Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 21 mai 2013, n° 11-03351

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BHS (SAS)

Défendeur :

Malmezat-Prat (SELARL) (ès qual.), Gan Eurocourtage (SA), Axa France Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme O'yl

Conseillers :

M. Bancal, Mme Rouger

Avocats :

Mes Caron, Stoddart, Comerro, Piot, SCP Boyreau, SCP Casteja Clermontel, Jaubert, SCP Puybaraud

T. com. Bordeaux, du 29 avr. 2011

29 avril 2011

-vu le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 29 avril 2011

- vu l'appel interjeté le 24 mai 2011 par la SAS BHS

- vu ses dernières conclusions déposées et signifiées le 24 février 2012

- vu les dernières conclusions déposées et signifiées le 4 janvier 2013 par la SA Axa France Iard

- vu les conclusions signifiées et déposées le 7 janvier 2013 par la SA Gan Eurocourtage

- vu les conclusions déposées et signifiées par la SELARL Malmezat Prat agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Darmon et de la SAS Darmon Etiquettes et Associes

- vu l'ordonnance de clôture en date du 8 janvier 2013

La SAS BHS qui fabrique des produits phyto sanitaires a adressé à la SAS Groupe Darmon et à la SAS Darmon Etiquettes avec lesquelles elle était déjà en relation d'affaires un appel d'offres concernant la fabrication d'étiquettes pour sa gamme de produits "jardin" et "professionnels" ; cet appel d'offres était accompagné de deux cahiers des charges, l'un pour la gamme jardin et l'autre pour la gamme professionnelle précisant les caractéristiques techniques demandées ;

L'offre en date du 8 novembre 2006 de la SAS Darmon Etiquettes, filiale de la SAS Groupe Darmon a été retenue par la SAS BHS après que celle-ci lui ait fait parvenir ses devis ;

La SAS Darmon Etiquettes était assurée en responsabilité civile professionnelle jusqu'au 31 décembre 2006 par la SA Gan Eurocourtage et à compter du 1er janvier 2007 par la SA Axa France Iard ;

Elle a réalisé les étiquettes commandées et établi des factures en date des 26 et 29 décembre 2006 et 12 mars 2007 d'un montant total de 85 178,83 euro qui ont été honorées ;

Au début de l'année 2007 il a été constaté des décollements d'étiquettes sur des bidons en plastique de débroussaillant et de désherbant ; il est aussi invoqué l'impossibilité de retirer le film plastique permettant d'accéder aux informations légales sans endommager ces informations ;

Les échanges qui ont eu lieu, les réunions qui ont été organisées n'ont pas permis de trouver une solution amiable, la SAS Darmon Etiquettes estimant avoir respecté le cahier des charges et imputant le décollement des étiquettes à la migration des produits au travers des contenants et partant, au mauvais choix de la composition de ces contenants dont certains se sont d'ailleurs déformés ;

La mise en demeure adressée le 14 avril 2008 par la SAS BHS est restée infructueuse ;

Par jugement du 29 avril 2009 le Tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre des SAS Darmon Etiquettes et Groupe Philippe Darmon ; la liquidation judiciaire de la SA Groupe Philippe Darmon a été ordonnée par jugement en date du 20 janvier 2010 et celle de la SAS Darmon Etiquettes par jugement du 17 février 2010, la SELARL Malmezat Prat étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ;

La SAS BHS qui a déclaré au passif de ces deux sociétés une créance de 406 090,02 euro les a fait assigner le 7 mai 2009 devant le Tribunal de commerce de Bordeaux sur le fondement des articles 1134, 1135, 1142 et 1604 du Code civil pour obtenir réparation de son préjudice ; la SELARL Malmezat Prat est intervenue volontairement aux débats et les deux compagnies d'assurances pouvant être amenées à garantir, les sociétés Axa France Iard et le GAN, la responsabilité civile de la société Darmon ont été appelées à la cause ;

En cours de procédure, le 9 novembre 2010 la SAS BHS faisait constater par huissier de justice le stock d'étiquettes inutilisées restant en sa possession ainsi que des décollements d'étiquettes sur certains contenants ;

Par le jugement critiqué le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- débouté la SAS BHS de l'ensemble de ses demandes

- débouté la SELARL Malmezat Prat es qualités de liquidateur des sociétés Groupe Philippe Darmon et Darmon Etiquettes de leurs demandes.

