CA Nîmes, 2e ch. com. B, 16 mai 2013, n° 11-05685
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Pole Services (SAS), Pomies-Richaud (ès qual), Vajou (ès qual)
Défendeur :
Dieau Edafim (SA).
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Filhouse
Conseillers :
MM. Bertrand, Gagnaux
Avocats :
Mes Labes, Gaudy
Vu le jugement rendu le 25/11/2011 par le Tribunal de commerce d'Aubenas dans l'affaire opposant la S.A.S Pole Services
Vu l'appel de la S.A.S Pole Services en date du 28/12/2011,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 18/07/2011 par la S.A.S Pole Services et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 3/12/2012 par la S.A Dieau - Edafim et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 28/02/2013,
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La S.A.S Pole Services a acquis auprès de la S.A Dieau - Edafim dans les années 2004 et 2005 un ensemble de 581 fontaines à eau modèle STAR BB (Baconnier Batiment), au prix alors de 158 053,25 euros Hors Taxes
Au cours de l'année 2007, 96 machines ont été échangées amiablement à leur prix d'origine, décotées selon accord intervenu entre les parties, avec achat concomitant de nouvelles fontaines.
La S.A Dieau - Edafim refusant selon elle à tort un échange de l'ensemble des fontaines à eau qui présenteraient toutes le même défaut rédhibitoire, la S.A.S Pole Services l'a assignée le 27/07/2010 devant le Tribunal de commerce d'Aubenas : elle invoquait une "responsabilité contractuelle" "à raison des vices affectant les fontaines à eau modèle STAR BB vendues et non échangées", sollicitant 131 920 euro H.T de restitution de prix pour 485 machines, 48 500 euro H.T "au titre du coût d'enlèvement des machines défaillantes" [10 euro par machine ], outre 50 000 euro de dommages et intérêts pour préjudice moral et " d'image', et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement en date du 25 novembre 2011, le Tribunal de Commerce d'Aubenas, au visa de l'article 1648 alinéa 1 du Code civil, a déclaré irrecevables les prétentions de la S.A.S Pole Services "fondées sur l'existence d'un vice caché' et débouté S.A.S Pole Services de l'ensemble de ses prétentions, sans condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile mais avec condamnation aux dépens.
La S.A.S Pole Services - appelante- fait valoir " sur le fondement de l'action en justic" que selon l'article 1603 du Code Civil le vendeur a, en vertu du contrat de vente, "deux obligations principales celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend ", l'article 1625 du Code Civil précisant au sujet de la garantie due par le vendeur a deux objets : "le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires " ; que " la garantie des vices cachés est certes imposée par la loi mais elle n'en demeure pas moins une obligation contractuelle découlant du contrat de vente (...)".
Elle revendique elle-même ensuite sur son action :
"Les modalités de la mise en œuvre de l'action en garantie contre les vices cachés sont régies par les articles 1641 et suivants du Code Civil invoqués à juge titre par la partie demanderesse. Le fondement de l'action en justice de la société Pole Services est donc on ne peut plus clair"
Elle dénonce ensuite la mauvaise foi en cette affaire de la S.A Dieau - Edafim qui a reconnu le défaut de son matériel lors de sa découverte en 2007, d'où un échange amiable de partie du matériel et la poursuite de négociations pendant plusieurs années avant l'assignation introductive d'instance, retardée ainsi seulement par la poursuite de négociations artificiellement et frauduleusement entretenues.
Elle conteste encore l'application invoquée par le vendeur de ses conditions générales de vente qui ne sauraient en tout état de cause écarter la garantie des vices cachés, la défectuosité ne pouvant résulter d'un défaut d'entretien périodique abusivement invoqué.
Elle insiste sur le fait que " le vice affectant le châssis, s'il ne devient visible qu'avec le temps, n'est pas lié à l'usure ou à la mauvaise utilisation du produit mais bien à une erreur de conception." ; que " la colonne des fontaines ne s'est pas usée par le frottement ou autre usure quelconque puisque cette partie n'est jamais sollicitée par les utilisateurs de la machine.Il s'agit d'un vice structurel touchant une des pièces maîtresses de la fontaine à eau, le châssis ayant pour fonction de maintenir les bonbonnes d'eau.
