CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 mars 2014, n° 13-04185
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sebban, Visiomed (SAS)
Défendeur :
Mister Gooddeal (SA), Benelux Lanaform (Sté), Materiel Medical Service (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes, Vignes, Boccon Gibod, Dumont, Demoly, Therond
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
Monsieur Eric Sebban se présente comme le créateur de la forme d'un thermomètre infra rouge ressemblant à un pistolet ou encore à un mini-sèche cheveu, dénommé Thermoflash et ayant vocation à prendre la température corporelle sans contact avec le corps, sur laquelle il revendique des droits d'auteur. Il indique par ailleurs avoir déposé et fait enregistrer ce modèle le 7 mai 2007 auprès de l'HOMI avant d'en céder les droits à la société Visomed Group SA qui importe en France à titre exclusif ces appareils depuis le mois d'août 2007. Ce dépôt de modèle a fait l'objet d'une annulation.
Il est par ailleurs titulaire de la marque française Thermoflash Thermomètre électronique sans contact enregistrée le 15 décembre 2005 sous le numéro 05 339 7823 désignant les appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires.
Ayant découvert que la société Mister Gooddeal créée en 2000 qui exploite le site www.mistergooddeale.com, la société Matériel Médical et la société Lanaform commercialisaient un thermomètre infra rouge médical dénommé Thermometer dont les caractéristiques essentielles seraient, selon eux, identiques à celles du Thermoflash, Monsieur Eric Sebban et la société Visiomed SAS, laquelle distribue en France le thermomètre électronique ont, après avoir fait constater par huissier de justice le 24 février 2010 que les sociétés Matériel Médical et Mister Gooddeal proposaient à la vente sur leur site internet le thermomètre infra rouge dénommé Thermometer, puis, après avoir fait procéder dans les locaux de ces mêmes sociétés le 15 avril 2010, des opérations de saisie contrefaçon autorisées par ordonnances présidentielles du 22 mars 2010, fait assigner selon acte d'huissier du 22 avril 2010 les sociétés Matériel Médical et Mister Gooddeal en contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles communautaires, en concurrence déloyale et parasitaire, et en réparation du préjudice en résultant.
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Lanaforme,
- dit que Monsieur Eric Sebban est recevable à agir,
- dit que le thermomètre à infra rouge dénommé Thermoflash créé par Monsieur Eric Sebban et commercialisé par la société Visomed SAS ne peut bénéficier de la protection au titre du livre I du Code de la propriété intellectuelle,
En conséquence,
- débouté Monsieur Eric Sebban et la société Visiomed SAS des demandes formées au titre de la contrefaçon,
- débouté Monsieur Eric Sebban et la société Visomed SAS des demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
- condamné in solidum Monsieur Eric Sebban et la société Visomed à payer aux sociétés Lanaforme et Mister Gooddeal la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En cause d'appel Monsieur Eric Sebban et la SAS Visiomed appelants, demandent dans leurs dernières écritures du 19 septembre 2013 essentiellement de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur Eric Sebban recevable à agir et a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Lanaform,
- l'infirmer pour le surplus,
- dire que Monsieur Eric Sebban bénéficie de la protection instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur sur le thermomètre Thermoflash,
- dire et juger que les sociétés Lanaform, Mister Gooddeal et matériel Médical Service ont commis des actes de contrefaçon de ses droits d'auteur,
- condamner la société Lanaform en sa qualité d'importateur et fournisseur du produit Thermometer à verser à Monsieur Eric Sebban la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Mister Gooddeal en sa qualité de distributeur du produit contrefaisant à verser à Monsieur Eric Sebban la somme de 467,60 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Matériel Médical à verser à Monsieur Eric Sebban la somme de 2 426 euros à titre de dommages et intérêts,
- dire et juger que les sociétés Lanaform, Mister Gooddeal et matériel Médical Service ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Visomed, en reproduisant le conditionnement du produit Thermoflash pour identifier le produit, en reproduisant partie des textes contenus dans la notice des produits Thermoflash et en effectuant une présentation erronée des propriétés du produit Thermometer de la société Lanaform sur leurs sites internet www.materielmedical.fr, www.mistergooddeal.com et www.lanaform.com,
- condamner la société Lanaform en sa qualité d'importateur et fournisseur du produit Thermometer à verser à la société Visiomed la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Mister Gooddeal en sa qualité de distributeur du produit contrefaisant à verser à la société visomed la somme de 467,60 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Matériel Médical à verser à la société Visiomed la somme de 2 426 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouter les sociétés intimées de l'ensemble de leurs demandes,