- condamné la SAS BHS à leur payer une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La SAS BHS a relevé appel de ce jugement et demande à la cour sur le fondement des articles 1134, 1135, 1142, et 1604 du Code civil de :

- infirmer le jugement déféré

- dire que les sociétés Groupe Philippe Darmon et Darmon Etiquettes ont engagé leur responsabilité

- fixer sa créance au passif de ces deux sociétés à hauteur de 406 090,02 euro HT

- condamner la SA Axa France Iard à lui payer cette somme en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2008

- ordonner la capitalisation des intérêts

- faire application de l'article 700 du Code de procédure civile

A titre subsidiaire,

- ordonner une expertise à l'effet de déterminer l'origine des désordres et le préjudice généré ;

La SELARL Malmezat Prat es qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire dès la SAS Groupe Philippe Darmon et de la SAS Darmon Etiquettes demande à la cour de :

A titre principal,

- mettre hors de cause la SAS Groupe Philippe Darmon société holding

- constater le manquement dès la SAS BHS à ses obligations de preuve

- juger que les conditions de mise en jeu de la responsabilité de la SAS Darmon Etiquettes sur le fondement de l'article 1604 du Code civil ne sont pas réunies

- confirmer en conséquence le jugement déféré

- pour le cas où la qualification d'action en garantie des vices cachés serait retenue, dire l'action prescrite

- faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

A titre subsidiaire,

- débouter la SAS BHS de sa demande d'expertise

- réduire ses demandes indemnitaires

- dire que celles-ci seront prises en charge par la SA Le Gan Eurocourtage et à titre par la SA Axa France Iard ;

La SA Axa France Iard qui forme appel incident demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que l'action engagée par la SAS BHS est une action en garantie des vices cachés

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré recevable cette action

- déclarer prescrite cette action

- confirmer le jugement en qu'il juge que la SAS BHS ne démontre pas la responsabilité de la SAS Darmon Etiquettes

A titre subsidiaire

- dire que la SAS BHS ne démontre pas l'existence de son préjudice et son imputabilité à la prestation accomplie par Darmon Etiquettes

- la débouter

- la débouter de sa demande d'expertise

A titre infiniment subsidiaire,

- constater qu'à la date de souscription du contrat d'origine la SAS Darmon Etiquettes avait connaissance du sinistre

en conséquence,

- la mettre hors de cause

- dire n'y avoir lieu à mobilisation de sa garantie

- dire qu'est exclu de la garantie le remboursement des factures Darmon , les frais de clichés , les frais de réimpression et de fabrication de boites et les frais internes sollicités par la société BHS

- dire qu'elle ne garantit pas les préjudices pécuniaires résultant d'une insuffisance de performance par rapport aux spécifications techniques définies au marché en l'absence de tests

En tout état de cause,

- juger que les préjudices évoqués par la société BHS n'entrent pas dans la garantie

- juger que les dommages immatériels non consécutifs en ce compris les préjudices d'image et les préjudices financiers sont plafonnés à 150 000 euro

- juger qu'il y a lieu d'appliquer une franchise contractuelle de 750 euro sur les dommages immatériels et de 1 500 euro sur les dommages immatériels non consécutifs

- condamner la SAS BHS à lui payer une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La SA Le Gan Eurocourtage demande à la cour de :

- la mettre hors de cause, aucune demande n'étant formulée à son encontre

A titre subsidiaire,

- dire et juger que sa garantie ne peut être mobilisée

- la mettre hors de cause

A titre plus subsidiaire,

- juger que la responsabilité de la SAS Darmon Etiquette ne peut être engagée

En conséquence,

- juger qu'elle ne doit pas sa garantie

A titre encore plus subsidiaire,

- juger que le préjudice invoqué n'est pas établie conséquence,

- juger qu'elle ne doit pas sa garantie

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SAS Darmon Etiquette et retenir sa garantie,

- juger que le plafond de garantie est limité à 500 000 euro avec une franchise de 3 000 euro

Sur la demande d'expertise,

- débouter la SAS BHS

- condamner la partie succombant à lui payer une somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LES FAITS

Au mois d'octobre 2006 la SAS BHS qui a pour objet le commerce en gros de produits chimiques et phytosanitaires a adressé à la SAS Darmon Etiquettes qui a pour objet la fabrication d'étiquettes et à la société Groupe Philippe Darmon, société holding, un appel d'offre concernant la fabrication d'étiquettes pour sa gamme "jardin" et "professionnel" et leur a transmis deux cahiers des charges définissant ses besoins ;

Le 30 octobre 2006 la société Darmon Etiquettes faisait parvenir sa proposition et le 8 novembre 2006 un devis actualisé qui était accepté par la SAS BHS ;