Un vice affectant la structure d'une pièce maîtresse ne saurait être considéré comme un vice de nature purement esthétique étant donné le risque d'affaitement et donc de chute de bonbonne que ce défaut est susceptible de provoquer."
Elle énonce encore in fine :
" Il résulte de l'ensemble des constatations qui précèdent qu'un vice caché au sens des artides 1641 et suivants du Code civil grève bel et bien les fontaines à eau (...) "
Elle demande en définitive à la Cour :
(...) Vu les articles 1641 et suivants Code Civil
Dire recevable et bien fondé l'appel (...)
Réformer en sa totalité le jugement (...)
Dire et juger que la société Dieau-Edafim engage sa responsabilité contractuelle résultant de son obligation de garantie à raison des vices cachés affectant les fontaines à eau modèle STAR BB vendues et non échangées au jour de la délivrance de l'exploit introductif d'instance, (...)
Condamner la société Dieau-Edafim à payer à la société Pole Services :
-131 920 euro HT au titre de la restitution du prix des 485 machines devant être changées
-48 500 euros H.T au titre du coût d'enlèvement des 485 machines défaillantes
-50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice d'image subis par la société Pole Services
-5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC,
-Condamner la société Dieau-Edafim aux entiers dépens de première instance et d'appel, [avec distraction]
Débouter la STE Dieau-Edafim de toutes ses demandes "
La S.A Dieau - Edafim - intimée - soutient à titre principal l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés de la S.A.S Pole Services , énonçant que selon elle le point de départ du délai est la découverte du vice , que la durée du délai selon le nouvel article 1648 (ordonnance 17/02/2005) est de " deux ans à compter de la découverte du vice " , la rédaction antérieure du même texte parlant de " bref délai" ; que ce délai a expiré au plus tard en mars 2009 sans qu'il y ait eu d'interruption par des négociations engagées en juillet 2009 après l'expiration du délai , d'autant que celles-ci n'impliquaient aucune reconnaissance préalable de vice caché.
A titre seulement subsidiaire elle conteste l'existence d'un vice caché, pour défaut d'antériorité à la vente en incriminant un défaut d'entretien, pour défaut de preuve que les fontaines auraient été impropres à leur usage, la fissuration du chassis au dos de la fontaine étant un problème seulement esthétique. Elle conteste toujours subsidiairement la réalité des préjudices invoquées et leur modes d'indemnisation, de même que leur quantum.
Elle demande en définitive à la cour :
"Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,
Déclarer la SAS Pole Services infondé en son appel,
Débouter la SAS POLES Services de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
Dire et juger, la SAS Pole Services irrecevable en son action en raison de la tardivité de celle-ci et l'en débouter,
Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement (...)
Dire et juger, la SAS Pole Services totalement mal fondée en ses demandes et l'en débouter, (...)
