Livv
Décisions

CA Pau, 1re ch., 18 avril 2013, n° 11-02713

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Beribil (SA)

Défendeur :

Iriarte, Renault France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

Mme Beneix, M. Augey

Avocats :

AARPI Piault-Lacrampe-Carraze, Mes Fourgeau, Cocoynacq, Ullmann, SCP Longin Longin-Dupeyron, Mariol, SCP Duale-Ligney

TGI Bayonne, du 4 juill. 2011

4 juillet 2011

FAITS

Le 23 juillet 2008 Mme Iriarte et M. Para ont acheté auprès de la SA Beribil un véhicule de marque Renault Scénic équipé d'un moteur diesel, ayant parcouru 50 750 km.

Le véhicule est tombé en panne de moteur le 11 septembre 2008.

Une expertise contradictoire réalisée le 20 janvier 2009 par M. Puyo en présence de la société Renault en sa qualité de fabricant, a mis en évidence un défaut de fabrication de la poulie du galet tendeur ainsi qu'un défaut de lubrification du moteur à l'occasion des vidanges réalisées avant la vente par la SA Beribil. Un accord transactionnel n'a pas abouti.

Mme Iriarte qui avait contracté un prêt auprès de la SA Sofinco pour le financement du véhicule, a été assignée en paiement devant le Tribunal d'instance de Bayonne par cette société de crédit.

PROCEDURE

Par acte en date du 3 juin 2009, Mme Iriarte a assigné la SA Beribil devant le Tribunal de grande instance de Bayonne, en résolution de la vente pour vice caché et réparation de ses préjudices.

Par acte du 15 septembre 2009 elle a appelé en garantie la société Renault France.

Suivant jugement du 4 juillet 2011 le tribunal a :

- renvoyé l'action en garantie exercée par Mme Iriarte contre la SA Beribil quant aux demandes de la société Sofinco, à la connaissance du Tribunal d'instance de Bayonne,

- prononcé la résolution de la vente conclue entre la SA Beribil et Mme Iriarte et l'a condamnée à reprendre possession du véhicule vendu sous astreinte de 15 euro par jour à compter d'un délai de huit jours après la signification du présent jugement,

- condamné la SA Beribil à rembourser à Mme Iriarte la somme de 16 232 euro en principal, 80 euro pour frais de remorquage, 200,93 euro et 356,65 euro pour frais de recherche des causes de la panne, 830 euro pour frais d'expertise, 3 500 euro à titre de dommages-intérêts et 1 000 euro pour indemnité de procédure,

- donné acte à la demanderesse de ses réserves quant aux frais de gardiennage du véhicule,

- condamné la société Renault à garantir et relever indemne la SA Beribil de ces condamnations à hauteur de 1 975,75 euro,

- rejeté les demandes reconventionnelles d'indemnité des sociétés Beribil et Renault,

- condamné la SA Beribil et la SAS Renault France chacune à la moitié des dépens.

La SA Beribil a interjeté appel suivant déclaration au greffe en date du 19 juillet 2011.

Par ordonnance en date du 3 juillet 2012, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par Mme Iriarte le 19 janvier 2012, en application de l'article 909 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 décembre 2012.

MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES

La SA Beribil dans ses dernières écritures en date du 1er février 2012, conclut à la prescription de l'action qui n'a pas été engagée par les deux propriétaires du véhicule ensemble dans le délai de deux ans du rapport d'expertise du 20 janvier 2009.

Subsidiairement et avant dire droit, elle sollicite une expertise judiciaire, considérant le rapport d'expertise amiable insuffisant en ce qu'il n'a pas analysé les conséquences du vice de construction du galet de distribution défectueux sur les organes du moteur avant la casse et après la casse, à l'origine de leur usure ou dégradation prématurée, excluant l'imputabilité du défaut d'entretien courant par le garage sur l'état du véhicule.

Au fond, elle sollicite la condamnation de la société Renault à la garantir et relever indemne de l'intégralité des condamnations à intervenir, considérant que le vice caché de conception de la pièce litigieuse est à l'origine exclusive des désordres sur les organes mécaniques du moteur, imputable en conséquence au constructeur Renault.