La société Darmon Etiquette après avoir réalisé et livré les étiquettes commandées a adressé les 26, 29 décembre 2006 et mars 2007 ses factures qui ont été réglées ;

Il est justifié par la douzaine d'attestations produites aux débats par la SAS BHS émanant de certains de ses clients que dès le mois de mars 2007 des étiquettes apposées sur des bidons en plastique 1 L et 400 ml contenant du produit débroussaillant et sur des bidons 800 ML et 400 ML contenant du désherbant pour le gazon se sont décollées ; en revanche il n'y est pas noté que le film plastique amovible recouvrant le feuillet informatif ne pouvait être retiré sans l'endommager ; la réalité de désordres affectant certaines des étiquettes livrées est donc établie ; il est à observer que plusieurs témoins se plaignent aussi du gonflement ou de la déformation des bidons ou des boitages ;

La SAS BHS informait à la mi-août 2007 sa cocontractante de ces difficultés touchant les étiquettes BROJ1 et BROJ400 et obtenait la fabrication de 5 000 nouvelles étiquettes en remplacement avec un adhésif renforcé ; la SAS Darmon Etiquettes proposait une rencontre et demandait la transmission de deux bidons de débroussaillant pleins et de deux bidons vides afin de trouver l'origine de ce défaut d'adhérence, elle-même et ses fournisseurs n'excluant pas une migration du produit vers l'extérieur ;

Au mois de septembre 2007 la SAS Darmon Etiquettes communiquait à la SAS BHS les observations de son fournisseur de matière, monsieur Nougier, qui, après analyse, expliquait que le phénomène de décollement des étiquettes était lié à une incompatibilité entre l'adhésif et des éléments chimiques du débroussaillant migrant à travers les parois du bidon ;

Le 18 février 2008 la SAS BHS proposait à la SAS Darmon Etiquettes une solution transactionnelle de réparation de son préjudice qu'elle évaluait alors à 67 620 euro ; mais par courrier en date du 27 février suivant monsieur Philippe Darmon contestait toute responsabilité et indiquait avoir livré des étiquettes conformes aux cahiers des charges ; il estimait en effet que "les décollements sont dus à la nature des produits chimiques venant par migration au travers du flacon dénaturer ou détruire l'adhésif de l'étiquette ; il y a donc incompatibilité entre la nature du flacon utilisé et les produits chimiques contenus dans ces mêmes flacons ; pour preuve le flacon plein de produit débroussaillant est complètement déformé , l'étiquette elle-même ne peut-elle même pas résister à cette réaction chimique ;

L'étiquette sur le flacon vide ne s'est absolument pas décollée ; la sélection des composants constituant votre packaging est à notre avis une erreur de conception" ; il soulignait que la migration des produits chimiques à l'extérieur des flacons constatée par toutes les parties dont la SAS BHS était de nature à mettre en danger les consommateurs ;

LE FONDEMENT JURIDIQUE

La SAS BHS fonde sa demande sur les dispositions des articles 1604, 1134 et 1147 du Code civil et fait valoir pour l'essentiel que les sociétés PHILIPPE DARMON et DARMON ETIQUETTE ont failli à leur obligation de délivrance d'étiquettes conformes aux exigences contractuelles telles que définies par les cahiers des charges ; elle considère qu'elles ont manqué à leurs obligations de conseil sur l'adaptation des étiquettes aux produits auxquels elles étaient destinées et leur fait grief de ne pas s'être renseignées sur la nature des produits et des emballages ;

La SELARL Malmezat Prat es qualité fait valoir que l'appelante ne rapporte pas la preuve objective de la réalité de son préjudice , de sa cause et de son étendue contrairement aux dispositions de l'article 9 du Code civil ; elle observe que rien dans le dossier ne démontre que les étiquettes n'étaient pas conformes à la commande et estime que l'existence d'un vice caché les affectant n'est pas rapportée ;

La SA Axa France Iard relevant que la SAS BHS reproche en fait à son assurée de lui avoir vendu des étiquettes impropres à l'usage auquel elles étaient destinées, considère que cette impropriété à destination relève de la garantie des vices cachés ; elle invoque la prescription , l'action ayant été engagée plus de deux ans après la connaissance du vice ;

La SA LE Gan Eurocourtage à l'encontre de laquelle aucune demande n'est formulée estime que la SAS BHS ne rapporte la preuve objective ni de l'existence de désordres ni de leurs causes ; elle estime que ces désordres qui proviennent de l'incompatibilité entre la nature des flacons utilisés et les produits chimiques qu'ils contenaient ne peuvent être imputés à son assurée ;

