès Internet.
1. LES MARCHÉS DES OFFRES D'ACCÈS AUX OFFRES DE HAUT DÉBIT ET TRÈS HAUT DÉBIT FIXE
12. En ce concerne les offres de gros d'accès à Internet, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après "ARCEP") a identifié et régule plusieurs marchés pertinents : le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire ("marché 4"), le marché de gros des offres haut débit et très haut débit activées ("marché 5") et le marché des services de capacités ("marché 6").
13. Le marché 6 tel que définit par l'ARCEP vise des capacités de communications électroniques qu'un client professionnel, entreprise ou administration, utilise pour relier entre eux ses différents sites. Les différents services de capacité se distinguent selon le type d'interface qu'ils utilisent et le débit qu'ils offrent vers chaque site.
14. Au sein du "marché 6", l'ARCEP opère une distinction supplémentaire entre : (i) le marché de détail des services de capacité ; (ii) le marché de gros des prestations du segment terminal des services de capacité ; (iii) les marchés de gros des prestations du segment interurbain, comprenant les marchés des prestations intraterritoriales et interterritoriales (5).
15. En l'espèce, Altice et Mobius sont actifs sur le marché de détail des services de capacité ou marché de détail des liaisons louées. Les services de détail de capacité sont "des capacités de communications électroniques qu'un client professionnel, entreprise ou administration, utilise pour relier entre eux ses différents sites" (6). Il existe différents types de services : des liaisons louées traditionnelles, analogiques et numériques, et des services de capacités à interfaces alternatives (essentiellement Ethernet). Néanmoins, la pratique décisionnelle n'a pas envisagé de segmenter de manière plus fine ce marché en fonction des différents types de service.
16. En ce qui concerne la délimitation géographique de ce marché, l'ARCEP, dans son analyse effectuée à des fins de régulation, considère qu'il est de dimension nationale (7). Néanmoins, s'agissant de l'île de La Réunion, seuls les opérateurs implantés localement sont en mesure de fournir ce type de services aux entreprises demandeuses. En outre, des opérateurs comme Mobius ne sont présents qu'à La Réunion et il existe des offres définies exclusivement au niveau de ce département. Il peut donc être envisagé de restreindre l'analyse au territoire réunionnais pour examiner les effets de la présente opération.
17. En l'espèce, toutefois, la délimitation de ce marché peut rester ouverte, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit l'hypothèse considérée.
2. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE D'ACCÈS À INTERNET
18. Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence (8), il convient de distinguer le marché de la fourniture d'accès à Internet bas débit (via le réseau téléphonique commuté) et le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit et très haut débit (via les technologies du câble, de l'ADSL et de la fibre). Par ailleurs, les marchés de la fourniture d'accès à Internet peuvent être segmentés selon le type de client (résidentiel/professionnel).
19. Le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit comprend l'ensemble des services haut débit, à savoir, outre l'accès à Internet, les services de voix sur IP, la télévision et la téléphonie fixe. Ces services sont généralement proposés dans le cadre d'une offre multiservices dite "triple-play". Ces offres peuvent évoluer vers des offres dites "quadruple-play" lorsqu'elles intègrent un service supplémentaire de téléphonie mobile. Les termes "offres multiservices" ou "offres multiple-play" peuvent également être utilisés pour désigner ce marché. La pratique décisionnelle a envisagé, sans trancher la question, de segmenter plus finement le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit en fonction de chaque type de service. Il est également envisageable de distinguer les différentes offres multiservices, compte tenu des différences dans le périmètre des prestations obtenues par les clients aux différentes offres. Il n'est toutefois pas nécessaire de se prononcer sur la pertinence de ces différentes segmentations dans le cadre de la présente décision dans la mesure où celles-ci ne conditionnent pas les conclusions de l'analyse.
20. En l'espèce, Altice et Mobius sont simultanément actifs sur le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit à destination de la clientèle professionnelle et à destination de la clientèle résidentielle.
21. Sur le plan géographique, la pratique décisionnelle (9) considère que les marchés de la distribution au détail de l'accès à Internet sont de dimension nationale.
22. Néanmoins, en l'espèce, les activités des parties ne se chevauchent qu'à La Réunion. En outre, les offres d'accès à Internet sont spécifiques à chaque DROM et différentes de celles proposées en métropole, tant au niveau de leur tarification que de leur contenu. Enfin, la structure concurrentielle de ce marché varie d'un DROM à l'autre dans la mesure où certains concurrents, comme Mobius, ne sont présents qu'à La Réunion.