En toute hypothèse, elle conclut au débouté des demandes de Mme Iriarte visant la prise en charge du remboursement de l'emprunt souscrit auprès de la SA Sofinco et la garantie de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit de la SA Sofinco, à sa condamnation au paiement de dommages-intérêts d'un montant de 5 000 euro pour résistance abusive outre une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA Renault dans ses dernières écritures notifiées le 18 janvier 2012, conclut au débouté de la demande d'expertise en application de l'article 146 du Code de procédure civile, à l'irrecevabilité de la demande nouvelle de garantie présentée contre elle et au débouté de l'appelante de toutes les demandes formulées contre elle. Elle sollicite l'allocation de la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient qu'en première instance la SA Beribil a sollicité sa condamnation à prendre en charge le montant intégral des réparations, frais de remorquage et démontage et à la garantir de tous autres dommages-intérêts qu'elle pourrait être tenue de payer à Mme Iriarte du fait de la résolution de la vente mais, pour la première fois en cause d'appel, la SA Beribil sollicite sa condamnation à la relever et garantir de toutes condamnations. Il s'agit donc d'une demande nouvelle irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile.

Elle constate que l'expert a relevé des désordres en partie haute du moteur, dus à la rupture de la courroie, justifiant des réparations à hauteur de 1 975,71 euro et les désordres de la partie basse du moteur, imputables au défaut d'entretien par le garagiste, dont il estime la réparation à la somme de 3 337,96 euro. Le seul désordre qui est donc imputable au constructeur ne peut justifier une résolution de la vente, en ce qu'il ne nécessite pas le remplacement du moteur, contrairement au désordre imputable à l'appelante. Elle ne peut donc être tenue à la garantir notamment au titre des frais de résolution d'une vente à laquelle elle n'a pas participé ni même du montant de l'astreinte prononcée dans le cadre de la résolution de la vente.

MOTIVATION

La SA Beribil soutient que l'action est prescrite pour ne pas avoir été engagée également par M. Para, propriétaire du véhicule, dans les deux ans de la révélation du vice.

Or, il ressort de la facture du 23 juillet 2008 et ce n'est pas contesté, que Mme Iriarte et M. Para ont acquis ensemble le véhicule litigieux. Dès lors, Mme Iriarte apparaît bien en qualité de propriétaire et l'action en résolution de la vente qu'elle a engagée seule, est donc recevable puisque cette action est conditionnée à cette qualité. Les relations entre copropriétaires sont par ailleurs, étrangères au vendeur.

Il ressort du rapport amiable mais contradictoire de M. Puyo en date du 20 janvier 2009, toutes les parties au litige ayant participé aux opérations d'expertise, que la casse du moteur provient d'un vice de fabrication et d'un défaut d'entretien. En effet, il indique que :

- la panne du 11 septembre 2008 provient :

* de la défaillance anormale de la poulie du galet tendeur de la courroie accessoire qui s'est détériorée et qui en passant dans la distribution, a occasionné des dommages sur la culasse. L'origine de la défaillance du galet tendeur provient d'un défaut de soudure lors de sa fabrication,

* d'un problème de lubrification ayant entraîné une usure anormalement avancée des coussinets de bielles des pistons, les entretiens n'ayant pas été réalisés conformément aux préconisations du constructeur tous les 1 000 km, le premier entretien ayant été réalisé 6 500 km plus tard et le second 2 500 km après, en utilisant une huile de qualité inférieure à celle préconisée lors du premier et sans remplacement du filtre à huile pour le second,

- ces deux défauts, défaillance du galet tendeur et usure prématurée du bas moteur, constituent selon lui, un vice caché antérieur à la vente le rendant impropre à sa destination puisqu'en raison de la casse du moteur, le véhicule ne peut plus rouler ;

- il estime les travaux consécutifs à la défaillance du galet tendeur imputable au fabricant et portant sur la partie haute du moteur, à la somme de 1 763,78 euro TTC et les travaux consécutifs à l'usure prématurée du bas moteur, imputable au vendeur (réparateur), à la somme de 2 981,22 euro TTC.

L'avis technique établi le 5 septembre 2011, par M. Meret, autre expert automobile, produit par la SA Beribil en cause d'appel, ne contredit pas ces conclusions quant à l'existence d'un vice de fabrication caché aux yeux de l'acquéreur et antérieur à la vente, rendant le véhicule impropre à sa destination.

