CA Grenoble, ch. com., 6 juin 2013, n° 10-00578
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Garage des Dauphins (SA)
Défendeur :
GP Equip
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rolin
Conseillers :
M. Bernaud, Mme Pages
Avocats :
Mes Rahin, Bancel, Ramillon, Mages, SCP Grimaud, SCP Pougnand, SELARL Durand Grangonnet Muridi
Pour les besoins de son activité professionnelle la société Idées Eaux a pris en crédit-bail le 10 janvier 2003 auprès de la société Lixxbail un véhicule neuf de type "Peugeot boxer" vendu par la société Garage des Dauphins , concessionnaire, ainsi qu'une caisse en aluminium isolée et son équipement intérieur à adapter sur le véhicule, ces éléments ayant fait l'objet d'une commande distincte auprès de M. Georges Patra exerçant sous l'enseigne "GP Equip".
Le véhicule a été livré par le concessionnaire le 16 juillet 2003 et confié immédiatement à M. Georges Patra pour aménagement, lequel a livré le véhicule équipé le 19 août 2003.
Très rapidement le véhicule a connu des ennuis mécaniques liés à un surpoids (embrayage, moteur, boîte, pont et lames de ressort notamment), qui ont donné lieu à des réparations successives.
Une première expertise amiable contradictoire confiée au cabinet Bouix a conclu à l'impropriété du véhicule à sa destination.
Après de nouvelles pannes une expertise d'assurance a été confiée au cabinet Mallan qui a constaté que l'attelage n'avait pas été fixé selon les normes du constructeur.
Par acte d'huissier du 10 décembre 2004 la société Idées Eaux a fait assigner la société Garage des Dauphins (vendeur du véhicule) et M. Georges Patra (vendeur des équipements et aménageur) à l'effet d'obtenir la résolution des contrats de vente sur les fondements principal de la garantie des vices cachés et subsidiaire du défaut de conformité.
Par jugement avant dire droit du 16 novembre 2005 le Tribunal de commerce de Romans sur Isère a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. Philippe Camus, qui a déposé son rapport le 12 mars 2007 dont il résulte en substance que les pannes antérieures à l'expertise ont toutes été réparées par le concessionnaire, que le véhicule présente un surpoids à vide de 580 kg et est impropre à sa destination, que de ce fait la carte grise n'est pas conforme et que les désordres affectant la boîte de vitesses proviennent d'un défaut de conception de cet organe.
Par jugement au fond du 6 janvier 2010 le Tribunal de commerce de Romans sur Isère a prononcé la résolution des ventes sur le fondement du défaut de conformité et a ordonné la restitution des prix de vente par la société Garage des Dauphins (46 850,13 euros) et par M. Georges Patra (13 505,70 euros).
La SA Garage des Dauphins a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 1er février 2010.
Par acte d'huissier du 25 juin 2012 elle a assigné en intervention forcée devant la cour d'appel la société PSA Peugeot Citroen.
La société Idées Eaux est aujourd'hui propriétaire du véhicule aménagé après exécution complète des contrats de crédit-bail.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 20 juillet 2012 par la SA Garage des Dauphins qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Idées Eaux de sa demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, subsidiairement de débouter la société Idées Eaux de sa demande en résolution de la vente pour défaut de conformité, plus subsidiairement encore de condamner la société PSA Peugeot Citroen à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation et en tout état de cause de débouter la société Idées Eaux de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euro aux motifs :
que le tribunal a justement considéré que les défauts allégués ne constituaient pas des vices cachés,
que le véhicule vendu n'était affecté d'aucun défaut de conformité alors qu'il résulte de l'expertise judiciaire que les désordres subsistants sont exclusivement imputables à l'intervention de l'équipementier, qui a réalisé des aménagements postérieurement à la vente, que la boîte de vitesses a été remplacée à la fin de l'année 2003, que le véhicule livré était parfaitement conforme à la commande et que c'est l'utilisation du véhicule en surcharge importante qui a entraîné les dommages,
qu'en toute hypothèse le constructeur lui doit sa garantie.