23. En l'espèce, la question de la délimitation exacte du marché de la fourniture d'accès Internet peut toutefois rester ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit l'hypothèse envisagée.
3. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL D'ACCÈS À INTERNET
24. La distribution au détail d'accès à Internet vise la distribution au client final d'offres d'accès à internet par canaux de distribution physique et à distance. Selon la pratique décisionnelle nationale (10), la typologie des canaux de distribution des offres haut débit multiservices est similaire à celle des canaux de distribution des produits et services de téléphonie mobile (11).
25. Toutefois, la répartition des ventes d'abonnements haut débit multiservices entre ces différents canaux de distribution est différente de celle des services de téléphonie mobile. En effet, une part significative des ventes d'abonnements est réalisée à distance, certaines offres n'étant disponibles que sur Internet ou par téléphone.
26. Par ailleurs, la partie notifiante considère que les canaux de distribution et les modalités de vente sont distincts en fonction du type de clientèle. Ainsi, les parties distribuent leurs offres haut débit multiservices à destination des professionnels principalement par le biais d'une force de vente directe, les offres à destination de cette clientèle n'étant commercialisées ni en boutique et ni par Internet. En revanche, en ce qui concerne la clientèle résidentielle, Mobius comme Altice disposent de points de vente physiques mais aussi d'un site Internet permettant la souscription en ligne ou encore d'un numéro vert.
27. Concernant la délimitation géographique, la pratique décisionnelle (12) considère généralement que ce marché est de dimension nationale, notamment parce que les offres sont proposées à des conditions identiques sur l'ensemble du territoire français et selon une politique tarifaire et commerciale fixée au niveau national, sans aucune marge de manœuvre pour les différents distributeurs. Toutefois, comme cela a été expliqué concernant le marché de la fourniture d'accès à Internet, l'opération ne concerne que le territoire de La Réunion qui présente des spécificités dans les offres proposées aux consommateurs. En outre, à l'exception des groupes Orange et SFR, les opérateurs actifs à La Réunion ne distribuent aucune offre en dehors du territoire du département. Il sera donc envisagé en l'espèce un marché limité au territoire réunionnais.
28. En tout état de cause, en l'absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte du marché de la distribution au détail de l'accès Internet peut être laissée ouverte.
C. LE MARCHÉ DE DÉTAIL DE LA TÉLÉPHONIE MOBILE
29. Altice est présent sur le marché de détail de téléphonie mobile, qui est concerné compte tenu de son lien de connexité avec les marchés de la fourniture d'accès Internet.
30. La pratique décisionnelle communautaire (13) et nationale (14) a défini de façon constante le marché de détail de la téléphonie mobile comme étant celui sur lequel se rencontrent, d'une part, une offre constituée des opérateurs de réseaux mobiles hôtes disposant d'une licence d'exploitation et d'un réseau mobile ad hoc (Mobile Network Operators, ou "MNO") et les opérateurs mobiles virtuels (Mobile Virtual Network Operators, ou "MVNO"), qui sont en concurrence pour la fourniture de services de téléphonie mobile et, d'autre part, une demande constituée des consommateurs finaux, qu'il s'agisse de particuliers ou de professionnels.
31. Les autorités de concurrence ont par ailleurs considéré, à plusieurs reprises, qu'il n'était pas pertinent de subdiviser davantage le marché des clients finaux en fonction de critères tels que la clientèle professionnelle ou privée, les clients contractuels et prépayés, ou selon la technologie employée c'est-à-dire les réseaux 2G/GSM et 3G/UMTS (15).
32. L'Autorité de la concurrence (16) a plus récemment envisagé, tout en laissant la question ouverte, une segmentation du marché de détail de la téléphonie mobile conduisant à retenir trois marchés distincts : celui des offres standard de téléphonie mobile, celui des offres limitées à un accès permanent à Internet, enfin celui des offres mixtes permettant à la fois d'établir des communications vocales et un accès permanent à Internet. Chacun de ces segments pourrait en outre être segmenté en deux marchés distincts en fonction des catégories de clientèle (grand public et entreprises) au regard des différences de prix et des modes de commercialisation.