- ordonner des mesures d'interdiction, de retrait des produits contrefaisants, sous astreinte,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir,
- condamner les sociétés intimées à leur payer solidairement la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Lanaform, intimée, s'oppose aux prétentions des appelants, et pour l'essentiel, demande dans ses dernières écritures du 16 décembre 2013 de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a reconnu la qualité à agir de Monsieur Eric Sebban,
- en conséquence,
- déclarer Monsieur Eric Sebban irrecevable et mal fondé à agir sur le fondement de la contrefaçon de droits d'auteur,
- subsidiairement, dire et juger que Monsieur Sebban ne rapporte pas la preuve d'une date certaine de création et de la titularité des droits d'auteur qu'il oppose,
- dire que le modèle Thermoflash est dépourvu de toute originalité et n'est pas protégeable au titre de laprotection du droit d'auteur,
- constater qu'aucun acte de contrefaçon de droit d'auteur n'est caractérisé,
- déclarer la société Visiomed irrecevable et mal fondée en son action en concurrence déloyale et parasitaire,
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner les appelants à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Mister Gooddeal, intimée, fait valoir dans ses dernières écritures du 19 décembre 2013 :
- confirmer le jugement,
- à titre subsidiaire, débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner la société Lanaforme à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
- en tout état de cause, condamner les appelants à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la qualité d'auteur de Monsieur Eric Sebban :
Aux termes de l'article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle l'œuvre est réputée créée indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation même inachevée de la conception de l'auteur.
Selon l'article L. 113-1 du dit Code, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée.
Monsieur Eric Sebban revendique des droits d'auteur sur le thermomètre infra rouge dénommé Thermoflash.
Les sociétés intimées lui contestent cette qualité et indiquent que les pièces communiquées, en l'absence de dessin signé, ébauches, travaux préparatoires, échanges de courriers, n'établissent pas la qualité revendiquée.
Monsieur Eric Sebban a communiqué aux débats différents documents et pièces à l'effet d'établir sa création et la date de celle-ci.
Il verse l'attestation de Monsieur Guo dirigeant de la société Jinxinbao Electronic fabricant du produit dès l'origine qui indique que le thermomètre litigieux a été imaginé, conçu et développé selon les spécifications définies par Monsieur Sebban et ce à compter de 2002 jusqu'en 2005 (période SRAS), le schéma d'assemblage des pièces du produit daté du 4 juin 2003 revêtu de l'approbation définitive de Monsieur Eric Sebban avant usinage, une photographie du moule du prototype et deux des premières photographies des coques du produit prototype qui correspondent au produit fini, le certificat CE médical obtenu en 2007 suite au processus de contrôle, précédé du CE CEPRE le 5 septembre 2005 comportant le rapport d'essai du même produit déjà finalisé du 31 août 2005, le modèle de dessin déposé le 7 novembre 2006 aux Etats Unis, publié le 21 août 2007 mentionnant comme inventeur Monsieur Eric Sebban et portant sur un thermomètre infra rouge sans contact correspondant au produit Thermoflash.
Par ailleurs, Monsieur Eric Sebban a déposé le 7 mai 2007 le modèle communautaire n° 000719133-0002 publié le 6 juin 2007 qui désigne le produit thermomètre électronique et qui mentionne comme créateur Monsieur Eric Sebban, l'élément verbal mentionné étant Thermoflash.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments suffisamment probants et dont certains émanent d'organismes officiels, que c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'il est établi que Monsieur Eric Sebban est l'auteur du thermomètre Termoflash, dont aucun tiers n'a d'ailleurs revendiqué la paternité. En revanche il ressort de ces mêmes documents que ses caractéristiques techniques étaient finalisées le 5 septembre 2005 et non en 2003 et qu'il est en conséquence recevable à agir à ce titre.
Sur le caractère protégeable du thermomètre thermoflash :
L'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.
Le droit de l'article susmentionné est conféré selon l'article L. 112-1 du même Code, à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
L'article L. 112-2 du même Code prévoit que sont considérés notamment comme œuvre de l'esprit au sens du présent Code :...10 les œuvres des arts appliqués.
Il s'en déduit le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.
Monsieur Eric Sebban et la société Visiomed soutiennent qu'à sa date de création en juin 2003 ce modèle de thermomètre présentait un caractère original manifestant l'empreinte de la personnalité de son auteur.
