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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 4 mars 2014, n° 13-10712

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Le Tanneur & Cie (SA)

Défendeur :

AT Bag (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Girerd

Conseillers :

Mmes Bodard-Hermant, Bouvier

Avocats :

Mes Moitié, Poissonnier Fabregue, Selarl Dauriac Cibot Coudamy

T. com. Paris, prés., du 14 mai 2013

14 mai 2013

Le 19 mai 2009, la SA Le Tanneur & Cie a signé avec la SARL AT Bag un contrat intitulé "franchise en commission-affiliation" d'une durée de 5 ans, pour l'exploitation par cette dernière d'un fonds de commerce de vente d'articles de maroquinerie, sacs, bagagerie et accessoires divers, sous l'enseigne Le Tanneur, au 24 rue du Consulat à Limoges (87000).

Affirmant que des factures échues ne lui avaient pas été réglées, Le Tanneur a mis en demeure le 14 janvier 2013 AT Bag de lui payer la somme de 124 646,66 € ses factures sous peine de résiliation de plein droit du contrat de commission-affiliation à l'issue d'un préavis de 15 jours.

Cette mise en demeure étant restée sans réponse, Le Tanneur a résilié le contrat le 31 janvier 2013 et repris le stock au magasin d'AT Bag le 5 février 2013.

Affirmant que sa créance avait été ramenée à 103 278,31 € à la suite d'un paiement d'AT Bag intervenu le 31 janvier 2013, Le Tanneur l'a assigné le 13 mars 2013 devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris, sur le fondement des articles 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, 1134 du Code civil et L. 441-3 et L. 441-6 du Code de commerce, aux fins de paiement des impayés, arrêtés au 28 février 2013, avec intérêts de retard égaux à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité de chaque facture ainsi que d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 14 mai 2013, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré compétent, a dit n'y avoir lieu à référé, débouté Le Tanneur de ses demandes, et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Le Tanneur a formé appel de cette ordonnance.

L'appelante, par ses dernières conclusions transmises le 27 décembre 2013, demande à la cour de se déclarer compétente, d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de débouter la société AT Bag de ses prétendues contestations, à tout le moins, de la renvoyer à se pourvoir au fond de ce chef, de la condamner à titre provisionnel à lui payer à la somme de 103 278,31 € TTC en principal au titre des factures impayées, et au paiement d'intérêts de retard au taux légal qui seront décomptés à partir du vingt-deuxième jour suivant la date des factures impayées.

En outre, elle demande à la cour, y ajoutant, de constater les manquements de la société AT Bag à son obligation de ne plus faire usage de la marque Le Tanneur depuis la résiliation dudit contrat, qu'elle n'a pas supprimé depuis lors toutes les références à la marque Le Tanneur & Cie dans sa boutique, les constats d'huissiers matérialisant cette infraction, de la condamner en conséquence à lui payer une provision de 10 000 € au titre de la violation de cette obligation contractuelle, de lui ordonner, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, passé un délai de 3 jours, à compter de la signification de la décision à intervenir, de faire disparaître à ses frais toute signalétique "Le Tanneur", la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

Sur l'exception de compétence, l'appelante fait valoir que le juge de première instance a justement retenu sa compétence en application de la clause attributive de compétence de l'article 9.3 du contrat de commission-affiliation, clause opposable à AT Bag qui l'a acceptée de façon certaine et non équivoque, peu important que la demande de paiement de factures résulterait de la mise en œuvre de la résiliation du contrat.

Au principal, elle soutient que sa créance est certaine, qu'elle en justifie, la contestation par AT Bag de la qualification du contrat de commission-affiliation résilié étant non fondée et relevant en tout état de cause de la compétence du juge du fond.

La société AT Bag, intimée, par ses dernières conclusions transmises le 15 janvier 2014, demande à la cour de constater que la clause attributive de compétence territoriale, d'interprétation stricte, stipulée à l'article 9.3 du contrat du 19 mai 2009 vise uniquement les contestations relatives à la validité, à l'interprétation et/ou l'exécution de ladite convention et demande à la cour de statuer ce que de droit sur la compétence du juge des référés.

A titre principal, elle demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé, de débouter la société Le Tanneur de toute demande en paiement en raison des contestations sérieuses qui affectent la créance alléguée, de dire et juger que la mention et les signalétiques Le Tanneur ne figurent plus sur le mobilier dans le local commercial litigieux, de débouter la société Le Tanneur de ses demandes de provision sur astreinte et d'injonction de faire sous astreinte.

A titre subsidiaire, si par impossible la cour d'appel prononçait une condamnation à encontre, elle demande de limiter l'astreinte éventuellement prononcée au jour du 12 décembre 2013 et à la somme de 500 €, de dire et juger que la société AT Bag bénéficiera de délais de paiement dans les conditions des articles 1244-1 et 1244-2 du Code civil et pourra échelonner sur 24 mois le règlement des sommes accordées à la société Le Tanneur, avec imputation prioritaire de ses paiements sur les sommes dues en capital et que les intérêts de retard ne sont dus qu'à compter de l'assignation introductive d'instance du 13 mars 2013 ou à défaut, de la mise en demeure de payer du 14 janvier 2013.

En tout état de cause, elle demande à la cour de débouter l'appelante de toutes demandes, fins et conclusions contraires, de la condamner à lui payer une somme de 3 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de laisser les entiers dépens à sa charge.