33. Il n'y a pas lieu de remettre en cause les différentes délimitations envisagées par la pratique décisionnelle à l'occasion de l'examen de la présente opération.
34. S'agissant de la délimitation géographique, la Commission européenne a considéré que ce marché était de dimension nationale (17). La pratique décisionnelle nationale (18) a précisé que le marché pertinent devait être circonscrit à la France métropolitaine, les départements d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint Pierre-et-Miquelon possédant des particularités qui amènent à les distinguer de la métropole (éloignement géographique et isolement des îles ; caractéristiques météorologiques, environnementales et sociologiques ; pénétration et démarrage spécifiques de l'activité mobile ; cadre réglementaire en matière d'octroi de licences d'autorisation des fréquences GSM, etc.). En l'espèce, l'analyse concurrentielle sera menée sur le territoire réunionnais.
III. Analyse concurrentielle
35. A titre liminaire, il convient de préciser que cette opération intervient alors que Groupe Canal Plus ("GCP"), filiale du groupe Vivendi, a notifié une opération le 16 septembre 2013 dans le même secteur, consistant dans le rapprochement de Canal+ Overseas, filiale de GCP active dans les DROM, et des sociétés Mediaserv, Martinique Numérique, Guyane Numérique et La Réunion Numérique. Dans le secteur de l'accès à Internet, cette opération pourrait ainsi conduire au rapprochement de SRR, également filiale du groupe Vivendi, et de Mediaserv, toutes deux actives à La Réunion sur différents marchés concernés par la présente opération. Celle-ci sera donc analysée en tenant compte tant de la structure actuelle du marché que des positions qui pourraient émerger à l'issue de l'opération GCP/Mediaserv.
A. EFFETS HORIZONTAUX
1. LES MARCHÉS DE LA TÉLÉVISION PAYANTE
36. Sur les marchés de l'édition et de la commercialisation de chaînes, les parties représentent une portion limitée de la demande. Si Mobius commercialise un bouquet de 35 chaînes dans son offre triple play, Outremer Telecom ne propose que deux chaînes de télévision linéaire (Ma Chaîne Sports et Gulli). Les parties ne jouissent d'aucune exclusivité de distribution. La partie notifiante n'a pas été en mesure de produire des estimations précises de parts de marché, fautes de données disponibles, mais fait valoir que la part cumulée de la nouvelle entité à l'issue de l'opération ne peut être supérieure à [0-5] %. Elles ne disposent en outre d'aucune exclusivité, contrairement au GCP, premier acheteur du marché.
37. S'agissant du marché de la distribution de services de télévision payante, Outremer Telecom ne propose aucun bouquet de second niveau de service et l'opération n'entraîne donc aucun chevauchement sur ce segment d'activité. La nouvelle entité représentera environ 3 % des abonnés à La Réunion.
38. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la télévision payante.
2. LE MARCHÉ DE DÉTAIL DE CAPACITÉ
39. Au niveau national, la partie notifiante n'a pas été en mesure d'estimer précisément les parts de marché d'Altice et de Mobius. Toutefois, elle considère que la part de marché de la nouvelle entité restera nettement inférieure à 5 %.
40. A La Réunion, la partie notifiante considère que la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [10-20] % (Mobius : [10-20] % ; Altice/Outremer Telecom : [0-5] %) (19). Elle restera confrontée à la concurrence du leader du marché, Orange, ainsi qu'à des opérateurs comme IDOM ou SRR.
41. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur ce marché.
3. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE D'ACCÈS INTERNET
a) Fourniture d'accès à Internet haut débit à destination de la clientèle professionnelle à La Réunion
42. Sur le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit à destination de la clientèle professionnelle à La Réunion, la partie notifiante estime que la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [30-40] % en valeur (20). Mobius y réalise [30-40] % des ventes, tandis qu'Altice, par le biais d'Outremer Telecom, représente environ [5-10] % des ventes. Toutefois, la partie notifiante a indiqué que cette estimation constituait un majorant de la position réelle de Mobius et d'Altice dans la mesure où elle n'avait pas été en mesure de distinguer le chiffre d'affaires réalisé par ces sociétés sur le marché de détail de capacité de celui réalisé sur la fourniture d'accès Internet pour les professionnels.