Ils exposent à cet effet que Monsieur Eric Sebban, ingénieur de formation a eu l'idée d'adapter la technologie infra rouge utilisée dans l'industrie pour capter la température, en faisant emploi du capteur infra rouge breveté de la société allemande Heimann Sensor, et de l'adapter à un thermomètre destiné à prendre la température corporelle par un certain nombre de mécanismes relevant d'un travail d'ingénieur.
Ils ajoutent que c'est en combinant un minutieux travail d'ingénieur et un réel effort de création esthétique que Monsieur Sebban fait naître d'un assemblage d'éléments et d'idées originales, sa création Thermoflash directement issue de sa personnalité particulièrement avant gardiste.
Ils poursuivent en indiquant que le modèle de thermomètre électronique permettant de prendre la température corporelle à distance, sans contact, combinant un manche aux formes spécifiques et courbes, surmonté d'une tête aux proportions spécifiques, comportant un écran LCD présente les caractéristiques suivantes :
- ce manche présente en partie avant un arc de cercle s'évasant selon une ligne ronde vers la partie supérieure avant de l'appareil dans lequel est placé un dispositif à gâchette d'un ton de couleur plus foncé,
- une ligne inscrite dans le moulage s'évase progressivement vers le bas du manche,
- le haut du manche présente deux lignes courbes presque superposées, l'une à l'endroit de la liaison entre le manche de l'appareil et sa tête, l'autre juste en dessous,
- le manche comporte, en son dessous, un clapet s'ouvrant par le dessous,
- le côté arrière du manche présente une forme courbe dessinant une forme ressemblant à une vague,
- le manche comporte de chaque côté, en partie basses, un dessin en forme d'étoile,
- ce manche est surmonté d'une forme rectangulaire, présentant des contours arrondis et une base de forme courbe,
- en partie arrière de la tête s'inscrit un contour rectangle dans le renfoncement duquel est placé un écran LCD, élément particulièrement original en 2003,
- en partie avant est positionné une pièce de couleur plus soutenue épousant les formes de la tête,
- en face latérale appariât une découpe de forme globale rectangulaire, aux contours arrondis, laissant apparaître une étiquette d'une couleur différente de celle du produit, avec trois touches, situés sur la portion la plus foncé de l'étiquette et la marque Thermoflash, identifiant le nom du produit.
Ils précisent que la personnalité de Monsieur Eric Sebban s'exprime par les choix esthétiques suivants :
Des choix concernant le manche de l'appareil
- le choix de positionner, sur la partie avant du manche du Thermoflash, un arc de cercle qui s'évase progressivement selon une ligne totalement ronde, vers la partie supérieure avant de l'appareil, et dans lequel est placé un dispositif à gâchette de couleur gris moyen, destiné à mettre en marche l'appareil,
- le choix de faire mouler, dans l'empreinte du manche, une ligne descendant sur le bas du manche en s'évasant progressivement vers le milieu de celui-ci, destinée conférer un aspect esthétique à la forme du manche de l'appareil et un caractère propre,
- le choix de positionner esthétiquement deux lignes courbes sur le haut du manche, l'une à l'endroit de la liaison entre le manche de l'appareil et sa tête, l'autre juste en dessous, dans le souci d'adoucir visuellement et progressivement le lien entre le manche de l'appareil et sa tête,
- le choix de positionner le clapet permettant l'ouverture du compartiment à piles au-dessous du manche du modèle, et s'ouvrant par le dessous, d'une couleur plus foncée que le reste du modèle. Ce clapet aurait parfaitement pu être positionné en ouverture le long du manche de l'appareil. Le choix de l'ouverture du clapet par le dessous est une idée de Monsieur Eric SEBBAN afin de conférer un aspect particulier à son produit,
- le choix de dessiner, en partie arrière du manche, une forme courbe arrondie dans un sens puis dans l'autre sens, formant un aspect de vague, donnant ainsi une impression esthétique spécifique au modèle et lui conférer un aspect très personnel,
- Monsieur Sebban a également fait le choix d'insérer, de chaque côté du manche du produit, au bas de ce manche, un dessin particulier en forme d'étoile stylisée qu'il a imaginé aux fins de décoration. Les motifs en forme d'étoile stylisée ont uniquement une vocation décorative et il est à noter que ce dessin en forme d'étoile stylisée ne se retrouve sur aucun autre modèle de thermomètre, à l'exception du modèle Lanaform incriminé,
- le choix de faire surplomber le manche par une tête aux proportions spécifiques,