Vu les conclusions signifiées et déposées le 6 avril 2011 par M. Georges Patra, appelant incident, qui sollicite, par voie de réformation du jugement, sa mise hors de cause et la condamnation de la société Garage des Dauphins à lui payer une indemnité de 1 500 euro pour frais irrépétibles aux motifs :
qu'il résulte des opérations d'expertise que le véhicule n'a plus été en surcharge à compter du 28 janvier 2004,
que les nombreuses pannes et interventions postérieures à cette date ne peuvent donc lui être imputées, étant observé que l'expert a conclu que le véhicule manquait de fiabilité sur le plan mécanique,
qu'il s'est borné à réaliser l'équipement intérieur de la caisse aluminium, la fabrication de cet élément étant l''œuvre de la SARL Carrosserie Bois Drevet.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 12 juin 2012 par la SARL Idées Eaux qui par voie d'appel incident demande à la cour de prononcer la résiliation des ventes du Peugeot boxer et de l'équipement pour vices cachés, de condamner la société Garage des Dauphins au paiement de la somme de 48 307,12 euros avec intérêts de droit à compter du 2 janvier 2003, de condamner la société GP Equip au paiement de la somme de 14 066,55 euros avec intérêts de droit à compter du 2 janvier 2003, de condamner ces derniers in solidum au paiement d'une somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, subsidiairement de confirmer la décision entreprise qui a prononcé la résiliation des ventes sur le fondement des articles 1604 et suivants du Code civil et de condamner les vendeurs au paiement des mêmes sommes aux motifs :
qu'il résulte des différentes expertises, et notamment de l'expertise judiciaire, que le véhicule est impropre à sa destination et que les 14 pannes survenues postérieurement au 21 janvier 2004 ne sont pas dues à la surcharge du fourgon, puisque le véhicule ne circule plus en surcharge depuis le 28 janvier 2004,
que depuis le 4 août 2006 le véhicule est inutilisable,
qu'il est évident au vu du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule est atteint de vices cachés d'origine mécanique qui n'ont pas pu être réparés,
que la société Garage des Dauphins a reconnu sa responsabilité en réparant à ses frais le véhicule à de nombreuses reprises dans le cadre de la garantie des vices cachés,
qu'elle est donc fondée à demander la résolution des ventes avec dommages et intérêts,
que la responsabilité de la société GP Equip est lourdement engagée alors qu'elle a équipé le véhicule sans respecter les charges utiles maximales, qu'elle a établi un certificat de carrossage erroné et qu'elle n'a pas présenté le véhicule à la DRIRE,
qu'il appartenait à la société Garage des Dauphins de mettre en cause le constructeur en temps utile, ce qui rend irrecevable son appel en cause.
Vu les conclusions signifiées et déposées le 24 septembre 2012 par la société PSA Peugeot Citroen et par la société Automobiles Peugeot, intervenante volontaire, qui demandent à la cour :
Vu les articles 554 et 555 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1604 et 1641 du Code civil,
Constater que la société Garage des Dauphins ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une évolution du litige au sens de l'article 555 du Code de procédure civile et de la jurisprudence de la Cour de cassation,
En conséquence,
La déclarer irrecevable en son appel en garantie devant la cour,
Subsidiairement,
Mettre hors de cause la société PSA Peugeot Citroën qui n'a pas la qualité de constructeur du véhicule,
Donner acte à la société Automobiles Peugeot de son intervention volontaire,
Débouter la société Garage des Dauphins de l'intégralité de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
Condamner la société Garage des Dauphins à verser à la société Automobiles Peugeot la somme de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la demande en résolution des ventes
L'expert, Joël Bouix, de l'assureur de protection juridique de l'acquéreur, a examiné contradictoirement le véhicule à trois reprises et a notamment estimé dans un rapport déposé le 1er avril 2004 que le véhicule équipé de sa caisse fourgon était en surcharge, que cette surcharge n'était pas imputable au concessionnaire, mais à l'installateur de la caisse qui a fourni un certificat de carrossage erroné, et que les incidents mécaniques étaient en relation avec l'excès de poids de la caisse.