Dès lors, l'action en garantie des vices cachés, formée par Mme Iriarte contre son vendeur, est bien fondée et, considérant la qualité de professionnel du vendeur sur qui pèse une présomption de connaissance du vice, le jugement sera confirmé en ce qu'il a :

- prononcé la résolution de la vente conclue entre la SA Beribil et Mme Iriarte et a condamné la venderesse à reprendre possession du véhicule vendu sous astreinte de 15 euro par jour à compter d'un délai de huit jours après la signification du présent jugement,

- condamné la SA Beribil à rembourser à Mme Iriarte la somme de 16 232 euro en principal au titre du prix, 80 euro pour frais de remorquage, 200,93 euro et 356,65 euro pour frais de recherche des causes de la panne, 830 euro pour frais d'expertise, 3 500 euro à titre de dommages-intérêts et 1 000 euro pour indemnité de procédure.

La SAS Renault France soutient que la demande de la SA Beribil en garantie de "toutes les condamnations prononcées contre elle" est nouvelle en cause d'appel dès lors qu'en première instance elle n'avait sollicité que la garantie de "tous autres dommages-intérêts qu'elle pourrait être tenue de payer à Mme Iriarte du fait de la résolution de la vente". Or, cette demande formulée en termes généraux, ne peut être considérée comme nouvelle en cause d'appel dès lors qu'en application de l'article 565 du Code de procédure civile, elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

La demande d'expertise judiciaire formulée par la SA Beribil doit être rejetée en ce qu'une telle mesure n'apparaît pas utile à la solution du litige, notamment au regard de son ancienneté et ce d'autant, qu'elle n'a pas jugé utile, dès l'origine de l'action de s'en prévaloir et que la demande actuelle se heurte aux dispositions de l'article 146 du Code civil, qui exclut que le juge pallie la carence des parties dans l'administration de la preuve.

La SA Beribil se fonde sur l'avis technique non contradictoire de M. Meret pour contester les conclusions de l'expertise de M. Puyo quant à l'existence d'un vice relatif à l'usure prématurée du bas moteur, en lien avec un défaut d'entretien conforme. M. Meret indique que :

- la rupture de la courroie, due à un vice de fabrication, qui a entraîné l'arrêt brutal du moteur, a "provoqué obligatoirement des effets en corollaire, notamment des impacts de soupapes sur les pistons et des contraintes obligatoires sur l'équipement mobile tel que pistons coussinets, vilebrequin, arbre à cames etc...",

- la casse du moteur pourrait provenir d'une autre cause : l'absorption d'eau lors d'un passage dans une grosse flaque, juste avant la casse du moteur,

- l'usure prématurée des coussinets de bielles (qu'il ne conteste pas), est imputable à la fragilité de ce modèle de véhicule c'est-à-dire à un problème de conception et non pas à un mauvais entretien, d'autant qu'il affirme que, contrairement aux conclusions de M. Puyo, "les factures et pièces techniques démontrent que le filtre a bien été changé à chaque vidange et que la qualité de l'huile est bien conforme aux prescriptions du constructeur",

- la rayure visible sur le quatrième piston, au-dessus du segment de feu, est légère et ne peut être que la conséquence de la pénétration d'une pollution projetée lors du blocage du moteur sans en affecter les qualités.

Ainsi, cet avis, contredisant partiellement les conclusions du rapport de M. Puyo, exclut le vice lié à la mauvaise qualité de l'entretien et suggère que l'utilisation du véhicule pourrait être à l'origine de la casse du moteur.

Or, cet avis n'a pas été établi contradictoirement et les contestations et suggestions qu'il formule n'ont pas été évoquées devant M. Puyo, alors pourtant que, lors des opérations d'expertise, la SA Beribil était assistée non seulement de son mécanicien mais encore et surtout, d'un expert du BCA pour son assureur, le Gan Assurances.

Par ailleurs, il n'est pas produit les "factures et pièces techniques" attestant de la conformité des entretiens aux préconisations du constructeur, alors que M. Puyo, en présence de toutes les parties et sans contestations de leur part, a clairement mentionné la tardiveté des deux entretiens, l'usage d'une huile de qualité inférieure à celle préconisée, ce que le garagiste en sa qualité de professionnel ne pouvait ignorer ou du moins se devait de vérifier, l'absence de remplacement du filtre lors du second entretien ainsi qu'à l'occasion de la vente.