- le choix du créateur d'arrondir délibérément les contours de la tête de l'appareil, qui présente une forme générale rectangulaire, dans l'optique de conférer au modèle un aspect visuel de souplesse et de douceur,
- le choix souhaité par Eric Sebban d'insérer, en partie arrière de la tête de l'appareil, un contour rectangle, dans lequel s'inscrit, dans un renfoncement dissymétrique (d'une profondeur différente à ses extrémités haute et basse) et d'une couleur plus soutenue que l'ensemble du produit, un écran LCD, Ce choix imaginé par le créateur donne une impression visuelle et une esthétique très particulières à la création. Ce renfoncement très spécifique ne présente aucun caractère fonctionnel et relève uniquement de l'imagination de Monsieur Sebban, - le choix de la position de l'ouverture destinée à destinée à laisser passer le capteur infra rouge à l'extrémité avant de la tête de l'appareil. Cette ouverture, qui est insérée dans une pièce de couleur différente de la couleur général de l'appareil, se présente en forme de cercle mais n'est pas positionnée au centre de l'extrémité, ce qui ressort d'un choix calculé du créateur, pour conférer, là encore, un aspect visuel particulier à son modèle. En réalité, l'ouverture est très nettement décalée vers le bas de l'extrémité,
- le choix décidé par Eric Sebban, sur la face latérale droite de l'appareil, d'insérer une découpe de forme globale rectangulaire, aux contours arrondis, laissant apparaître une étiquette de couleur avec trois points bleus situés sur la portion grise de l'étiquette et la marque Thermoflash, destinée à identifier le nom du produitauprès du consommateur. Eric Sebban a souhaité que les touches de manipulation de l'appareil soient stylisées et rondes, aux formes douces et à peine perceptibles au contact, car ne présentant aucun caractère proéminent.
Ces touches de fonctionnement présentent un caractère esthétique ressortant du choix du créateur, de par leur emplacement, mais aussi de par leur forme et leur absence de proéminence. S'il était naturellement nécessaire que le produit comporte des touches de commande afin de permettre son utilisation, il n'était pas indispensable de positionner ces touches à l'emplacement auquel Monsieur Sebban a décidé de les positionner dans le cadre de sa création En outre, le positionnement des touches de contrôle sur le produit résulte d'un processus particulièrement créatif imaginé par Monsieur Sebban, pour précisément constituer l'une des originalités de son modèle. En effet, il aurait été beaucoup plus simple techniquement de positionner les touches à l'arrière du produit. C'est donc uniquement dans un souci esthétique que Monsieur Sebban a souhaité conférer un aspect original à son modèle et marqué de son empreinte, en imaginant, pour les touches de contrôle, un emplacement précis latéral totalement nouveau, une forme ronde et un aspect non proéminent spécifique.
Cependant, l'absence d'antériorités de toute pièce de modèle de thermomètre de ce type est inopérante en matière de droit d'auteur où seule l'originalité confère une protection à l'objet revendiqué. L'adaptation des thermomètres industriels ayant une forme de pistolet aux thermomètres à usage corporel relève du domaine technique et ne peut prétendre à la protection au titre du droit d'auteur que s'il présente des caractéristiques ornementales ou esthétiques originales, séparables de son caractère fonctionnel. D'ailleurs Monsieur Guo dans l'attestation précitée indique "Monsieur Sebban a adapté la technologie infra rouge industrielle à des fins médicales sans contact en observant les contraintes et les caractéristiques précisées par la directive 93/42/CE pour obtenir la température du corps à précision requise pour l'homologation CE..".
Or, l'examen du Thermoflash fait apparaître qu'il donne une impression visuelle d'ensemble quasi identique aux nombreux modèles sans contact employés antérieurement dans le domaine industriel comme ceux communiqués aux débats par les intimées et plus particulièrement les modèles de thermomètres industriels de la société AZ Instrument AZ 8877 et AZ 8889. L'utilisation d'éléments et de techniques connus ne traduit pas le parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.
En effet, le fait de positionner un clapet au-dessous du manche du modèle, l'ouverture pour l'emplacement des piles s'ouvrant par en dessous, les lignes adoucies de l'appareil, le positionnement des boutons de commande sur le côté, les trous d'aération, et leur combinaison ne revêtent pas de caractère original, n'étant pas exclusivement commandés par un souci ornemental. La présence d'un écran LCD, d'un viseur, d'une lentille infra rouge répondent aux contraintes du produit.