L'expert Serge Mallan désigné par le même assureur a pour sa part constaté quelques mois plus tard que l'entreprise avait fixé l'attelage sans respect des prescriptions du constructeur.
L'expert judiciaire Philippe Camus a pour sa part constaté et considéré:
qu'il n'était pas en mesure de définir précisément l'origine des pannes survenues avant l'expertise, les pièces défectueuses remplacées n'ayant pas été conservées,
que toutes les pannes antérieures à ses opérations ont été réparées dans le cadre de la garantie contractuelle ou à titre commercial par le concessionnaire,
que le poids à vide du véhicule équipé présente un excès de 580 kg,
que contrairement à son engagement l'entreprise n'a pas présenté le véhicule à la DRIRE pour une réception spécifique, pourtant obligatoire s'agissant d'un véhicule de type atelier,
que le certificat d'immatriculation n'est pas conforme en ce qui concerne le poids à vide ainsi que le genre du véhicule,
que le véhicule est immobilisé depuis le mois d'août 2006 en raison d'une panne de la boîte de vitesses due à un défaut de conception de cet organe mécanique,
que pour l'ensemble de ces raisons le véhicule est impropre à sa destination.
Répondant aux dires des parties l'expert judiciaire, après avoir confirmé que le moteur du véhicule avait été échangé à deux reprises et que la boîte de vitesses avait été remplacée en 2003, a considéré, au vu des nombreuses avaries et interventions postérieures au 28 janvier 2004, date à laquelle le véhicule a circulé sans son équipement et donc sans excès de poids, que la surcharge n'était pas à l'origine exclusive de l'ensemble des désordres.
Même s'il n'a pas été formellement démontré que les incidents mécaniques survenus rapidement après la vente sont la conséquence exclusive de la surcharge importante affectant le véhicule, il résulte de l'ensemble de ces constatations techniques que le véhicule équipé de sa caisse, et chargé avec le matériel professionnel de la société Idées Eaux , présentait un excès de poids très important d'environ 1 t , dont il est certain qu'il a joué un rôle causal déterminant dans la survenance des désordres mécaniques, la motorisation et les organes de transmission étant nécessairement en relation avec le poids maximum autorisé par le constructeur. À cet effet il sera observé que l'expert Joël Bouix a relevé que le 11 septembre 2003 il avait été constaté par la société Idées Eaux que les roues touchaient la carrosserie dans les secousses, ce qui confirme l'importance de la surcharge.
Quant à la panne de la boîte de vitesses survenue en août 2006, ayant provoqué l'immobilisation du véhicule, elle n'affecte pas un organe mécanique d'origine, puisqu'il est constant que la boîte a été remplacée une première fois dans le courant de l'année 2003.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Idées Eaux ne fait pas la preuve qui lui incombe de l'existence de vices rédhibitoires au sens de l'article 1641 du Code civil affectant au jour de la vente le véhicule de type Peugeot Boxer fourni par la société Garage des Dauphins , l'impropriété à la destination relevée par l'expert judiciaire étant selon lui la conséquence d'une part de la non-conformité administrative du véhicule du fait des aménagements réalisés irrégulièrement par M. Patra , et d'autre part du bris de la boîte de vitesses qui avait déjà été remplacée sous garantie après la vente.
En toute hypothèse, à supposer même que les désordres mécaniques n'aient pas tous été en relation avec la surcharge causée par les aménagements, la résolution de la vente du véhicule de type Peugeot Boxer ne pourrait être prononcée sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, puisque tous les dommages ont été réparés, soit dans le cadre de la garantie contractuelle, soit à titre commercial.
La résolution de la vente de ce véhicule ne saurait pas plus être ordonnée pour manquement de la société venderesse à son obligation de délivrance. Cette dernière a en effet livré le véhicule commandé avec l'ensemble des caractéristiques convenues et il résulte sans contestation possible des opérations d'expertise que la surcharge, et par voie de conséquence la non-conformité administrative du véhicule, sont exclusivement imputables à l'aménageur, qui a fourni et installé sous sa responsabilité exclusive une caisse fourgon inadaptée et qui a manqué à son engagement, rappelé dans le bon de commande du 9 janvier 2003, de présenter le véhicule équipé au contrôle du service des mines.