Il convient à titre liminaire de mettre hors de cause la SAS Groupe Philippe Darmon, société holding, représentée par son liquidateur la SELARL Malmezat Prat , qui n'est pas intervenue dans la vente conclue entre la SAS BHS et la SAS Darmon Etiquettes ;

La réalité du décollement des étiquettes sur certains contenants (débroussaillant et désherbant) n'est pas contestable même si elle l'est quant à son étendue ; le constat dressé le 9 novembre 2010 ne saurait être pris en considération ayant été établi passé le délai de 24 mois stipulé contractuellement ;

Le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend ;

Il est acquis que le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil tandis que le défaut de conformité de la chose vendue aux spécifications convenues entre les parties constitue une inexécution de l'obligation de délivrance telle que prévue à l'article 1604 du même Code ;

En l'espèce la SAS BHS a remis lors de son appel d'offre à la SAS Darmon Etiquettes deux cahiers des charges -gamme jardin et gamme professionnelle- spécifiant les caractéristiques que devaient présenter les étiquettes ; ces deux cahiers des charges constituent la base de leur accord ;

Il y est notamment mentionné que :

- sur le cahier des charges de la gamme professionnelle :

.les étiquettes sont destinées aux produits phytosanitaires et engrais ; elles devront être livrées chez nos sous-traitants conditionneurs qui effectuent le collage sur des jerricans, seaux et pots en PEHD et des sacs en PE ; un échantillon de chaque emballage peut vous être envoyé sur demande ;

- sur le cahier des charges de la gamme jardin :

.les étiquettes sont destinées aux produits phytosanitaires de notre gamme jardin

.elles devront être livrées chez nos sous-traitants conditionneurs qui effectuent le collage sur des bidons en PEHD, des flacons de verre, des sacs PE, des sacs en papier ou des boites carton ; un échantillon de chaque emballage peut vous être envoyé sur demande ;

Les deux cahiers précisent en outre, entre autres dispositions :

.qualité du support (...) adhésif permanent

.les étiquettes ne devront supporter aucune détérioration (décoloration, décollement, éraflures etc...) pendant un délai de 24 mois après livraison que ce soit :

- dans les entrepôts de notre prestataire logistique dont la température peut varier entre 0 et 30 °

- chez nos clients où des conditions de stockage sont diverses notamment sous serre où les étiquettes sont exposées directement à la lumière du soleil et de la lune

- dans les transports au cours desquels les étiquettes sont soumises au frottement entre les emballages ;

"Nous attirons donc votre attention sur la qualité du support, du vernis de l'adhésif et des encres utilisés ("solidité lumière maximum) et vous invitons à vous rendre compte par vous-mêmes des conditions de stockage dans les magasins de jardinerie des diverses enseignes" ;

.dans les deux jours suivants la fabrication cinquante échantillons de chaque modèle devront être envoyés à notre service marketing afin de vérifier la conformité des étiquettes (...) ;

La spécification non respectée invoquée par la SAS BHS est l'absence de décollement des étiquettes pendant un délai de 24 mois ; il est par ailleurs constant que les échantillons qui lui ont été adressés ont reçu l'aval de son service marketing ;

L'origine des décollements, leur étendue et leurs conséquences ne sont pas établies de façon objective par une expertise judiciaire voire une expertise diligentée contradictoirement et restent ignorées ;

La SAS Darmon Etiquettes conteste depuis l'origine la non-conformité des étiquettes qu'elle a fabriquées, estimant que les décollements constatés proviennent de l'incompatibilité entre les produits chimiques migrant à l'extérieur des bidons et l'adhésif , et met ainsi en cause les contenants utilisés par la SA BHS ; celle-ci ne conteste pas cette explication et en déduit d'ailleurs l'existence d'une reconnaissance de l'existence d'un lien de causalité entre la conception des étiquettes et les préjudices qu'elle invoque, reprochant à sa cocontractante de ne pas s'être renseignée sur les produits qu'elle vendait, contenants et contenus, et de ne pas l'avoir informée des risques de décollement des étiquettes ;

