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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 20 mars 2013, n° 11-06104

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Tampo Chem (SARL)

Défendeur :

PM Industrie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallens

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Cahn, Crovisier

TGI. Saverne, du 8 nov. 2011

8 novembre 2011

Résumé

Le client acquéreur de la machine litigieuse qui exerce une activité dans le domaine des équipements mécaniques, n'est pas un professionnel de la sérigraphie. S'il lui appartenait de se renseigner sur les performances d'une telle machine qui échappait à son domaine de compétence, un devoir d'information pesait également sur le fournisseur. Or, le client avait remis des échantillons des articles à sérigraphier qui comportaient la réalisation d'impression d'une dimension maximale de 225 x 190 millimètres qui s'est avérée impossible à l'aide de la machine acquise. Le fournisseur connaissait donc l'usage attendu de la machine et devait attirer l'attention de sa cliente sur la nécessité de distinguer la surface d'impression de la machine, qui correspond à la surface sur laquelle est posé l'objet à imprimer, du format d'impression qui correspond à la taille du logo imprimé. Le client est donc fondé à dénoncer la réticence dolosive de son partenaire qui a violé son devoir d'information. Le caractère déterminant du dol est acquis puisque la vente n'aurait pas été conclue en l'absence de méprise sur les caractéristiques de la machine. La nullité de la vente doit donc être prononcée. Le client doit également être indemnisé au titre du coût des matériaux vainement acquis pour faire fonctionner l'appareil. En revanche, le client ne saurait obtenir indemnisation au titre du coût des travaux de sous-traitance puisqu'il les aurait également supportés s'il n'avait pas acquis la machine.

ARRET :

- Contradictoire

Selon contrat de crédit-bail en date du 13 février 2008, la société CM-CIC BAIL a donné en location à la société PM Industrie une machine à sérigraphie de type DSM-1510F fournie par M. Domagala d'une valeur de 6 548,10 euro TTC, pour une durée de 36 mois.

Un procès-verbal de livraison et de prise en charge a été signé le 22 février 2008 par la locataire.

Selon assignations délivrées le 24 novembre 2009, la société PM Industrie, qui indiquait exercer le droit d'action directe qui lui avait été conféré par le contrat de crédit-bail et qui se plaignait de ne pas pouvoir réaliser les impressions souhaitées en raison d'une pression insuffisante de la plaque d'aspiration, a attrait la société Tampo Chem, comme venant aux droits de M. Domagala, et la société CM-CIC BAIL devant le Tribunal de grande instance de Saverne en sollicitant la résolution de la vente de la machine de sérigraphie ainsi que le remboursement du prix de vente.

Par jugement du 8 novembre 2011, le Tribunal de grande instance de Saverne a :

- débouté la société PM Industrie de son action en nullité de la vente,

- déclaré la société PM Industrie recevable à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

- dit que la société Tampo Chem avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société PM Industrie en raison de manquements à son obligation de renseignement et à son devoir de conseil,

- condamné la société Tampo Chem à payer à la société PM Industrie la somme de 2 500 euro à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- mis hors de cause la société CM-CIC Bail,

- condamné la société Tampo Chem à payer à la société PM Industrie et à la société CM-CIC Bail une indemnité de 800 euro à chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Tampo Chem aux dépens.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- que la société PM Industrie n'avait pas été informée de ce que le format d'impression maximal correspondait à 60 % de la surface d'impression ;

- que si aucune manœuvre caractéristique du dol ne pouvait être reprochée au fournisseur, il devait lui être reproché de ne pas avoir rendu attentif l'acquéreur, profane dans ce domaine, à la distinction technique à opérer entre les notions de surface d'impression et de format d'impression ;

- que la société PM Industrie, qui n'avait pas été privée de l'usage de la machine, avait toutefois été confrontée à une gêne financière et matérielle ;

- que la société PM Industrie était devenue propriétaire de la machine après avoir réglé la totalité des loyers et exercé l'option d'achat ;

- que la mise en cause de l'organisme financier était devenue sans objet.

Par déclaration reçue le 16 décembre 2011, la société Tampo Chem a interjeté appel de cette décision en intimant la société PM Industrie. Celle-ci a formé un appel incident.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 29 novembre 2012, la société Tampo Chem demande à la cour de :

- recevoir son appel ;

- déclarer la demande subsidiaire de résolution judiciaire irrecevable et en tout cas mal fondée ;

- infirmer le jugement entrepris ;

- rejeter les prétentions de la société PM Industrie ;

- condamner la société PM Industrie aux dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :

- que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que son adversaire était profane ;

- que la société PM Industrie ne pouvait se méprendre sur la distinction à opérer entre les notions de surface d'impression et de format d'impression ;

- que l'intimée, qui n'a formé aucune réclamation durant la période de garantie qui expirait le 22 février 2009, a utilisé la machine à sa totale satisfaction ;

- que la demande de résolution est irrecevable car formée pour la première fois devant la cour d'appel.