Mais il convient toutefois de constater qu'il ne résulte pas du rapport de M. Puyo que, conformément à l'article 1641 du Code civil, le vice résultant de l'usure anormale des pièces mécaniques, dû au mauvais entretien du véhicule par le garagiste vendeur, soit à l'origine de la casse du moteur et donc, qu'elle soit de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination. En effet, M. Puyo démontre que cette usure est un vice, qu'il est caché aux yeux des acquéreurs et qu'il est antérieur à la vente, mais il ne démontre absolument pas qu'il est à l'origine de la casse du moteur, au contraire du défaut de soudure constitutif d'un défaut de fabrication.

Le vendeur et le fabricant sont des professionnels de la même spécialité, de sorte que la présomption de connaissance du vice qui pèse sur la SA Beribil en sa qualité de vendeur auprès de son acquéreur Mme Iriarte, n'est pas opposable par le fabricant, la SAS Renault France.

Or, il n'est pas contesté que la SA Beribil n'est pas concessionnaire de la marque Renault et la SAS Renault France, qui, en sa qualité de fabricant, ne pouvait ignorer le défaut de fabrication affectant ce véhicule, ne rapporte pas la preuve qu'elle en a informé la venderesse. Notamment, elle ne rapporte pas la preuve de lui avoir transmis les bulletins techniques qui informent les concessionnaires des éventuels vices de conception dont souffrent les modèles de la marque.

Dans ces conditions, il apparaît que le vendeur rapporte la preuve qu'il ignorait le vice de la chose et qu'il n'avait aucun moyen de le connaître.

La demande en garantie formée par la SA Beribil, s'analyse comme une demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 1645 du Code civil, de sorte que la SAS Renault France doit garantir la SA Beribil de toutes les condamnations prononcées contre elle en lien avec la résolution de la vente, à l'exception du prix de vente qui ne constitue pas un préjudice indemnisable dès lors que le vendeur a obtenu la restitution du véhicule mais y compris le montant de l'estimation des réparations du moteur ainsi qu'elles ont été évaluées par M. Puyo soit 1 763,78 euro.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Renault France à garantir la SA Beribil à hauteur de 1 975,75 euro comprenant le montant des réparations et la somme de 200,93 euro au titre des frais de recherche des causes de la panne (culasse).

Il convient toutefois d'y ajouter les sommes de 80 euro pour frais de remorquage, 356,65 euro pour autres frais de recherche des causes de la panne (bas moteur), 830 euro pour frais d'expertise, 3 500 euro à titre de dommages-intérêts et 1 000 euro pour indemnité de procédure.

Par ces motifs LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Déclare recevable l'action de Mme Iriarte en garantie des vices cachés formés à l'encontre de son vendeur la SA Beribil ; - Rejette la demande d'expertise judiciaire ; - Déclare recevable la demande de garantie formée par la SA Beribil contre la SAS Renault France ; - Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Bayonne en date du 4 juillet 2011 en toutes ses dispositions ; - Y ajoutant : - Déclare recevable la demande de la SA Beribil en condamnation de la SAS Renault France à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle ; - Condamne la SAS Renault France à garantir la SA Beribil du surplus des condamnations prononcées contre elle en faveur de Mme Iriarte soit les sommes de 80 euro (quatre vingts euros) pour frais de remorquage, 356,65 euro (trois cent cinquante-six euros et soixante-cinq centimes) pour autres frais de recherche des causes de la panne (bas moteur), 830 euro (huit cent trente euros) pour frais d'expertise, 3 500 euro (trois mille cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts et 1 000 euro (mille euros) pour indemnité de procédure ; - Vu l'article 700 du Code de procédure civile , condamne la SA Beribil à payer à Mme Iriarte la somme de 1 500 euro (mille cinq cents euros) et condamne la SAS Renault France à payer à la SA Beribil la même somme de 1 500 euro (mille cinq cents euros) ; - Condamne la SA Beribil et la SAS Renault France aux dépens d'appel sans recours de l'une contre l'autre ; - Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile , les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.