Par voie d'infirmation du jugement, la société Idées Eaux sera par conséquent déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société Garage des Dauphins, qui conservera toutefois en équité la charge de ses frais irrépétibles.
Il sera en revanche fait droit à la demande en résolution de la vente distincte de la caisse en aluminium isolée et de son équipement intérieur conclue avec M. Georges Patra tant sur le fondement de la garantie légale des vices cachés du vendeur que sur celui du manquement de celui-ci à son obligation de délivrance. L'équipement défectueux fourni par le vendeur a en effet rendu le véhicule impropre à sa destination de véhicule atelier, tandis que du fait de sa non-conformité administrative le véhicule livré après aménagement ne correspond pas aux caractéristiques convenues.
M. Georges Patra sera par conséquent condamné à restituer le prix reçu augmenté, à titre de dommages et intérêts, de l'intégralité des frais de location, y compris l'option d'achat finale de 1 % du prix hors taxes du matériel, soit la somme de 13 674,48 euro ( 13 533,60 + 140,88), qui portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation valant mise en demeure délivrée le 10 décembre 2004.
Ne justifiant pas de frais annexes pour la somme de 1 364 euro la société Idées Eaux sera en revanche déboutée du surplus de sa demande.
Les multiples pannes subies par le véhicule, qui a été immobilisé à plusieurs reprises, ont incontestablement causé à la société utilisatrice un préjudice d'exploitation, et à tout le moins un trouble de jouissance, qui fonde la demande d'indemnisation complémentaire à hauteur d'une somme de 2 500 euro au vu des justificatifs fournis.
L'équité commande en outre de faire application en cause d'appel de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Idées Eaux.
Sur le recours en garantie formé à l'encontre de la société PSA Peugeot Citroen
Dès lors qu'il n'est pas justifié d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, de nature à modifier les données juridiques du litige, l'assignation en intervention forcée de la société PSA Peugeot Citroen sera déclarée irrecevable en l'absence d'évolution du litige au sens de l'article 555 du Code de procédure civile.
Il sera donné acte à la société Automobiles Peugeot de son intervention volontaire en qualité de constructeur du véhicule.
Cette intervention sera déclarée recevable alors que l'article 554 du Code de procédure civile n'exige pas une évolution du litige.
Aucune demande n'étant formée contre elle par la société Garage des Dauphins, qui au demeurant a été exonérée de toute responsabilité, la société Automobiles Peugeot sera purement et simplement mise hors de cause.
L'équité ne commande pas toutefois de faire application en cause d'appel de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de cette dernière.
Par ces motifs : LA COUR Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente de la caisse en aluminium isolée et de son équipement intérieur conclue entre la SARL Idées Eaux et M. Georges Patra exerçant sous l'enseigne "GP Equip", Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant: Condamne Monsieur Georges Patra à payer à la SARL Idées Eaux les sommes de 13 674,48 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2004, de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts supplémentaires et de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la condamnation prononcée de ce dernier chef par le jugement étant confirmée, Dit que la SARL Idées Eaux devra tenir les équipements vendus à la disposition de M. Georges Patra, Déboute la SARL Idées Eaux de sa demande en résolution de la vente du véhicule "Peugeot boxer" formée à l'encontre de la SA Garage des Dauphins, Déclare irrecevable la demande en intervention forcée aux fins de garantie formée à l'encontre de la société PSA Peugeot Citroen, Donne acte à la société Automobiles Peugeot de son intervention volontaire et la met purement et simplement hors de cause, Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l' article 700 du Code de procédure civile au profit des sociétés Garage des Dauphins, PSA Peugeot Citroen et Automobiles Peugeot, Condamne M. Georges Patra exerçant sous l'enseigne "GP Equip", aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux d'appel au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande.