Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 11 février 2014, n° 12-05902

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chauvel

Défendeur :

Geoxia Ouest (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Guéroult

Avocats :

Mes Demidoff, Raffin, Le Couls-Bouvet, Madelin

T. com. Nantes, du 26 juill. 2012

26 juillet 2012

I - EXPOSE DU LITIGE

M. Michel Chauvel a signé un contrat d'agent commercial mandataire le 23 novembre 1999 avec les Maisons Aura.

Ce contrat prévoit la prospection sans exclusivité de la clientèle désirant faire construire pour son propre compte une maison individuelle dont la construction sera implantée dans la région de Lamballe.

Le 22 janvier 2008 un avenant au contrat d'agent commercial a été signé entre M. Chauvel et la société Geoxia Ouest, cette dernière reprenant l'ensemble des droits, charges et obligationS de la SNC Maison Aura à effet du 1er janvier 2008, par suite d'une opération de transmission universelle de patrimoine de Maisons Aura à Geoxia Ouest.

Par lettre recommandée du 17 février 2010, M. Chauvel et quatre autres agents commerciaux de l'enseigne Maisons Aura travaillant sur les côtes d'Armor, ont par la voie de leur conseil dénoncé à la société Geoxia Ouest l'incapacité d'assurer de façon satisfaisante le suivi des dossiers avec des retards importants, l'engagement du groupe Geoxia dans une politique commerciale incohérente avec une baisse de qualité ou de suppression des prestations, la délégation du suivi technique à des personnes manifestement incompétentes, l'ouverture d'une nouvelle agence sur Saint-Brieuc au mépris des investissements importants effectués par certains de ses agents, la marginalisation des agents commerciaux qui assuraient jusqu'alors un suivi clientèle jusqu'à la réception des travaux, dorénavant coupés de la clientèle dès la signature du contrat et permettant à des préposés ou conducteurs de travaux d'effectuer des ventes directes à l'insu et au préjudice des agents, la mise en place de manœuvres caractérisant le délit de tromperie sur les qualités essentielles de la chose vendue, la situation financière très préoccupante de certains agents.

Il était ainsi annoncé la saisine du tribunal pour faire constater la rupture de leur contrat d'agent commercial aux torts et aux griefs de la société Geoxia Ouest, la saisine de la DGCCRF, l'intention de donner une large publicité à leur action pour dénoncer le préjudice subi et se dissocier des agissements de Geoxia Ouest pour ne pas subir plus longtemps l'atteinte à leur réputation commerciale. Il était réclamé l'intégralité des relevés de commissions de chacun des agents et la justification que l'agence de Saint-Brieuc était bien animée par des agents commerciaux régulièrement inscrits.

Par courrier officiel du 15 mars 2010 la société Geoxia Ouest a répondu point par point en contestant les griefs formulés à son encontre.

C'est dans ces circonstances que M. Chauvel a assigné la société Geoxia Ouest.

Par jugement en date du 26 juillet 2012, le Tribunal de commerce de Nantes a :

Débouté M. Michel Chauvel de l'ensemble de ses demandes ;

Condamné M. Michel Chauvel à payer à la SNC Geoxia Ouest la somme de 7 913 euro à titre de remboursement de la somme indûment perçue pour la vente Simoens ;

Condamné M. Michel Chauvel à payer à la SNC Geoxia Ouest les sommes de 2 838 euro et 3 435,50 euro à titre de remboursement des sommes indûment perçues pour les ventes Faucillon et Martial ;

Débouté la Snc Geoxia Ouest de ses autres demandes ;

Prononcé la résiliation du mandant d'agent commercial signé le 23 novembre 1999 ;

Dit qu'il n' y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

Condamné M. Michel Chauvel à payer à la SNC Geoxia Ouest la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné M. Michel Chauvel aux dépens dont frais de Greffe liquidés à 80,85 euro toutes taxes comprises.