Au principal, la société AT Bag conteste la qualification juridique de contrat de commission-affiliation, affirmant qu'elle ne détenait les marchandises de Le Tanneur qu'en vertu d'un contrat de dépôt et n'effectuait pas d'achat de marchandises en vue de leur revente, qu'elle se trouvait dans une situation de dépendance économique qui justifie la requalification des relations contractuelles en contrat de gérance salariée ou d'agent commercial ; que cette requalification a pour effet de rendre AT Bag créancière de la société Le Tanneur au titre d'indemnités pour rupture abusive et sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail en vigueur entre les parties du 8 octobre 2007 au 31 janvier 2013 ou de rupture d'agence commerciale. Elle fait valoir que ces questions excèdent les limites des pouvoirs de la juridiction des référés et relèvent du juge du fond.

SUR CE LA COUR

Sur l'exception d'incompétence :

Considérant que le contrat signé le 19 mai 2009 entre la société Le Tanneur et la société AT Bag intitulé "franchise en commission-affiliation" comporte en son article 9.3 une clause attributive de compétence qui prévoit que "toute contestation relative à la validité, l'interprétation et/ou l'exécution des présentes sera de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris, nonobstant la pluralité de défendeurs" ;

Qu'en raison du caractère autonome d'une clause attributive de compétence par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, dont il n'est pas contesté en l'espèce qu'elle a été approuvée et signée par les parties contractantes, la résiliation du contrat litigieux est sans incidence sur l'application de ladite clause de for au litige portant sur une difficulté née de l'exécution dudit contrat ;

Considérant que dès lors, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu la compétence du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris et de rejeter l'exception de compétence invoquée par l'intimée ;

Au principal :

Considérant qu'aux termes de l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile, le président du Tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ; que la hauteur de la provision susceptible d'être ainsi allouée n'a d'autre limite que celui du montant de la dette alléguée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 110-3 du Code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens ;

Considérant qu'en l'espèce, le contrat "de franchise en commission-affiliation" conclu entre les parties prévoit l'affiliation de la société AT Bag, propriétaire de son fonds de commerce, à un réseau à l'enseigne Le Tanneur, la mise à disposition par la société Le Tanneur de ses produits, la prise en charge financière du stock et son renouvellement et l'octroi du droit d'usage à titre d'enseigne de la marque en contrepartie du reversement d'une partie des recettes encaissées par AT Bag sur les produits vendus et de la prise en charge des remises effectuées et de certains frais ou factures tels que la participation à la publicité nationale, la maintenance logiciel, la redevance d'enseigne ;

Que l'article 4.2.9.1 dudit contrat prévoit une rémunération de base du commissionnaire-affilié sous la forme d'une commission de base fixée à 43 % du chiffre d'affaires brut hors taxes et d'une commission complémentaire de 4 % sur les dates de virement hebdomadaire sont respectées ; que par avenant du 19 mai 2009, le droit d'entrée et la redevance d'enseigne ont été supprimés et le montant de la commission porté à 51 % ;

Considérant que la cour relève que dans le "compromis de vente sous conditions suspensives" signé le 8 novembre 2012 entre les parties, AT Bag reconnaissait la créance de vente de marchandises de Le Tanneur d'un montant total de 108 944,08 € TTC actualisée au 31 octobre 2012 ;

Que cette créance n'a pas été contestée en son principe et son quantum par la société AT Bag, à la suite de la lettre recommandée avec avis de réception que lui a adressée le 11 janvier 2013 Le Tanneur, constatant la caducité du compromis de vente, deux des conditions suspensives fixées n'ayant pas été réalisées ; qu'il en est de même de la mise en demeure de payer ladite somme adressée par Le Tanneur le 14 janvier 2013 ;

Considérant qu'à la date à laquelle la cour statue, Le Tanneur justifie, avec l'évidence requise en référé, par un récapitulatif détaillé des sommes dues (pièce n 7) et la copie de factures réclamées au titre du reversement des recettes d'un montant de 95 873,18€ (pièce n° 8) et des dépenses "Packaging" pour un montant de 7 405,13 € (pièce n° 9), de sa créance à l'encontre de la société AT Bag pour une somme globale de 103 278,31 €, sur la période d'avril 2011 à février 2013, peu important au demeurant la contestation pour le moins tardive par la société AT Bag de la qualification juridique du contrat litigieux, qui relève du juge du fond ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de paiement de somme provisionnelle et, statuant à nouveau, de condamner à titre provisionnel AT Bag à payer à Le Tanneur la somme de 103, 278, 31 € TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2013 ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de délais de paiement présentée par l'intimée qui a déjà bénéficié, de fait, des plus larges délais pour s'acquitter de sa dette contractuelle ;

Considérant qu'il convient de débouter l'appelante de sa demande d'indemnisation du préjudice allégué du fait de l'usage persistant de la marque Le Tanneur, la preuve d'un tel manquement aux obligations contractuelles, à la date à laquelle la cour statue, n'étant pas rapportée avec l'évidence requise en référé ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de "constat" des parties, une constatation n'emportant pas de conséquences juridiques ;

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de la société Le Tanneur présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la société AT Bag est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision ;

Considérant que, succombant, la société AT Bag ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens ;

Par ces motifs Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la SA Le Tanneur & Cie et confirme l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré compétent le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris, Infime l'ordonnance en ses autres dispositions, Et y ajoutant, Condamne la SARL AT Bag à payer à la SA Le Tanneur & Cie au titre des factures impayées la somme provisionnelle de 103 278,31 € TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2013, Condamne la SARL AT Bag à payer à la SA Le Tanneur & Cie la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Rejette la demande présentée par la SARL AT Bag sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL AT Bag aux entiers dépens.