Statuant à nouveau Condamner la SAS Pole Services à payer à la SA Dieau-Edafim la somme de 4 000 euros HT au titre de l'article 700 du CPC,
Y ajoutant, Condamner la SAS Pole Services à payer à la SA Dieau-Edafim la somme de 4 000 euros HT au titre de l'article 700 du CPC
La condamner en outre aux entiers dépens [avec distraction]"
SUR CE
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure d'irrecevabilité de l'appel que la Cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;
Attendu que la S.A.S Pole Services fonde son action depuis l'origine de la procédure, de façon explicite et exclusive, sur l'existence d'un vice caché au visa de l'article 1641 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il est constant que la vente du matériel litigieux a été effectuée en 2004 et 2005 et les parties sont concordantes pour reconnaître qu'un problème n'est apparu sur les fontaines qu'en 2007 ;
Attendu qu'il résulte du dossier et n'est pas contesté que l'assignation introductive d'instance est intervenue le 27/07/2010 , soit en tout état de cause au-delà d'un bref délai ou du délai de deux ans des versions successives de l'article 1648 du Code civil ;
Attendu que la S.A.S Pole Services soutient qu'avant même l'engagement de son action judiciaire le délai aurait été interrompu par la reconnaissance du vice caché ou n'aurait pu valablement courir en l'état de la poursuite de négociations artificiellement et frauduleusement entretenues pour une solution amiable du problème ;
Attendu que sur la reconnaissance d'un vice caché la S.A.S Pole Services n'est en mesure de rapporter la preuve d'aucun écrit explicite; qu'elle entend faire valoir qu'elle serait implicite par l'échange amiable de partie des fontaines et l'existence de négociations ;
Attendu qu'il convient de souligner à cet égard que l'échange amiable est en fait une opération plus précisément de reprise de matériel ; que cette reprise intervient avec une décote de 50 euro à 80 euro (soit environ 25 % ) avec achat concomitant de nouvelles fontaines en nombre équivalent ;
Que de plus cet arrangement commercial ne concerne que 96 fontaines sur 581 , soit une partie minime ; que d'ailleurs même encore il est constant , invoqué et non contesté, que la S.A.S Pole Services n'a pas même procédé à l'échange des 96 fontaines convenues, pour des raisons d'organisation qui lui sont propres - en fait 76 fontaines ont été réellement échangées - ; que la preuve d'une reconnaissance acquise d'un vice caché n'est pas ainsi rapportée par cet événement ;
Attendu que singulièrement il convient de remarquer à ce propos qu'il n'existe au dossier aucune preuve de plainte de clients chez lesquels auraient été installées les fontaines d'eau ;
Attendu qu'en ce qui concerne les négociations litigieuses la S.A.S Pole Services fait grand cas de sa pièce 7 ; qu'un représentant de la S.A Dieau - Edafim est l'auteur d'un mail sous la référence en objet :" Proposition de solde des problèmes en cours relatifs aux STAR 2004 et 2005" ;
Mais attendu que la négociation porte sur 200 machines environ seulement et parle plus précisément d'opération de rénovation pour 214 machines avec des travaux facturés à effectuer en Chine avec la proposition de rachat de fontaines à " des prix de ventes spéciaux"; qu'il n'y est pas question de vice caché ;
Mais attendu surtout cette lettre date du 25/11/2009 , soit bien après l'expiration du délai d'action pour vice caché; qu'il est vrai ce mail intervient à la suite d'autres mails pas plus explicites sur un vice caché reconnu ; que cette série de mails de négociation est initiée par la S.A.S Pole Services elle-même et elle seule , de plus seulement le 17/07/2009 et à propos de seulement de 140 fontaines atteintes de fissure sur l'arrière et expliquant : " Je voudrais savoir s'il est possible comme il y a quelque mois d'imaginer un échange aux mêmes conditions que la dernière fois" ;
Attendu qu'à cette date de juillet 2009 le délai de l'action est déjà expiré quand la S.A.S Pole Services initie une proposition amiable, sans revendiquer un vice caché et en proposant une négociation commerciale ; qu'elle ne peut se plaindre ensuite que la S.A Dieau - Edafim ait poursuivi fautivement des négociations ;
Attendu que la S.A.S Pole Services ne rapporte pas la preuve qu'elle agirait dans les délais en son action pour vice caché, si tant est de plus et surabondamment que le vice puisse en l'état être qualifié ainsi ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la S.A.S Pole Services de toutes ses prétentions ;
Attendu que la S.A Dieau - Edafim est recevable et bien fondée à hauteur de 3000 euro TTC en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles de l'ensemble de la procédure ;
Par ces motifs LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement , en dernier ressort, Dit recevable l'appel de la S.A.S Pole Services, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Condamne la S.A.S Pole Services à payer à la S.A Dieau - Edafim la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres ou plus amples prétentions, Condamne la S.A.S Pole Services aux dépens d'appel, Dit que la S.C.P Curat Jarricot pourra recouvrer contre la partie ci-dessus condamnée ceux des dépens dont il aura été fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.