43. La nouvelle entité restera confrontée à la concurrence d'Orange, leader du marché avec une part de marché estimée à [40-50] %, d'IDOM ([10-20] %), de SRR ([5-10] %) et de Mediaserv ([0-5] %). Dans l'hypothèse du rapprochement entre SRR et Mediaserv, l'analyse concurrentielle ne serait donc pas modifiée.
b) Fourniture d'accès à Internet haut débit à destination de la clientèle résidentielle à La Réunion
44. Sur le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit à destination de la clientèle résidentielle à La Réunion, la part de marché de la nouvelle entité atteindrait [20-30] % en volume d'abonnés (Mobius : [10-20] % ; Altice : [10-20] %) d'après les meilleures estimations de la partie notifiante qui n'a pas été en mesure de produire les parts de marché estimées en valeur.
45. En l'état actuel du marché, la nouvelle entité deviendrait le deuxième acteur derrière Orange ([30-40] %). Plusieurs concurrents alternatifs sont cependant présents : SRR ([20-30] %), Mediaserv ([10-20] %) et Zeop ([5-10] %). En cas de rapprochement entre Mediaserv et SRR, la nouvelle entité se placerait en troisième position.
46. Enfin, si une segmentation selon le type d'offres devait être envisagée, Mobius et Altice ne seraient simultanément présents que sur les offres "double-play" et "triple-play".
47. En ce qui concerne les offres "double-play" et en l'état actuel du marché, la nouvelle entité deviendrait leader du marché avec une part de marché estimée à [30-40] % (Mobius : [10-20] % ; Altice : [10-20] %). Elle resterait néanmoins confrontée à la concurrence de plusieurs opérateurs importants : Orange ([20-30] %), SRR ([20-30] %) et Mediaserv ([10-20] %). En cas de rapprochement entre SRR et Mediaserv, la nouvelle entité se placerait en deuxième position.
48. Concernant les offres "triple-play", la nouvelle entité disposerait d'une part de marché de [10-20] % et resterait confrontée à la concurrence du leader Orange ([30-40] %) et SRR ([20-30] %). En outre, d'autres opérateurs plus petits sont également présents : Zeop ([10-20] %) et Mediaserv ([5-10] %). Le rapprochement entre SRR et Mediaserv ne modifierait pas substantiellement l'analyse.
49. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur ces marchés.
4. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION D'ACCÈS INTERNET
50. S'agissant du calcul des parts de marché, la pratique décisionnelle retient comme indicateur, pour l'année concernée, l'évolution du nombre total d'abonnements haut débit.
51. Sur le segment de la distribution au détail d'accès Internet à destination de la clientèle professionnelle à La Réunion, la partie notifiante n'a cependant pas été en mesure d'évaluer précisément les parts de marché d'Altice et Mobius. Elle observe toutefois qu'Altice (via Outremer Telecom) n'a recruté aucun nouveau client, tandis que Mobius en a recruté 49 durant l'année 2012. En tout état de cause, l'opération ne conduira donc pas à un renforcement de Mobius sur cet éventuel segment de marché.
52. En ce qui concerne la distribution d'accès Internet auprès d'une clientèle résidentielle, la partie notifiante n'a pas été en mesure d'estimer la part de marché d'Outremer Télécom et de Mobius sur ce marché sur la base de l'évolution du nombre total d'abonnements haut débit. Elle considère cependant que la position de la nouvelle entité sur le marché de la distribution devrait refléter celle qu'elle détient sur le marché de la fourniture d'accès Internet à La Réunion, et ne devrait donc pas dépasser [20-30] %.
53. Concernant le réseau de distribution physique, Altice, par le biais de sa filiale Outremer Télécom, dispose de 25 points de vente détenus en propre. Ces agences réalisent l'ensemble des ventes d'Outremer Télécom sous la marque "Only", l'opérateur ne proposant pas de souscription via son site Internet et l'ensemble des ventes réalisées à domicile et par téléphone étant finalisé en boutique. A l'inverse, Mobius ne dispose que de quatre boutiques en propre et réalise une part substantielle de ses ventes d'offres d'accès Internet pour les particuliers en ligne, sous la marque "iZi". A l'issue de l'opération, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence d'Orange et de SRR qui disposent d'un réseau de distribution propre composé respectivement de 21 (21) et 23 boutiques.