La combinaison de ces éléments banals ou ayant une fonction technique ne révèlent pas du seul fait du choix de leur positionnement le parti pris esthétique et la personnalité de Monsieur Sebban.
C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que le produit Thermoflash n'est pas éligible à la protection du droit d'auteur.
Sur la contrefaçon :
A défaut de justifier de droits d'auteur opposables aux sociétés intimées le tribunal a justement déclaré irrecevable la demande formée à ce titre par Monsieur Sebban.
Sur l'action en concurrence déloyale :
La société Visiomed soutient que les sociétés intimées ont commis des actes de concurrence déloyale à son égard en commercialisant le produit Thermometer dans un emballage reprenant les caractéristiques principales de l'emballage du produit Thermoflash en face avant et dans sa présentation intérieure qu'elle commercialise à titre exclusif, en copiant pour partie les textes conçus pour le produit Thermoflash et contenus dans la notice d'utilisation du produit et en annonçant une fiabilité de résultats inexacts, supérieure (+/-0,3°C) à la fiabilité réel (+/-0,1°C) du produit telle que ressortissant de la notice et en vendant à un prix moindre le même type de produit.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
Ainsi le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence.
Pour que la vente d'un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale il faut démontrer que cette reproduction est fautive.
Il convient de relever préalablement que l'examen comparatif des produits en concurrence ne donnent pas la même impression visuelle d'ensemble dès lors que s'ils ont la forme générale d'un pistolet comportant des éléments fonctionnels communs, ils présentent des différences significatives : le manche Lanaform n'est pas incurvé comme celui de la société Visiomed, les touches de fonctionnement ne sont pas insérées dans une découpe de forme globale rectangulaire aux contours arrondis, parties du produit comportent une couleur violette; l'écran LCD n'est pas inséré dans l'appareil de la même façon, les gâchettes sont de forme différente, la tête du modèle lanaform est plus compact, l'ouverture destinée à laisser passer le capteur infrarouge a une position plus centrale, les touches de fonctionnement sont plus nombreuses et proéminentes, ....et les marques respectives des produits sont très visibles qui sont exclusives de tout risque de confusion.
La forme et la présentation du produit reprochées aux sociétés intimées correspondent au conditionnement standard de ce type de produit qui est représenté en photographie sur le devant pour illustrer le contenu. La seule apposition de l'image d'une femme sans celle d'un enfant comme dans le produit Lanaform combinée à des couleurs de packaging différentes et des représentations graphiques telle qu'une bande horizontale composée de quatre rectangles de couleurs en bas de la boîte ne permettent pas d'indiquer que les sociétés intimées se soient placées dans le sillage de la société Visiomed et a tenté de s'approprier ses éléments de communication commerciale. Si les notices respectives des produits présentent des similarité, celles-ci correspondent aux spécificités du produit et aux consignes de sécurité que les vendeurs sont tenues de rappeler, alors que la société Visiomed, à qui la preuve incombe, n'établit pas l'originalité dans la présentation des textes et leur présentation qui aurait été reprise par les intimées, alors que les rubriques sont rédigées différemment et présentées dans un ordre différent.
Un prix inférieur ne constitue pas dans le cadre d'un marché de libre concurrence un fait fautif.
Il est par ailleurs reproché à la société Mister Gooddeal de présenter une performance erronée du produit constituant une publicité trompeuse. Cependant la mention portée sur son site indique en rubrique caractéristiques que le produit Lanaform permet une sélection automatique de précision et d'affichage de 0,1 C et non de précision de température.
Il en ressort que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées à ce titre par la société Visiomed.
Sur les autres demandes :
L'équité commande d'allouer à la société Lanaform d'une part et à la société Gooddeal d'autre part, chacune, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les appelants.
La présente procédure ne revêtant aucun caractère manifestement abusif mais ne constituant que l'exercice normal d'un droit il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la société Lanaform tendant à être indemnisée à ce titre.
Les dépens resteront à la charge in solidum des appelants qui succombent et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Rejette l'ensemble des demandes des appelants, Confirme le jugement en toutes ses disposions, Y ajoutant, Condamne in solidum la société Visiomed et Monsieur Eric Sebban à payer à la société Lanaform, d'une part, et à la société Mister Gooddeal, d'autre part, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes reconventionnelles, Condamne in solidum la société Visiomed et Monsieur Eric Sebban aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.