M. Chauvel a déclaré faire appel de cette décision le 28 août 2012.

L'appelant demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble les dispositions des articles 1147 et suivants du Code Civil,

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 26 juillet 2012,

Et Statuant de nouveau,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial en date du 23 novembre 1999 aux torts exclusifs de la société Geoxia Ouest,

En conséquence,

Condamner la société Geoxia Ouest au paiement des sommes suivantes:

406 638 euro au titre de l'indemnité de cessation du contrat ;

50 829,75 euro au titre du préavis:

128 548,43 euro au titre de l'indemnité de remploi ;

369 720 euro au titre du préjudice financier ;

40 000 euro au titre du préjudice moral:

5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Debouter la société Geoxia de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions.

La société Geoxia Ouest demande à la cour de :

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nantes du du 26 juillet 2012 :

- en ce qu'il a constaté que Monsieur Michel Chauvel se trouve être à l'initiative de la résiliation du contrat d'agent commercial :

- en ce qu'il a jugé que Monsieur Michel Chauvel n'a pas droit à la réparation prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

- en ce qu'il a débouté Monsieur Michel Chauvel de l'intégralité de ses demandes ;

- en qu'il a condamné Monsieur Michel Chauvel à payer à la société Geoxia Ouest la somme de 7 913 euros à titre de remboursement de la somme indûment perçue pour la vente Simoens

- en ce qu'il a condamné Monsieur Michel Chauvel à payer à la société Geoxia Ouest les sommes de 2 838 euros et 3 435,50 euros à titre de remboursement des sommes indûment perçues pour les ventes Faucillon et Martial ;

- en ce qu'il a condamné Monsieur Michel Chauvel à payer à la société Geoxia Ouest la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens de première instance ;

D'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 26 juillet 2012 en ce qu'il a refusé de condamner Monsieur Michel Chauvel à payer à la société Geoxia Ouest la somme de 21 745,81 euros à titre d'indemnité de préavis ;

A titre infiniment subsidiaire:

De constater que le préjudice dont se prévaut Monsieur Michel Chauvel ne peut être que symbolique au regard de l'attitude qu'il a adoptée dans le cadre de l'exécution du contrat d'agent commercial

En tout état de cause:

De condamner Monsieur Michel Chauvel au paiement de la somme de 12 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

De condamner Monsieur Michel Chauvel aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Dominique Le Couls-Bouvet, Avocat au Barreau de Rennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires.

L'ordonnance de clôture est du 6 novembre 2013

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties :

- du 4 novembre 2013 pour l'appelant

- du 5 novembre 2013 pour l'intimée

II- MOTIFS

Sur la rupture du contrat d'agent commercial et ses conséquences

L'article L. 134-12 alinéa 1er du Code du commerce dispose que:

En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article L. 134-13 dispose que :

La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants:

(...)

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.

M. Chauvel reproche à la société Geoxia un manquement à son obligation de loyauté et à son obligation de mettre son agent en mesure d'exécuter son mandat qui ont entraîné pour lui une baisse considérable de vente de maisons et partant une réduction de ses commissions. Il est effectivement établi que le montant des commissions de M. Chauvel a chuté en 2008 et 2009 et 2010, ce qui ne peut être cependant détaché de la crise qui a frappé la construction.

Comme l'a retenu le tribunal de commerce, le contrat d'agent commercial de M. Chauvel ne prévoit aucune exclusivité sur un secteur territorial et l'article 7 du contrat dispose d'ailleurs que le mandant se réserve le droit d'intervenir sur le secteur en y effectuant des ventes par tout moyen à sa convenance, sauf auprès des prospects qui lui seraient apportés par l'intermédiaire du mandataire.

M. Chauvel n'établit en aucune façon une novation du contrat et la reconnaissance formelle ou non équivoque par Geoxia d'une exclusivité territoriale de son agent sur la région de Lamballe et encore moins sur le secteur de Saint-Brieuc. Le fait que le mandant ait installé comme nouvel agent commercial M. Auffrais à compter de janvier 2012, lequel était sous-agent de M. Chauvel simplement jusqu'en 2001, et crée une nouvelle agence commerciale sur ce secteur ne peut par conséquent lui être reproché et cette décision de Geoxia ne peut être considérée comme fautive. Aucun manque d'information ne saurait par ailleurs être retenu alors qu'au surplus M. Chauvel était au fait de cette situation depuis des années avant de s'en plaindre.