Selon conclusions remises le 1er octobre 2012, la société PM Industrie rétorque :

- que la société Tampo Chem qui connaissait les exigences de l'appelante, n'a pas attiré son attention sur la distinction à opérer entre le format d'impression et la surface d'impression ;

- que l'appelante, qui fabrique des pièces et accessoires pour motos, n'est pas un professionnel de la sérigraphie ;

- qu'ayant retenu une information qui aurait conduit la société PM Industrie à ne pas contracter, la société Tampo Chem s'est rendue coupable d'une réticence dolosive qui justifie la nullité de la vente;

- que la violation par la venderesse de son obligation de renseignement et de son devoir de conseil doit conduire à la résolution judiciaire de la vente.

En conséquence, elle prie la cour :

sur appel principal,

- débouter la société Tampo Chem de son appel ;

- condamner la société Tampo Chem aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

sur appel principal,

- recevoir son appel incident ;

- infirmer le jugement entrepris ;

- prononcer la nullité de la vente ;

- à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire du contrat ;

- condamner la société Tampo Chem à lui restituer la somme de 6 548,10 euro représentant le prix de vente, outre intérêts au taux légal à compter du règlement à titre de dommages-intérêts ;

- donner acte à la concluante de ce qu'elle tient la machine à disposition de la société Tampo Chem dès remboursement du prix de vente à charge pour elle de faire prendre la machine par tel transporteur de son choix ;

- condamner la société Tampo Chem à payer à la société PM Industrie une somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

- subsidiairement, condamner la société Tampo Chem à lui payer une somme de 9 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

- condamner la société Tampo Chem aux dépens de l'appel principal et de l'appel incident.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2013.

SUR CE, LA COUR :

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé de leur argumentation,

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ;

Attendu qu'il est constant que la machine litigieuse, dont la surface d'impression maximale est 300 x 200 mm, ne permet pas de réaliser des sérigraphies sur support vinyle d'une dimension de 255 x 190 mm ; que l'expert commis par l'assureur protection juridique de la société PM Industrie impute cette déficience à une pression insuffisante pour maintenir le support vinyle à imprimer d'une dimension de 255 x 190 mm contre la plaque d'aspiration lors de l'impression de grande surface ;

Attendu que la société PM Industrie, qui exerce une activité dans le domaine des équipements mécaniques, n'est pas un professionnel de la sérigraphie ;

Attendu que s'il appartenait à la société PM Industrie de se renseigner sur les performances d'une telle machine qui échappait à son domaine de compétence, un devoir d'information pesait sur la société Tampo Chem ;

Attendu que la société PM Industrie soutient qu'elle avait 'remis à son contractant dès avant la passation de la commande des échantillons des articles à sérigraphier qui comportaient la réalisation d'impression d'une dimension maximale de 225 x 190 millimètres ; que cette démarche n'est pas démentie par l'appelante ; que celle-ci connaissait donc l'usage auquel la société PM Industrie destinait l'outil ; qu'elle devait attirer l'attention de sa cliente sur la nécessité de distinguer la surface d'impression de la machine, qui correspond à la surface sur laquelle est posé l'objet à imprimer, du format d'impression qui correspond à la taille du logo imprimé ; que la société Tampo Chem ne justifie pas avoir donné cette information ;

Attendu, contrairement à ce qu'affirme la société Tampo Chem, que sa cliente a formulé des doléances dans l'année de la livraison comme en atteste l'offre formulée dans un courrier du 24 octobre 2008 de reprendre la machine litigieuse 'au prix d'achat neuf'' en cas d'achat d'une machine plus puissance de type DSM-400F DMS-600F ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la société PM Industrie est fondée à dénoncer la réticence dolosive de sa partenaire qui a violé son devoir d'information ; que ce dol a eu un caractère déterminant puisque la vente n'aurait pas été conclue en l'absence de méprise de la société PM Industrie sur les caractéristiques de la machine ; que la demande en nullité de la vente sera favorablement accueillie ;

Attendu qu'outre la restitution du prix payé, la société PM Industrie peut prétendre à une indemnisation pour les 'écrans spécifiques' vainement acquis pour faire fonctionner l'appareil qui, au vu des factures produites, doit être fixée à 85 + 404,37 = 489,37 euro ; que par contre, elle n'est fondée à réclamer le remboursement des travaux de sous-traitance puisqu'elle les aurait également supportés si elle n'avait pas acquis la machine ;

Attendu que la société Tampo Chem supportera les dépens de première instance et d'appel et réglera une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR,Infirme le jugement entrepris ;Statuant à nouveau, Annule la vente de machine de sérigraphie de type DSM-1510 F pour dol ; Condamne la société Tampo Chem à payer à la société PM Industrie la somme de 6 548,10 euro en remboursement du prix de vente ainsi que celle de 489,37 euro à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour ; Condamne la société Tampo Chem à payer à la société PM Industrie une somme de 1 500 euro à titre de dommages-intérêts ; Enjoint à la société PM Industrie de procéder à la restitution de la machine dès remboursement du prix de vente, à charge pour la société Tampo Chem de la récupérer ; Condamne la société Tampo Chem aux dépens de première instance et d'appel.