Or la migration au travers des contenants vers l'extérieur de produits chimiques, et toxiques, ne constitue pas une caractéristique normale ; la déformation de ces contenants attestée par cinq témoins est de nature à accréditer la thèse de monsieur DARMON selon laquelle ceux-ci n'étaient pas adaptés à leur contenu ; il n'est pas possible dans ces conditions de reprocher à la SAS Darmon Etiquettes de ne pas avoir conçu ses étiquettes de telle sorte qu'elles supportent une telle migration de produits chimiques potentiellement dangereux ; il ne peut non plus lui être fait grief de ne pas s'être renseignée sur la nature des contenants celle-ci étant clairement indiquée dans les cahiers des charges ; de ce fait le reproche qui lui est fait de ne pas s'être fait adresser un échantillon, par nature vide , de chacun des emballages est vain ; enfin il ne peut lui être reproché de ne pas avoir vérifié la fiabilité des contenants, obligation incombant à l'évidence à la seule SAS BHS ;

En conséquence faute d'autres éléments probants le seul fait que des étiquettes se décollent ne saurait à lui seul établir leur non-conformité et le non-respect par la SAS Darmon Etiquettes des spécifications contenues dans les cahiers des charges ; il n'est donc pas démontré que la SAS Darmon Etiquettes n'ait pas respecté les spécifications du cahier des charges ;

Le premier juge a au visa de l'article 12 du Code de procédure civile tenu compte des observations subsidiaires de la SA Axa France Iard considéré que les défauts dénoncés ressortaient des dispositions de l'article 1641 du Code civil , les étiquettes n'étant pas conformes à leur destination ; il a écarté la prescription au motif que les premières réclamations datant du mois de mars 2007 ne permettaient pas d'affirmer que la SAS BHS ait eu dès cet instant conscience que les dommages résultaient d'un défaut des étiquettes ; mais il a débouté la SAS BHS sur le fondement de l'article 9 du Code de procédure civile ;

S'il est exact que des étiquettes vendues par la SAS Darmon Etiquettes ne remplissent pas leur destination normale, à savoir qu'elles n'adhèrent pas à certains supports, il n'est pas établi que ce défaut leur soit inhérent celui-ci pouvant provenir de la nature anormalement poreuse de certains contenants et partant de l'incompatibilité avec les produits qu'ils contiennent et/ou de leur déformation ; en conséquence la garantie des vices cachés ne peut être invoquée; c'est donc à tort que le premier juge a retenu ce fondement ;

SUR LA DEMANDE D'EXPERTISE

A titre subsidiaire la SAS BHS à laquelle incombe la charge de la preuve sollicite pour la première fois en cause d'appel l'organisation d'une expertise à l'effet d'établir la réalité des dommages, leurs causes et les préjudices occasionnés et ce toujours sur le fondement du non-respect de l'obligation de délivrance par sa cocontractante ; elle fait valoir à cet effet qu'elle a conservé des lots d'étiquettes inutilisées ainsi que des bidons de produits phytosanitaires présentant des étiquettes décollées pouvant être soumis à un expert judiciaire ainsi qu'en atteste le procès-verbal qu'elle a fait dresser le 9 novembre 2010 ;

S'il est vrai que les attestations produites aux débats faisant état de décollements pourraient justifier l'organisation d'une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 146 al 1er du Code de procédure civile, il n'en demeure pas moins que cette demande est tardive et que l'expertise est devenue inutile ; en effet les étiquettes litigieuses ont été livrées à la fin de l'année 2006 et il était prévu contractuellement qu'elles ne devaient présenter aucune détérioration pendant une période de 24 mois à compter de leur livraison , à savoir jusqu'à la fin de l'année 2008 ; or d'une part elles ont été livrées il y a désormais plus de 6 ans, leurs conditions de stockage ainsi que celles des quelques bidons conservés par la SAS BHS sont au surplus ignorées ; d'autre part la SAS BHS disposait dès qu'elle a eu connaissance des désordres de tous les éléments lui permettant de solliciter une expertise qui aurait été alors efficace, ce qu'elle n'a pas fait ; enfin aux termes de l'article 146 al 2 du Code de procédure civile une mesure d'instruction ne saurait être ordonnée pour suppléer sa carence dans l'administration de la preuve ;

Cette demande sera donc rejetée ;

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société BHS de l'ensemble de ses demandes ;

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET LES DEPENS

L'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de chacune des intimées à hauteur de 2 000 euro ;

Les dépens seront supportés par la SAS BHS.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe, -confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SAS BHS de ses demandes, Y ajoutant, -met hors de cause la SAS Groupe Philippe Darmon, -rejette la demande d'expertise formulée à titre subsidiaire par la SAS BHS, -condamne la SAS BHS à payer à chacune des intimées, à savoir la SELARL Malmezat Prat en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SAS Darmon Etiquettes et de la SAS Groupe Philippe Darmon, à la SA Axa France Iard et à la SA Gan Eurocourtage une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, -la condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.