Le fait que Geoxia modifie ou complète son réseau commercial ne peut constituer une déloyauté à l'égard de M. Chauvel et relève simplement de la gestion que pouvait entreprendre le mandant pour s'adapter à son marché ou pérenniser ses résultats. Geoxia avait liberté d'effectuer des ventes directes ou par le biais d'autres agents. M. Chauvel n'établit en outre pas de détournement de clientèle.

M. Chauvel n'établit pas davantage de rétention d'information de son mandant à son égard en ce qui concerne des campagnes publicitaires ou promotionnelles.

Le fait que l'agent commercial de Saint Brieuc ait pu proposer, à ses frais, une promotion ne peut être imputée à la société Geoxia. Il résulte d'ailleurs du courriel de M. Delbart en date du 4 mars 2010 qu'à la suite du problème rencontré avec un client au sujet de cette promotion, le mandant a décidé de maintenir le client comme ayant été obtenu par l'intermédiaire de M. Chauvel.

Il ne peut utilement reprocher à son mandataire d'effectuer sur le site Internet maison-aura.com une publicité sur un service Evolutiv'Habitat qui permet aux clients de bénéficier d'un service supplémentaire et de nature à convaincre les prospects de choisir une maison Aura, ce qui constitue une aide pour l'agent commercial.

Il ne peut par ailleurs être reproché à la société Geoxia Ouest d'avoir cherché à rationaliser et réduire les coûts de construction pour s'adapter à un marché en crise soumis à une concurrence toute particulière. Il ne résulte pas des pièces produites par M. Chauvel que cette politique se soit traduite par une perte de qualité des produits livrés, y compris malfaçons et non-respect de DTU et à cet égard les courriers, mails produits par M. Chauvel, s'ils évoquent des doléances de certains clients vis-à-vis des constructions, ne dépassent pas les aléas normaux de toute construction en cours, et ne sont pour la plupart pas en lien avec les dossiers de M. Chauvel et Geoxia justifie pour les autres de la prise en compte et de la levée des éventuelles réserves après intervention (clients Chauvel, Turbin, Lamartine). En outre un certain nombre des pièces produites ne concernent pas M. Chauvel mais d'autres agents commerciaux.

Quant aux extraits de site et forum Internet et à supposer qu'ils concernent Geoxia Ouest ils ne présentent aucun caractère probant.

L'attestation de M. Valles est également loin d'être probante.

M. Chauvel qui a transmis également à son mandant une interrogation de certains clients sur le dépôt de leur permis de construire, n'établit pas davantage de réalisation avec retard des plans et chiffrages de ses clients ou encore de délais de traitement des projets de construction inadaptés (cas du projet Boullier évoqué par M. Chauvel) ou de prétendues surévaluations des chiffrages des chantiers. Geoxia justifie par ailleurs d'efforts commerciaux et qualitatifs probants aux fins d'apporter à sa clientèle satisfaction. Elle a ainsi obtenu la certification NF en juillet 2009, la médaille d'agent 2009 du challenge des maisons innovantes puis la médaille d'or des Trophées Habitat 2010. M. Chauvel ne peut davantage reprocher à son mandataire la transmission parfois quelques mois plus tard de fiches de nouveaux prospects, qui en toute hypothèse ne pouvait qu'accroître et faciliter le recrutement de nouveaux clients par M. Chauvel, alors qu'il est de la mission première de l'agent et non du mandant de procéder à la recherche de prospects conformément à l'article L. 134-2 du Code de commerce et en application de l'article 1 alinéa 2 et 2 a) de son contrat d'agent commercial et qu'aucune obligation de ce type n'est prévu pour le mandant.