54. En tout état de cause, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur ces marchés.
B. EFFETS CONGLOMÉRAUX
55. Dans la mesure où Altice est également présent sur le marché de détail de la téléphonie mobile, marché connexe au marché de la fourniture d'accès à Internet notamment dans un contexte de développement d'offre "quadruple-play", il convient d'examiner les éventuels effets congloméraux de l'opération, s'agissant des clients résidentiels.
56. Toutefois, la position d'Altice sur le marché de la téléphonie mobile est limitée ([10-20] % en nombre d'abonnés) et cet opérateur est confronté à la concurrence de SRR ([60-70] %) et d'Orange ([20-30] %). Par ailleurs, comme cela a été établi précédemment, la part de marché de la nouvelle entité sur le marché de la fourniture d'accès Internet aux clients résidentiels reste limitée ([20-30] %). En tout état de cause, des concurrents plus importants sont également en mesure de proposer des offres de type "quadruple-play" à La Réunion.
57. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-186 est autorisée.
Notes :
1 Les chiffres d'affaires d'Altice incluent celui réalisé pour la même période par le groupe Outremer Telecom, acquis en juillet 2013.
2 Décision de l'Autorité de la concurrence du 23 juillet 2012 n° 12-DCC-100, Canal Plus/TPS.
3 Id.
4 Id.
5 Décision de l'ARCEP n° 10-0402 du 8 avril 2010 sur la définition des marchés pertinents des services de capacité.
6 Décision n° 10-D-31 du 12 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché des services de capacité.
7 Décision de l'ARCEP n° 2010-0402 du 8 avril 2010 sur la définition des marchés pertinents des services de capacité.
8 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-95 du 17 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty Télécom par le Groupe Bouygues ; n° 11-DCC-110 du 26 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Outremer Telecom par AXA Investment Managers Private Equity Europe SA ; n° 10-DCC-182 du 13 décembre 2010 relative à la prise de contrôle de la société Altitude Télécom par le groupe Altice B2B et n° 09-DCC-35 du 6 août 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cinq sur Cinq par la société SFR.
9 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-35.
10 Décisions n° 11-DCC-110 du 26 juillet 2011 et n° 11-DCC-118 du 20 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Compagnie Européenne de Téléphonie par la société France Télécom SA.
11 Les différents canaux de distribution peuvent être présentés selon la typologie suivante : (i) réseaux intégrés des opérateurs ; (ii) réseaux monomarques spécialisés liés, sans être intégrés, aux opérateurs par un partenariat exclusif ou quasi-exclusif ; (iii) réseaux multimarques spécialisés, qu'il s'agisse de spécialistes télécom ou de grandes surfaces spécialisées (tels que notamment The Phone House, FNAC, Darty), intégrés ou non à des groupes de distribution ; (iv) réseaux multimarques généralistes (grandes surfaces alimentaires) ; (v) réseaux de vente à distance (Internet, vente par téléphone, vente directe).
12 Voir la décision n° 09-DCC-35 du 6 août 2009 ou n° 11-DCC-118 du 20 juillet 2011.
13 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.3916 T-Mobile Austria/Tele.ring du 26 avril 2006 et n° COMP/M.5650 T-Mobile/Orange du 1er mars 2010.
14 Voir notamment la lettre du ministre n° C 2007-150 du 23 novembre 2007ainsi que les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-65 et n° 11-DCC-07 précitées.
15 Voir les décisions de la Commission n° COMP/M.3916, n° COMP/M.5650 et la décision de l'Autorité n° 09-DCC-65 précitées.
16 Décision n° 11-DCC-07 du 28 janvier 2011 relative à la création d'une entreprise commune de plein exercice par La Poste et SFR.
17 Voir la décision de la Commission n° COMP/M.3916. 7
18 Voir par exemple la lettre du ministre n° C2007-150 précitée, les décisions de l'Autorité n° 09-DCC-35 et n° 09-DCC-65 précitées
19 En l'absence de données publiques, la partie notifiante a estimé la taille du marché réunionnais en rapportant de la taille du marché national des liaisons louées au poids de la population réunionnaise par rapport à la population française.
20 La partie notifiante n'a pas été en mesure de produire les parts de marché en volume d'abonnés.
21 Sur les 21 boutiques Orange, 11 vendent exclusivement des offres d'accès à Internet.