M. Chauvel n'établit pas davantage que Geoxia ait demandé à ses agents de violer des dispositions d'ordre public de protection des consommateurs. Le tribunal a justement relevé que la note de Geoxia a adressé à ses agents est au contraire une note d'appel à la vigilance sur le respect des normes applicables.

M. Chauvel n'établit ainsi pas que la rupture du contrat ait été justifiée par des circonstances imputables à GEOXIA. Il n'est pas justifié de la déloyauté invoquée ni du fait que le mandataire aurait mis M. Chauvel dans l'incapacité d'exercer normalement son mandat qu'il dit avoir d'ailleurs poursuivi tout au long de l'année 2010.

En assignant la société Geoxia M. Chauvel a demandé au tribunal de prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial. Devant la cour d'appel il demande toujours à la juridiction de prononcer cette résiliation. Aucun manquement du mandant de nature à prononcer cette résiliation à ses torts n'est établie. Il y a lieu de débouter M. Chauvel de sa demande de résiliation.

La société Geoxia demande à la cour de confirmer la décision du tribunal en ce qu'elle a constaté que M. Chauvel se trouvait à l'origine de la rupture du contrat.

La société Geoxia justifie que M. Chauvel n'a engagé que 1 640,50 euros de frais de publicité en 2011 contre près de 6 000 euros les années précédentes. Il a refusé de participer à une campagne de publicité en juillet 2011. Il n'a vendu qu'une seule maison depuis juillet 2011, vente intervenue en mars 2012. Le contrat a donc cessé à l'initiative de l'agent commercial sans qu'il justifie de circonstances imputables au mandant et sans qu'il fasse état de circonstances dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie.

M. Chauvel étant à l'origine de la cessation du contrat ne peut réclamer le paiement d'une indemnité de rupture. Il doit être débouté de ses demandes formées à ce titre.

M. Chauvel n'établit pas une inexécution déloyale du contrat de la part du mandant. Il sera également débouté de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice financier formées à ce titre.

M. Chauvel n'établit aucun préjudice moral. Il sera débouté de sa demande formée à ce titre.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes financières présentées par M. Chauvel au titre de la rupture du contrat mais également en ce qui concerne sa demande au titre des sommes qu'il a exposées pour faire construire son pavillon témoin alors que le tribunal relève à juste titre que celui-ci fait toujours partie de son patrimoine. Il ne justifie d'aucun préjudice.

Concernant les demandes de remboursement faite par Geoxia au titre de la commission sur vente Simoens et sur les avances de commission des ventes Faucillon et Martial, la cour fait sienne les motifs justement retenus par le tribunal de commerce pour faire droit aux demandes de Geoxia, et au demeurant qui ne sont plus discutées par M. Chauvel. Le jugement sera confirmé également de ce chef.

M. Chauvel ayant cessé le contrat, la société Geoxia a droit à une indemnité de préavis d'un montant correspondant aux trois derniers mois de commissions.

Les courriels échangés entre les parties en août 2012 à la suite du jugement montrent bien qu'elles s'estimaient encore liées par le contrat et souhaitaient qu'il se poursuive tant qu'une décision de justice n'était pas devenue exécutoire. M. Chauvel n'indique pas quels actes il aurait effectués passé cette date dans le cadre de l'exécution du contrat. Il y a donc lieu de dater la cessation du contrat au mois de septembre 2012. Si une indemnité de préavis de trois mois est dûe au mandant, il y a lieu de la calculer sur la base de l'activité des mois qui ont précédé la rupture et non pas sur la base de l'activité réalisées plusieurs années auparavant. Au vu de l'absence de commission versée à M. Chauvel dans les mois qui ont précédé cette rupture, il y a de débouter la société Geoxia de ses demandes formées au titre de l'indemnité de préavis.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. Chauvel qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens et ne peut de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. L'équité commande en revanche de faire droit à la demande de Geoxia Ouest sur le fondement de ce texte. Il lui sera alloué de ce chef une somme de 5 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne M. Chauvel à verser à la société Geoxia Ouest la somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Chauvel aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Dominique Le Couls-Bouvet, Avocat au Barreau de Rennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.